On ne peut pas traiter ce Traité à la légère

Des Européens convaincus se sont regroupés avec des universitaires de l’ULB, de la VUB et de la RUG Gent pour écrire cette Lettre ouverte aux membres du Parlement fédéral et des Parlements régionaux et communautaires à propos du Projet de loi portant assentiment au Traité de Lisbonne…

Objet : Projet de loi portant assentiment au Traité de Lisbonne modifiant le Traité sur l’Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne, et à l’Acte final, faits à Lisbonne le 13 décembre 2007

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Vous allez devoir vous prononcer sur le nouveau projet de Traité de l’Union Européenne.

Ce Traité aura valeur de Constitution Européenne. Il s’agit par conséquent d’un nouveau pas d’envergure dans la construction européenne. Ce Traité jouera un rôle décisif non seulement dans le fonctionnement de notre pays mais également dans la vie quotidienne des citoyens et des familles. Il sera déterminant pour les conditions de vie et de travail de chacun. Une nouvelle fois des compétences vont être transférées du niveau national au niveau européen.

Par la présente lettre ouverte nous voulons attirer l’attention sur le fait que l’on ne peut traiter l’évènement à la légère. Une Constitution n’est pas un document de plus que l’on peut facilement jeter à la poubelle. Par ailleurs, dans notre démocratie, le citoyen pouvait s’attendre à ce que le gouvernement ait assuré une large diffusion de ce texte fondamental et que les autorités politiques aient organisé des débats politiques à grande échelle. Or, non seulement il n’a jamais été question d’une consultation populaire mais, de plus, le débat politique est en dessous de tout. Le débat parlementaire lui même risque d’être au niveau zéro à en croire la discussion hâtive et sans esprit critique qui a eu lieu au Sénat, la chambre de réflexion de notre pouvoir législatif.

En tant que partisans d’une Europe démocratique, sociale et solidaire, nous avons des réticences gravissimes par rapport au texte qui vous est soumis. Ce projet est une occasion ratée si tant est que l’objectif viserait à organiser une Europe soutenue massivement par ses citoyens.

Nous tenons à vous présenter quelques considérations qui, dans le contexte d’une lettre ouverte, devront nécessairement être générales.

Nous restons sur notre faim par rapport au fonctionnement démocratique des institutions européennes. Cinquante ans après la constitution de la CEE et dans le cadre de l’actuelle Union Européenne, le rôle démocratique du Parlement européen reste en-dessous de tout. Le pouvoir réel continue à être assumé par la Commission et le Conseil, qui ne reçoivent que des résolutions et positions insuffisamment contraignantes d’un Parlement qui n’assume essentiellement qu’une tâche de contrôle très relatif et non pas une tâche de décideur politique.

De même, nous n’acceptons pas le principe qui est à la base de la politique sociale menée par l’Union Européenne actuelle et qui est confirmé par le projet de Traité sur lequel vous devrez vous prononcer. La protection sociale est entièrement soumise à la conformité au Traité et aux lois économiques du profit. La responsabilité sociale des entreprises est reléguée à l’arrière –plan et la flexibilité des travailleurs est hissée au premier plan des préoccupations.

Au nom du marché libre et des règles de la concurrence, le travail est entièrement soumis aux intérêts du capital. La question de la démocratie économique est à peine effleurée.

Enfin, encore une réflexion concernant la position de soumission internationale caractéristique de l’Europe actuelle. Le projet de Traité ne défend pas une Europe autonome et adulte qui, sur la scène internationale, serait à même de mener sa propre politique. Le projet confirme la dépendance à l’Otan dont on sait qu’elle n’a pas vocation à développer des relations mondiales de coopération solidaires et respectueuses de l’indépendance de toutes les nations. L’Union Européenne doit développer des relations internationales basées sur le respect mutuel des nations et des cultures, une collaboration solidaire et la réalisation de progrès sociaux décisifs avec la volonté de la protection de l’environnement. Les organisations internationales telles que les Nations Unies et l’Organisation Internationale du travail ont cette vocation. L’Union Européenne doit s’inscrire dans cette perspective plutôt que dans une voie impéraliste.

Vous comprendrez, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, qu’un pareil projet constitutionnel européen, qui, de plus, ne réserve qu’un rôle subordonné aux Droits de l’Homme, ne peut recevoir notre consentement, alors que notre soutien à une Europe démocratique, sociale et progressiste, protection de l’environnement incluse, est hors de doute.

Nous attendons de votre part un débat parlementaire sérieux et fondé, qui ne craigne pas l’esprit critique et qui mette en évidence la nécessité d’une autre Europe, d’une Europe qui veillerait au large soutien de sa population.

Veuillez agréer, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, l’expression de nos sentiments très distinguées:

Georges DEBUNNE, Ancien Président FGTB/ ABVV et CES

Pierre GALAND, Président Forum Nord-Sud

Ernest GLINNE, Ancien Ministre et député européen honoraire

François HOUTARD, Prêtre, sociologue et co-fondateur du Forum Social Mondial

Lode Van OUTRIVE, Député européen honoraire

Jef SLEECKX, Député fédéral honoraire

Maxime STROOBANT, Professeur émérite du droit du travail VUB

Et

Mateo ALALUF, Sociologue ULB,

Anne DUFRESNE, Chercheuse GRAID ULB,

Henri EISENDRATH, Prof VUB,

Corinne GOBIN Maître de recherche FNRS,

Sophie HEINE Chercheuse ULB,

Paul LOOTENS, Secrétaire fédéral Centrale Générale FGTB,

Jaak PERQUY, filosoof,

Michel VANHOORNE, prof en Ugent,

Hendrik VERMEERSCH, 15 december Beweging/ Mouvement,

Jacques VILROKX, Prof VUB

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