Les néo-libéraux pro-américains renversés à Madagascar

Comme en Mauritanie, l’armée à Madagascar s’est posée en arbitre des conflits au sein de la classe politique. Après deux mois de mobilisation populaire contre le président Marc Ravalomanana, l’armée malgache a appuyé l’arrivée au pouvoir du maire d’Antananarivo Andry Rajoelina. L’Union européenne, les Etats-Unis et la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC), ont condamné ce coup d’Etat.

Le quotidien Ouest-France du 20 mars 2009 cite Denis Alexandre et Yvan Combeaux, du Centre de recherches sur les sociétés de l’océan Indien selon lesquels la France (ainsi que l’ex-président pro-soviétique devenu pro-français Didier Ratsiraka) serait derrière ce coup d’Etat contre Ravalomanana qui nourrissait de la francophobie et une sympathie pour ce qui est américain (Ravalomanana, patron du plus puissant groupe agro-alimentaire du pays, Tiko, était soutenu par les évangélistes étatsuniens). Andry Rajoelina quant à lui s’était réfugié à l’ambassade de France le10 mars dernier après avoir été déchu par le gouvernement. L’extrême gauche maoïste française comme le site Futur Rouge dénonce le retour de “l’impérialisme français”.

La nouvelle intervient alors que la France prise dans la crise économiqie remobilise la zone franc. Il y a un mois, le 23 février à­ l’in­itia­tive d­e Chr­is­tin­e La­g­a­r­d­e, m­in­is­tr­e fr­a­n­ça­is­ d­e l’Econ­om­ie, d­e l’in­d­us­tr­ie et d­e l’em­ploi, les­ autorités­ fin­a­n­cièr­es­ et écon­om­iques­ d­e la­ Z­on­e fr­a­n­c s­e s­on­t r­etr­ouvées­ à Pa­r­is­.

Sur divers sites de gauche Bernard Grangeon pour sa part dresse le bilan de la présidence de Marc Ravalomanana et de l’état du paysage politique malgache en ces termes :

“L’union des Merina pour le changement social, mettre fin à la corruption, construire des infrastructures, projeter le pays dans le développement économique, fut rapidement trompée et niée par la réalité de la “bonne gouvernance” : libéralisme sauvage, montée des liens avec le capitalisme américain, les chrétiens démocrates allemands, les dirigeants de la Chine populaire et de la Corée du Sud (en janvier, le PC chinois a passé un accord avec Ravolomana pour l’imprimerie des cartes d’adhérents de son parti présidentiel ! ), adhésion et prosélytisme publics du président en faveur d’une église évangéligique américaine, le tout au détriment à la fois des positions traditionnelles de la majorité de la bourgeoisie Mérina et des anciens liens néocoloniaux avec la France. Finalement ce président PDG, menaçant les libertés individuelles, dévaluant la monnaie, promouvant sa propre entreprise, a poussé la population à l’exaspération complète. La vente massive de la terre des ancêtres au trust Daewoo a symbolisé cette politique et cristallisé les mécontentements.

C’est ce qui a conduit aux dernières municipales à la victoire contre toute attente du jeune Andry Rajoelina contre le candidat présidentiel. Cette nouvelle donne en cache une autre, beaucoup plus profonde et de nature nouvelle : la division de la bourgeoisie Mérina, la couche dominante traditionnelle de Madagascar.

Aujourd’hui les partis politiques malgaches, tant ceux de la bourgeoisie qui n’a jamais vraiment eu d’expression politique directe, que ceux issus de l’histoire de la gauche, sont en lambeaux, seule la petite AKFM est restée fidèle à ses valeurs, mais est peu connue de la jeunesse. Le grand mouvement actuel vit des traditions de lutte du peuple malgache, mais n’a pas de parti, pas d’organisation, pas de représentation politique. C’est très largement une vague spontanée, dirigée contre ceux qui sont perçus comme les voleurs au pouvoir.”

Il semble donc que l’armée ait suppléé à la fois la vacance du pouvoir (selon Grangeon, les ministères sont vides depuis plusieurs semaines) et l’incapacité du peuple à donner une traduction concrète à son aspiration, qui est, comme au moment de la révolution malgache de 1973 : “pour une indépendance nationale totale et réelle”.

 

 

Source: altlas alternatif, le 20 mars 2009

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