Les liens entre le PNAC et le complexe militaro-industriel US

Rapport présenté au Brussels Tribunal

Si l’impérialisme européen est actuellement occupé à concurrencer, à travers EADS, ses homologues nord-américains, il n’en demeure pas moins que fondamentalement et même, dans une certaine mesure, financièrement, l’OTAN reste d’abord l’appareil militaire des Etats-Unis. Ainsi, à l’occasion du sommet du 50ème anniversaire de l’organisation à Washington, une dizaine de sociétés, toutes américaines, avaient alors versé, chacune, quelque 250 000 dollars pour l’organisation de l’événement(1). Parmi la liste de ces multinationales appartenant, de près ou de loin, à l’industrie de la défense, on pouvait retrouver les noms d’Ameritech, Boeing, Ford, General Motors, Honeywell, Lucent, Motorola, Nextel, SBC Communications ou encore United Technologies. Le Washington Post(2) indiquera les raisons qui ont poussé ces industriels de l’armement, de l’électronique de défense et des télecoms à participer à ce « mécénat ». Ainsi, si bon nombre de ces sociétés fabriquaient des produits prisés en Europe centrale et orientale, d’autres multinationales, quant à elles, étaient particulièrement concernées par l’acquisition de réseaux téléphoniques à l’Est. Par ailleurs, il faut savoir que certaines de ces compagnies US agissent, de longue date, en coulisses pour forcer, si besoin en est, le Congrès des Etats-Unis à soutenir l’intégration de pays tels que la Pologne ou la Hongrie dans l’OTAN. Ces nouveaux partenaires politiques devenant de potentiels clients pour les industriels et les financiers nord-américains. Ce qu’est venu confimer à sa façon ce propos d’un éditorialiste du New York Times selon lequel, lâchant le morceau, « McDonalds ne peut être prospère sans McDonnel Douglas, le constructeur de l’avion F-15 ».(3)

Crise et sortie de crise : la militarisation croissante de l’économie

Les Américains n’ont donc pas attendu le déploiement militaire de l’Union européenne pour remplir les carnets de commande des industriels de la défense. Ainsi, à peine venaient-ils, par l’intermédiaire d’un intellectuel orthodoxe, de décréter à grands fracas la « fin de l’histoire » et son corollaire, l’avènement d’une ère de paix, qu’ils annonçaient la mise sur pied d’un programme, Revolution in Military Affairs, dont l’objectif était alors de soutenir le développement du complexe militaro-industriel utile à la maintenance et à la protection du nouvel ordre financier mondial.

Entre 1993 et 1998, une petite quarantaine de fusions-acquisitions marqueront l’évolution de l’industrie aéronautique nord-américaine alors en pleine restructuration jusqu’à ce que la firme Lockheed Martin officialise l’abandon du projet de rachat de Northrop Grumman. Au sortir de cette vague de concentrations, quatre multinationales dominaient alors le marché : Lockheed Martin, Boeing McDonnell, Raytheon Hughes et Northrop Grumman. Les trois premiers bénéficieront, pour la seule année 1999, « de plus de la moitié des cinquante milliards de dollars de commandes d’armes et des trente-cinq milliards de crédits de Recherche et Développement inscrits au budget militaire »(4). En prélude à la guerre menée par l’OTAN contre la Serbie, l’administration démocrate de Bill Clinton annonça une augmentation de 110 milliards de dollars entre 1999 et 2003 pour les seuls budgets d’équipements. Hier encore, profitant de l’occasion qui lui a été donnée par les événements du 11 septembre, le conflit en Afghanistan et la guerre « sainte » contre le terrorisme, le gouvernement de Georges Bush Jr. a annoncé une augmentation substantielle du budget militaire soit 339 milliards de dollars pour 2002, 379 pour 2003 et un objectif de quelque 451 milliards en 2007. Parallèlement à ce refinancement, le secrétariat à la défense a également offert à Lockheed Martin un contrat de 200 milliards de dollars pour la production du Joint Strike Fighter qui remplacera dorénavant le F16. Boeing, quant à lui, devra se contenter de son programme d’avions sans pilote et Pratt & Whitney des 4 milliards de dollars reçus pour assurer le développement du moteur JSF 119(5).

A ce contexte, présidant au redéploiement des industries de la défense, est venue se greffer une nouvelle crise économique conjoncturelle du système capitaliste. Il y eut d’abord, on s’en souvient, l’effondrement des prétendus « modèles » que constituaient alors les tigres asiatiques. On assista, ensuite, à la débâcle boursière des valeurs dites « technologiques » et, enfin, plus récemment, à la crise économique du secteur aéronautique, lequel profita de l’occasion pour se « restructurer » en profondeur. A l’occasion de chacune de ces crises, nombre d’observateurs redoutèrent l’émergence d’une récession d’une ampleur telle qu’elle aurait emporté avec elle Wall Street et les autres places boursières. On s’en souvient, certains n’hésitaient pas alors à évoquer le krach de 1929 toujours bien présent dans les esprits. Pour répondre à ces différentes crises, les dirigeants du Pentagone choisirent donc, une fois encore, la solution miracle : la militarisation de l’économie à travers, entre autres, l’accroissement vertigineux des commandes militaires émises par le Secrétariat à la Défense. Une solution également appelée de leurs voeux par les représentants de la haute finance américaine et les fonds de pensions, lesquels avaient largement participé aux dernières opérations de fusions-acquisitions dans le secteur aéronautique.

Ainsi, comme le soulignent les économistes François Chesnais et Claude Serfati, « la conception et la production d’armes offrent en effet des taux de rendement élevés et les actions des groupes à production aérospatiale font partie du noyau dur de valeurs dont la ‘santé’ du Dow Jones est étroitement dépendante. En ce sens, leurs activités ne dépendent pas seulement des orientations du Pentagone, elles se déroulent également sous l’œil attentif des actionnaires. Afin de rester en ligne avec la croissance des cours à Wall Street, les investissements très élevés nécessaires à la production d’armes exigent des débouchés croissants pour être amortis »(6). Lorsque la guerre éclata en ex-Yougoslavie, on pu lire dans l’édition du 12 avril 1999 du Financial Times : « Il pourrait sembler un peu macabre de chercher les bénéficiaires du conflit du Kosovo, mais les bourses ne sont pas sentimentales. » La guerre « sainte » contre l’Afghanistan ne devait pas faire démentir cette analyse. Dans un contexte de fragilité économique, caractérisé par la récente débâcle des indices liés aux nouvelles technologies et l’incertitude grandissante, le redéploiement des dépenses militaires fit monter la valeur des sociétés de la défense côtées en bourse.

On assiste donc, depuis plusieurs années, à une véritable « militarisation » de l’économie globale, impulsée par la haute finance new-yorkaise et le complexe militaro-industriel nord-américain. Au coeur du dispositif : le secteur des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) dont la chute vertigineuse, dès le printemps 2000, de l’indice Nasdaq devait révéler « une double crise se situant sur les marchés de la demande et de l’offre », selon l’expression d’Aris Roubos. Et celui-ci de décrire, à l’époque, la situation économique : « D’une part, une crise de surproduction qui, latente depuis plusieurs années dans des secteurs traditionnels comme l’automobile, affecte depuis un an les entreprises liées à la société de l’information […] D’autre part, les nouvelles offres, actuellement disponibles sur le marché, ne sont pas à même de déclasser les produits établis.(7)» Les NTIC et le secteur des télécoms redevenait ainsi un pion majeur du « nouveau » complexe militaro-industriel, aux côtés du secteur de l’électronique de défense et d’acteurs, plus traditionnels, tels que l’industrie aéronautique, l’industrie de l’armement ou encore l’industrie chimique.

Enfin, comment passer sous silence le facteur proprement politique et géo-stratégique présidant à la régénérescence du complexe militaro-industriel. L’hégémonie des Etats-Unis, exercée parfois au mépris même des autres puissances et des règlements internationaux – en matière de désarmement par exemple – va inévitablement à moyen et à long terme créer des tensions de plus en plus visibles entre les différents blocs. Dans le même ordre d’idées, il ne fait pas de doute de ce que les effets sociaux, écologiques et économiques créés par ces divers impérialismes seront inévitablement à l’origine de situations de profond mécontentement et de résistances à ce nouvel ordre économique mondial. A ce moment-là alors l’appareil militaire pourra à nouveau entrer en jeu et montrer la place centrale qu’il occupe dans la défense des industriels et financiers et ce quelque soit leur secteur d’activité.

Il est vrai, les liens entre les disciplines de l’Information et de la Communication et le secteur militaire de la « Recherche & Développement » existent de longue date. Ainsi, la théorie « mathématique » de l’information, publiée en 1948 par l’ingénieur Claude Elwood Shannon, est-elle, en grande partie, le résultat de ses travaux menés au cours de la Seconde Guerre Mondiale, pour les laboratoires Bell, sur la cryptographie. John von Neumann, reconnu pour avoir mis au point le dernier grand calculateur électronique, considéré par d’aucuns comme l’ancêtre le plus proche de l’ordinateur, a lui aussi travaillé sous la demande de l’US Army, alors désireuse de mesurer les trajectoires balistiques. On citera également le cas de Norbert Wiener. Celui-ci fonda la Cybernétique, après avoir résolu le problème du contrôle des tirs de la DCA, la Défense Anti-Aérienne US. Ici aussi, le contrat avait été passé entre le prestigieux MIT, Massachussetts Institute of Technology, et le National Defense Research Committee. Enfin, plus près de nous, on se souviendra que le « réseau des réseaux », Internet, trouve ses origines les plus immédiates dans le développement, par Vinton Cerf et Bob Kahn en 1973, du protocole de TCP/IP pour le Pentagone. Les liens ne cesseront jamais de se tisser entre ces deux secteurs.

Ainsi, dès sa création, la société Alcatel devait-elle accueillir au sein de son conseil d’administration des personnalités telles que Otto Graf Lambsdorff, Alexander Haig (ancien commandant en chef de l’Otan) et Rand Araskog (président d’ITT et membre du Secrétariat à la Défense des Etats-Unis entre 1954 et 1959). Autre exemple particulièrement révélateur, celui de David Packard. Co-fondateur et ancien président d’Hewlett-Packard, il quittera sa compagnie en 1969 pour devenir Vice-Secrétaire à la Défense des Etats-Unis dans la première administration Nixon et ce jusqu’en 1971. Il sera encore élu, en 1985, par Ronald Reagan, président de la Commission « Blue Ribbon » sur le Management de la Défense, membre du Comité Consultatif du Président Georges Bush Sr. sur la Science et la Technologie (1990-1992) et deviendra, par la suite, administrateur de Boeing et du pétrolier Chevron.

Cette étroite imbrication entre le secteur des télécoms, de l’informatique et celui de l’industrie militaire, allait se poursuivre avec la crise dite du Nasdaq, emportant avec elle quelques-unes des entreprises les plus « fragiles » des Nouvelles Technologies. Les compagnies du secteur et, plus généralement, celles de l’électronique, allaient rapidement réorienter leurs activités, devenant alors de véritables industries de l’« armement » militaire. Aris Roubos, spécialiste en économie de la défense, à montré comment les choses en sont arrivées là(8). La surproduction évidente de l’industrie des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) a poussé les compagnies du secteur à rechercher d’autres débouchées. Ces entreprises se sont ainsi, quasi-naturellement, retournées vers le marché de la défense. Ainsi, Electronic Data Systems (EDS), par exemple, signa un contrat de quelque 6,9 milliards de dollars pour la mise sur pied d’un réseau Intranet multimédia destiné à la Navy et aux marines. Les résultats de cette opération financière ne se firent pas attendre : le cours d’EDS grimpa significativement après avoir connu une période pour le moins moribonde. On précisera, par ailleurs, qu’EDS collaborait alors avec d’autres sociétés du secteur telles que Microsoft, Dell ou encore Cisco Systems. Le Pentagone est, bien entendu, largement partie prenante de ces récentes évolutions de l’industrie électronique et informatique. Le département américain de la défense (« DoD ») se définit aujourd’hui comme un véritable partenaire et collaborateur de l’industrie nationale, le meilleur agent commercial des technologies de la Silicon Valley(9).

Enfin, on précisera l’existence majeure de deux autres secteurs qui semblent aujourd’hui prendre une place de plus en plus prépondérante au sein même de ce « nouveau » complexe militaro-industriel : les industries chimique et énergétique (pétrole, gaz, électricité). Pour la première, les déclarations de guerre des puissances occidentales au « bio-terrorisme » ont ouvert des marchés potentiellement gigantesques. Des sociétés telles que GlaxoSmithKline, Pfizer, Bayer ou encore Aventis ont, dans le courant de ces dernières années, largement investi dans la recherche et le développement dans le domaine de l’armement bactériologique. Pour la seconde, le seul fait d’évoquer les raisons réelles des derniers conflits militaires suffiraient presque à expliquer son engagement aux côtés de l’appareil militaire.

Mais la crise énergétique est venue, elle aussi, renforcer cette alliance, comme le rappelle, une fois encore, Aris Roubos : « Si la crise énergétique affecte les entreprises de la société de l’information, elle touche également les entreprises liées au secteur de défense-aérospatial. Ces dernières sont également massivement présentes dans des régions comme le Sud de la Californie. En outre, le développement de technologies spatiales contribue à l’innovation dans les secteurs de l’énergie. En même temps, le plan énergétique de George W.Bush renoue avec le traitement de résidus du nucléaire militaire à des fins civiles. Ces phénomènes contribuant à la mise en place d’un faisceau d’intérêts convergents qui, ayant précipité l’alliance de protagonistes économiques et financiers avec les acteurs politiques et militaires, également intéressés à la relance des commandes militaires, conduit tout droit vers un processus de militarisation de l’économie américaine, voire mondiale.(10)»

On l’a bien compris, le nouveau complexe militaro-industriel fait aujourd’hui converger les intérêts de secteurs aussi variés que celui des Nouvelles Technologies de l’Information ou celui des télécoms avec les industries aéronautique, pharmaco-chimique ou encore pétro-énergétique. Le tout, sous la direction centrale du Pentagone et des services secrets américains.

Project for A New American Century :

l’intellectuel organique des industriels de la défense

Cette thèse aurait pu être étayée à partir de l’analyse de l’entrelacement des capitaux de ces différents secteurs dans certaines sociétés de première importance. Nous avons préféré, quant à nous, choisir une démonstration moins classique passant par l’analyse détaillée de la composition du conseil d’administration de certaines multinationales. Ainsi, vous trouverez, ci-après, la liste des liaisons majeures qui se nouent, aux Etats-Unis, entre les industriels de la défense, l’administration républicaine de Bush Jr. (ce qui n’exclue pas, bien entendu, les mêmes liens avec la fraction démocrate du bloc au pouvoir(11)et son think tank PNAC.

Créé en 1997, le Projet for a New American Century, vise très explicitement à défendre et à étendre l’hégémonie globale des Etats-Unis d’Amérique sur le reste du globe. Il s’agit, plus précisément, de tenter de convaincre l’exécutif nord-américain du bien-fondé des thèses en appelant, d’une part, à l’augmentation significative du budget de la défense, de l’autre, à l’affrontement direct avec les régimes « hostiles » aux intérêts et aux valeurs américaines. Les fameux « Etat voyoux » dénoncés par les partisans de l’ « axe du bien ». Né de la volonté de certains leaders républicains d’entériner publiquement et définitivement une augmentation massive des commandes militaires, décidé de longue date par l’industrie US, ce nouveau venu sur la scène des think tanks neo-conservateurs n’a, in fine, qu’un seul objectif : favoriser à tout prix l’influence de la première puissance, seule à même de répondre aux intérêts de ses multinationales. Centrée sur des problématiques telles que la sécurité internationale, les relations OTAN-Europe, l’Irak et le Moyen- Orient, les marchés des Balkans et de l’Asie de l’Est, cette institution est dirigée par des figures de proue de l’actuelle administration Bush Jr., figures entretenant, comme nous allons le voir ci-dessous, des liens étroits avec les industries du complexe militaro-industriel. Passages en revue des troupes(12)

Les directeurs du PNAC

William Kristol (Président) : co-président du Comité consultatif de Govolution (governement IT service)

Bruce P. Jackson : Président du think tank U.S. Committee on NATO, Officier en charge de l’Intelligence militaire pour l’armée US (1979-1990), membre du cabinet du Secrétaire à la Défense (1986-1990). Il quitte le départment de la défense en 1990 et passe dans le monde des affaires. Il devient directeur de Martin Marietta Corporation en 1993, en charge des plans stratégiques et ensuite des projets de développement. Après la fusion de Martin Marietta avec Lockheed, en mars 1995, en charge, entre autres, de l’analyse des stratégies de l’entreprise pour le secteur de la défense et des marchés de l’aéronautique. Il est directeur « Développement global » de Lockheed Martin en 1997 et vice-président exécutif en 1999. En 1996 et à nouveau en 2000, il est l’un des délégués à la Convention Nationale Républicaine.

Lewis E. Lehrman : ancien partenaire d’Arbusto Energy (firme pétrolière de la famille Bush)

Randy Scheunemann : fondateur et président du Comité pour la Libération de l’Irak (2002-2003), consultant au cabinet du Secrétaire à la Défense pour la politique irakienne (2001), membre de l’U.S. Committee on NATO. Président de Mercury Group (1999-2000), société de lobbying avec, entre autres, pour clients : BP America et Lockheed Martin.

Le staff du PNAC

Thomas Donnelly (senior fellow) : directeur “Communication stratégique et Initiatives” de Lockeed Martin (2002)

Les membres associés

William J. Bennett : Ancien secrétaire des Etats-Unis à l’Education, Bennett est membre d’Empower America. Située au coeur de Washington DC, proche de l’aile la plus radicale du Parti Républicain, cette véritable machine de guerre idéologique réunit en son sein la fine fleur de l’industrie nord-américaine. Ses directeurs sont, entre autres, Jack F.Kemp (administrateur d’Oracle, candidat des Républicains en 1996 pour la vice-présidence des Etats-Unis, membre de l’Initiative Atlantique et du CFR) et Jeane J. Kirkpatrick (ancienne membre du cabinet de Ronald Reagan et du Conseil National de Sécurité, ancienne ambassadrice à l’ONU, membre de l’Initiative Atlantique et du CFR). Le président de l’institut est, lui aussi, bien connu du complexe militaro-industriel. Il s’agit de Floyd Kvamme, ancien vice-président exécutif d’Apple et administrateur de nombreuses sociétés US spécialisées dans le secteur des semi-conducteurs, stratégique pour l’industrie de la défense.

Jeb Bush : frère du Président George BUSH Jr. : comme le rappelle Jean-Pierre Page, la compagnie pétrolière de Georges Bush Jr., Arbusto, « pourtant déficitaire, mais aux parrainages prestigieux, bénéficiait de soutien de riches saoudiens comme de l’Etat pétrolier du Bahreïn. Ce qui est intéressant de signaler, c’est que parmi les actionnaires figurait un certain James Bath, un intime de George W.Bush, très présent dans l’immobilier et la location-vente d’avions, en réalité homme de paille chargé du blanchiment d’argent pour le compte de personnalités du Golfe dont Salem Ben Laden, l’un des 17 frères d’Oussama»(13). Cette société fusionna avec Spectrum 7 en 1984 sans être, il faut bien le dire, un grand succès. Spectrum fut alors acheté par Harken Energy en 1986, ce qui offrit à George Bush Jr. un siège au conseil de cette société pétrolière. Plus récemment, la faillite de la société de services énergétiques Enron devait rappeler les liens étroits qui existaient, il y a peu encore, entre son président, Kenneth Lay, et l’actuel chef du gouvernement américain dont il avait largement, des années durant, subventionné les campagnes électorales.

Dick Cheney : président d’Halliburton de 1995 à sa nomination au poste de Vice-Président des Etats-Unis. Halliburton est une société texane de services spécialisés dans le développement de la production de gaz et de pétrole à travers le monde. Avec un chiffre d’affaires dépassant les 15 milliards de dollars et près de 100 000 employés dispersés dans plus de 130 pays, Cheney a fait de cette compagnie la première mondiale de son secteur. On précisera enfin que son épouse, Lynne Cheney, a été administratrice de Lockheed Martin (1994-2001).

Steve Forbes : le propriétaire du magazine Forbes entretient des liens avec le complexe militaro-industriel par l’entremise de son groupe. Le Président de Forbes Inc. est Caspar Weinberger, ancien Secrétaire à la Défense sous l’administration Reagan et ancien administrateur de Bechtel Group. George Schultz est l’un des chroniqueurs réguliers à Forbes. Schultz, ancien Secrétaire d’Etat US, est administrateur de Bechtel Group, Gilead Sciences et Gulfstream Aerospace.

Fred C. Ikle : president Telos Corp., administrateur CMC Energy Services

Zalmay Khalilzad : nommé par le Président Bush ambassadeur des Etats-Unis en Afghanistan (2003-), ancien analyste pour la firme pétrolière Unocal.

Vin Weber : ancien conseiller de George Bush Jr. pour la campagne des présidentielles, administrateur ITT Educational Services

Paul Wolfowitz : Secrétaire adjoint à la Défense, ancien consultant pour Northrop Grumman

Lewis Libby : directeur du cabinet du Vice-Président Dick Cheney, ancien conseiller de Northrop Grumman

Dan Quayle : Vice-Président des Etats-Unis (1989-1993), administrateur American Standard Companies, Amtran Technology, Behavior Tech Computer

Donald Rumsfeld : ancien directeur de GD Searle & Co. (multinationale pharmaceutique), ancien président de General Instruments (électronique), ancien administrateur Gulfstream Aerospace, Rand Corporation, Metricom et Amylin Pharmaceuticals.

Quelques signataires des rapports ou lettres du PNAC

James Woolsey : membre du Defense Policy Board, ancien membre du Comité pour la Libération de l’Irak, directeur de la CIA (1993-1995), administrateur Fibersense Technology Corp., ancien administrateur Martin Marietta, Fairchild Industries, DynCorp., British Aerospace, Aerospace Corp.

Frank C. Carlucci : Secrétaire à la Défense sous l’administration Reagan, président honoraire du Carlyle Group, de Nortel Networks, actuel président Neurogen Corp., administrateur Encysive Pharmaceuticals, United Defense, Kaman Corp. et Pharmacia Corp.

Dov S. Zakheim : Sous-Secrétaire à la Défense (contrôleur) et directeur financier du Département de la Défense (2001-), membre du conseil consultatif de Northrop Grumman, consultant McDonnell Douglas

Représentant au Commerce des Etats-Unis

Robert Zoellick : ancien consultant d’Enron

On complètera cette liste par les personnalités citées ci-dessous. Particulièrement influentes dans l’actuelle administration Bush, sans être membres du PNAC, elles entretiennent elles aussi des liens soutenus avec les industries de la défense.

Secrétaire d’Etat

Colin POWELL : après l’opération Tempête du désert, le Général Colin Powell deviendra administrateur de Gulfstream Aerospace.

Conseillère à la Sécurité nationale

Condoleezza RICE : ancienne administratrice de la société pétrolière Chevron.

Chef de cabinet du Président des Etats-Unis

Andrew CARD : ancien vice-président exécutif de General Motors.

Secrétaire au Commerce

Donald EVANS : l’un des plus généreux bailleurs de fonds des campagnes électorales des Bush, il est l’ancien fondateur et président de Tom Brown Inc., une compagnie active dans le secteur de l’exploration, le développement et la production de gaz naturel et de pétrole brut.

Sous-Secrétaire au Commerce

Kathleen COOPER : ancienne chef économiste chez Exxon Mobil.

Secrétaire aux Transports

Norman MINETA : vice-président exécutif de Lockheed Martin (1995-2000)

Vice-Secrétaire à l’Energie

Francis BLAKE : ancien vice-président de General Electric

Sous-Secrétaire à l’Energie

Robert G. CARD : ancien vice-président de CH2M Hill Companies, l’une des sociétés mondiales les plus puissantes dans le secteur, entre autres, de l’ingénierie et de la construction pour le transport de matières énergétiques.

Sous-secrétaire à la Défense pour la Politique

Douglas J. Feith : ancien avocat de Northrop Grumman

Ex-Sous-secrétaire à la Défense

Edward C. « Pete » Aldridge : Sous-Secrétaire à la Défense en charge des acquisitions jusqu’en juin 2003. Actuel assistant spécial du Secrétaire à la Défense depuis mai 2003, administrateur de Lockheed Martin, CEO Aerospace Corp. (1992-2001), Président McDonnell Douglas Electronic Systems Co. (1988-1992), ancient cadre de LTV Aerospace Corp.

Joseph W. Ralston : Supreme Allied Commander Europe (OTAN) de mai 2000 à janvier 2003. Administrateur de Lockheed Martin depuis avril 2003 et de URS Corp.

Le PNAC et la militarisation des esprits : une bonne leçon pour les européens ?

Si le PNAC est incontestablement, comme nous venons de le démontrer, une pièce maîtresse du complexe militaro-industriel aux Etats-Unis, certains membres de ce think tank sont également à la tête d’institutions ayant joué un rôle de premier plan, par exemple, dans la justification de la guerre en Afghanistan. Il en est ainsi de William Bennett et de l’American Council of Trustees and Alumni (ACTA). En novembre 2001, l’ACTA publie un rapport consacré au « patriotisme chancelant » de certains intellectuels et professeurs de prestigieuses universités qui se voient quasiment accusés de « haute trahison académique ». Etudiant le propos de quelques 117 enseignants de collège et d’établissements supérieurs ayant osé protester contre la prétendue « guerre au terrorisme » menée par l’administration du Président George Bush Jr., le rapport n’hésite pas à qualifier « de maillon faible de la réaction de l’Amérique à l’agression du 11 septembre »(14) certains des plus éminents professeurs parmi lesquels Noam Chomsky. La presse nord-américaine, accompagnée pour l’occasion de quelques médias européens « aux ordres », se fit à l’époque largement l’écho de cette étude présentée par un organisme « indépendant » qui n’hésite pas à se qualifier lui-même d’« organisation éducative sans but lucratif », engagée « pour le respect et la reconnaissance des libertés académiques » ! Fondée en 1995, organisation nationale dont les membres sont issus des rangs de quelques 400 collèges et universités américaines, l’ACTA constitue en réalité l’un des plus puissants lobbies US, un véritable « agent de liaison » entre le secteur de l’éducation, l’administration au pouvoir et l’élite économique et financière du pays. La composition des instances dirigeantes de l’association est à cet égard sans aucune ambiguïté. Sa fondatrice, qui assura par ailleurs la promotion du rapport auprès de l’opinion publique, n’est autre que Lynne Cheney, l’épouse de l’actuel vice-président des Etats-Unis. Administratrice de l’industriel de la défense Lockheed Martin entre 1994 et janvier 2001, Lynne Cheney est actuellement directrice d’American Express Funds. Quant au Conseil national de l’ACTA, il compte parmi ses administrateurs Hans Mark (secrétaire de l’US Air Force entre 1979 et 1981), William Tell Jr. (ancien vice-président de Texaco) ainsi que William Bennett.

On comprendra avec pareilles liaisons que l’ACTA ne peut être considéré comme un modèle d’indépendance scientifique et de liberté académique. Son rapport trouva cependant grâce aux yeux des médias qui assurèrent sa publicité et son autorité. Le rapport fut notamment commenté et défendu par le responsable de la revue Commentary, l’intellectuel Norman Podhoretz, membre lui aussi du PNAC et passé à la prospérité pour avoir qualifié d’inhibition maladive de l’usage de la force et de « dysfonctionnement pathologique », le syndrome du Viêt-Nam, à savoir le rejet par la population américaine des interventions militaires menées par le gouvernement des Etats-Unis.

La militarisation des esprits était en route et la guerre en Irak n’allait pas tarder elle non plus. A l’heure où certains, condamnant à juste titre l’impérialisme nord-américain, en appelle à la construction d’une Europe forte et d’une armée « indépendante », il n’est pas inutile de rappeler, tout d’abord, que l’Europe telle qu’elle s’est construite dès ses débuts s’est voulue une institution au service de ses propres multinationales, ensuite, que le personnel politique du Vieux continent entretient lui aussi des liens très étroits avec le monde des affaires et, enfin, que si McDonalds a besoin de McDonnell, Danone a aussi besoin de Dassault.

(1) Voir COLLON Michel, Monopoly. L’OTAN à la conquête du monde, Anvers, EPO, 2000, p.92.

(2) Washington Post, 13 avril 1999.

(3) New York Times, 28 mars 1999.

(4) CHESNAIS François et SERFATI Claude, « La guerre, Wall Street et les industries d’armement », dans BOVY Yannick et DELCOURT Barbara (sous la direction de), Que nos valeurs sont universelles et que la guerre est jolie, Cuesmes, Editions du Cerisier, 1999, pp. 173-174.

(5) Lire NOCTIUMMES Tania et PAGE Jean-Pierre, « La croisade de Georges Bush junior », dans L’Empire en guerre, Paris-Anvers, Le Temps des Cerises/EPO, 2000, p.180.

(6) CHESNAIS François et SERFATI Claude, op.cit. p. 174.

(7) ROUBOS Aris, « Une géoéconomie de guerre », article placé sur le site du GRIP en date du 10/06/01.

(8) Voir ROUBOS Aris, idem.

(9)Pour de plus amples informations sur ce sujet, on lira MAMPAEY Luc, « Paix des marchés, permanence de la guerre », dans PEETERS Anne et STOKKINK Denis (sous la direction de), Mondialisation. Comprendre pour agir, Bruxelles, GRIP/Editions Complexe, 2002, pp. 100-121.

(10) ROUBOS Aris, idem.

(11)On citera, à seul titre d’exemples, les cas de William J. Perry (secrétaire à la Défense de 1994 à 1997, administrateur de Boeing et United Technologies), Bill Richardson (secrétaire à l’Energie de 1998 à 2001, ancien président du Richardson Trade Group) et Togo D. West Jr. (secrétaire aux Vétérans de 1998 à 2001, ancien vice-président de Northrop Corporation). Pour de plus amples développements sur les liens entre administrations républicaines ou démocrates et monde des affaires, on lira Geoffrey Geuens, Tous pouvoirs confondus. Etat, capital et médias à l’ère de la mondialisation, Anvers, EPO, 2003.

(12)Les informations récoltées et organisées ci-dessous viennent, principalement, des sources suivantes : nos recherches personnelles sur ces questions (analyses de rapports annuels d’entreprises, lectures régulières de la presse économique et financière, dépouillement de Who’s Who, etc.), le site http://rightweb.irc-online.org et du site officiel du PNAC.

(13)NOCTIUMMES Tania et PAGE Jean-Pierre, « La croisade de Georges Bush junior », dans L’Empire en guerre, Paris-Anvers, Le Temps des Cerises/EPO, 2001, p.183.

(14) BERKOVITZ Bill, “Witchhunt in South Florida, Pro-Palestinian Professor Is first Casualty of Post-9/11

Conservative Correctness”, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM), http://www.globalresearch.ca/articles/BER112A.html, 13 décembre 2001, cité dans CHOSSUDOVSKY Michel, Guerre et Mondialisation. A qui profite le 11 septembre ?, Paris, Le Serpent à Plumes, 2002, p.21.

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