Les conseils indispensables de Christine Lagarde pour consommer moins d’essence

Dans la série “Les politiciens sont nuls et font tout pour favoriser le FN”, les auditeurs de France-Info ont pu assister un récent matin, médusés, à un numéro exceptionnel, et je pèse mes mots, de la part il est vrai d’une multirécidiviste : Christine Lagarde. Elle était venue parler du prix des carburants, et notamment expliquer que le gouvernement refusait à la fois de baisser les taxes pour soulager momentanément la souffrance financière du gueux smicard qui passe à la pompe pour aller bosser, et de créer une espèce de “tarif social” comme le propose Yves Cochet.

 

On se souvient forcément de sa réplique lorsqu’elle fut interrogée sur le même sujet ; il y a deux ans, lorsque le prix du litre avoisinait déjà les 1,50 euro : "vous n’avez qu’à faire du vélo", qui avait à l’époque été appréciée à sa juste valeur. Mais cette fois-ci, pas question de faire la même boulette, elle s’était sans doute préparée au p’tit déj avec une armée de communiquants qui lui avaient appris son texte. Premier point, au lieu de gueuler, les français feraient mieux d’aller sur le site que le gouvernement, qui est décidément trop bon, met à la disposition des manants ingrats : prix-carburants.gouv.fr Un super comparateur de prix ! Putain les économies qu’on va faire avec ça, merci Christine !


Par curiosité, je suis allé voir ce que ça donne pour la Moselle : la station la moins chère est celle du Leclerc de Fameck : 1.336 euro/litre. Fort bien. La plus chère, c’est la station Avia de l’autoroute A4 : 1.51 euro/litre. Bon, à moins d’être vraiment con, je ne vais pas aller exprès sur l’autoroute pour faire le plein. Mieux, sur les 141 stations répertoriées, dans une bonne cinquantaine, celles que je suppose la plupart des gens "normaux" fréquentent, le prix se tient à 3 centimes près… Ben oui, Madame Lagarde, les gens ils vont déjà dans les stations les moins chères… Du coup, je vais continuer à faire comme d’hab, et comme le font une part croissante des Mosellans : faire le plein au Luxembourg voisin… Le gasoil y est à 1.20, et en remplissant le coffre d’alcool et de clopes pour tout le voisinage, le voyage est vite rentabilisé…

Deuxième point : notre gouvernement ultra-compétent et qui décidément nous veut beaucoup de bien va surveiller les stations service et punir les tricheurs. Quels tricheurs, je n’ai pas bien compris, je croyais que les prix étaient libres, mais bon… Enfin, qu’on se le dise, si le prix des carburants monte, c’est évidemment parce des salauds de pompistes tricheurs s’en mettent plein les fouilles… Troisième point : elle va convoquer les responsables des pétroliers, et leur expliquer qu’il ne faut pas trop monter les prix. C’est sûr, ils vont l’écouter, c’est tout de même Christine Lagarde, voyons… D’ailleurs ils tremblent déjà… Ou plus probablement, ils sont secoués de rire.

Enfin, et c’est là que ça devient irrésistible, Christine Lagarde, Ministre des finances, nous récite le cours d’écoconduite qu’on lui a prodigué quelques minutes plus tôt : "Il y a toute une série de mesures qu’on peut chacun individuellement prendre pour réduire jusqu’à 10% la consommation d’essence… heu… de super dans un véhicule…" Il s’en est fallu de peu pour qu’elle ajoute : "M’enfin, vous savez bien, ce liquide qui pue que le chauffeur met dans un trou noir qui ferme à clé à l’arrière gauche de la C6". Puis, bonne élève, elle anonne sa récitation. En gros, il faut bien gonfler ses pneus, rouler moins vite, ne pas accélérer et freiner comme un sauvage, et couper son moteur à l’arrêt. Sacré scoop, quand même !

Voilà bien le problème : Christine Lagarde a vécu pendant très longtemps aux États-Unis, où elle gagnait des fortunes en tant que dirigeante d’un cabinet d’avocats d’affaires. Avant que Villepin ne fasse la connerie de lui demander de revenir en 2005. Depuis lors, je parie que pas une fois elle n’a fait elle-même le plein d’une voiture, sans même parler de le payer de sa poche. Du coup, elle se remémore les souvenirs de sa jeunesse : il y avait de l’essence, dite "ordinaire", et du "super". Sauf qu’aujourd’hui, les trois quarts des bagnoles roulent au gasoil, et le reste au sans-plomb. La leçon ridicule sur l’écoconduite, c’est exactement la même chose que lorsqu’un politicien apprend par cœur le prix de la baguette et du ticket de métro avant de venir à une émission : il fait semblant de connaître la "vraie vie" des électeurs, mais les prend en fait pour des cons. Et avec Christine Lagarde, ça se voit… À l’en croire, donc, tout est sous contrôle : la hausse, c’est à cause de la Libye et de la spéculation. Mais une fois que le gouvernement (qui nous veut du bien, ne l’oublions jamais), aura tancé les pompistes et le PDG de Total, et une fois que nous, bandes d’incultes, aurons compris grâce au site gouvernemental qu’il ne faut pas acheter l’essence sur l’autoroute et qu’il ne faut pas faire vroum vroum avec les pneus à plat, le problème sera résolu ! Bon, dans 5 minutes on s’attaque au chômage…

En ayant marre de ces sornettes, je zappe de France Info vers France Inter. Et là bingo, sur le même sujet, le "socialiste" Jean-Marc Ayrault, qui expliquait en gros qu’il n’y avait pas de pénurie, et que cette hausse n’était que de la spéculation. C’est en vertu de cette même conviction que Ayrault veut installer à Notre Dame des Landes, près de Nantes, un "Ayraultport" géant, qui attestera pour l’Histoire quel génie il aura été, lui, Ayrault. Sauf que, d’ici quelques décennies, il n’y aura plus de pétrole, que l’aviation civile aura depuis longtemps déposé le bilan et que l’Ayraultport sera envahi par les herbes folles.

On récapitule :


1 – On vous ment, la hausse est durable. À court terme, je ne sais pas, si la situation se calme en Libye, la spéculation retombera, et le prix descendra un peu. Moins qu’il n’est descendu la dernière fois, évidemment. Puis à la première occasion, et elles seront de plus en plus nombreuses au fur et à mesure que la production pourra de moins en moins fournir la demande, ça remontera. Plus haut qu’avant. Et les pauvres souffriront… Et l’économie souffrira… Avant de s’écrouler dans un grand fracas.


2 – Tordons le cou à la responsabilité de la spéculation. Évidemment, ça spécule dur, et à court terme, c’est ce qui provoque la hausse. Mais d’une part le spéculateur sera toujours là, et d’autre part il ne spécule pas dans le vide, il ne fait qu’anticiper un mouvement prévisible. En bref s’il sait que le prix va monter, il anticipe, il achète pour revendre ultérieurement avec bénéfice, et amplifie le mouvement.


3 – Baisser les taxes, ou mettre en place la TIPP flottante chère aux "socialistes" (et que les Belges appellent "cliquet inversé" ne sert pas à grand chose. Et un tarif social peut certes soulager temporairement, s’il ne dispense pas de se demander pourquoi il y a en France des gens qui ne peuvent même pas payer leur électricité ou leur carburant. Non seulement cela compromettrait des finances publiques déjà totalement déconfites, mais en plus, quand la hausse se poursuivra, la baisse des taxes sera avalée en quelques mois et on sera de retour à la case départ.

La vérité, c’est que le monde entier est drogué au pétrole, et va pourtant devoir s’en passer. Les Lagarde et autres gouvernants font tout comme si ce n’était pas grave, ou si c’était temporaire… Bah, tu gonfles un peu tes pneus, tu coupes le moteur au feu rouge, et voilà… Si la situation s’aggrave et que les bagnoles se vendent moins bien, l’État subventionne à coups de "prime à la casse" ou de "bonus écolo". Et on promet au bon peuple que de toute façon, quand il n’y aura plus de pétrole, on roulera en bagnole électrique… C’est aussi simple que ça… Cette attitude est totalement irresponsable. Imaginez un médecin, qui parce qu’il veut garder son client junkie, préfèrerait lui prescrire toujours plus d’héroïne plutôt que de lui ouvrir les yeux et l’inciter à suivre une cure de désintoxication… Il serait certainement destitué par le conseil de l’ordre…

 

Source: Super No

 

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