Le plan stratégique d'Israël

• De Gaza au Liban, l’Union Européenne reste sourde

• Un prétexte

• Une alliance d’intérêts pour une « rupture nette »

• Nouvelle étape de la colonisation du Moyen-Orient

20-07-2006

Le 12 juillet, l’armée de l’Etat d’Israël a attaqué le Liban, un pays indépendant. Pour récupérer deux soldats capturés, plus de trois cents civils libanais, dont de nombreux enfants, sont déjà tombés sous les bombes. L'armée israélienne attaque les populations fuyant sur les routes ou réfugiées dans leurs maisons. Elle bombarde sans discernement des quartiers populaires à Beyrouth.

Le gouvernement israélien dit répondre à la capture, en Israël, de deux de ses soldats. Si le Hezbollah a effectivement fait prisonnier, mercredi 12 juillet, deux soldats israéliens, la police libanaise affirme qu’ils ont été capturés en territoire libanais, dans la région d’Aïta al-Chaab, près de la frontière, où une unité israélienne avait pénétré 1 . Le Hezbollah a d’ailleurs immédiatement proposé d’échanger les soldats israéliens contre des prisonniers libanais et palestiniens gardés dans les prisons israéliennes.

Alors que le Premier ministre israélien Ehoud Olmert avait à présenter des excuses pour avoir violé la souveraineté du Liban, il a qualifié cette capture «d’enlèvement » et même «d’acte de guerre ». Et de faire bombarder Beyrouth et des villages avoisinants le lendemain.

De Gaza au Liban, l’Union Européenne reste sourde

Cette invasion survient alors que la population civile de Gaza est plongée depuis trois semaines dans la terreur de l’offensive israélienne déclenchée suite à la capture d'un soldat israélien à un poste-frontière de la bande de Gaza. Cette capture cadre dans la lutte contre l'occupation israélienne de la Palestine. Ces six dernières années l’Etat d’Israël a tué 4.490 Palestiniens, détruit 71 470 habitations palestiniennes et confisqué 221 hectares de terres palestiniennes pour construire un mur entre Israël et les territoires palestiniens. Plus de 9.000 Palestiniens croupissent dans les prisons israéliennes.

Au lieu de négocier la libération du soldat capturé contre celle de 95 femmes palestiniennes et 313 jeunes de moins de 18 ans emprisonnés en Israël, l’armée israélienne a arrêté un tiers des ministres du gouvernement palestinien démocratiquement élus dans les territoires occupés, détruit des centrales électriques et des conduites d’eau potable et viser directement la population civile.

L'Union européenne reproche à Israël un « emploi disproportionné de la force » dans sa riposte contre le Hezbollah. La vérité est que tant dans les territoires occupés de Gaza et de Cisjordanie qu’au Liban, Israël se rend coupable de crimes de guerre.

Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève parle du comportement à observer par des belligérants envers la population civile2. On y lit : « En vue d'assurer le respect et la protection de la population civile et des biens de caractère civil, les Parties au conflit doivent en tout temps faire la distinction entre la population civile et les combattants ainsi qu'entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires et, par conséquent, ne diriger leurs opérations que contre des objectifs militaires. … Il est interdit d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage des biens indispensables à la survie de la population civile »

Quand les Palestiniens ont donné au Hamas la majorité à la suite d'élections libres, l'Union européenne a refusé de reconnaître le gouvernement Hamas. Maintenant qu'Israël commet, au Liban, des crimes condamnés par le droit international, la moindre des choses serait que l'Union européenne condamne cette agression. Répondre à un acte contre des militaires par des représailles contre des civils et des infrastructures vitales est un crime de guerre, sans discussion. L'Union européenne doit suspendre immédiatement l’accord d’association qui l’unit à Israël. Cet accord de libre échange ou de taxes préférentielles pour les produits israéliens exige notamment le respect des droits humains et des principes démocratiques.

Un prétexte

Personne ne peut croire que les soldats israéliens capturés puissent être récupérés par voie de guerre. C'est la pire des solutions pour atteindre le but visé. Ils ne pourront être libérés que dans le cadre d’un échange de prisonniers.

La capture est le prétexte sur lequel Israël a sauté pour mettre en pratique une agression planifiée de longue date, avec le soutien de l’extrême droite américaine aujourd'hui au pouvoir. Coordonner les opérations aériennes, maritimes et terrestres nécessite une minutieuse préparation.

D'après Uri Avnery, dirigeant du mouvement pacifiste israélien Gush Shalom, « l’objectif réel est de changer le régime au Liban et d’y installer un gouvernement fantoche. (…). C’était l’objectif de l’invasion du Liban par Ariel Sharon en 1982. Ce fut un échec. Comme en 1982, l’opération actuelle a été planifiée et est menée en totale coordination avec les Etats-Unis (…) et est coordonnée avec une partie de l’élite libanaise »3 .

À la veille de l’invasion de 1982, le Secrétaire d’Etat américain, Alexander Haig, conseillait Ariel Sharon de la nécessité d’une provocation claire qui rendrait l’invasion acceptable par l’opinion mondiale. La provocation a bien été dans le chef de la tentative d’assassinat l’ambassadeur israélien à Londres par le groupe terroriste d’Abou Nidal.

Cette fois, c'est la capture de deux soldats israéliens qui a servi de prétexte. Et la campagne militaire, prête depuis des mois, a été vendue comme une opération de secours.

Officiellement, le gouvernement israélien demande que le gouvernement libanais désarme le Hezbollah et l’éloigne de la région frontalière. Mais Israël sait très bien que le gouvernement libanais actuel, mélange de communautés ethniques et religieuses, dont le Hezbollah, ne peut le faire. Cela équivaudrait à une nouvelle guerre civile.

En détruisant les infrastructures et en bombardant les populations, les dirigeants israéliens escomptent que les Libanais, furieux de voir leur pays détruit, se retournent contre le Hezbollah et acceptent une dictature installée avec le soutien d’Israël. Mais c’est le contraire qui se passe. La majorité des Libanais se tourne contre Israël. Et le Hezbollah répond à juste titre qu’il ne désarmera que si Israël applique les dizaines de résolutions de l’ONU qui lui sont destinés, notamment celles sur le droit au retour des réfugiés palestiniens et le retrait des territoires illégalement occupés.

Le gouvernement israélien veut éliminer la résistance palestinienne et toutes les forces qui la soutiennent. Avec le soutien des USA et de l'Arabie saoudite, il tente de faire désarmer le Hezbollah depuis des années.

L'invasion israélienne de 1982 au Liban a coûté la vie à plus de 12 000 civils, fait quelque 30 000 blessés et a laissé 200 000 sans-abri. Sharon qui laissa massacrer 1500 Palestiniens, femmes et enfants, dans les camps de Sabra et Chatila, disait alors : « Nous ne sommes pas contre le Liban. Nous voulons seulement expulser l'OLP de Yasser Arafat », la direction de la résistance palestinienne. Les successeurs de Sharon disent la même chose aujourd'hui sur le Hezbollah. Mais qu’on le veuille ou non, le Hezbollah, c'est le peuple libanais d’aujourd'hui. Au Sud Liban, la majorité de la population soutient le Hezbollah. Vont-ils chasser toute cette population ?

Une alliance d’intérêts pour une « rupture nette »

L’invasion au Liban et l’extension de la guerre vise également la Syrie et l’Iran, accusés par Bush de soutenir des mouvements de résistance en Palestine.

Les dirigeants européens se font très discrets quand il s’agit d’évoquer le soutien américain à Israël qui n’a rien de comparable avec l’éventuel soutien de la Syrie ou de l’Iran au Hezbollah. Les F-16 et les hélicoptères Apache qui bombardent les civils au Liban et à Gaza sont de fabrication US. Tout comme les Caterpillar qui détruisent les maisons palestiniennes.

D'après Rainer Rupp, spécialiste international du journal allemand « Junge Welt »4 , cette nouvelle guerre contre le Liban est aussi la deuxième phase d’un plan stratégique élaboré en 1996 par l'extrême droite américaine. Cette stratégie est exposée dans un document, « A Clean Break » (une rupture nette),5 soumis à l'époque au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Elle visait à rompre avec le processus de paix d'Oslo et de fournir a Israël la possibilité d'étendre une fois pour toute son empire loin au-delà des frontières actuelles. Tous les auteurs d'extrême droite du document sont des Américains d'origine juive dont Richard Perle, le conseiller du Pentagone. Le document parlait déjà du changement de régime en Irak comme un but stratégique important pour Israël. C'est fait. Dans la phase II du plan, sont visés le Liban, la Syrie et l'Iran. Il s'agissait de chasser la Syrie du Liban. C'est fait aussi. Ensuite, dit le document, Israël pourra compter sur l'approbation américaine quand il « attaquera le Hezbollah le long de sa frontière nord et désignerait ensuite la Syrie et l’Iran comme les véritables responsables ».

Ce sera la phase suivante de la colonisation israélienne. Entre 1947 et 1949, l’Etat d’Israël a déplacé purement et simplement 70 % des autochtones palestiniens du secteur qui devait devenir Israël en 1949. Plus de 530 villages et villes palestiniens ont été complètement dépeuplés et rayés de la nouvelle carte israélienne. Les enfants de ces Palestiniens chassés de leurs terres vivent entre autres dans des camps du Sud Liban. Israël a ensuite mené la guerre de 1967 pour acquérir plus de terres. Immédiatement après, une nouvelle phase de colonisation a commencé dans les territoires occupés de Cisjordanie (y compris à Jérusalem-Est). 450 000 colons sont entrés dans ces territoires au cours des 39 dernières années. 2 % ont été retirés de Gaza l’année dernière, 4 % de plus se sont installés dans d’autres secteurs.

Depuis 40 ans, Israël rejette les résolutions de l’ONU qui demandent le retrait total de tous les secteurs illégalement occupés en 1967, le droit au retour des réfugiés dans leurs foyers et sur leurs terres, la pleine souveraineté ou d’autodétermination pour les Palestiniens. Israël refuse toujours de changer les lois fondamentales d’Israël qui discriminent les non juifs.

Amnesty International a constaté : « En Israël, plusieurs lois sont explicitement discriminatoires. Celles-ci remontent à la création d’Israël en 1948 qui a été basé sur la notion d’un État juif pour les juifs ». La « loi du retour », par exemple, fournit automatiquement la citoyenneté israélienne aux immigrés juifs, tandis que les réfugiés palestiniens, qui sont nés et ont été élevés dans ce qui est maintenant Israël, se voient refuser même le droit de rentrer chez eux.

Nouvelle étape de la colonisation du Moyen-Orient

Nous assistons maintenant à une nouvelle étape de la colonisation du Moyen-Orient par Israël. C’est la phase II du plan « Clean Break » qui risque d'entraîner tout le Moyen-Orient dans la guerre.

Tout cela cadre dans les plans américains. Dans le Grand Moyen-Orient que veulent instaurer Bush et ses amis du lobby du pétrole et de l’armement, il n’y a de place que pour des gouvernements prêts à sacrifier les richesses de la région aux intérêts impérialistes américains. L’Egypte et l’Arabie Saoudite ne sont en rien plus démocratiques que l’Iran ou la Syrie. Mais elles sont de fidèles valets de Washington.

Après les introuvables armes de destruction massive de l’Irak de Saddam, voici le soutien au terrorisme comme prétexte pour une guerre contre des Etats qui s’opposent à la recolonisation du Moyen-Orient par Israël et les Etats-Unis. Ils occupent l’Irak et poussent maintenant le pays dans une guerre civile. Ils peuvent obtenir la même chose au Liban.

Mais la guerre contre le Hezbollah peut soulever la colère des peuples, non seulement en Iran, mais également parmi les Chiites d’Irak. En Egypte et en Arabie saoudite, des opposants dénoncent déjà la complicité de leurs gouvernements avec l'agression israélienne. La cause palestinienne est populaire dans tout le monde arabe. Alors que tous les dirigeants Arabes trahissent cette cause, le Hezbollah ne fera qu’augmenter sa popularité.

• Nous soutenons les peuples palestinien et libanais en résistance.

• Retrait immédiat des soldats israéliens de Palestine, du Liban

• Cessez-le-feu immédiat

• La Belgique et l’Union Européenne doivent condamner l’agression et les crimes de guerre israéliens au Liban et a Gaza. L'Union européenne doit suspendre immédiatement l’accord d’association entre l’UE et Israël.

• Pas de paix sans justice, indépendance et intégrité territoriale pour la Palestine!

• Nous soutenons le récent appel du Parti communiste d'Israël « à toutes les personnes éprises de paix, Juifs et Arabes, pour qu'elles intensifient leur lutte en vue d'une solution politique fondée sur le démantèlement des colonies, le retrait de l'armée israélienne des territoires occupés en 1967, l'établissement d'un État palestinien ayant pour capitale la partie Est de Jérusalem, existant à côté d'Israël et l'adoption d'une solution à la question des réfugiés/ées conformément aux résolutions des Nations Unies »..

• Libération de tous les prisonniers libanais et palestiniens!

Nous appelons tous les démocrates et progressistes épris de paix et de Justice à participer aux actions de protestation

Prochain rendez-vous • Vendredi 28 juillet a 16h30 devant la Bourse de Bruxelles

Notes

1. Journal France 2, mercredi 19 juillet, 20 heures

2. Le Figaro, 12 juillet 2006.

3. http://zope.gush-shalom.org/home/en

4. Junge Welt, 17 juiillet 2006

5. http://www.iasps.org/strat1.htm

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