La bataille de Mumbai, quelle que soit la régie des attaques, prend place dans une dispute de grande ampleur conduite avec des outils politiques, économiques et militaires par plusieurs protagonistes : non seulement l’Inde et le Pakistan, mais les Etats-Unis, la Russie et la Chine. L’Asie centrale est le principal terrain de confrontation, aire d’énorme importance de par sa position géostratégique et pour le contrôle du pétrole de la Caspienne et des « corridors énergétiques ».
Source: www.mondialisation.ca
Il manifesto
Cet objectif stratégique a été confirmé par le président élu Barack Obama qui a annoncé vouloir « sortir d’Irak » et « passer au juste champ de bataille en Afghanistan et au Pakistan ». Le Pakistan est ainsi lui aussi considéré comme champ de bataille ; un Pakistan qui est considéré à Washington comme un allié pas très fiable, dont les services secrets ont été suspectés d’avoir des liens avec les talibans. Quand, en janvier 2008, les USA ont demandé au président Musharraf de leur laisser les mains libres dans les zones de frontière avec l’Afghanistan, ils reçurent une fin de non recevoir. Et, à cause de la forte opposition intérieure, le président actuel Zardari semble aussi être réticent.
Ce qui rend la situation plus complexe encore est le choix de Washington de privilégier ses relations avec l’Inde, pour empêcher son rapprochement avec la Russie et la Chine. C’est dans ce cadre qu’entre l’accord, ratifié le 2 octobre par le Sénat, par lequel les Etats-Unis « légalisent » le nucléaire de l’Inde, qui n’a jamais adhéré au Traité de Non Prolifération, en lui permettant de garder huit réacteurs nucléaires militaires hors de tout contrôle international et en lui fournissant des technologies à double usage, civil et nucléaire. Ceci pousse le Pakistan, qui n’a jamais adhéré au Tnp, à accélérer ses programmes nucléaires militaires. Avec comme résultat le fait que les deux pays alignent déjà au total environ 110 ogives nucléaires et sont en mesure d’en fabriquer beaucoup plus.
Sur ce terrain, en concurrence avec les Usa, la Russie et la Chine entrent en jeu. En septembre a été confirmé que la Russie fournira à l’Inde un porte-avions avec 16 Mig-29 ; en même temps, la joint-venture russo-indienne BrahMos Aerospace a annoncé qu’elle augmentera sa production de missiles de croisière supersoniques lancés par avions, pouvant être armés de têtes aussi bien conventionnelles que nucléaires. La Chine est par contre en train d’établir des relations particulièrement étroites avec le Pakistan. Le 18 octobre on a annoncé que le président Zardari, en visite à Pékin, a signé 12 accords, dont un engageant la Chine à construire deux autres réacteurs nucléaires au Pakistan. La Chine fournit en outre au Pakistan des avions de chasse Jf-17 dotés de moteurs russes, dont la livraison a été autorisée par Moscou.
Dans la « guerre des oléoducs », l’Iran entre aussi en jeu, avec le projet d’un gazoduc qui, à travers le Pakistan, devrait amener en Inde le gaz iranien. Sous la pression étasunienne, l’Inde n’a jusqu’à présent pas adhéré à l’accord. L’Iran s’est cependant déclaré disponible, le 11 octobre, pour construire le gazoduc (coût : 7,5 milliards de dollars) jusqu’au Pakistan, en attendant l’adhésion de l’Inde. Plus difficile encore aujourd’hui, après les attaques à Mumbai.
Reçu dans sa version intégrale de l’auteur et traduit par Marie-Ange Patrizio.