Le drame des heures supplémentaires

Denis Clerc, conseiller de la rédaction d’ “Alternatives économiques” démontre la contre-productivité du système des heures supplémentaires en France alors que le mois de janvier 2009 totalise 90 200 chômeurs nouveaux inscrits.
Le nombre d’heures supplémentaires bénéficiant du dispositif d’exonération de tout prélèvement a encore augmenté ! Il y a un an, alors que la crise n’était pas là, ou pas encore, et que la croissance trimestrielle du PIB était de 0,4 %, le nombre d’heures supplémentaires déclarées au titre de ce dispositif avait atteint 144 millions. Un an plus tard, au dernier trimestre 2008, nous en sommes à 185 millions, soit une progression de… 28 %, alors même que l’activité économique au cours de ce trimestre a diminué de 1,2 %.

A l’évidence, les entreprises n’ont pas eu besoin de ces heures supplémentaires pour faire face à un surplus d’activité, mais pour remplacer des salariés qui ne sont plus là. Soit – hypothèse favorable – parce qu’ils sont partis à la retraite ou ont démissionné et que l’entreprise ne les a pas remplacés. Soit – hypothèse défavorable – parce que leurs contrats temporaires sont arrivés à terme et n’ont pas été remplacés. Il y a une troisième hypothèse, encore plus opportuniste : l’entreprise a licencié et remplace les travailleurs manquants en accentuant la charge de travail des travailleurs restants. Dans les trois cas, cela signifie qu’un arbitrage a été effectué au détriment de l’emploi.

Or ces 40 millions d’heures supplémentaires en plus correspondent environ à 90.000 postes de travail à temps plein sur le trimestre. Rappelons que 115.000 salariés du secteur concurrentiel ont perdu leur emploi de la fin 2007 à la fin 2008. On peut les considérer comme les victimes d’un dispositif qui, non content de coûter cher aux contribuables, commence à peser sur l’emploi de façon considérable. Certes, les salariés effectuant des heures supplémentaires gagnent davantage l’argent, et sont donc source de stimulation de l’activité par leurs dépenses. Mais ils le sont au détriment de ceux qui, à cause des mêmes heures supplémentaires, ont perdu leur travail, lesquels consomment moins et donc contribuent à réduire l’activité économique. Si l’on prend en compte les effets d’aubaine des employeurs qui auraient de toute façon utilisé des heures supplémentaires et profitent donc de leur détaxation non pour augmenter leur production mais pour en réduire le coût, il est clair que le dispositif est devenu très sensiblement contre-productif.

Les 4 milliards d’euros qu’il coûte à la collectivité ne sont certes pas perdus pour tout le monde, mais ils pourraient être tellement mieux utilisés presque n’importe où ailleurs pour lutter contre la crise, qu’il devient quasi criminel de le maintenir. Le contribuable a mieux à faire que de payer pour supprimer des emplois, l’économie a mieux à recevoir que des subventions qui créent du chômage, l’Etat a mieux à dépenser que de creuser des déficits qui accentuent la détresse de beaucoup.

Source: Les Echos

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