Le Hezbollah ne cédera pas!

Entretien avec Walid Charara

Propos recueillis le 14 juillet 06 par Olfa Lamloum

De passage à Paris, Walid Charara, responsable des pages Opinions du nouveau quotidien Al Akhbar et auteur de Hezbollah, un mouvement islamo-nationaliste paru en 2004 aux éditions Fayard, a répondu aux questions d’Olfa Lamloum pour le site du Mouvement des indigènes de la république.

Dans quelles conditions le Hezbollah a-t-il décidé d’enlever les deux soldats israéliens ? Cette opération était-elle programmée ? Quels en sont les objectifs ?

Depuis plusieurs années, le Hezbollah exige la libération des otages libanais détenus en Israël, comme Samir el Kantar, emprisonné depuis 1978, Nassim Nisr et Yahia Skaff qui est enfermé depuis 1982. Le Hezbollah a toujours affirmé que si la voie de la diplomatie et de la négociation ne permettait pas d’obtenir leur libération, il n’hésiterait pas à utiliser tous les moyens, y compris la capture de soldats israéliens, pour les échanger contre les otages libanais d’Israël. C’est ce qu’il a fait avec cette opération. Je pense que le timing de l’opération était lié à des considérations de terrain mais aussi à des considérations politiques.

On parle aujourd’hui d’une provocation de la part de Hezbollah puisque Israël s’est retiré depuis 2000. Le fait d’enlever deux soldats israéliens dans le territoire israélien est considéré comme un acte de guerre contre Israël…

Il faut d’abord rectifier un point. Israël ne s’est pas retirée de tout le territoire. Il y a toujours une zone libanaise occupée par l’armée : les fermes de Shebaa. Le Hezbollah a toujours dit qu’il continuerait la lutte jusqu’à la libération de ces fermes. Ensuite, depuis le retrait en mai 2000, l’aviation israélienne viole quotidiennement l’espace aérien libanais. N’est-ce pas un acte de guerre ? La marine israélienne viole quotidiennement l’espace maritime libanais. N’est-ce pas un acte de guerre ? Des pêcheurs libanais ont été kidnappés et emmenés en Israël. N’est-ce pas un acte de guerre ? Des bergers libanais ont été tués à la frontière par l’armée israélienne. N’est-ce pas un acte de guerre ? Le problème, c’est que l’Etat libanais et son armée n’ont pas les moyens de s’opposer frontalement à l’armée israélienne qui a une supériorité technologique et militaire connue. C’est pourquoi la résistance libanaise, incarnée par le Hezbollah, prend en charge la riposte aux agressions israéliennes lorsqu’elle pense que l’occasion se présente. Lorsqu’on parle de provocations, c’est qu’on cherche à dédouaner l’occupation israélienne et les provocations quotidiennes qu’Israël effectue depuis mai 2000.

Cette opération a-t-elle un lien avec ce qui se passe à Gaza ?

Effectivement, l’opération du Hezbollah est aussi une manière de manifester une solidarité concrète avec les Palestiniens qui sont plus isolés que jamais alors qu’ils subissent une guerre ouverte menée par les Israéliens avec la complicité directe des puissances occidentales et une indifférence complice de la part de la plupart des régimes arabes. Le second front qui s’est ouvert au Liban va peut-être alléger un peu la pression qui est exercée sur Gaza depuis maintenant plusieurs semaines.

Comment expliques-tu l’ampleur de la riposte israélienne ?

L’armée israélienne est consciente qu’elle ne pourra pas libérer ses deux soldats. Les objectifs qu’elle s’est fixée ne sont plus liés à la seule libération des deux soldats. Le ministre de la défense a d’ailleurs déclaré que les objectifs d’Israël était aussi le déploiement d’une force internationale et l’éloignement des combattants du Hezbollah le plus au nord possible de la frontière. C’est un objectif qu’Israël cherche à atteindre depuis longtemps. A ce jour, l’armée israélienne a évité de lancer une offensive terrestre qui serait extrêmement coûteuse. Ce qu’elle cherche à faire, c’est intensifier la pression sur la population civile ainsi que sur le gouvernement libanais pour provoquer une dissension nationale interne au Liban. Il s’agit de créer un contexte politique défavorable au Hezbollah qui forcerait le gouvernement et les courants de l’opinion publique qui sont hostiles à ce mouvement à exercer des pressions pour que le Hezbollah accepte de s’éloigner de la frontière pour permettre à l’armée libanaise et à des forces multinationales de se déployer le long de la frontière. L’objectif N° 2 serait à terme un désarmement du Hezbollah. Israël s’en prend donc délibérément aux civiles pour retourner la population contre la résistance libanaise et faire pression sur le gouvernement pour qu’il agisse contre le Hezbollah. Il y a deux ministres du Hezbollah au gouvernement mais celui-ci est aussi constitué de forces politiques qui ont des points de vue différents sur la résistance. Israël essaie donc d’instrumentaliser les différends internes libanais pour exercer une pression maximale sur le Hezbollah.

Ne penses-tu pas qu’Israël est en mesure d’emporter cette bataille ? Les autorités saoudiennes ont dénoncé l’initiative du Hezbollah. Par ailleurs, quand on lit les éditoriaux de la presse libanaise, cette initiative ne semble pas non plus faire consensus ? Ennahar, par exemple, critique le Hezbollah. C’est le cas également de dirigeants comme Walid Joumblatt. Quelles sont les chances de Hezbollah de réunir un vrai consensus et de ne pas se retrouver isolé ?

Il faut d’abord savoir que, s’agissant des rapports de forces internes au Liban, le Hezbollah est largement représentatif d’une des composantes les plus importantes démographiquement de la population libanaise. Le Hezbollah est un parti qui est principalement enraciné dans la communauté chiite qui est la plus grande communauté du point de vue numérique. C’est un premier point. Deuxième point, le Hezbollah dispose d’un réseau d’alliances très important avec des forces politiques représentatives. Il est allié au courant politique de Michel Aoun, avec des partis transcommunautaires comme le PC libanais, le Parti national social syrien, le député Sleiman Frangié qui représente une force importante au nord Liban, Omar Karamé représentatif qui a une base importante à Tripoli, Oussama Saad qui représente une force également importante dans la ville de Saïda. Le Hezbollah dispose donc d’un réseau d’alliances communautaires ou transcommunautaires qui lui permet d’avoir une majorité relative à ses côtés dans la bataille qu’il mène face à l’occupation israélienne. Evidemment d’autres points de vue peuvent se manifester au Liban. De toutes manières, lorsque, dans le passé, le combat a été mené pour la libération du sud Liban – libération qui s’est réalisée avec le retrait israélien de la majeure partie du territoire libanais en mai 2000 -, il y avait déjà un consensus mou autour de la résistance. Durant les agressions israéliennes de 1993 et 1996, certains hommes politiques au Liban, en partie les mêmes qui s’expriment aujourd’hui, commençaient à réclamer l’envoi de l’armée au sud Liban pour se positionner entre la partie libérée du sud Liban et la partie occupée. C’est-à-dire que, même avant la libération du sud Liban, une partie de ces hommes politiques voulaient que l’armée se déploie pour que la résistance s’arrête dans les zones encore occupées. Avant la libération, un homme politique comme Amin Gemayel, avait publié une tribune dans Le Monde intitulée « halte à un Kosovo libanais ! ». Il annonçait que le Hezbollah allait entrer dans la zone occupée et massacrer les populations chrétiennes. Rien de tout cela n’a eu lieu et, quelques mois plus tard après la libération, Amin Gemayel a été contraint de revenir sur ses positions et de féliciter le Hezbollah pour son comportement exemplaire durant la libération Les dissensions internes ne sont pas un fait nouveau ; il n’en reste pas moins qu’une majorité relative au Liban est favorable au Hezbollah. Il est vrai, par ailleurs, que le contexte régional a changé. Les américains sont dans la région depuis maintenant trois ans. Ils ont envahi l’Irak et sont devenu avec 140 000 soldats basés en Irak une puissance moyen-orientale. Ils sont cependant dans une situation extrêmement difficile en Irak où ils font face à une résistance acharnée. Il est vrai aussi que malheureusement une guerre intercommunautaire a déjà commencé en Irak. Mais il faut signaler que le Hezbollah dispose, en Irak, d’une réelle base de sympathie auprès de la population qu’elle soit chiite ou sunnite. Ce capital de sympathie pourrait à terme pousser certaines organisations chiites irakiennes à s’en prendre aux forces américaines si les USA continuent leur politique de soutien inconditionnel à l’agression israélienne. La déclaration de Georges Bush, hier, a été interprétée par tous les observateurs comme un feu vert donné aux Israéliens pour continuer leur action. Il est donc vrai que les Américains sont présents dans la région mais, dans le contexte actuel, leur présence n’est pas nécessairement un atout. C’est peut-être même un point de faiblesse parce qu’ils sont plus vulnérables. En ce qui concerne le positionnement officiel des régimes arabes : ils ont été en principe favorables aux droits du peuple libanais à résister à l’occupation mais ce soutien verbal n’a jamais été accompagné d’une politique concrète de soutien à la résistance. Qu’ils fassent porter aujourd’hui la responsabilité de la dégradation de la situation à la résistance libanaise ne change pas grand chose à la donne sur le terrain. Dans les faits, ils n’ont jamais été des soutiens réels de la résistance menée ni au sud Liban ni en Palestine.

Une grande partie de la presse occidentale accuse le Hezbollah d’être manipulé par l’Iran et/ou la Syrie…

Face au comportement belliqueux d’Israël et à la politique américaine d’hégémonie sur la région, l’alliance entre le Hezbollah, la Syrie et l’Iran est de nature stratégique. Mais le Hezbollah est aussi allié du Hamas, aux différentes organisations palestiniennes comme avec toutes les organisations politiques dans la région et dans le monde qui s’opposent à l’hégémonie américaine. Dans un discours qu’il a prononcé il y a quelques mois, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah a affirmé que l’axe anti-américain s’étendait de Beyrouth jusqu’au Venezuela et que, par conséquent, le Hezbollah était allié avec Chavez au Venezuela, aux FARC en Colombie, à Morales en Bolivie. Cela ne signifie pas évidemment que ces forces dictent la politique que le Hezbollah met en œuvre. Le Hezbollah agit en partant d’abord de considérations nationales libanaises. Dans le cas précis de cette opération, il a estimé que le contexte actuel était favorable et surtout que tout autre moyen pour faire libérer les otages libanais détenus en Israël était devenu inefficace. Il est donc passé à l’action.

Depuis l’assassinat de Hariri, on assiste au Liban à la montée des contradictions inter-communautaires. En visant le sud et les infrastructures civiles, l’intervention militaire israélienne ne risque-t-elle pas d’isoler confessionnellement le Hezbollah, d’alimenter, d’entretenir voire de provoquer la dégénérescence totale du rapport de force ?

Encore une fois, quand on parle de dégénérescence de quoi parle-t-on ? De guerre civile ? Il faut analyser les rapports de force concrets sur le terrain. Quelles sont les lignes de clivage actuelles ? Les lignes de clivages n’opposent pas musulmans et chrétiens. Elles traversent les différentes communautés. Une grande partie des chrétiens se considère représentée par le général Aoun qui est aujourd’hui l’allié du Hezbollah. D’autres chrétiens estiment être représentés par des leaders locaux comme Suleiman Frangié, par le Parti national social syrien, très implanté parmi les chrétiens orthodoxes au Liban… On ne peut pas dire que le Hezbollah fait face à d’autres communautés qui lui sont hostiles. Il n’y a pas de consensus parmi les chrétiens contre le Hezbollah, bien au contraire. Aujourd’hui, une grande partie des formations politiques chrétiennes est de fait alliée au Hezbollah et la même chose s’applique à la communauté sunnite. Il est vrai qu’un vrai différend existe entre le Hezbollah et la principale force représentant la communauté sunnite au Liban, c’est-à-dire le Courant du Futur, fondé par Rafik Hariri, en ce qui concerne les relations avec la Syrie. Mais il faut savoir par ailleurs que la rue sunnite libanaise est très sensible à ce qui se passe en Palestine et en Irak. Historiquement, au Liban, les sunnites ont porté le nationalisme arabe et ont toujours été très sensibles à la question palestinienne. Ce qui se passe à Gaza a des répercussions et des implications très importantes sur l’opinion publique sunnite. Or, aujourd’hui, le Hezbollah apparaît comme le seul mouvement en mesure d’apporter un soutien concret aux Palestiniens. Un autre point important qu’il faut prendre en considération, c’est le sens politique que le Hezbollah a voulu donner à l’opération au cours de laquelle il a capturé deux soldats israélien. Lors d’une conférence de presse, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a exigé l’échange des prisonniers israéliens contre les otages libanais ; il a parlé également de la situation en Palestine mais il a surtout conclu son intervention en évoquant la situation en Irak. Il a appelé les Irakiens à s’unir contre l’occupation et à ne pas suivre ceux qu’il a qualifié d’agents du Mossad et de la CIA qui cherchent à diviser les Irakiens entre sunnites et chiites. Les sunnites et les chiites au Liban sont très sensibles à ces arguments. Dans les deux communautés, il y a la très forte conscience que les USA et Israël cherchent à instrumentaliser les contradictions intercommunautaires pour affaiblir davantage les peuples de la région et leur capacité de résistance. S’il y a une discorde au Liban, qui va-t-elle opposer ? A mon avis, si on essaie d’apprécier les rapports de force, il y a une nette majorité qui est favorable au Hezbollah. La déclaration de Walid Joumblatt hier (le chef druze du Parti socialiste progressiste) n’est pas une déclaration hostile au Hezbollah. Tout en signifiant par ailleurs sa différence avec le Hezbollah, il a clairement dit qu’il fallait maintenir l’unité nationale contre Israël, que les différends devaient être mis de côté et que du point de vue de la logique du Hezbollah cette opération était parfaitement compréhensible.

La direction du Hezbollah est directement menacée par Israël qui a déjà bombardé le siège de la télévision El Manar et la radio ainsi que le QG du Hezbollah. Quelle est la marge de manœuvre d’Israël ?

Pour paraphraser un chef révolutionnaire très connu, « le Hezbollah est dans la population libanaise, comme un poisson dans l’eau ». Le Hezbollah a beau avoir son QG dans la banlieue sud, ce ne sont pas ces bombardements qui vont l’affaiblir. D’un point de vue strictement militaire, l’opération israélienne prend jusqu’à présent pour cible des civiles, des infrastructures civiles et quelques institutions. Militairement le Hezbollah n’a aucune perte. Il y a eu un martyr hier, c’est tout. Par ailleurs, jusque-là, le Hezbollah n’a pas utilisé toutes ses capacités de riposte et les jours qui viennent vont montrer que celles-ci sont loin d’être négligeables. Par ailleurs, Hassan Nasrallah est depuis très longtemps sur la liste noire des israéliens. Ils l’ont dit et répété et ont déjà tenté de l’assassiner comme ils ont tué l’ancien Secrétaire général Abbas el Moussaoui en 1992. Jusqu’à présent le Hezbollah a pris des mesures de sécurité exceptionnelles ce qui lui a permis de protéger ses dirigeants. Ce parti, qui a une grande expérience politique, qui est très bien structuré, a une telle popularité au Liban que même si Israël réussissait à atteindre tel ou tel dirigeant, cela n’affecterait pas réellement sa capacité d’action. Regardez le Hamas. Israël a assassiné une grande partie de ses dirigeants historiques : cheikh Ahmad Yassin, el Rantissi, Smain Abou Charab et bien d’autres, sans pouvoir l’affaiblir. L’assassinat de dirigeants de vrais partis de masse ne change pas fondamentalement la donne.

Ils peuvent toucher la logistique…

Oui, mais cela suppose que le Hezbollah a une logistique qui vient de l’extérieur. Il est vrai que l’Iran a soutenu le Hezbollah et que la Syrie a acheminé l’aide de l’Iran vers le Hezbollah mais le Hezbollah a aujourd’hui suffisamment de moyens dispersés sur le territoire libanais pour pouvoir tenir assez longtemps en cas de guerre. Tout le discours politique du Hezbollah et toute sa stratégie après le retrait d’Israël de la majeure partie du territoire libanais a consisté à dire « nous sommes un mouvement de dissuasion des velléités d’agression d’Israël ». Il a donc pris toutes ses dispositions en fonction de l’éventualité de telles agressions. Et parmi les dispositions, il y a la dispersion des moyens logistiques, du potentiel militaire…

Selon toi, est-ce qu’on s’oriente vers un affrontement durable qui pourrait entraîner l’ouverture d’autres fronts, tel que le front syrien ?

En ce qui me concerne, je pensais que la riposte israélienne n’aurait pas une telle ampleur, que la partie israélienne mesurait les dangers d’une telle agression. Mais là, oui je crains que le conflit ne se prolonge sur le moyen voire le long terme. Il faut voir jusqu’à quand la partie israélienne va supporter cette situation. N’oublions pas qu’en face de l’armée israélienne, il y a un mouvement de guérilla qui pourrait s’accommoder de cette situation pendant des mois voire des années. Il a fait ses preuves dans le passé. Maintenant est-ce que les Israéliens pourraient se lancer dans une aventure militaire contre la Syrie ? La Syrie a beaucoup de cartes à jouer. D’abord la frontière syrienne avec le Golan occupé est l’une des frontières les plus stables depuis 1973. La décision d’ouvrir la frontière en cas d’agression pourrait être prise. Et là, les Israéliens se retrouveront aux prises avec les organisations populaires palestiniennes et syriennes. N’oublions pas qu’en Syrie, il y a 600 000 palestiniens environ qui sont organisés. Cette carte pourrait être utilisée. Les Syriens pourraient très bien être moins vigilants sur la frontière avec l’Irak et permettre aux volontaires arabes et syriens désireux de combattre l’occupation américaine en Irak, de s’y rendre et aggraver ainsi la situation des troupes américaines qui se trouvent déjà dans un bourbier. Si les Israéliens et les Américains se trouvent aux prises directement avec les populations et non pas avec les régimes, leur situation est bien plus difficile que lorsqu’ils sont confrontés aux régimes. C’est ce qu’a montré l’expérience palestinienne, libanaise et irakienne. La Syrie a donc une « capacité de nuisance » qu’elle n’a pas encore utilisé. Si elle est forcée à l’utiliser, les conséquences pour les Américains et les Israéliens seront extrêmement négatives.

Chirac a fait une déclaration aujourd’hui, 14 juillet, où il a évoqué la situation au Liban. Quels commentaires ces déclarations te suggèrent-elles ?

Il s’agit d’un entretien que le président Chirac a accordé à deux journalistes français. Après avoir condamné la réaction israélienne qu’il a qualifié de « disproportionnée », il a fait porter aux mouvements de résistance libanais et palestiniens la responsabilité de la dégradation de la situation au Liban et à Gaza en qualifiant leurs politiques d’« irresponsables ». Par ailleurs, les objectifs politiques qu’il a fixés aux éventuelles médiations internationales et européennes reprennent pour l’essentiel les revendications israéliennes. Il a évoqué 3 objectifs à atteindre :

la libération des soldats israéliens

un cessez-le-feu à la frontière libanaise

le déploiement d’une force de protection internationale à la frontière libano-israélienne c’est-à-dire, évidemment, une force de protection internationale d’Israël et un redéploiement vers le nord de la résistance libanaise.

Ainsi, la déclaration de Chirac manifeste une fois de plus l’alignement de la France et de l’UE sur la politique américaine. Il n’y a plus de « politique arabe de la France ». Plus généralement, il n’y a plus de politique indépendante de la France au Moyen-Orient. Dans d’autres régions, il y a encore des différends avec les USA mais ce n’est plus le cas au Moyen-Orient. La France ne défend plus ses positions traditionnelles concernant les conditions d’une paix réelle au Moyen-Orient. La France a purement et simplement lâché les Palestiniens. Regardez la faiblesse des réactions françaises voire l’absence totale de réactions face à l’agression et la guerre israélienne contre les palestiniens. La France est quasiment sur la même longueur d’onde que les USA sur le dossier iranien. Dans les faits, elle reprend à son compte les exigences israéliennes et ignore totalement les exigences libanaises qui sont tout simplement la libération des otages détenus en Israël. Je pense que tout le capital de sympathie dont la France a joui dans le monde arabe est perdu, dilapidé et je crois que cela aura des conséquences politiques et idéologiques et même à l’avenir économiques. La France n’est plus perçue aujourd’hui comme un pays ami du monde arabe.

Quelles sont aujourd’hui les conditions de victoire dans cette guerre inégale ?

Je pense que la victoire du Hezbollah serait la libération des prisonniers libanais. Evidemment, atteindre cet objectif va être extrêmement coûteux en raison du déséquilibre des force militaires sur le terrain et du déséquilibre du rapport de forces politique qui est due principalement à la complicité ou à la lâcheté de la communauté internationale et des régimes arabes. Je pense que de toutes façons la confrontation militairement sur le terrain ne pourra pas être remportée par la partie israélienne car le Hezbollah a montré dans le passé qu’il était capable de tenir tête à l’armée israélienne malgré sa supériorité en terme de puissance de feu, de technologie, etc… Jusqu’à présent, l’armée israélienne mène une campagne de bombardements. Je ne crois pas qu’elle ira jusqu’à une invasion militaire à grande échelle. C’est une bataille qui sera excessivement coûteuse pour le Liban mais elle le sera aussi pour Israël. C’est un conflit des volontés. Celui qui cède le premier a perdu. Je ne crois pas que le Hezbollah cédera.

Ne crois-tu pas que le calcul du Hezbollah est un peu déséquilibré. Pour libérer des prisonniers libanais, il prend le risque de voir des dizaines ou des centaines de civils tués ?

L’enjeu des prisonniers est un enjeu d’une très grande importance du point de vue politique et symbolique. C’est un enjeu qui est lié au conflit qui oppose le Liban et Israël depuis la création de l’Etat d’Israël. La principale victime de la création d’Israël a été le peuple palestinien qui a été chassé de sa terre. Mais depuis l’expulsion des Palestiniens, les libanais vivent au rythme des agressions israéliennes. Une partie du sud Liban a été envahie en 1978, une autre partie en 1982. Le sud Liban est resté pendant plus de18 ans sous occupation israélienne. Le fait de tenir bon sur la question des prisonniers dans ce conflit de volontés a une très grande importante stratégique et symbolique. Cela participe de la capacité du Liban à dissuader dans l’avenir de futures agressions israéliennes et surtout de rester un Etat indépendant et souverain.

dimanche 16 juillet 2006

http://www.indigenes-republique.org

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