La guerre d’à côté sème la désolation au Pakistan

Le Pakistan, de plus en plus déstabilisé par la guerre dirigée par les Américains chez le voisin afghan, est sur le point d’exploser.

 

Bombardements et tirs ont ébranlé cette nation de 167 millions d’habitants, sans parler de l’attaque téméraire contre le QG de l’armée à Rawalpindi et du bombardement massif du très exotique Khyber Bazaar à Peshawar.

L’armée du Pakistan prépare actuellement une offensive majeure contre les tribus pachtoun rebelles du Sud-Waziristan. Pendant ce temps, le gouvernement fragile et très impopulaire installé par les États-Unis à Islamabad, doit faire face au mécontentement de plus en plus exacerbé de l’armée.

À l’instar du proverbial éléphant dans le magasin de porcelaine, l’administration Obama et le Congrès américain ont choisi cette période des plus explosives pour tenter d’imposer un nouveau surcroît de contrôle sur le Pakistan, puisque le tout récent lauréat du prix Nobel de la paix s’apprête à envoyer des milliers d’hommes en renfort en Afghanistan.

Il est vraiment tragique que la politique américaine dans le monde musulman continue à être dirigée par une arrogance impériale, une profonde ignorance et nombre de groupes d’intérêts particuliers.

L’actuel projet de loi Kerry-Lugar-Berman proposé avec la bénédiction du président Barack Obama n’est que de la diplomatie du plus bas étage qui soit, maladroite et menée à coups de dollars. Le Pakistan, mis en faillite par la corruption et les grands propriétaires féodaux, s’est vu offrir 7,5 milliards de dollars sur cinq ans, mais des conditions outrageantes y sont liées.

Les États-Unis veulent construire à Islamabad une nouvelle ambassade gigantesque pour 1.000 personnes. Ce sera la plus grande après l’ambassade forteresse de Bagdad. Il y faut du nouveau personnel, prétend Washington, afin de tenir à l’œil cette aide de 7,5 milliards. Ainsi, on va y amener des mercenaires américains afin de protéger les « intérêts » des États-Unis.  De nouvelles bases américaines seront ouvertes. La majeure partie de cette aide nouvelle ira directement dans les poches de l’establishment dirigeant, pro-occidental, représentant environ 1 % de la population.

Washington réclame également un pouvoir de veto à propos des promotions dans les forces armées pakistanaises et les services de renseignement de l’ISI. Cette tentative grossière de s’arroger le contrôle de la fière armée pakistanaise, forte de 617.000 hommes, a particulièrement irrité les milieux militaires.

Tout cela s’inscrit dans la stratégie « Af-Pak » (Afghanistan-Pakistan) de Washington qui cherche à renforcer son contrôle sur un Pakistan rétif et à utiliser les forces armées et les espions de ce dernier en Afghanistan. L’autre objectif important des États-Unis est de s’emparer du contrôle de l’arsenal nucléaire du Pakistan, clé de sa défense nationale contre l’Inde, beaucoup plus puissante.

Toutefois, 90 % des Pakistanais sont opposés à la guerre dirigée par les Américains en Afghanistan et considèrent les taliban et leurs alliés comme une résistance nationale à l’occupation occidentale.

 

La violence

Il est alarmant que les violentes attaques contre le gouvernement du Pakistan viennent non seulement des tribus pachtoun naguère autonomes (erronément appelées « taliban ») dans la province de la Frontière du Nord-Ouest mais, de plus en plus, dans la plus grande des provinces, celle du Pendjab. Récemment, l’ambassadeur des États-Unis à Islamabad, dans une bouffée subite d’orgueil impérial, a réclamé des attaques aériennes contre les chefs pachtoun à Quetta, la capitale de la province du Baloutchistan, hostile au Pakistan.

Washington ne prend même pas la peine de demander la permission de l’impuissant gouvernement d’Islamabad de lancer des attaques aériennes à l’intérieur même du Pakistan.

Et voilà que s’amène la corruption faite loi, le projet Kerry-Lugar-Berman, au moment même où les pakistanais les plus en colère accusent le gouvernement du président Asif Ali Zardari d’être un ramassis de mercenaires à la solde des Américains. Zardari, veuf de Benazir Bhutto, est poursuivi depuis des décennies par des accusations de corruption. Ses principaux conseillers au Pakistan et à Washington sont dénoncés par les quelques médias pakistanais qui échappent encore au contrôle du gouvernement.

Washington ne semble guère conscient de la folie furieuse que sa politique grossière, brutale et contre-productive a attisée au Pakistan. L’administration Obama préfère écouter les néo-conservateurs, les faucons militaires et les « experts » installés à Washington, lesquels lui racontent uniquement ce qu’il désire entendre, et non les faits. Ottawa fait pareil.

 

La révolte

Il en résulte que l’armée pakistanaise, la première institution de la nation, est de plus en plus au bord de la révolte. Dans l’actuel contexte de bombardements et de fusillades apparaissent des rumeurs prétendant que les chefs des forces armées et des renseignements du Pakistan pourraient être remplacés.

Les Pakistanais réclament la destitution de l’homme fort du régime de Zardari, le ministre de l’Intérieur Rehman Malik. Ils sont nombreux également à réclamer la tête de l’ambassadeur du Pakistan à Washington, mon vieil ami Hussain Haqqani, considéré trop proche des Américains. On soupçonne l’astucieux Haqqani de manœuvrer également afin que les États-Unis l’aident à devenir le prochain dirigeant de Pakistan.

La possibilité d’un coup d’État militaire contre le régime de Zardari tombé en discrédit ne cesse de croître. Mais le Pakistan est dépendant de la monnaie américaine et il craint l’Inde. Ses généraux peuvent-ils se permettre de rompre avec le patron de Washington ?

 

Source: Toronto Sun

Traduit par Jean-Marie Flémal

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