La grande menace islamique selon Blair

La décision de l’ex-premier ministre Tony Blair d’envoyer des troupes britanniques en Irak en a fait un des personnages les plus détestés du pays.

À force de se trouver des excuses, on finit par y croire soi-même. Prenez l'exemple de l'ex-premier ministre britannique Tony Blair, qui ne cesse de ressasser les arguments qu'il a avancés en 2003 pour justifier son soutien à George Bush dans l'invasion de l'Irak. La semaine dernière, il répétait sur les ondes de la BBC que «l'islam radical» était la menace numéro un dans le monde à l'heure actuelle.
Mais un islam extrémiste représente-t-il une plus grande menace que la possibilité d'une grande guerre nucléaire (fort heureusement très improbable, mais impossible à exclure complètement)? Pire que le risque de voir le retour de maladies infectieuses que l'on croyait éradiquées pour cause d'antibiotiques devenus inefficaces? Pire même que la menace d'un réchauffement climatique à vitesse grand V?
Pour Tony Blair, cela ne fait aucun doute, c'est pour cela qu'il était parmi ceux qui ont lancé cette guerre contre l'islam radical au lendemain du 11 septembre. Pour être plus précis, ils voulaient s'en prendre à ceux qu'ils accusaient de soutenir l'islam radical, bien que nombre d'entre eux, Saddam Hussein notamment, ne se soient jamais inscrits dans cette démarche.
Quoi qu'il en soit, Tony Blair ne peut pas refaire l'histoire et le débat sur l'Irak n'est plus d'actualité, à ceci près que de nombreuses personnes influentes en Occident continuent de soutenir que l'islam radical est la plus grande menace qui pèse sur notre monde. Certaines le font par carriérisme, d'autre par conviction, mais toutes sont beaucoup trop écoutées.
Naturellement, tout dépend de la définition donnée au concept d'«islam radical». Dans certains cercles occidentaux, tout musulman qui ose remettre en question les politiques occidentales est taxé d'islamiste radical. Si on se limite en revanche à la mouvance sunnite, fidèle à l'interprétation salafiste de l'islam et dont les membres sont prêts à recourir au terro­risme pour promouvoir leur foi, le problème prend des proportions bien moins alarmantes: cela représente tout au plus quelques centaines de milliers d'individus.
On imagine mal ces fanatiques se lancer dans des attentats dans le New Jersey ou en Bavière, quoiqu'ils constituent une lourde menace pour leurs coreligionnaires dans leurs propres pays (ils adorent s'en prendre aux chiites). La majorité d'entre eux ne maîtrise aucune langue étrangère et ne parviendrait jamais à obtenir un passeport.
C'est un problème grave et complexe pour des pays comme l'Irak ou le Pakistan, mais ce n'est pas grand-chose à l'échelle mondiale. Sur les dix dernières années, le nombre de personnes tuées par les «islamistes extrémistes» en dehors du monde musulman est probablement inférieur à 15 000.
Il va de soi que rien ne saurait justifier ces morts, mais il est tout de même suspect d'affirmer mordicus qu'un phénomène qui tue en moyenne 1500 non-musulmans par an sur une planète qui compte près de sept milliards d'habitants est la grande menace actuelle. C'est pourtant la thèse que défendent ceux qui ont lancé cette «guerre contre la terreur» et d'autres qui ont fait valoir cet argument falla­cieux pour bâtir leur carrière.
À en croire Tony Blair, ils ne font que tirer la sonnette d'alarme en rappelant que «ces mouvements extrémistes sont une réalité et que, s'ils y avaient accès, ils n'hésiteraient pas à faire usage d'armes nucléaires, chimiques ou biologiques, un risque que nous ne devons pas nous permettre de courir».
Qu'importe dès lors que les terroristes ne provoquent en réalité que peu de dégâts. Imaginez un peu le désastre qu'ils POURRAIENT causer s'ils mettaient la main sur ce genre d'armes! Allons-y, imaginons…
Pendant la Guerre froide, les États-Unis et l'Union soviétique avaient 10 000 têtes nucléaires prêtes à être lancées contre l'ennemi. Si la guerre avait réellement éclaté, des centaines de millions de personnes auraient péri, voire plusieurs milliards en cas d'hiver nucléaire. Sans compter que les deux pays disposaient également d'armes biologiques et chimiques tout à fait terrifiantes.
Si les islamistes radicaux parvenaient à obtenir l'arme nucléaire, il s'agirait d'UNE SEULE bombe, pas de 10 000. En admettant qu'ils parviennent à la faire exploser, elle provoquerait une véritable catastrophe à l'échelle locale, mais pas un holocauste planétaire. L'attentat au gaz le plus grave à ce jour, en 1995 dans le métro de Tokyo, n'a fait que 13 victimes et, bien que les armes bactériologiques soient potentiellement très meurtrières, elles nécessitent des compétences scientifiques très pointues.
Par ailleurs, on est en droit de se demander en quoi le fait d'envahir différents pays musulmans peut réduire ces dangers. Bien au contraire, cela les augmente probablement à cause de l'aliénation de nombreux musulmans et en fournissant aux extrémistes un afflux régulier de nouvelles recrues.
Le terrorisme, islamiste ou non, est une menace bien réelle, mais une menace limitée. Le vaincre totalement n'est pas possible, mais il peut être contrôlé via un travail de police et des choix politiques plus judicieux. Si on établissait un classement des pires menaces, il figurerait peut-être dans les dix premières, mais sûrement pas dans le trio de tête. Quiconque prétend le contraire doit éveiller la méfiance: il a soit quelque chose à vendre, soit quelque chose à cacher.


Capacadie

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