« La démocratisation de l’ONU est notre objectif premier »

Le Président de l’Assemblée Générale des Nations Unies, Miguel D’Escoto, au cours d’une interview accordée en exclusivité à TeleSUR, a déclaré, ce mercredi, en référence au vote de l’ONU pour l’abolition du blocus imposé par les Etats-Unis à Cuba : « Il est évident que la volonté de la communauté internationale, exprimée à une écrasante majorité, est parfaitement claire. Les Etats-Unis n’ont réussi à convaincre de les suivre dans leur vote que trois pays sur les 192 membres que compte l’Assemblée. Outre Israël qui est leur frère jumeau siamois, seul Palau a voté avec eux et cela en raison de pressions économiques. »
http://www.telesurtv.net/noticias/entrev-reportajes/index.php?ckl=104

Interview

TeleSUR _ 29/10/2008

L’Assemblée Générale de l’ONU a voté, aujourd’hui, sur le blocus appliqué par les Etats-Unis à Cuba. Plus de 95 % de ses membres, y compris les alliés économiques des Etats-Unis en Europe, sont d’accord pour mettre fin à cette mesure immédiatement. Mais cela fait des années que l’on assiste au même résultat.

Quelle en est votre lecture ? Pourquoi ce que vous appelez l’obsession pathologique de Washington envers l’île continue-t-elle de prévaloir malgré la volonté générale de l’organisation ?

Parce que le problème, je crois, c’est que nous n’avons pas su mener le combat comme il faut. Cet entêtement pathologique de Washington contre Cuba peut être appliqué si nous ne livrons pas le combat, c’est-à-dire que nous devons continuer ; ce vote ne suffit pas.

Il est évident que toute la communauté internationale a exprimé très clairement sa volonté à une majorité écrasante. Les Etats-Unis n’ont réussi à convaincre de les suivre dans leur vote que trois pays sur les 192 membres que compte l’Assemblée. Outre Israël qui est leur frère jumeau siamois, seul Palau a voté avec eux et cela en raison de pressions économiques.

J’ai toujours dit ici qu’une des priorités fondamentales, dans le travail aux Nations Unies, c’est leur démocratisation. On ne peut pas permettre qu’un seul pays viole effrontément les principes et les règles de la Charte des Nations Unies et se moque avec une telle désinvolture olympique de la volonté majoritairement écrasante de l’Assemblée.

Alors nous ne devons pas attendre encore une année et le prochain vote. Il n’est pas exact de dire que c’est toujours la même chose ; nous avons progressé parce que cette fois-ci il y a eu un vote contre en moins ; la dernière fois, quatre pays avaient voté contre notre motion. Cette fois-ci, nous avons obtenu qu’un des pays qui avait voté contre la dernière fois s’exprime par une abstention.

Mais je crois que ce combat que nous livrons en solidarité avec le peuple héroïque de Cuba, nous devons le poursuivre et ne ménager aucun effort et ne perdre aucune occasion qui se présentera à nous pour insister et insister encore.

Il est très difficile de comprendre comment il peut exister des pays qui sensément au nom de la cause de la démocratie sont prêts à agresser un pays tiers et à tuer des centaines de milliers de citoyens de ce pays au nom de la démocratisation, s’opposent ici à ce que cette organisation – laquelle devrait donner l’exemple – se démocratise elle aussi.

C’est pourquoi, pour nous, la démocratisation de l’ONU est notre objectif et notre tâche prioritaire. Il existe, dans le monde, en ce moment, plusieurs tâches qui se rejoignent, des problèmes très graves, mais tous ces problèmes ont été causés par l’homme, par l’égoïsme qui s’est emparé des cœurs de beaucoup d’êtres humains.

Ce dont nous avons besoin pour sauver le monde et même pour assurer la survie de l’espèce humaine, c’est de solidarité et, dans le monde entier, il n’y a jamais eu un meilleur porte drapeau de cette cause, de la solidarité internationale, que notre frère et leader très cher Fidel Castro et son noble peuple, un peuple également solidaire s’il en est.

Cuba ne mérite pas d’être traitée comme on la traite ; il nous incombe de lutter pour que cela cesse une fois pour toutes. Cependant, ce qui est en cours dans ces processus est positif parce que, de plus en plus, est dévoilée l’hypocrisie de ceux qui prêchent la démocratie partout, mais qui refusent de l’appliquer et de la respecter.

Alors je dis qu’aujourd’hui nous avons fait un pas en avant dans ce combat, mais que nous devons le continuer, que nous ne devons pas attendre qu’arrive l’année prochaine.

Reprenons vos paroles lorsque vous posiez la question : A quoi servent les Nations Unies si une décision qui obtient une large majorité est ignorée avec le plus grand mépris par les Etats-Unis ? Alors, vous avez également proposé des changements : Quelle réorganisation faut-il apporter à cette organisation pour qu’elle soit adaptée aux besoins du monde actuel ?

Tel est le travail de l’actuelle présidence et ce n’est pas le lieu pour entrer dans tous les détails, mais la démocratisation doit concerner l’ensemble de l’institution des Nations Unies. Nous ne pouvons pas continuer de garder une structure qui fut créée pour favoriser les soi-disant vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale au détriment des intérêts du reste du monde.

Le nombre d’Etats membres a plus que triplé depuis la date de création des Nations Unies et les décisions qui furent prises alors sont désormais obsolètes. Nous sommes au XXIº siècle et nous avons besoin d’une organisation des Nations Unies capable de faire face aux défis du XXIº siècle. Donc ce n’est pas d’une opération de rafistolage dont nous avons besoin, c’est d’une restructuration, d’une refondation des Nations Unies, voilà ce dont nous avons besoin.

Pour finir, l’Union Européenne a fait un pas en avant en procédant à un rapprochement politique avec Cuba en signant des accords de coopération internationale. Le Commissaire Luis Mitchell s’est rendu à Cuba pour signer cette initiative. Comment interprétez-vous cette tendance à prendre en considération Cuba malgré les sanctions imposées par les Etats-Unis et qui plus est au moment où le gouvernement de ce pays et le système capitaliste affrontent une grave crise qui affectent leur crédibilité ?

Je crois que les gouvernements, partout dans le monde, doivent répondre aux attentes et aux besoins de leurs peuples ; je crois qu’en Europe les citoyens sont moins robotisés et je crois que c’est pourquoi l’Europe est réceptive, qu’elle concède que c’est quelque chose qui doit changer parce que c’est désormais devenu indéfendable. Les Etats-Unis sont les seuls qui s’entêtent à vouloir défendre l’indéfendable, mais il faut rendre le peuple des Etats-Unis un peu plus conscient parce que ce peuple étatsunien est le peuple le plus manipulé et le plus abusé du monde.

C’est le peuple qui est en réalité le moins informé de ce que son gouvernement fait à l’extérieur de ses frontières, mais je crois que nous vivons un moment intéressant d’un réel désir d’un changement réel et c’est pourquoi il faut continuer de nous battre et sans jamais perdre espoir, parce que, comme on dit au Nicaragua, un droit pour la défense duquel on ne se bat pas est un droit que l’on perd.

Alors l’Assemblée Générale a le droit d’être écoutée et elle a aussi le droit d’obtenir que ses résolutions ne continuent pas d’être tenues pour de simples recommandations que l’on peut parfaitement ignorer.

Ce sujet de la démocratisation de l’ONU, nous allons l’aborder au cours de trois grandes sessions, dans le cadre de ce que dans ma déclaration d’ouverture j’appelle un dialogue de haut niveau. La première de ces sessions traitera de tous les aspects financiers et du rôle de la nouvelle architecture du système financier mondial et du rôle central que doit précisément jouer l’Assemblée Générale.

Il faudra que celle-ci se fasse assister des meilleurs économistes du monde, meilleurs que ceux dont peuvent disposer certains Etats qui se croient tellement puissants et tellement savants et ça, nous l’avons déjà obtenu, du moins pour cette année. Nous disposons de ce genre d’assistance d’experts et cela doit devenir quelque chose de permanent, mais il nous faut enterrer à jamais le dénommé Consensus de Washington.

Ici, nous avons besoin du Consensus de l’Assemblée Générale ; il nous faut oublier le G8, le G20, ou le G27 ou n’importe quel autre G, et avoir en tête que le seul Groupe qui compte c’est le G192. Cela fait partie de notre combat pour la démocratisation.

Traduit par Manuel Colinas pour Investig’Action

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