La Grèce endettée au profit des industries militaires étrangères ?

Ah, la Grèce, ses plages, ses eaux turquoises, ses villages perchés… Soudain, trois chasseurs F-16 déchirent le ciel. La Libye n’est pas loin. Au large, les sous-marins made in Germany patrouillent.

 

Avec une population équivalente à la Belgique, la Grèce consacre 7,6 milliards d’euros à son armement, soit 3,2% de son PIB[1] (chiffres 2009). C'est près du double des dépenses militaires de la Belgique (4 milliards d’euros, 1,2% du PIB). En pourcentage, le budget militaire de la Grèce est ainsi le plus élevé des pays de l’Union Européenne et le second, après les États-Unis, des pays membres de l’Otan. La Grèce dépasse ainsi le Royaume-Uni (2,7%), la France (2,5%), l’Allemagne (1,4%) et la Belgique (1,2%) et vient derrière les États-Unis (4,7%).[2]

 

Le budget militaire le plus élevé de l’Union Européenne

La Grèce est aussi le premier importateur d’armes de l’Union Européenne. Au cours des cinq dernières années, elle a importé pour 3,4 milliards d’euros d’armes conventionnelles. Le pays se classe ainsi, sur la même période, au 5e rang des pays importateurs d’armes dans le monde, derrière l’Inde, la Chine, la Corée du Sud et le Pakistan. La Turquie vient en 11e position. La Grèce achète principalement des armes à l’Allemagne (1,3 milliards d’euros les 5 dernières années), aux États-Unis (977 millions d’euros) et à la France (730 millions). C’est ainsi le 1er client militaire de l’Allemagne et le 3e de la France.[3] L’achat d’avions de combat représente 38% de ses importations militaires. Le pays a acquis ainsi 26 F-16 aux États-Unis et 25 Mirages 2000 pour 1,6 milliard d’euros à la France. Des contrats sont en cours d’exécution, comme celui de 4 sous-marins commandés à l’Allemagne pour 1,2 milliard d’euros et la livraison de six frégates polyvalentes FREMM françaises pour un montant de 2,5 milliards d'euros[4].

 

L'Allemagne tire profit des tensions régionales

 

Il est intéressant de noter que l’Allemagne est aussi le principal fournisseur d’armes de la Turquie (860 millions d’euros) sur un total de 1,9 milliards d’euros d’importation. La Turquie est ainsi le 3e client de l’Allemagne[5].

Selon Jean-Paul Hébert, « le facteur essentiel de ces dépenses très importantes est la course aux armements avec la Turquie : mais la différence de population (72 millions contre 11) permet à ce dernier pays d’engager une part plus restreinte de ses ressources dans les dépenses militaires. Cet investissement excessif dans le militaire répond à la fois à un long antagonisme historique mais aussi à une course à la taille critique dans l’OTAN, dont les deux pays sont membres. » [6]

Ainsi, l'aide financière française et allemande envers la Grèce va contribuer à la poursuite des contrats avec les industries d'armement de ces deux pays. Une des causes de la dette grecque est sans aucun doute, le doublement de ses emprunts pour l'achat d'armes (passés de 80 à 160 milliards dollars) auprès de l'Allemagne, des États-Unis et de la France  entre 2000 et 2010.

 

Ventes d'armements et corruption

 

Vente d’armes rime souvent avec corruption, que ce soit en Belgique (rappelez-vous l’affaire Agusta) ou en Grèce. La brigade financière grecque a ainsi révélé le versement par la firme allemande Ferrostaal de 120 millions d’euros à des politiciens et responsables grecs pour faciliter l’achat des quatre sous-marins à l'Allemagne.[7] 

 

Elève zélé de l’Otan, la Grèce participe activement aux guerres en Afghanistan et en Libye.

Depuis la Grèce, des avions et des navires de guerre de divers pays membres de l’Otan, dont la Belgique, ont bombardé la Libye. Une frégate et un radar aérien de l’armée hellénique ont été impliqués dans les opérations. Le Parti communiste de Grèce (KKE), par la voix de sa  secrétaire générale, Aleka Papariga, a clairement dénoncé, dès le début, l’engagement du pays dans cette guerre. « La Yougoslavie, l’Irak, l’Afghanistan et aujourd’hui la Libye – pour la quatrième fois, la Grèce, sous la responsabilité du gouvernement grec, prend part à un crime important. Ce crime est une guerre impérialiste, injuste et sale, dans le but de s’emparer d’une part des ressources pétrolières, ce qui ne fera qu’intensifier la crise et provoquer de nouveaux tourments pour tous les peuples de la région. »[8] Des manifestations ont été organisées par le KKE, le Comité grec pour la paix (EEDYE) et le Front militant des travailleurs (PAME) pour exiger la fermeture immédiate des bases aériennes de Souda (Crète) et d’Aktio (Nord-Ouest du pays), qui joue un rôle majeur dans cette guerre. Ce sont à nouveau les travailleurs grecs qui payeront la facture de cette participation guerrière.

 

Il est intéressant de comparer le budget militaire de la Grèce avec les dépenses consacrées à la santé publique ou à l’éducation. Selon les chiffres de l’OCDE, en 2007, la Grèce a consacré 5,9% de son PIB à la santé publique, alors que la France, l’Allemagne ou la Belgique en consacrent plus de 7,3%. En matière d’éducation, la Grèce a consacré 4% de son PIB en 2005, selon l’Unesco.[9] Alors que la France, l’Allemagne ou la Belgique y consacrent de 4,5 à 6,5%.

On peut aussi se rappeler la gestion calamiteuse des grands incendies de l’été 2007. 84 personnes sont mortes et 2 700 km2 de forêts détruits, notamment parce que le pays manquait cruellement de moyens pour éteindre les incendies criminels. Si la Grèce avait acheté des canadairs plutôt que dans les F-16 ou les Mirages…

 

 

Dépenses militaires (2009)

Dépenses publiques santé (2007, OCDE)

Pays

en millions €

% du PIB

% du PIB

États-Unis

465.105

4,7

7,2

Grèce

7.612

3,2

5,9

Royaume Uni

42.401

2,7

6,8

Turquie

10.020

2,7

4,1

France

48.146

2,5

7,5

Allemagne

34.166

1,4

7,8

Belgique

4.048

1,2

7,3

 

Source: Solidaire


 

[1]              PIB = Produit Intérieur Brut, somme des richesses produites par un pays en un an.

[2]              Stockolm International Peace Research Institute (SIPRI), http://sipri.org

[3]              SIPRI Arms Transfers Database, 2006-2010.

[4]              RIA Novosti, 28 janvier 2011.

[5]              SIPRI Arms Transfers Database, 2006-2010.

[6]              CIRPES, Centre Interdisciplinaire de Recherches sur la Paix et d’Etudes Stratégiques, Le débat stratégique, N° 109 – Mai 2010. http://www.cirpes.net/article328.html

[7]              Kathimerini, 27 mars et 4 mai 2011.

[8]              KKE, 21 mars 2011. http://inter.kke.gr/News/news2011/2011-03-21-libya

[9]              http://www.uis.unesco.org/Library/Documents/ged07-fr.pdf

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