L’Iran doit se tenir prêt à contrer une attaque nucléaire

Pour le général Leonid Ivashov, ancien chef d’état-major interarmes

de la Fédération de Russie, il ne fait aucun doute que l’administration

Bush planifie des frappes nucléaires contre l’Iran et que le

Pentagone sera en mesure de les effectuer dans les prochaines

semaines. Il ne fait pas de doute non plus que les États-Unis n’en

seront pas dissuadés par les autres puissances nucléaires et qu’ils

ne devront essuyer qu’une riposte conventionnelle. La seule

inconnue réside dans l’approbation de ce projet ou dans l’opposition

du Congrès des États-Unis.

http://www.voltairenet.org:80/article145295.html

Dans l’ensemble des informations en provenance du Moyen-Orient,

on trouve un nombre croissant d’écrits affirmant que d’ici à quelques

mois les États-Unis mèneront des frappes nucléaires contre l’Iran. À

titre d’exemple le Kuwaiti Arab Times, citant des sources bien

informées mais anonymes, rapporte que les États-Unis projettent de

lancer une attaque à l’aide de missiles et de bombes sur le territoire

iranien avant la fin du mois d’avril 2007. La campagne débutera

depuis la mer et sera appuyée par le système de défense

anti-missile Patriot de manière à épargner aux troupes

états-uniennes une opération terrestre et réduire l’efficacité d’une

riposte en provenance de « n’importe quel pays du Golfe persique ».

« N’importe quel pays » fait essentiellement référence à l’Iran. La

source ayant communiqué l’information au journal koweïtien croit

que les forces états-uniennes en Irak ainsi que les autres pays de la

région seront protégés de toute frappe de missile iranien par les

Patriot aux frontières.

Ainsi, les préparatifs d’une nouvelle agression états-unienne ont

atteint leur phase de finalisation 1.. Les exécutions de Saddam

Hussein et ses associés les plus proches constituaient une partie de

ces préparatifs. Leur but était de servir d’ « opération déguisée »

pour les efforts des stratèges états-uniens visant à envenimer

délibérément la situation à la fois en Iran et dans tout le

Moyen-Orient.

Évaluant les conséquences du geste, les États-Unis ont

effectivement ordonné la pendaison de l’ancien dirigeant irakien et

de ses associés. Cela démontre que les États-Unis ont

irréversiblement adopté le plan de partition de l’Irak en trois

pseudo-États : chiite, sunnite et kurde. Washington considère

qu’une situation de chaos contrôlé l’aidera à dominer

l’approvisionnement en pétrole du Golfe persique ainsi que d’autres

voies de transport de pétrole stratégiquement importantes.

L’aspect de plus important de la question est qu’une zone de conflit

sanglant sans fin sera créée au cœur du Moyen-Orient, dans laquelle

les pays voisins de l’Irak, à savoir l’Iran, la Syrie et la Turquie (via le

Kurdistan) seront inévitablement aspirés. Cela résoudra le problème

de la complète déstabilisation de la région, une tâche de prime

importance pour les États-Unis et particulièrement Israël. La guerre

en Irak n’était qu’un pas dans une série d’étapes du processus de

déstabilisation régionale. Ce n’était qu’une phase du processus les

rapprochant d’un règlement de comptes avec l’Iran et d’autres pays

que les États-Unis ont ou vont stigmatiser.

Néanmoins il n’est pas aisé pour les États-Unis de se lancer dans

une campagne militaire de plus alors que l’Irak et l’Afghanistan ne

sont pas « pacifiés » (les États-Unis manquent des ressources

nécessaires pour le faire). En outre, les protestations contre la

politique des néo-conservateurs de Washington s’intensifient

partout dans le monde. En raison de tout ce qui précède, les

États-Unis feront usage de l’arme nucléaire contre l’Iran. Il s’agira du

second cas d’utilisation d’armes nucléaires au combat après

l’attaque états-unienne de 1945 contre le Japon.

Les cercles militaires et politiques israéliens font ouvertement des

déclarations sur la possibilité de frappes de missiles nucléaires sur

l’Iran depuis octobre 2006, quand l’idée fut appuyée par George W.

Bush. Actuellement on parle d’une « nécessité » de frappes

nucléaires. On pousse l’opinion à croire que cette éventualité n’a rien

de monstrueux et que, bien au contraire, une frappe nucléaire est

relativement faisable. Il n’y a prétendument pas d’autre moyen

d’« arrêter » l’Iran.

Comment les autres puissances nucléaires vont-elles réagir ? En ce

qui concerne la Russie, dans le meilleur des cas son gouvernement

se contentera de condamner les frappes, et au pire il déclarera que

« même si les États-Unis ont fait une erreur, le pays-cible a lui-même

provoqué l’attaque » – comme lors des frappes qu’a subi la

Yougoslavie.

L’Europe réagira sensiblement de la même façon. Cependant, il est

possible que les protestations de la Chine et d’autres pays vis-à-vis

des attaques nucléaires soient plus importantes. Dans tous les cas,

il n’y aura pas de représailles nucléaires à l’encontre des forces

états-uniennes – l’administration Bush en est totalement sûre.

Les Nations Unies n’ont aucun poids dans ce contexte géopolitique.

En ne condamnant pas l’attaque subie par la Yougoslavie, le Conseil

de sécurité des Nations Unies en a partagé la responsabilité. Cette

institution se contente d’adopter des résolutions que les Russes et

les Français interprètent comme étant une renonciation à l’usage de

la force, mais que les États-uniens et les Britanniques comprennent

comme un « cautionnement » de leurs agressions.

Quant à Israël, il sera de façon certaine la cible des attaques de

missiles iraniens ; il est alors possible que la résistance du Hezbollah

et des Palestiniens devienne plus active. Les Israéliens se poseront

en victimes, auront recours à des provocations pour justifier une

agression, souffriront de dommages raisonnables et les États-Unis

indignés finiront par déstabiliser l’Iran, en présentant cela comme un

châtiment bien mérité.

Certaines personnes semblent croire que les protestations de

l’opinion publique pourront arrêter les États-Unis. Je ne pense pas. Il

ne faut pas exagérer l’importance de ce facteur. Par le passé, j’ai

essayé pendant des heures de convaincre Milosevic que l’OTAN se

préparait à attaquer la Yougoslavie. Pendant longtemps, il a refusé

de l’envisager et me disait sans cesse : « Lisez donc la Charte de

l’ONU. Pour quelles raisons pourraient-ils faire ça ? ».

Mais ils l’ont fait. Ils ont délibérément ignoré la législation

internationale, et ils l’ont fait. Et quel est le résultat ? Bien sûr,

l’opinion publique a été choquée et indignée. Mais les agresseurs

ont obtenu exactement ce qu’ils voulaient : Milosevic est mort, la

Yougoslavie est divisée et la Serbie est colonisée – les officiers de

l’OTAN ont établi leur quartier général dans les bureaux du ministère

de la Défense du pays.

Il est arrivé la même chose en Irak. L’opinion publique a été choquée

et indignée. Or ce qui intéresse les États-Unis n’est pas l’ampleur de

l’indignation, mais l’étendue des revenus de leur complexe

militaro-industriel.

L’information selon laquelle un deuxième porte-avions états-unien

devrait arriver dans le Golfe persique d’ici la fin du mois de janvier

permet de faire une analyse de l’évolution possible du conflit. Pour

attaquer l’Iran, les États-Unis emploieraient essentiellement la force

nucléaire aérienne. Des missiles de croisière (transportés par des

avions, des sous-marins et des bâtiments de surface) et,

éventuellement, des missiles balistiques seraient utilisés. Selon

toutes probabilités, les frappes nucléaires seraient suivies de raids

aériens lancés depuis les porte-avions, ainsi que d’autres types

d’attaques.

L’Iran possède une armée puissante et les forces US pourraient

souffrir des pertes importantes. C’est inacceptable pour G. W. Bush,

qui se trouve déjà en position délicate. Il n’est pas nécessaire de

lancer une attaque terrestre pour détruire les infrastructures en

Iran, inverser le développement du pays, engendrer la panique et

créer un chaos politique, économique et militaire. C’est un objectif

réalisable d’abord par le nucléaire, puis par les moyens de guerre

conventionnels. Voilà l’utilité du déploiement de la flotte de

porte-avions à proximité des côtes iraniennes.

Quels sont les moyens de défense de l’Iran ? Ils sont considérables,

mais restent largement inférieurs aux forces . L’Iran possède 29

systèmes russes de missiles anti-aériens « Tor ». Ils constituent

incontestablement un renforcement de la défense aérienne

iranienne. Cependant, à l’heure actuelle, l’Iran n’a aucune protection

assurée contre les raids aériens.

La tactique sera la même que d’habitude : d’abord, neutraliser la

défense aérienne et les radars, ensuite attaquer l‘armée de l’air

dans le ciel, puis à terre les installations de contrôle et les

infrastructures, sans prendre de risques.

D’ici quelques semaines, nous verrons la machine de guerre

informationnelle se mettre en mouvement. L’opinion publique est

déjà sous pression. Nous allons assister à une sorte de montée

hystérique anti-iranienne, de nouvelles « fuites » dans les médias,

de la désinformation, etc.

Simultanément, tout cela envoie un message à l’opposition

« pro-occidentale » et à une fraction de l’élite de Mahmoud

Ahmadinejad pour qu’ils se préparent aux évènements à venir. Les

États-Unis tablent sur le fait qu’une attaque de l’Iran engendre

inévitablement le chaos dans le pays, pour ensuite corrompre

quelques généraux iraniens et dès lors créer une « cinquième

colonne » dans le pays.

Bien entendu, l’Iran et l’Irak sont des pays très différents.

Cependant, si l’agresseur réussit à provoquer un conflit entre les

deux branches des forces armées iraniennes, le Corps des gardes

de la Révolution islamique et l’armée, le pays se retrouvera en

situation critique, particulièrement dans l’hypothèse où, au tout

début de la campagne, les États-Unis parviendraient à atteindre le

dirigeant iranien et à mener une frappe nucléaire, ou une frappe

conventionnelle massive par des moyens conventionnels, contre

l’état-major du pays.

À ce jour, la probabilité d’une attaque des États-Unis contre l’Iran

est extrêmement élevée. Que le Congrès états-unien donne

l’autorisation pour cette guerre reste un fait encore incertain. Le

recours à une provocation pourrait éliminer cet obstacle (une

attaque sur Israël ou bien des cibles états-uniennes dont les bases

militaires). L’ampleur de la provocation pourrait être de l’ordre des

attentats du 11 septembre 2001 à New-York. Alors le Congrès dira

certainement « oui » au président états-unien.

Léonid Ivashov

Le général Léonid Ivashov est ancien chef d’état-major interarmes

de la Fédération de Russie. Il est aujourd’hui vice-président de

l’Académie russe de géopolitique et membre de la conférence Axis for

Peace.

N.B. Cet article a été rédigé par le général Leonid Ivashov avant la

déposition au Congrès du secrétaire états-unien à la Défense Robert

Gates (6 février 2007) indiquant que Washington devait se préparer

à une confrontation militaire avec la Russie et avant le discours du

président Vladimir V. Poutine devant la Conférence sur la sécurité de

Munich (10 février 2007) affirmant que Moscou ne laisserait pas les

États-Unis décider seuls de la guerre ou de la paix [en Iran].

Version française : Réseau Voltaire

1 « Le général Eberhart étudie un scénario de bombardement

nucléaire de l’Iran », Réseau Voltaire, 3 août 2005.

http://www.voltairenet.org/article17493.html

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.