L'Iran dans la ligne de mire d'Israël

Jamais une guerre imminente n’a reçu autant de publicité tonitruante que l’agression annoncée par Israël contre l’Iran. Quand on a demandé au chef de l’état-major israélien, Daniel Halutz, jusqu’où Israël était disposé à aller pour arrêter le programme nucléaire iranien, il a répondu : « Deux mille kilomètres », soit la distance d’un raid aérien.

24-25 décembre 2005

Plus spécifiquement, les sources militaires israéliennes révèlent que l’actuel – et sans doute prochain – Premier ministre israélien Ariel Sharon a donné l’ordre aux forces armées israéliennes de se préparer à des frappes aériennes contre les sites d’enrichissement de l’uranium en Iran. Selon le Times de Londres, l’ordre de préparer l’attaque a fait son chemin depuis le ministre israélien de la Défense jusqu’au chef de l’état-major. Au cours de la première semaine de décembre, « des sources au sein même du commandement des forces spéciales ont confirmé qu’on avait annoncé le niveau ‘G’ de préparation, c’est-à-dire le niveau le plus élevé de préparation d’une opération » (The Times, 11 décembre 2005).

Le 9 décembre, le ministre israélien de la Défense, affirmait qu’au vu des plans nucléaires de Téhéran, Tel Aviv ne devait « pas compter sur des négociations diplomatiques mais préparer d’autres solutions ». Au début décembre, Ahron Zoevi Farkash, le chef des renseignements militaires israéliens, déclarait à la Knesset, le parlement israélien, que « si, pour la fin mars, la communauté internationale ne parvient pas à soumettre le problème de l’Iran au Conseil de sécurité des Nations unies, nous pourrons dire que les efforts internationaux seront arrivés à leur terme ».

En d’autres termes, si les négociations diplomatiques internationales ne parviennent pas à se conformer au calendrier israélien, Israël attaquera militairement l’Iran de façon unilatérale. Benjamin Netanyahou, chef du parti Likoud et candidat au poste de Premier ministre, a déclaré que si Sharon n’agissait pas contre l’Iran, « lorsque je constituerai le nouveau gouvernement israélien [après les élections de mars 2006], nous ferons ce que nous avons fait dans le passé contre le réacteur de Saddam ». En juin 1981, Israël avait en effet bombardé le réacteur nucléaire d’Osirak, en Irak.

Même le journal pro-travailliste Haaretz, bien qu’en désaccord avec le moment et le lieu de l’annonce de Netanyahou, était d’accord avec sa substance. Haaretz a critiqué ceux qui « recommandent publiquement une option militaire israélienne » parce que la chose « présente Israël comme poussant les États-Unis vers une guerre majeure » (via les puissantes organisations pro-israéliennes aux États-Unis). Toutefois, Haaretz ajoute : « Israël doit vaquer à ses préparatifs en toute quiétude et sécurité et non lors des rassemblements électoraux. » (Haaretz, 6 décembre 2005.) La position de Haaretz, à l’instar de celle du Parti travailliste, c’est qu’Israël ne devrait pas prôner la guerre contre l’Iran avant que les négociations multilatérales ne soient terminées et que l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA) n’ait pris une décision.

Apparemment, l’opinion publique israélienne ne partage pas les plans de l’élite politique visant à frapper militairement le programme nucléaire iranien. Un sondage du quotidien israélien Yedioth Ahronoth, auquel Reuters faisait allusion le 16 décembre 2005, révèle que 58 pour 100 des Israéliens interrogés croient que le différend concernant le programme nucléaire iranien devrait être traité par la voie diplomatique, alors que 36 pour 100 seulement des personnes interrogées ont répondu que les réacteurs iraniens devaient être détruits par des frappes militaires.

Tous les principaux officiels israéliens ont décrété que la fin mars 2006 marquerait le dernier délai avant le lancement d’une attaque militaire contre l’Iran. Les intentions derrière cette date sont d’accroître la pression sur les États-Unis afin d’imposer la question des sanctions au Conseil de sécurité. La tactique consiste à faire chanter Washington à propos de la menace « de guerre ou de quoi que ce soit », à exercer des pressions sur l’Europe (à savoir la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et la Russie) afin qu’elle approuve les sanctions. Israël sait que ses actes de guerre vont mettre en péril l’existence de milliers de militaires américains en Irak et il sait également que Washington et l’Europe ne peuvent se permettre une troisième guerre pour l’instant.

Ce délai de fin mars coïncide également avec le rapport de l’AIEI à l’ONU sur le programme nucléaire iranien. Les décideurs politiques israéliens croient que leurs menaces peuvent influencer le rapport ou, du moins, imposer le genre d’ambiguïtés pouvant être exploitées par ses partisans à l’étranger en vue de promouvoir les sanctions du Conseil de sécurité ou de justifier une action militaire israélienne.

Ce délai de mars fait également converger les activités politiques des organisations pro-israéliennes aux États-Unis. Les principaux lobbies pro-israéliens ont aligné une majorité au Congrès et au Sénat des États-Unis susceptible de presser le Conseil de sécurité des Nations unies à appliquer des sanctions économiques contre l’Iran ou, si on n’y arrive pas, à soutenir l’action « défensive » d’Israël.

Dans le camp de la politique de guerre d’Israël, on trouve pratiquement toutes les organisations juives majeures et les plus influentes, les lobbies pro-israéliens, leurs comités d’action politique, tout un secteur de la Maison-Blanche, une majorité de représentants du Congrès payés à cette fin et des dirigeants au niveau des États ou au niveau local, de même que des personnages importants au sein des partis. En face, certaines sections du Pentagone, du département d’État, une minorité de membres du Congrès, une majorité de l’opinion publique, une minorité de juifs américains et une majorité de commandants militaires, d’active ou retraités, qui ont servi ou servent toujours en Irak.

Une grande partie des débats concernant l’agenda de guerre d’Israël a été dominée par les organisations pro-israéliennes, lesquelles transmettent les positions de l’État d’Israël. L’hebdomadaire juif Forward a mentionné un certain nombre d’attaques israéliennes contre l’administration Bush parce qu’elle n’agissait pas de façon plus agressive en faveur de la politique israélienne. Selon Forward, « Jérusalem est de plus en plus inquiet du fait que l’administration Bush ne s’emploie pas assez à empêcher Téhéran d’acquérir des armes nucléaires ». (9 décembre 2005.)

D’autres divergences frappantes sont apparues au cours du dialogue stratégique semestriel entre les hauts responsables israéliens et américains de la sécurité : les Israéliens se sont opposés aux pressions américaines en vue d’un changement de régime en Syrie, par crainte de l’émergence possible d’un régime islamique, plus radical. Les officiels israéliens ont également critiqué les États-Unis pour avoir forcé Israël à accepter d’ouvrir le passage de frontière à Rafah, ce qui chamboulait la mainmise israélienne sur l’économie de Gaza.

On pouvait prévoir que la plus grosse organisation juive des États-Unis, la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines, allait se faire immédiatement l’écho de la ligne de l’État d’Israël. Malcolm Hoenlan, président de la Conférence, a reproché à Washington de « n’avoir pu en imposer à l’Iran » et « d’avoir refilé le problème à l’Europe ». (Forward, 9 décembre 2005.) Il poursuivait en reprochant également à l’administration Bush de ne pas avoir répondu aux réclamations israéliennes en retardant le renvoi du cas de l’Iran, en vue de sanctions, au Conseil de sécurité des Nations unies. Hoenlan s’en est alors pris aux négociateurs français, allemands et britanniques, les accusant de « volonté d’apaisement et de faiblesse » et de n’avoir pas « un plan d’opération en vue d’une action décisive », sans doute parce qu’ils ne suivent pas le plan israélien prônant « les sanctions ou les bombardements ».

Le rôle de l’AIPAC, de la Conférence et des autres organisations pro-israéliennes en tant que courroies de transmission des plans de guerre israéliens était évident dans leur condamnation, le 28 novembre 2005, de l’accord de l’administration Bush pour donner à la Russie une chance de négocier un plan. En fonction duquel l’Iran aurait eu la permission d’enrichir de l’uranium à des fins non militaires et sous contrôle international. Le rejet par l’AIPAC des négociations et ses exigences en vue d’une confrontation immédiate s’appuyaient sur l’argument spécieux que cela « faciliterait les recherches iraniennes en vue de l’obtention d’armes nucléaires », un argument qui vole en éclats face aux renseignements connus (y compris par Israël) prétendant que l’Iran devrait encore attendre entre 3 et 10 ans avant même d’approcher un armement nucléaire.

La transmission inconditionnelle et sans la moindre critique par l’AIPAC des exigences et des récriminations d’Israël sont habituellement enrobées de la rhétorique des intérêts ou de la sécurité des États-Unis, et ce, afin de manipuler la politique américaine. L’AIPAC a réprimandé le régime de Bush parce que celui-ci mettait en danger la sécurité américaine. En escomptant des négociations, l’AIPAC a accusé l’administration Bush de « donner à l’Iran une nouvelle chance de manipuler (sic) la communauté internationale » et de « poser une grave menace contre les États-Unis ». (Forward, 9 décembre 2005.)

Les principaux porte-parole américains en faveur d’Israël se sont opposés aux instructions transmises par le président Bush à son ambassadeur en Irak, Zalmay Khaklilzad, lui demandant d’entamer le dialogue avec l’ambassadeur de l’Iran en Irak. En outre, il était à prévoir que la réaction officielle « très prudente » d’Israël à la vente à Téhéran par la Russie de plus d’un milliard de dollars de missiles de défense antiaérienne qui pourraient protéger l’Iran d’une frappe aérienne israélienne, allait être commentée par les principales organisations juives aux États-Unis.

Pousser les États-Unis vers une confrontation avec l’Iran via des sanctions économiques et une agression militaire a été une priorité absolue pour Israël et ses partisans aux États-Unis depuis plus de dix ans. (Jewish Times / Jewish Telegraph Agency, 6 décembre 2005.) En ligne avec leur politique visant à forcer les États-Unis à une confrontation avec l’Iran, l’AIPAC, les comités d’action politique israéliens et la Conférence des présidents ont aligné avec succès une majorité de gens du Congrès pour contrecarrer ce qu’ils décrivent comme « l’apaisement » de la situation avec l’Iran.

La représentante Ileana Ros-Lehtinen (républicaine de Floride), qui a l’honneur très douteux de collaborer avec les groupes terroristes cubains en exil et de soutenir inconditionnellement la politique de guerre israélienne, est présidente de la sous-commission pour le Moyen-Orient de la Chambre américaine des représentants. À partir de cette plate-forme, elle a dénoncé « la politique européenne d’apaisement et le fait que l’Europe a armé le régime terroriste de Téhéran ». Elle s’est vantée de ce que son projet de sanctions contre l’Iran avait le soutien de 75 pour 100 des membres du Congrès et qu’elle allait réunir encore d’autres prétendus partisans de ces sanctions.

En dépit des attaques pro-israéliennes contre la politique américaine en raison de la « faiblesse » de cette dernière avec l’Iran, Washington a opéré d’une façon aussi agressive que le lui permettaient les circonstances. Face à l’opposition de l’Europe en ce qui concerne une confrontation immédiate (confrontation que réclament l’AIPAC et les politiciens israéliens), Washington soutient les négociations des Européens mais impose des conditions extrêmement restrictives, à savoir un rejet du Traité de non-prolifération qui permet l’enrichissement de l’uranium à des fins pacifiques.

Le « compromis » européen consistant à forcer l’Iran à confier le processus d’enrichissement à une nation étrangère (la Russie) ne constitue pas seulement une violation de sa souveraineté, mais c’est également une politique que ne pratique aucun autre pays se servant de l’énergie nucléaire. Etant donné ce « mandat » des plus inacceptables, bien sûr, il est évident que le « soutien des négociations » par Washington vise à provoquer un refus de la part de l’Iran et constitue un moyen d’assurer le soutien de l’Europe en vue d’une intervention au Conseil de sécurité en faveur des sanctions internationales.

En dépit du soutien quasi unanime et de l’influence étendue des principales organisations juives, 20 pour 100 des juifs américains ne soutiennent pas Israël dans son conflit contre les Palestiniens. De façon encore plus significative, 61 pour 100 des juifs ne parlent quasiment jamais d’Israël ni ne le défendent au cours de conversations avec des goyim ou non-juifs (Jerusalem Post, 1er décembre 2005). À peine 29 pour 100 des juifs sont d’actifs promoteurs d’Israël. Les enragés d’« Israël avant tout » représentent donc moins d’un tiers de la communauté juive. En fait, il y a davantage d’opposition à Israël parmi les juifs qu’il n’y en a au Congrès américain. Cela dit, toutefois, la plupart des critiques juives à l’égard d’Israël n’ont pour ainsi dire aucune influence sur les grandes organisations juives et sur le lobby pro-israélien, puisqu’elles sont exclues des mass media et que les gens qui les profèrent sont intimidés quand ils doivent s’exprimer à ce propos et tout particulièrement à propos des préparatifs de guerre israéliens contre l’Iran.

Le mythe de la menace nucléaire iranienne

Le chef d’état-major des forces de défense israéliennes, Daniel Halutz, a catégoriquement démenti que l’Iran représentait une menace nucléaire directe contre Israël, et encore moins contre les États-Unis. Selon Haaretz (14 décembre 2005), Halutz a déclaré que l’Iran aurait besoin de beaucoup de temps pour être en mesure de produire une bombe atomique et, d’après ses estimations, la chose ne serait éventuellement possible qu’entre 2008 et 2015.

Les officiels du Parti travailliste israélien ne croient pas que l’Iran représente une menace nucléaire directe et affirment plutôt que la propagande guerrière du gouvernement Sharon et du Likoud constitue une ficelle électorale. Selon Haaretz, « le Parti travailliste a officiellement accusé le premier ministre Ariel Sharon, le ministre de la Défense Shaul Mofaz et d’autres officiels de la défense d’utiliser le problème de l’Iran dans leurs campagnes électorales avec l’intention de détourner les débats publics des questions sociales ».

Dans un message adressé à la droite israélienne mais également applicable à l’AIPAC et aux présidents des principales organisations juives aux États-Unis, le membre travailliste de la Knesset, Benjamin Ben-Eliezer, a rejeté cette propagande électorale guerrière : « J’espère que les prochaines élections ne vont pas encourager le Premier ministre et le ministre de la Défense à s’écarter de la politique du gouvernement et à mettre Israël sur les lignes de front d’une confrontation avec l’Iran. La question nucléaire est une question internationale et il n’y a pas de raison qu’Israël y joue un rôle majeur. » (Haaretz, 14 décembre 2005.)

Les renseignements israéliens ont la certitude que l’Iran ne dispose pas de l’uranium enrichi requis pour produire une bombe atomique ni maintenant ni dans un futur immédiat, contrairement aux prétentions hystériques diffusées par les lobbies pro-israéliens des États-Unis. Mohammed El Baradei, chef de l’AIEA, qui organise des inspections en Iran depuis plusieurs années, a fait remarquer que l’AIEA n’a découvert aucune preuve que l’Iran essaie de se bâtir un arsenal nucléaire. Il a critiqué indirectement les plans de guerre israéliens et américains en mettant en garde contre le fait qu’une « solution militaire serait totalement improductive ».

Plus récemment, l’Iran, dans un geste évident de vouloir clarifier le problème de l’usage futur d’uranium enrichi, « a ouvert la porte à l’aide américaine pour construire une centrale nucléaire ». Le porte-parole du ministre iranien des Affaires étrangères, Hamid Reza Asefi, a déclaré : « L’Amérique peut participer aux offres internationales en vue de la construction d’une centrale nucléaire en Iran pour autant qu’elle observe les normes et la qualité qui sont de mise. » (USA Today, 11 décembre 2005.) .

L’Iran a également l’intention de construire plusieurs autres centrales nucléaires avec l’aide étrangère. Cet appel iranien à l’aide étrangère n’est guère la stratégie d’un pays qui essaie de mener un programme secret de bombe atomique et tout particulièrement dirigé contre l’un de ses principaux accusateurs.

Les Iraniens en sont à un stade élémentaire dans le traitement de l’uranium, ils ne sont même pas encore parvenus au point d’enrichir l’uranium, tâche qui va encore prendre pas mal d’années, et ils ont encore de nombreux problèmes complexes à surmonter avant de pouvoir construire une bombe. Il n’y a aucune base factuelle permettant de prétendre que l’Iran constitue une menace nucléaire pour Israël ou pour les forces américaines au Moyen-Orient.

Des dizaines de pays équipés de réacteurs nucléaires par nécessité utilisent de l’uranium enrichi. La décision iranienne de progresser dans la production d’uranium enrichi est son droit souverain comme ce l’est pour tous les pays qui possèdent des réacteurs nucléaires en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Le recours par Israël et l’AIPAC à une vague formulation de la capacité nucléaire potentielle de l’Iran est tellement superficiel qu’il pourrait s’appliquer à des dizaines de pays dotés d’un minimum d’infrastructure scientifique.

Les quatre grands européens ont soulevé un faux problème en esquivant la question de savoir si oui ou non l’Iran a des armes atomiques ou en fabrique, et ils se sont concentrés à attaquer la capacité de l’Iran à produire de l’énergie nucléaire, à savoir la production d’uranium enrichi. Les quatre ont assimilé, d’une part, l’uranium enrichi et une menace nucléaire et, d’autre part, un potentiel nucléaire et le danger d’une attaque nucléaire imminente contre les pays occidentaux, leurs troupes et Israël. Les Européens, et particulièrement la Grande-Bretagne, ont deux options en vue : soit imposer l’acceptation par l’Iran de limites à sa souveraineté et, plus spécifiquement, à sa politique énergétique, soit forcer l’Iran à rejeter l’ajout arbitraire au traité de non-prolifération en tant que preuve de ses mauvaises intentions de l’Iran, à savoir fabriquer des bombes atomiques et prendre pour cibles des pays pro-occidentaux.

Les médias occidentaux allaient se faire l’écho de la position des gouvernements américain et européens selon laquelle l’Iran était responsable de la rupture des négociations. Les Européens allaient alors convaincre leur public que, puisque la « raison » avait failli, le seul recours était de suivre les États-Unis et de porter le problème devant le Conseil de sécurité et d’approuver les sanctions internationales à l’encontre de l’Iran.

Les États-Unis tenteraient alors d’exercer des pressions sur la Russie et la Chine afin que ces dernières votent en faveur des sanctions ou s’abstiennent. Il y a tout lieu de douter que les deux pays soient d’accord, vu l’importance des marchés de plusieurs milliards de dollars en pétrole, armes, nucléaire et commerce entre eux et l’Iran. Après avoir essayé et échoué auprès du Conseil de sécurité, les États-Unis et Israël opteraient pour une agression militaire, conformément au scénario du choix de la guerre. Une attaque aérienne contre les installations nucléaires supposées de l’Iran aurait pour conséquence le bombardement de régions éloignées aussi bien qu’à forte densité de population et, partant, de lourdes pertes en vies humaines.

Le principal résultat serait une énorme escalade de la guerre dans le Moyen-Orient. On pourrait s’attendre à ce que l’Iran, un pays de 70 millions d’habitants, avec plusieurs fois les forces militaires qu’avait l’Irak et avec des forces militaires et paramilitaires hautement motivées et concernées, fasse route vers l’Irak. Les chiites irakiens, favorables ou alliés à l’Iran, rompraient très vraisemblablement leurs liens avec Washington et passeraient à l’action. Les bases militaires, les troupes et les clients des Américains subiraient de violentes attaques. Les pertes en vies humaines de l’armée américaine se multiplieraient. Tous les plans de retrait des troupes seraient interrompus. La stratégie de l’«irakisation» se désintégrerait.

Plus que vraisemblablement, de nouveaux incidents terroristes se produiraient en Europe occidentale, en Amérique du Nord et en Australie, ainsi que contre les multinationales américaines.

Les sanctions contre l’Iran ne fonctionneraient pas, parce que le pétrole est une marchandise rare et essentielle. La Chine, l’Inde et les pays d’Asie à la croissance rapide refuseraient le boycott. La Turquie et les autres pays musulmans ne coopéreraient pas. La politique des sanctions serait vouée à l’échec ; son seul résultat serait d’accroître encore plus le prix du pétrole.

Ici, aux États-Unis, il y a peu, voire pas du tout, de lobbies organisés et influents s’opposant au lobby en faveur d’Israël et de la guerre, soit à partir de la perspective visant à œuvrer pour la coexistence au Moyen-Orient ou même à défendre les intérêts nationaux américains quand ils divergent de ceux d’Israël. Bien que de nombreux anciens diplomates, généraux, fonctionnaires des renseignements, juifs réformés, conseillers retraités en sécurité nationale et professionnels du département d’État aient publiquement dénoncé l’agenda de la guerre contre l’Iran et même critiqué les lobbies prônant Israël avant tout, leurs annonces dans les journaux et leurs interviews dans les médias n’ont été soutenues par aucune organisation politique nationale susceptible de rivaliser en influence avec la Maison-Blanche et le Congrès.

Au fur et à mesure que nous nous rapprochons d’une confrontation majeure avec l’Iran et de la fin des délais à court terme imposés consentis par les officiels israéliens avant de passer au déclenchement d’une conflagration au Moyen-Orient, il semble que nous sommes condamnés à apprendre des pertes catastrophiques à venir que les Américains doivent s’organiser pour vaincre les lobbies politiques s’appuyant sur la fidélité à un pays étranger.

James Petras, ancien professeur de sociologie à l’université de Binghamton, New York, a derrière lui 50 années de lutte des classes. Il est conseiller des sans-terre et des sans-emploi au Brésil et en Argentine et est coauteur de Globalization Unmasked (La mondialisation dénoncée) (Zed). Son nouvel ouvrage rédigé en compagnie de Henry Veltmeyer, Social Movements and the State: Brazil, Ecuador, Bolivia and Argentina, a été publié en octobre 2005. On peut le joindre à l’adresse suivante : jpetras@binghamton.edu

Traduction : Jean-Marie Flémal

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