“Israël va utiliser la tension militaire”

En rééditant le livre Israël-parlons-en!, Michel Collon y a ajouté un débat “Israël face aux révoltes arabes” entre l’économiste égyptien Samir Amin, le journaliste israélien Michel Warschawski et l’expert du monde arabe Mohamed Hassan. Ce débat annonçait l’attaque contre Gaza et il permet de comprendre ce qui se déroule actuellement en Israël et en Egypte. En voici un court extrait…

 



Michel Warschawski, voyez-vous de la même façon les relations entre l’Egypte et Israël ?

 

 

 

Michel Warschawski : J’ai deux remarques. Je suis d’accord avec Mohammed Hassan à propos de l’affaiblissement de l’Egypte et du monde arabe tout entier dans ses relations avec Israël. Cela représente un avantage pour Israël. Mais, d'un autre côté, avec la chute de Moubarak, Israël risque de perdre un facteur de stabilité extrêmement important, à savoir les pressions permanentes du régime égyptien sur les Palestiniens : on leur interdit de déborder la « ligne rouge » tracée par Israël et acceptée par le régime de Moubarak.

Ce problème est encore sous-estimé par les politiques et les commentateurs israéliens : cet affaiblissement de l’hégémonie américaine au Moyen-Orient laisse la place à d’autres acteurs globaux qui vont jouer un rôle de plus en plus important dans la région : la Russie revient, après une longue période où elle s’était un peu désinvestie de cette région, l’Inde et la Chine placent leurs pions dans la région… D’abord des pions économiques, puis ce seront des pions politiques.

Et ceci va changer complètement la donne en ce qui concerne l’actuelle hégémonie israélienne sur la région, puisque cette hégémonie régionale s’appuyait exclusivement sur la seule puissance hégémonique globale qui était les Etats-Unis d’Amérique. Il faut se préparer à un contexte totalement différent d’ici cinq à dix ans et ce sera très problématique pour Israël. Quel que soit d’ailleurs le gouvernement en place à Tel-Aviv.

 

Un monde multipolaire, c’est dangereux pour Israël ?

Michel Warschawski : Tout à fait. Pour Israël, il y avait un patron dans la région, c’était les USA, et Israël, le sous-traitant. Même s’il y avait parfois des tensions entre les deux, par exemple, concernant l’Egypte justement. Plusieurs fois l’administration US – déjà avant Obama – avait dit à Israël : c’est notre intérêt et donc le vôtre de renforcer le régime Moubarak et non pas de l’affaiblir et de l’humilier. Ces tensions entre Washington et Tel-Aviv étaient réelles, mais limitées à un problème de tactique politique. Cependant, avec l’apparition de nouveaux acteurs globaux dans la région, Israël risque de perdre son monopole d’intermédiaire de la politique globale dans la région.

Samir Amin : Tout à fait d’accord avec les analyses qui viennent d’être faites. Je voudrais juste ajouter ceci à propos de la Libye : l’objectif des USA est d’y installer un régime de laquais, un Karzaï, qui leur donnera immédiatement une énorme base militaire. Les USA veulent mettre en place l’Africa Command, ce dispositif militaire leur permettant d’intervenir militairement sur tout le continent africain. Notamment pour y protéger leurs zones de pillage des ressources naturelles majeures.

Jusqu’à présent, l’Union africaine a résisté aux demandes US, et aucun pays africain n’avait osé jusqu’à maintenant accepter l’installation de l’Africa Command chez lui. La seule option sera, si les Etats-Unis arrivent à leurs fins, une Libye dirigée par un Karzaï aux ordres. N’oubliez pas qu’il y avait une base militaire américaine gigantesque en Libye jusqu’en 1969 et qu’elle a été évacuée à cause de Khadafi. Ils veulent y revenir, c’est l’objectif majeur des Etats-Unis, et c’est peut-être même leur objectif exclusif : récupérer cette base militaire en Libye.

 

Que pourrait faire Israël, si les Etats-Unis perdaient le contrôle sur la région ?

Michel Warschawski : Israël va user de ce qu’il maîtrise le mieux, même si cela conduit toujours à des fiasco : la tension militaire. Les bombardements sur Gaza sont, à mon avis, un avant-goût.

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.