Israël, les Palestiniens et l'apartheid

Les Israéliens ont toujours été horrifiés à l’idée qu’on puisse établir un parallèle entre leur pays, une démocratie surgie des cendres d’un génocide, et le système raciste qui a dirigé l’ancienne Afrique du Sud. Pourtant, même en Israël, des accusations s’obstinent à prétendre que la pléthore des contrôles qui empoisonnent le moindre aspect de la vie palestinienne affiche une ressemblance étonnante avec l’apartheid. Après avoir écrit quatre ans durant depuis Jérusalem et, avant cela, pendant plus d’une décennie depuis Johannesburg, l’envoyé spécial du Guardian au Moyen-Orient – maintes fois récompensé –, Chris McGreal, est exceptionnellement bien placé pour oser cette comparaison explosive. Voici la première partie de son reportage, qui en compte deux.

Lundi 6 février 2006

The Guardian

Saïd Rhateb est né en 1972, cinq ans après que les militaires israéliens eurent envahi Jérusalem-Est et réclamé le maigre lopin parsemé de pierres de sa famille comme faisant partie de ce que l’État juif proclamait sa « capitale éternelle et indivisible ». Les bureaucrates suivirent les traces de l’armée, enregistrant et mesurant la plus importante annexion de territoire d’Israël depuis sa victoire sur les armées arabes durant la guerre d’indépendance de 1948. Ils parcoururent des yeux le village de la famille Rhateb, Beit Hanina, et ses terres, à peu de distance de la cité biblique sur la colline, et ils fixèrent les limites extérieures de cette nouvelle Jérusalem. Les Israéliens tirèrent un trait sur une carte – une nouvelle limite pour la ville – entre les terres de Beit Hanina et la plupart de ses habitations. Oliveraies et bergers feraient désormais partie de Jérusalem ; le village, lui, resterait en Cisjordanie.

La population ne fut pas divisée de façon aussi méthodique. On inscrivit les Arabes de la zone comme vivant au village – même ceux, comme les parents de Rhateb, dont les maisons se trouvaient à l’intérieur de ce qui faisait désormais partie de Jérusalem. Plus tard, les Israéliens donnèrent aux Rhateb des cartes d’identité qui en faisaient des résidents de la Cisjordanie sous occupation militaire. Quand Saïd Rhateb vint au monde, il fut lui aussi inscrit comme vivant hors des limites de la ville. Ses parents n’y attachaient guère d’importance puisqu’ils franchissaient librement la ligne invisible tracée par les Israéliens, allant faire leurs emplettes et prier à l’intérieur des murailles de la Vieille Ville de Jérusalem.

Quatre décennies plus tard, l’univers de plus en plus complexe du système de classification d’Israël considère que Saïd Rhateb est un résident de la Cisjordanie – un endroit où il n’a jamais vécu –, mais un étranger illégal s’il vit dans la maison où il est né, c’est-à-dire dans les limites de Jérusalem. Le Conseil de Jérusalem oblige Rhateb à payer de substantielles taxes de propriété sur sa maison mais cela ne lui donne pas le droit d’y vivre et il est régulièrement arrêté quand il brave cette interdiction. Ses enfants ont été chassés de leur école à Jérusalem et il ne peut faire enregistrer une voiture à son nom – ou, plutôt, il le peut, mais uniquement avec des plaques palestiniennes, ce qui fait qu’il ne peut s’en servir pour se rendre à sa maison, puisque seules les voitures enregistrées comme israéliennes ont le droit d’entrer à Jérusalem – et il lui faut un laissez-passer pour visiter le centre de la ville. L’armée lui en accorde environ quatre par an.

Il y a plus. Du fait que Rhateb n’est pas légalement domicilié dans sa propre maison, il est considéré comme un « absent » ayant abandonné sa propriété. Conformément à la loi israélienne, celle-ci appartient désormais à l’État ou, plus exactement, à ses citoyens juifs. « Ils ont envoyé des papiers disant que nous ne pouvons vendre la terre ni la mettre en valeur parce que nous n’en sommes pas les propriétaires. Elle appartient à l’État », dit-il. « Chaque fois qu’ils veulent la confisquer, ils peuvent le faire, puisqu’ils prétendent que nous sommes des ‘absents’, même si nous vivons dans la maison. C’est ce qui a obligé mon frère aîné et mes trois sœurs à aller vivre aux États-Unis. Ils ne pouvaient supporter ce harcèlement. »

Le « mur de l’apartheid »

Il existe peu d’endroits dans le monde où les gouvernements fabriquent sur la nationalité et la résidence un tissu de lois servant à dresser une section de la population contre une autre. L’Afrique du Sud de l’apartheid en était un. Israël en est un autre.

On mentionne de plus en plus les comparaisons entre le pouvoir blanc en Afrique du Sud et le système de contrôle d’Israël sur les peuples arabes qu’il gouverne. Les opposants à l’immense barrière d’acier et de béton en constriction à travers la Cisjordanie et Jérusalem l’ont surnommée le « mur de l’apartheid » parce qu’elle force les communautés à vivre séparées et qu’elle accapare des terres. Les gens qui critiquent le plan d’Ariel Sharon prévoyant de morceler complètement la Cisjordanie en assignant des parcelles de territoire aux Palestiniens établissent des comparaisons avec les « bantoustans » de l’Afrique du Sud – des homelands indépendants de nom, dans lesquels étaient parqués des millions d’hommes et de femmes noirs.

Une organisation israélienne des droits de l’homme a décrit la ségrégation exercée par l’armée sur les routes de Cisjordanie comme étant de l’apartheid. Les hommes de loi arabo-israéliens débattent d’affaires de discrimination devant la cour suprême en faisant valoir les similitudes entre certains éléments de la législation israélienne et les lois d’oppression de l’Afrique du Sud blanche. Desmond Tutu, ancien archevêque du Cap et président de la commission sud-africaine sur la vérité et la réconciliation, a visité les territoires occupés voici trois ans et a décrit une situation qu’il estimait « très semblable à ce qui se passait pour nous, les Noirs, en Afrique du Sud ».

Aussi loin qu’en 1961, Hendrik Verwoerd, le Premier ministre sud-africain architecte de la vision du « grand apartheid » des bantoustans, avait vu un parallèle, déclarant : « Les Juifs ont pris Israël aux Arabes alors que les Arabes y vivaient depuis un millénaire. Israël, à l’instar de l’Afrique du Sud, est un État d’apartheid. » C’est là une conception qui horrifie et met en colère de nombreux Israéliens.

Un éminent spécialiste politique israélien, Gerald Steinberg, répondit à une invitation à participer à une rencontre dans un centre culturel de Jérusalem afin de discuter de la question « Israël représente-t-il un nouvel apartheid ? », en dénonçant l’organisateur, un Juif né en Afrique du Sud, ne serait-ce que pour avoir posé cette question.

« Comme vous vous en doutez sans nul doute, la campagne pro-palestinienne et antisémite visant à diaboliser Israël se concentre sur l’analogie entièrement fausse et grossière avec l’Afrique du Sud. Utiliser le terme ‘apartheid’ et l’appliquer aux ripostes légitimes d’Israël à la terreur et à la menace d’élimination avilit non seulement l’expérience sud-africaine, mais c’est aussi une attaque particulièrement immorale contre le droit du peuple juif à l’autodétermination », répondit-il.

Bien des Israéliens se hérissent à la suggestion d’un parallèle parce que cela va droit au cœur de leur conception d’eux-mêmes et de leur pays, créé après des siècles de haine, de pogroms et, en dernier lieu, de génocide. Une chose est certaine, c’est que la plupart des Juifs d’Israël ont l’impression d’avoir plus de choses en commun avec la population noire de l’Afrique du Sud qu’avec ses oppresseurs. Certains défenseurs convaincus de la politique passée et actuelle d’Israël disent que le simple fait de discuter d’Israël dans le contexte de l’apartheid revient presque à comparer l’État juif à l’Allemagne nazie, ne serait-ce, entre autres, que du fait des sympathies fascistes des dirigeants afrikaners dans les années 1940 et des relents dérangeants des lois hitlériennes de Nuremberg que l’on retrouve dans la législation raciste de l’Afrique du Sud.

Pourtant, le tabou est de plus en plus défié. Comme le disait le ministre de la Justice israélien, Tommy Lapid, l’irrespect d’Israël à l’égard des lois internationales en construisant le mur en Cisjordanie pourrait avoir pour conséquence qu’Israël serait traité en paria comme l’a été l’Afrique du Sud. Le Premier ministre de Malaisie, Abdullah Ahmad Badawi, a réclamé contre Israël une campagne similaire à celle utilisée pour exercer des pressions sur l’Afrique du Sud.

« À l’instar de la lutte contre l’apartheid, la lutte des Palestineins contre l’occupation israélienne de leur pays bénéficie d’un énorme soutien de la part de la communauté mondiale », a-t-il déclaré. « De ce fait, il serait particulièrement opportun et indiqué que les diverses sociétés dans le monde passent à une expression plus concrète de ce soutien à cette campagne. »

Les Églises anglicane, presbytérienne et d’autres encore ont appuyé les sanctions contre Israël. L’an dernier, l’une des associations d’enseignants universitaires du Royaume-Uni a approuvé le boycott de deux universités israéliennes avant de revenir sur sa décision au beau milieu d’un torrent de critiques à l’encontre des motifs de ce revirement.

Le gouvernement israélien a condamné les boycotts comme étant des mesures antisémites en même temps que des tentatives visant à « délégitimer » l’État juif. Il demande pourquoi Israël, un pays démocratique, fait l’objet de sanctions particulières. Quelques protestations ne constituent pas un chœur complet mais, derrière l’hostilité d’Israël, il y a la crainte, exprimée d’ailleurs dans un rapport secret du ministère israélien des Affaires étrangères, de voir la popularité d’Israël à l’étranger s’enfoncer si bas, durant les prochaines années, que le pays pourrait se retrouver en conflit avec l’Europe, laquelle pourrait à son tour isoler Israël tout autant que le régime de l’apartheid, ce qui entraînerait de lourdes conséquences économiques.

Le retrait par Ariel Sharon des colons juifs de la bande de Gaza, l’an dernier, et l’abandon du contrôle israélien direct sur ce territoire ont temporairement atténué certaines critiques. Mais, même pendant que s’opérait le retrait de Gaza, Israël durcissait son contrôle sur les parties de la Cisjordanie qu’il entend garder, utilisant le mur pour délimiter la frontière qu’il veut imposer dans le futur et qui morcellerait le territoire, et étendant les colonies juives qu’il compte annexer. Si les successeurs de Sharon appliquent cette stratégie, elle ne manquera sans doute pas de renforcer les comparaisons avec l’apartheid et apportera de l’eau au moulin de ceux qui réclament des sanctions.

Les Israéliens sont vraiment abasourdis par le fait qu’on pourrait voir des similitudes entre leur société et l’ancienne Afrique du Sud. Où, demandent-ils, sont les signes indiquant « Juifs » et « non-Juifs » et correspondant à l’« apartheid mesquin » des bus et des toilettes séparés et de la quasi-totalité des autres aménagements de Pretoria et Johannesburg ?

Il y a des différences visibles, bien sûr. Les Israéliens arabes peuvent voter, bien que, jusque dans les années 1980, il leur ait été interdit de former leurs propres partis politiques. Ils sont en gros égaux devant la loi et, ces derniers temps, les tribunaux israéliens ont généralement protégé leurs droits. Les Juifs sont majoritaires, en Israël, alors que les Sud-Africains blancs étaient minoritaires. Et, durant les premières décennies de son existence, Israël a dû se battre pour sa survie.

Mais pour ceux qui vivent avec un pied dans chacune des sociétés, les distinctions sont gommées par d’autres réalités. Certains Sud-Africains juifs et Israéliens qui ont vécu avec l’apartheid – y compris des hommes politiques, des survivants de l’Holocauste et des gens jadis condamnés comme terroristes – disent de certains aspects de l’Israël moderne qu’ils rappellent de façon dérangeante l’ancienne Afrique du Sud. Certains voient les parallèles dans une configuration de pratiques et de contrôles discriminatoires et dans ce qu’ils décrivent comme étant de la vulgaire rapacité à l’égard des terres confisquées par le jeune État israélien aux Arabes en fuite et, plus tard, aux Palestiniens pour l’expansion incessante des colonies de Cisjordanie. « L’apartheid a été une extension du projet colonial visant à déposséder des gens de leurs terres », a déclaré le ministre juif du cabinet sud-africain et ancien combattant de la guérilla de l’ANC, Ronnie Kasrils, lors d’une visite à Jérusalem. « C’est exactement ce qui s’est passé en Israël et dans les territoires occupés : le recours à la force et à la loi pour s’emparer de terres. C’est ce que l’apartheid et Israël ont en commun. »

D’autres voient un fondement commun dans l’étendue des souffrances, sinon dans leurs causes. « Si nous considérons l’importance de l’injustice infligée aux Palestiniens par l’État d’Israël, il y a une base de comparaison avec l’apartheid », a expliqué l’ancien ambassadeur d’Israël en Afrique du Sud, Alon Liel. « Si nous considérons l’amplitude des souffrances, nous sommes du même niveau. Naturellement, l’apartheid était une philosophie très différente de ce que nous faisons et dont la majeure partie émane de considérations sécuritaires. Mais, du point de vue du résultat, nous sommes du même niveau. »

Peut-être la véritable question est-elle de savoir comment Israël en est arrivé au même niveau que l’Afrique du Sud de l’apartheid, que ce soit via des lois et des stratégies politiques identiques, ou via les souffrances infligées. Et comment se fait-il que le gouvernement d’un peuple qui a tant souffert dans les mains de la discrimination et de la haine en soit venu à donner secrètement l’accolade à un régime dirigé par des hommes qui, un jour, ont occupé les docks du Cap pour chanter : « Remballez les Juifs chez eux ! »

Déchiré entre deux luttes

En 1940, un jeune Juif parlant l’afrikaans et appelé Arthur Goldreich vivait à Pietersberg, la capitale violemment intolérante du Nord-Transvaal. Goldreich avait onze ans et l’Afrique du Sud était en guerre contre l’Allemagne nazie.

Un matin, le directeur de l’école secondaire annonça que les étudiants allaient apprendre une langue étrangère, l’allemand en l’occurrence. L’implication était claire : de nombreux Afrikaners, y compris certains de leurs dirigeants politiques, espéraient et croyaient que Hitler allait gagner la guerre. Quand le professeur de Goldreich distribua le « manuel » en allemand, le jeune Juif eut sous les yeux un exemplaire du magazine des Jeunesses hitlériennes. Il fut heurté et adressa une lettre au Premier ministre, Jan Smuts, refusant d’apprendre l’allemand et demandant qu’on lui enseignât l’hébreu. Goldreich eut gain de cause et se retrouva sur une voie qui allait déchirer sa vie entre deux luttes : contre la domination blanche en Afrique du Sud et pour la survie de l’État juif en Israël.

En 1948, les deux mondes de Goldreich se transformèrent à quelques jours d’intervalle. Israël proclama son indépendance le 14 mai, soit quinze jours avant que le parti nationaliste de l’apartheid remporte les élections en Afrique du Sud et que les hommes qui avaient soutenu Hitler accèdent au pouvoir. Goldreich avait déjà décidé de se rendre en Israël et de combattre pour le sauver de l’étranglement dès sa naissance. « La raison pour laquelle j’y suis allé, c’était l’Holocauste et la lutte contre le colonialisme britannique mais, bien sûr, la victoire des nat[ionaliste]s aux élections ne m’a laissé aucun doute sur ce que je devais faire », dit-il.

Goldreich retrourna en Afrique du Sud en 1954 pour rallier son autre combat. Après quelques années de militantisme politique, il devint l’un des premiers membres de l’aile militaire du Congrès national africain (ANC), l’Umkhonto we Sizwe, dirigée par Nelson Mandela. Goldreich n’était pas connu de la police de la sûreté sud-africaine, de sorte qu’il put s’installer avec sa famille en tant que gérant de l’exploitation agricole Lillieslief, à Rivonia, au nord de Johannesburg, où la direction clandestine de l’ANC se réunissait en secret.

Mandela a narré dans son autobiographie comment il s’était adressé à Goldreich en tant qu’un des rares membres de l’armée de guérilla naissance de l’ANC à savoir comment se battre. « Dans les années 1940, Arthur avait combattu aux côtés des Palmach, l’aile militaire du Mouvement national juif en Palestine. Il était bien informé sur la guerre de guérilla et il m’aida à combler de nombreuses lacunes dans mes connaissances. »

En juillet 1963, la police fit irruption dans la ferme et s’empara d’une flopée de gens recherchés, dont Walter Sisulu, le chef de l’ANC, et Goldreich. Cinq des dix-sept hommes arrêtés étaient des Blancs, tous juifs. Les hommes capturés et Mandela, qui était déjà en détention, furent accusés d’avoir commis des sabotages et de projeter une révolution armée, ce qui entraînait la peine de mort. Avant même d’être jugé, Goldreich s’évada de sa prison de Johannesburg et déjoua une chasse à l’homme largement annoncée dans tout le pays en se réfugiant au Swaziland déguisé en prêtre. Aujourd’hui, Goldreich vit dans la prospère et paisible ville de Herzliya, sur la côté méditerranéenne d’Israël. À une certaine époque, il croyait que le jeune État juif aurait pu fournir l’exemple d’une meilleure voie pour le pays de sa naissance. En fait, Goldreich considère aujourd’hui Israël comme étant plus proche du régime blanc qu’il combattit et que c’est l’Afrique du Sud moderne qui lui a servi de modèle. En fin de compte, les gouvernements israéliens, dit-il, se sont avérés plus intéressés par les territoires que par la paix et le sionisme a bien changé en cours de route.

Goldreich parle du « bantoustanisme que nous voyons par le biais d’une politique d’occupation et de séparation », du racisme « répugnant » de la société israélienne, jusqu’aux ministres du gouvernement qui prônent l’éloignement forcé des Arabes, et de « la brutalité et le caractère inhumain de ce qu’on impose aux gens des territoires occupés de la Palestine ».

« Ne trouvez-vous pas horrible que ce peuple et cet État, qui n’a pu exister qu’en raison de la défaite du fascisme et du nazisme en Europe – et, dans ce conflit, six millions de Juifs ont perdu la vie sans autre raison que parce qu’ils étaient juifs –, ne trouvez-vous pas horrible que, dans cet endroit, il se trouve des gens pour dire de telles choses et faire de telles choses ? » demande-t-il.

Goldreich allait fonder le département d’architecture de la célèbre Bezalel Academy de Jérusalem et, de là, après la guerre de 1967, il vit l’architecture et le planning se muer en outils de l’expansion territoriale. « Je regardais Jérusalem avec horreur et de grands doutes et craintes pour l’avenir. Il y avait ceux qui disaient : ce qui se passe, c’est de l’architecture, pas de la politique. Vous ne pouvez parler de planning comme s’il s’agissait d’une chose abstraite. C’est ce qui s’appelle établir des faits sur le terrain même », dit-il.

Au-delà de la ligne verte

Il y a eu une partie de Johannesburg que la plupart des résidents de la ville à l’époque de l’apartheid n’ont jamais vue. Dans les années 1970, le gros de la population noire avait déjà été forcée de s’en aller, en vertu de la Loi de Regroupement des Quartiers, qui définissait les quartiers par race. Le quartier de Sophiatown, naguère un coin prospère de la vie noire, fut rasé par les bulldozers et remplacé par des rangées de bungalows sans caractère destinés aux Blancs. Mais plusieurs centaines de milliers de Noirs étaient restés dans le township d’Alexandra, à proximité du quartier le plus prospère de Johannesburg, Sandton. À partir d’Alexandra, la circulation était à sens unique. Ses résidents s’en allaient chaque jour travailler dans les mines et les magasins, ou encore nettoyer des maisons à Sandton. Les Blancs s’aventuraient rarement sur le bout de route au-delà de l’avenue Louis Botha qui débouchait sur les petites rues non pavées, surpeuplées et souvent miséreuses d’un quartier d’Alexandra privé d’une distribution d’eau décente, d’écoles convenables et de ramassage des ordures.

Le contraste entre Jérusalem-Ouest et Est n’est pas si flagrant, mais les différences entre quartiers juifs et arabes sont soulignées par des attitudes, des mesures politiques et des lois similaires à celles utilisées contre la population noire de Johannesburg. La plupart des Juifs de Jérusalem ne traversent jamais la « ligne verte » – la frontière internationale qui a divisé la ville jusqu’en 1967 – et bien de ceux qui le font ne vont pas plus loin que le Mur des Lamentations, pour prier. Si davantage d’Israéliens s’aventuraient plus profondément dans la ville qu’ils proclament leur capitale indivisible, ils rencontreraient un monde différent du leur, un endroit où les rues se dégradent, où les immondices traînent sans qu’on les ramasse et où des quartiers palestiniens entiers ne sont même pas reliés au système d’égouttage.

Selon le groupe israélien des droits de l’homme, BTselem, la population juive de Jérusalem, qui représente quelque 70 % des 700 000 habitants de la ville, a à sa disposition 1 000 parcs publics, 36 piscines publiques et 26 bibliothèques. La population arabe, estimée à quelque 260 000 habitants et vivant dans la partie orientale de la ville, a 45 parcs, pas un seul bassin de natation et seulement 2 bibliothèques. « Depuis l’annexion de Jérusalem, la municipalité n’a pour ainsi dire construit aucune nouvelle école, aucun bâtiment public, aucune clinique médicale pour les Palestiniens », mentionne un rapport de BTselem. « La part du lion des investissements a été consacrée aux quartiers juifs de la ville. »

Voyez les bureaux du ministère de l’Intérieur, de chaque côté de la ligne de partage. À l’ouest, les résidents juifs sont confrontés à une attente relativement courte dans un hall avec air conditionné. À l’est, les Palestiniens commencent à faire la file au milieu de la nuit ou paient quelqu’un d’autre pour le faire, afin d’avoir une chance d’être servis. Une fois que le soleil se lève, ils doivent attendre des heures durant dans la chaleur, face à une grille en fer, pour obtenir leurs documents d’identité ou faire enregistrer la naissance d’un enfant ou le décès d’un parent. À Johannesburg, Blancs et Noirs étaient dirigés vers des entrées différentes du ministère des Affaires intérieures et ils étaient servis – ou pas – en fonction de leur couleur de peau.

Il existe de nombreuses villes, dans d’autres parties du monde, où les minorités sont reléguées de force dans des quartiers pauvres, insuffisamment subventionnés, et où ils sont traités comme des indésirables de second rang. Là où la capitale autoproclamée d’Israël = diffère de Johannesburg et son apartheid, c’est dans ses mesures politiques spécifiquement destinées à maintenir un état de choses. A Jérusalem et dans d’autres secteurs des territoires occupés, les Palestiniens doivent affronter une pléthore de lois et de pratiques discriminatoires, depuis les confiscations de terres jusqu’aux démolitions de maisons, en passant par des lois régissant leurs allées et venues et destinées de fait à restreindre leur liberté de mouvement. « Les similitudes entre la situation des résidents de Jérusalem-Est et celle des Sud-Africains noirs sont très grandes en ce qui concerne leurs droits de résidence », déclare John Dugard, un professeur de droit international considéré partout comme le père des droits de l’homme en Afrique du Sud et actuellement inspecteur en chef des droits de l’homme pour l’ONU dans les territoires occupés par Israël. « Nous avions la vieille Loi de Regroupement des Quartiers, en Afrique du Sud. Jérusalem-Est a une classification territoriale qui entraîne le même genre de conséquences que celles de la classification par races en Afrique du Sud concernant qui vous pouvez épousez, où vous pouvez vivre, l’école ou l’hôpital que vous pouvez fréquenter… »

Les Palestiniens à Jérusalem-Est – qui est souvent leur lieu de naissance – ne sont pas considérés comme des citoyens mais comme des immigrés au statut de « résidents permanents », un statut qui, comme bon nombre ont pu s’en rendre compte, est tout sauf permanent. Dans l’ancienne Afrique du Sud, une partie importante de la population noire était traitée, non pas comme les citoyens des villes et des townships où ils étaient nés, mais d’un homeland où bon nombre n’avaient jamais mis les pieds. « Israël traite les résidents palestiniens de Jérusalem-Est comme des immigrés, qui vivent dans leurs maisons grâce à la bienfaisance des autorités et non par droit », rapporte BTselem. « Les autorités maintiennent cette politique en place bien que ces Palestiniens soient nés à Jérusalem, qu’ils y aient toujours vécu et qu’ils n’aient pas d’autre maison. Traiter ces Palestiniens comme des étrangers qui sont entrés en Israël est une chose étonnante, puisque c’est Israël qui est entré dans Jérusalem-Est en 1967. »

Israël prétend qu’il a proposé la citoyenneté à toute personne née à Jérusalem et que peu de Palestiniens la prennent parce qu’agir en ce sens implique la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur toute la ville. Le gouvernement dit qu’en choisissant de ne pas devenir citoyens, les Arabes de Jérusalem se soumettent eux-mêmes à des restrictions.

Après que la totalité de Jérusalem eut été placée sous le pouvoir d’Israël, l’État juif a annexé quelque 70 kilomètres carrés de territoire palestinien qu’il a incorporé aux nouvelles limites municipales – prenant parfois des terres de villages comme celui de Saïd Rhateb, mais laissant les gens et leurs maisons en dehors de la ville. Israël a ensuite rédigé des lois permettant au gouvernement de confisquer des propriétés en bloc et ce, dans un seul but : transférer les terres et les maisons des Arabes vers les Juifs.

Les lois de la division

« La politique de planning et d’urbanisme, que les villes normales considèrent comme un outil inoffensif, a été utilisée en fait comme un puissant outil partisan afin de subordonner et contrôler les Noirs à Johannesburg et elle est toujours utilisée de cette façon contre les Palestiniens à Jérusalem », dit Scott Bollens, un professeur de planification urbaine de l’université de Californie qui a étudié des villes divisées un peu partout dans le monde, y compris Belfast, Berlin, Nicosie et Mostar. « En Afrique du Sud, il y a eu la législation de ‘regroupement par zone’, puis il y a eu l’utilisation des terres, les outils du planning et la mise en zone, qu’on a utilisés pour renforcer et appuyer le regroupement par zone. En Israël, ils utilisent tout un attirail d’outils du même genre. Ils sont particulièrement retors, en ce sens que le planning est souvent considéré comme quelque chose qui ne fait pas partie de la politique. À Jérusalem, le planning est fondamental pour leur projet de contrôle et les planificateurs et hommes politiques israéliens l’ont toujours su dès le début. Ils ont été très explicites en ce sens qu’ils ont associé les outils de planning à leur projet politique. »

Au cœur de la stratégie d’Israël figure la politique adoptée voici trois décennies et consistant à « maintenir l’équilibre démographique » à Jérusalem. En 1972, il y avait presque trois fois plus de Juifs dans la partie ouest de la ville que d’Arabes à Jérusalem-Est. Le gouvernement décida que cette proportion ne pourrait plus changer, du moins pas en faveur des Arabes.

« Le sacro-saint leitmotiv des 37 années écoulées a été de ‘maintenir l’équilibre démographique’, ce qui ne signifie nullement forcer les Palestiniens à s’en aller », dit Daniel Seidemann, un avocat israélien juif qui a passé quatre ans à livrer des batailles juridiques au nom de résidents arabes de Jérusalem. « Cela signifie qu’on veut court-circuiter leurs possibilités d’expansion en limitant la construction aux quartiers déjà développés, en empêchant largement leur expansion dans les nouveaux quartiers, en prenant 35 % [des terres possédées par les Palestiniens dans le grand Jérusalem-Est] et en donnant d’énormes incitatifs gouvernementaux [aux Juifs] pour construire dans cette zone. »

La décision politique d’appliquer une discrimination à l’égard des Arabes n’était un secret pour personne mais peu de gens voulaient bien l’admettre. Les auteurs d’un ouvrage sur Jérusalem intitulé « Separate and Unequal » (Séparés et inégaux) révélèrent cette politique. Les auteurs, dont deux étaient conseillers auprès des maires de la ville, déclaraient que la politique israélienne depuis 1967 poursuivait « sans remords aucun » quatre objectifs majeurs : multiplier la population juive dans l’est de la ville, à majorité arabe, empêcher l’extension des quartiers arabes, pousser les Arabes à s’en aller et isoler complètement les zones arabes au-delà des colonies juives.

En 1992, le maire adjoint de Jérusalem, Avraham Kahila, déclara au conseil municipal : « Le principe qui me guide, et c’est également le cas du maire, c’est que, dans les quartiers arabes, la municipalité n’a aucun intérêt ni aucune raison d’entrer dans quelque processus de planification que ce soit. Nous encourageons donc la construction de quartiers juifs dans les zones inhabitées expropriées par l’État d’Israël. Mais tant que la politique de l’État d’Israël ne se souciera pas des caractéristiques des quartiers arabes existants, il n’y aura pas de raison de réclamer des plans. »

Le maire de l’époque, Teddy Kollek, s’était tellement identifié à la ville qu’on l’avait surnommé « Monsieur Jérusalem ». Parlant de Jérusalem-Est en 1972, le conseiller de Kollek dans les affaires arabes, Yaakov Palmon, avait déclaré dans le Guardian : « Nous prenons les terres d’abord et les lois viennent après. »

Lors d’une réunion du conseil municipal, deux décennies plus tard, Kollek eut à affronter un membre isolé offusqué par l’évidente discrimination consistant à limiter le développement des logements destinés aux Arabes. D’après un rapport de l’époque publié par un journal israélien, Kollek avait répondu que le conseil adhérait à une politique, « suivie par tous les gouvernements depuis 1967 », de restriction de l’extension de tous les quartiers palestiniens.

À cette époque, la discrimination était tellement enracinée dans les esprits que la déclaration de Kollek n’attira pratiquement pas l’attention, et encore moins les critiques.

Des 70 kilomètres carrés des terres arabes annexées autour de Jérusalem, l’État en expropria plus d’un tiers en vue de construire des habitations pour les Juifs, sans toutefois construire le moindre logement pour les Palestiniens des terres confisquées. La population juive de Jérusalem-Est s’était enfuie ou avait été chassée en 1948. Un retour progressif, dès 1967, se mua bien vite en un flux régulier à mesure que les colonies débordèrent sur l’est de la ville. Aujourd’hui, la population des colonies juives à l’intérieur et à proximité de Jérusalem-Est s’est tellement développée qu’elle représente presque les deux tiers de celle des quartiers arabes.

« Les maisons ont été construites pour les Israéliens, mais l’écrasante majorité des terres ont été ravies aux Palestiniens », déclare Seidemann. « Voilà l’outil qui a permis aux Israéliens de consolider leur emprise sur Jérusalem-Est. L’opération reposait sur la loi des expropriations à destinations publiques, mais le public qui en a supporté le poids a toujours été palestinien et le public qui en a tiré profit a toujours été juif isralien. »

L’une des méthodes visant à empêcher les Arabes de continuer à bâtir dans la partie orientale de la ville consista à déclarer « zones vertes », impropres à la construction, de nombreuses zones non encore bâties. Bollens déclare qu’environ 40 % de Jérusalem-Est a été désignée comme zone verte, mais qu’il s’agit en réalité d’un transfert de terres. « Le gouvernement appelle cela une zone verte pour empêcher que les Palestiniens y construisent des habitations et, ensuite, quand le gouvernement entend développer un quartier [juif], il débaptise miraculeusement cette zone verte et elle se mue bientôt en un endroit de développement. »

Le maire de Jérusalem, Uri Lupolianski – qui avait présidé le comité de planification et de découpage de la ville dans les années 90 – a refusé d’être interviewé personnellement sur le sujet, mais il a toutefois daigné répondre à des questions écrites. « Nous devons maintenir un équilibre raisonnable entre les zones résidentielles et les espaces verts non habités. Nous avons désigné des zones vertes dans toutes les parties de Jérusalem, et pas uniquement dans la zone est », écrivait-il. « Dans toute la ville, nous maintenons les zones vertes libres de toute consctruction et nous entendons poursuivre cette voie. Nous croyons que le développement de parcs et d’espaces verts à Jérusalem-Est va améliorer la qualité de la vie des gens qui y vivent. »

Au cours des années 1990, on construisit légalement environ douze fois plus de nouvelles habitations dans les quartiers juifs que dans les quartiers arabes. Après s’être vu refuser le permis de bâtir de nouvelles habitations ou d’agrandir les habitations déjà existantes, de nombreux Palestiniens passent outre l’interdiction et risquent ainsi de se voir notifier un ordre de démolition. L’ancien Premier ministre d’Israël, Benyamin Netanyahou, justifie habituellement les démolitions en prétendant que toute société civilisée applique des règles de planification. Mais Israël est la seule société occidentale à refuser des permis de bâtir à des personnes sous des prétextes de race. Jusqu’en 1992, l’Afrique du Sud le faisait également.

Les confiscations de terres

La loi israélienne est également très restrictive à propos des endroits où peuvent s’installer les non-Juifs. « Musulmans et chrétiens n’ont pas le droit d’acheter dans le quartier juif de la Vieille Ville sur base des ‘modèles de vie historiques en vertu desquels chaque communauté a son propre quartier’ », dit Seidemann, dans une phrase de chaque rappelant étrangement la philosophie de l’apartheid. « Mais cela n’a pas empêché le gouvernement israélien de poursuivre aevc agressivité des activités visant à installer des Juifs dans le quartier musulman. Son attitude est la suivante : ce qui m’appartient m’appartient exclusivement mais ce qui t’appartient est partagé si nous avons tous les deux un œil dessus. »

La loi israélienne autorise la confiscation complète d’une propriété à l’intérieur d’Israël ou de Jérusalem lorsqu’elle est la possession de Palestiniens qui vivent dans des zones définies comme « territoires ennemis », y compris la Cisjordanie, qui fut occupée par la Jordanie jusqu’à ce qu’elle perde la guerre contre Israël, en 1967. « Tout Palestinien qui se trouvait en n’importe quel endroit du ‘territoire ennemi’ après 1967, perd sa propriété par confiscation. Mais le territoire ennemi comprend la Cisjordanie. C’est une situation remarquable. Toute propriété qui a jamais été ‘abandonnée’ par quelque Palestinien que ce soit devient terre d’État et est ensuite ‘cédée au peuple juif’. Toute propriété qui a jamais appartenu à un Juif est ‘restituée au peuple juif’ et cédée aux colons. »

« Je déteste le terme épuration ethnique dans ce contexte-ci », dit-il, « à cause des connotations de viol et de pillage, alors que ce n’est pas le cas ici. Mais il y a eu – et il y a toujours – un effort actif du gouvernement de recourir à des procédures comme celle-ci afin de débarrasser certaines zones ciblées de leurs résidents palestiniens et d’en faire une zone exclusivement juive ou à majorité juive. Et je diois avouer avec regret que ces efforts ont été modérément couronnés de succès. »

La loi ne s’applique pas dans l’autre sens : les Juifs qui vont vivre dans les colonies de Cisjordanie ne perdent pas la propriété qu’ils peuvent posséder à Tel Aviv. L’an dernier, le gouvernement Sharon a tranquillement confisqué des milliers d’arpents de terres du grand Jérusalem appartenant à des Palestiniens, et ce, sans la moindre compensation, après une décision secrète du cabinet d’utiliser une loi vieille de 55 ans sur les propriétés abandonnées, contre les Arabes séparés de leurs oliveraies et de leurs exploitations agricoles par le mur de Cisjordanie. Les anciens gouvernements avaient décidé de ne pas appliquer cette loi à Jérusalem-Est et l’administration Sharon fut suffisamment embarrassée pour exproprier les terres en secret avant d’abandonner cette mesure, suite au tollé international que l’affaire souleva une fois portée à la connaissance de l’opinion publique. Les Palestiniens ont appelé ces confiscations « un vol légalisé ».

« Ce qui ressort dans le cas de Johannesburg et de Jérusalem, c’est qu’il s’agissait et qu’il s’agit toujours – pour Jérusalem – de l’usage prolongé d’une planification dans la poursuite d’un objectif politique », déclare Scott Bollens. « Une distinction avec l’Afrique du Sud, c’est que, dans cette dernière, les identificateurs raciaux et la rhétorique raciale étaient si flagrants, ils étaient particulièrement visibles et ils faisaient vraiment partie intégrante du langage sud-africain de l’apartheid. Mais, en dépit de la différence de rhétorique, les résultats sont très, très similaires et le paysage urbain qu’Israël a créé dans la région de Jérusalem est tout aussi inégalitaire, tout aussi oppresseur vis-à-vis des Palestiniens que ne l’était à l’égard des Noirs la planification du ‘regroupement par zone’ en Afrique du Sud. »

In 2004, le conseil de Jérusalem approuvait le premier nouveau plan d’ensemble pour la ville depuis 1959. Le plan reconnaît plusieurs des injustices et problèmes qui se posent à Jérusalem-Est, il permet une plus ample construction de logements dans certaines zones arabes et critique l’installation de colonies dans l’est de la ville. Mais les critiques disent qu’il nourrit au fond la même obsession démographique en parlant de « préserver une majorité juive solide dans la ville ».

Un ancien conseiller municipal de Jérusalem, Meir Margalit, dit que le processus était défectueux dès le départ du fait que le comité organisateur de 31 personnes qui avait mitonné le plan ne comprenait qu’un seul Arabe. « C’est partout une caractéristique des régimes coloniaux qui croient que les ‘indigènes’ ne sont pas dignes d’être convenablement représentés ni de diriger eux-mêmes leur propre sort. L’équipe de planification, apparemment, présume dès le départ qu’on s’occupe d’une ville juive et que, partant, il n’y a pas de raison de demander l’avis d’une personne n’appartenant pas au peuple juif », dit-il.

Le « racisme gris »

« On ne peut se départir d’une impression : le document masque une tentative de restreindre l’accroissement naturel du nombre des Arabes dans l’est de la ville. Avec leur expérience historique, les planificateurs comprennent que ceci ne peut se faire en se débarrassant de tous les fils premiers-nés, mais le plan estime qu’en restreignant l’espace vital des Arabes, ceux-ci vont être poussés à quitter la ville et à gagner des endroits où ils pourront bâtir sans restriction. »

Margalit dit que les mesures utilisées pour créer cette situation, y compris les restrictions imposés aux Palestiniens dans leurs déplacements à l’intérieur même de Jérusalem et l’interdiction aux femmes qui épousent des hommes de l’est de la ville d’aller s’y installer, équivalent à un « racisme gris ».

« En fait, c’est là que réside la force du racisme municipal. Il n’est ni brutal ni directement visible, il préfère se dissimuler derrière des formulations neutres – en apparence. Donc il se dissimule toujours soigneusement derrière une phraséologie orientée vers le consensus, sous une épaisse couche de langage libéral et cosmétique », ajoute-t-il. « Voilà comment notre pays a donné naissance à un terme unique, qui n’existe pas dans la littérature : le ‘racisme gris’. Ce n’est pas un racisme issu de la haine de ‘l’autre’, mais un racisme ‘light’, enraciné dans une idéologie sioniste qui tendait à être démocratique mais qui, en donnant la priorité aux intérêts juifs, a immanquablement privé d’autres personnes de leurs droits. Quand il n’y a pas d’égalité, il est inévitable qu’il y ait discrimination et lorsque tous ceux qui ont subi cette discrimination sont de la même nationalité, il n’y a d’autre alternative que d’appeler un chat un chat, d’en faire ‘une discrimination nationale’, laquelle est de la même famille que la très infame discrimination raciale. »

Tout au long des années qui ont suivi l’occupation de 1967, les résidents palestiniens de Jérusalem ont facilité la tâche des Israéliens en refusant d’aller voter lors des élections du conseil municipal, prétendant que cela équivalait à reconnaître les prétentions d’Israël sur la ville tout entière. Uri Lupolianski, le maire, dit que maintenir l’équilibre démographique n’a plus la même importance cruciale, dans le nouveau plan d’ensemble, mais il reconnaît que les quartiers arabes sont désavantagés. « La situation à Jérusalem-Est laisse beaucoup à désirer. Toutefois, ces deux dernières années, nous avons pris d’importantes mesures en vue de l’améliorer et d’établir une distinction pratique dans les besoins des résidents, en partant des questions politiques », écrit-il. « On a ouvert une noivelle gare centrale d’autobus, ainsi que la plus grosse école arabe d’Israël. J’ai commandé un nouveau plan de rénovation de la voirie dans ces quartiers. De même, nous avons allongé le parcours du chemin de fer léger actuellement en construction afin qu’il desserve les quartiers arabes. L’installation du plus grand centre culturel arabe d’Israël est également prévue dans cette zone.

« Dans le nouveau plan d’ensemble, on a désigné une vaste zone de Jérusalem-Est en vue de construire au profit des résidents arabes. Il y a plus de dix plans de construction qui ont été lancés par la municipalité et qui sont actuellement en cours de travaux, et tout cela, pour Jérusalem-Est.

« Il n’y a aucune base de comparaison avec l’Afrique du Sud. Nous ne faisons pas de distinction raciale entre Juifs et Arabes. Toutefois, nous reconnaissons le fait que des quartiers différents sont habités par des groupes différents et nous veillons aux besoins de tous les groupes. Nous gardons les lois de la construction et de la répartition en zones totalement à l’écart de toute considération politique. »

Selon les chiffres annuels les plus récents de la municipalité, ceux de 2004, le conseil a délivré 1.695 permis de bâtir en ville même. Parmi ces permis, 116 sont allés aux parties arabes de Jérusalem-Est, dont 46 pour la construction de nouvelles maisons et un peu plus pour l’extension de maison déjà existantes. En 2004, un total de 212 789 mètres carrés ont été bâtis dans l’ensemble de Jéruslam, dont 7 % dans les quartiers arabes. Voici quelques mois, le ministre israélien de tutelle pour Jérusalem, Haïm Ramon, a décrit le mur de 10 mètres séparant les quartiers arabes – mur à propos duquel le gouvernement a insisté pour dire qu’il s’agissait uniquement d’une mesure sécurité dénuée de la moindre intention politique – comme présentant l’avantage supplémentaire de rendre la ville « plus juive ».

Le masque de l’égalité

Le million de citoyens arabes que compte Israël occupent une position plus solide. Ils peuvent voter – première preuve, selon de nombreux Juifs israéliens, irrités de l’analogie à l’apartheid, qu’Israël n’est pas l’ancienne Afrique du Sud –, du moins, à l’intérieur des frontières reconnues d’Israël. Mais l’État juif considère depuis longtemps sa population arabe restante avec suspicion et hostilité, et même en ennemi intérieur, comme ce fut le cas tout au long des guerres du pays pour sa survie contre des voisins hostiles et dans sa conquête de nouveaux territoires. Jusqu’en 1966, les Arabes israéliens ont vécu sous une « administration militaire » qui autorisait leur détention sans jugement, les soumettait à des couvre-feu, à des restrictions concernant l’emploi et les endroits où ils pouvaient vivre et exigeait d’eux qu’ils se procurent des laissez-passer pour se déplacer dans le pays même.

Les gouvernements israéliens réservaient 93 % des terres – souvent ravies aux Arabes sans la moindre compensation – aux Juifs par le biais de la propriété par l’État, du Fonds national juif et de l’Autorité israélienne des Territoires. Dans l’Afrique du Sud coloniale, qui appliquait l’apartheid, 87 % du territoire était réservé aux Blancs. La législation relative à l’enregistrement de la population classifiait les Sud-Africains selon tout un éventail de définitions raciales qui, entre autres choses, déterminaient qui était autorisé à vivre dans les territoires réservés.

La législation israélienne relative à l’enregistrement de la population sert un but similaire en établissant une distinction entre la nationalité et la citoyenneté. Les Arabes comme les Juifs peuvent être des citoyens, mais chaque citoyen se voit assigner une « nationalité » séparée, reprise sur les cartes d’identité (soit mentionnée explicitement, soit, tout récemment, par un code numérique) et déterminant concrètement où il peut vivre, avoir accès à certains programmes sociaux du gouvernement et comment il doit s’attendre à être traité par les fonctionnaires civils et les policiers.

Demandez aux Israéliens pourquoi, sur la cartes d’identité, il est nécessaire d’identifier un citoyen en tant que Juif ou Arabe et votre question soulèvera généralement de l’incompréhension : comment Israël peut-il être un État juif si nous ne savons pas qui sont les Juifs ? Suit généralement une justification disant que tous les Israéliens sont égaux, de sorte qu’on ne voit pas où est le mal. Les Israéliens arabes vous tiendront un tout autre discours…

Des générations entières d’écoliers israéliens ont été imprégnées de l’idée que les Arabes n’appartenaient pas au pays d’Israël, qu’ils étaient en quelque sorte dans les pieds. Au milieu des années 1980, l’armée était tellement impliquée dans les manifestations ouvertes de racisme et de haine des Arabes qui émanaient de ses rangs ou qui s’exprimaient dans le contexte de l’Holocauste, qu’elle envisagea de faire à nouveau la promotion des « valeurs morales ».

En 1965, le gouvernement avait déclaré certaines terres sur lesquelles des villages arabes étaient implantés depuis des décennies, comme étant « non résidentielles ». Ces villages « non reconnus » existent toujours mais ils ne bénéficient pas des services de base et ils font régulièrement l’objet de démolitions et de confiscations de terres.

Le rapport annuel du département d’État américain sur les droits de l’homme – un document qui, généralement, ne passe pas pour être hostile à Israël – concluait qu’il existait « une discrimination légale et solciale institutionnalisée contre les citoyens chrétiens, musulmans et druzes d’Israël ». « Le gouvernement », dit encore le rapport, « ne fournit pas aux Arabes israéliens, qui constituent 20 % de la population, la même qualité d’enseignement, d’emploi et de services sociaux qu’aux Juifs. »

L’inégalité dans l’enseignement

De son budget pour 2002, le ministère israélien du Logement dépensait environ 14 £ (20,50 €) par personne dans les communautés arabes contre 1.500 £ (2.200 €) par personne dans les communautés juives. La même année, le ministre de la Santé accorda exactement 1,6 million de shekels (200.000 £ ou 294.000 €) aux communautés arabes alors que le budget total qui lui avait été alloué pour développer des installations et équipements de soins de santé était de 277 millions de shekels (35 millions de £ ou 51.425.000 euros).

Cinq pour 100 des fonctionnaires civils sont des Arabes et une proportion élevée d’entre eux ont été recrutés pour traiter avec les autres Arabes. Les ministères des Affaires étrangères et des Finances emploient moins d’une douzaine d’Israéliens arabes à eux deux, alors que leur personnel combiné compte plus de 1.700 Juifs. Jusqu’à tout récemment, la Banque d’Israël et la compagnie d’électricité de l’État n’engageaient pas les Israéliens arabes.

Dan Meridor, ancien ministre dans plusieurs gouvernements et, en son temps, rival d’Ariel Sharon pour la direction du parti Likoud, accuse les facteurs sociaux et les années de conflit – et non une volonté délibérée de discrimination – de la faible représentation des Arabes dans la fonction civile. « Je n’ai pas les chiffres, mais je pense qu’en général ce peut être vrai. Il faut vérifier si cela a trait au niveau d’éducation. Si, par exemple, les fonctionnaires du gouvernement ont plus de formation que le public moyen et si la population arabe a en général un degré de formation moindre que le public moyen, cela peut expliquer certaines des différences », dit-il.

« Certains emplois peuvent être moins accessibles. Pas officiellement, mais dans les faits. Prenons le nombre de travailleurs arabes, par exemple, dans la compagnie d’électricité : il est de loin inférieur à la proportion d’Arabes dans le pays. Il y a une raison historique à cela. Les Juifs combattant les Arabes et les Arabes combattant les Juifs ne le faisaient pas qu’avec des armes. Deux communautés se battaient pour l’hégémonie et le pouvoir au sens très large du terme. Telle est la culture, en quelque sorte, opposant Juifs et Arabes dans la compagnie d’électricité, dans l’agriculture, sur le marché de l’emploi ou dans le secteur de la construction. En général, il y a eu des améliorations, mais il reste encore beaucoup à faire dans certains secteurs, dirais-je. Non sur une base légale – sur le plan légal, tout le monde est égal – mais sur base des possibilités. »

Les Israéliens arabes qui ne trouvent pas d’emploi dans la fonction publique en raison d’un manque de formation disent que c’est le résultat de la politique du gouvernement. Israël maintient des écoles séparées pour les Arabes et les Juifs sur base des différences linguistiques, mais de nombreux parents arabo-israéliens prétendent que c’est une façon de masquer la discrimination systématique appliquée à leurs enfants.

La séparation et l’inégalité des systèmes d’enseignement étaient une composante prioritaire de la stratégie du régime d’apartheid visant à confiner les enfants noirs à la vie dans les mines, les usines et l’agriculture. Les disparités dans le système d’enseignement israélien ne sont pas aussi grandes et les intentions ne sont pas aussi mauvaises, mais le fossé est large. Le ministère israélien de l’Éducation ne révèle pas son budget pour chacun des deux systèmes mais, il y a 14 ans, un rapport gouvernemental concluait que l’on consacrait presque deux fois plus d’argent à chaque élève juif qu’à chaque enfant arabe.

Il y a deux ans, un rapport de Human Rights Watch disait que la situation n’avait guère changé et qu’il restait « d’énormes disparités dans les dépenses de l’éducation » et que « la discrimination à l’égard des enfants arabes marquait tous les aspects » du système d’éducation. Le taux de réussite aux examens chez les élèves arabes est d’environ un tiers inférieur à celui de leurs compatriotes juifs. En 2004, des parents arabo-israéliens de Haïfa, en colère, menacèrent d’inscrire leurs enfants dans les écoles de langue hébraïque et les parents juifs en furent tellement offusqués que les autorités prirent bien vite les mesures nécessaires pour améliorer les écoles arabes de la ville.

La suspicion toujours existante de l’État à l’égard de ses citoyens arabes est apparue dans certaines révélations récentes prétendant que les service de sécurité du Shin Bet placent des enseignants juifs dans les écoles en langue arabe afin de surveiller les activités des autres enseignants. D’ailleurs, un fonctionnaire du Shin Bet fait également partie du comité de nomination des enseignants.

Le ministère israélien de l’Enseignement n’a pas répondu à mes demandes d’interview. Approché individuellement, un important homme politique, naguère responsable de l’éducation et qui a reconnu l’existence des discriminations pour les avoir déplorées, a également refusé toute interview, disant qu’il ne souhaitait pas critiquer son ancien ministère.

Lorsque je lui demandai un entretien en vue de répondre à certaines allégations spécifiques concernant la discrimination dans la fonction publique, l’éducation et le logement, le gouvernement m’adressa sa réponse par le biais du directeur général adjoint du ministère israélien des Affaires étrangères, Gideon Meir. L’homme admit qu’il y avait bien eu une discrimination de fait, mais qu’elle tirait son origine dans les conflits et suspicions historiques et non dans quelque volonté d’oppression.

« Il n’y a jamais eu d’intention, parce que si nous avions vraiment voulu instaurer l’apartheid, nous aurions pu le faire. Le fait est que nous ne l’avons jamais fait. La pensée d’une quelconque discrmination ne nous a même jamais effleurés », dit-il. « Oui, au cours de certaines années, on a alloué moins de fonds aux Arabes. Il y a également eu des années, après 1948, durant lesquelles les Arabes ont été sous contrôle militaire. Lentement, progressivement, les Arabes ont fait leur chemin. Aujourd’hui, ils peuvent travailler dans la fonction publique. Le ministère des Affaires étrangères ne s’est ouvert aux Arabes qu’un 1989. Il a fallu du temps pour que la confiance s’établisse. Aujourd’hui, dans mon département, j’ai un Bédouin.

« Le fait est que des Arabes ont toujours été membres de la Knesset, même ceux qui délégitimaient l’État hébreu. Ils peuvent participer. Cela suffit-il ? Non, bien sûr. Pouvons-nous faire plus ? Bien sûr, que nous pouvons faire plus. Mais demandez aux Arabes qui vivent en Israël s’ils veulent faire partie d’un État palestinien et ils vous diront non, ils préfèrent rester où ils sont. Pourquoi ? »

Les lois de Sharon

Sous le mandat de Premier ministre de Sharon, depuis 2001, de nouvelles formes de législations discriminatoires ont été adoptées, y compris la fameuse nouvelle Loi de Nationalité et d’Entrée en Israël, qui empêche les Israélien(ne)s épousant des Palestinien(ne)s d’amener leurs conjoint(e)s vivre dans le pays. La législation s’applique uniquement aux conjoint(e)s palestinien(ne)s. Hassan Jabareen, avocat et directeur général d’Adalah, le Centre juridique pour les Droits des Minorités arabes en Israël, a contesté la loi devant la Cour suprême, informant les juges de ce qu’il existait un parallèle avec un cas de jurisprudence qui s’était présenté en Afrique du Sud dans les années 1980 – l’affaire Komani – et qui avait défié avec succès les lois sur la circulation des personnes, lesquelles séparaient des familles noires en empêchant des conjoint(e)s de rejoindre leur mari ou leur femme vivant dans certaines villes.

« En tant que juriste constitionnaliste, j’ai présenté devant la Cour suprême d’Israël des cas de jurisprudence datant de l’époque de l’apartheid, parce que les cas comparables se présentant dans des pays modernes et démocratiques ne sont guère d’utilité, ici. Vous devez présenter des affaires très marquantes, si vous voulez attirer l’attention de la Cour suprême sur les lois racistes. Non pas discriminatoires, mais racistes », déclara Jabareen. « Nous avons eu une affaire, voici deux ans, qui disait pour l’essentiel que les Arabes recevraient moins d’allocations familiales pour leurs enfants. Nous avons comparé cela aux lois sur la discrimination économique dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. À la fin, la Knesset a retiré la loi. »

La justice n’a pas toujours été aveugle face aux différences entre Arabes et Juifs. En juin 1986, soit dix-huit mois avant le déclenchement de la première insurrection palestinienne (l’Intifada), un juge de Tel Aviv s’attira des protestations pour avoir condamné un Juif israélien à six mois de travaux d’utilité commune alors qu’il avait tué un petit Arabe. Mais l’actuelle Cour suprême s’est montrée davantage disposée à aborder la discrimination que celles qui l’ont précédées. Il lui faut pourtant appliquer la Loi sur la Nationalité et l’Entrée en Israël, mais le ministre de l’Intérieur du gouvernement de coalition, le travailliste Ophir Pines-Paz, a qualifié cette loi de « draconienne et raciste » et a insisté auprès du parlement pour qu’il l’amende. Le parlement israélien a répondu en étendant les réglementations. Ces tout derniers jours, la police a arrêté huit femmes, les épouses palestiniennes d’Israéliens arabes, dans le village israélien de Jaljulya et les a expulsées vers les territoires occupés. Parmi les femmes vivant sous une menace de déportation future se trouve l’épouse d’un footballeur israélien. Les députés déclarent que la loi n’a rien à voir quelque discrimination que ce soit et tout avec la menace sécuritaire posée par les Palestiniens.

Les partisans de cette loi se demandent comment on peut les accuser, eux, les Juifs, le dernier maillon d’une longue chaîne de générations persécutées, de racisme ou de quelque ressemblance avec l’ancien régime afrikaner. Mais, durant des années, la majeure partie de la population juive de l’Afrique du Sud ainsi que les divers gouvernements israéliens successifs ont signé leur propre pacte avec l’apartheid – un pacte qui a vu s’échanger un quasi-silence de la part d’une majorité des Juifs sud-africains à propos d’un grand problème moral, contre l’acceptation et la coopération clandestine entre Israël et le gouvernement afrikaner, coopération qui allait attirer mutuellement les deux pays en une étreinte cachée.

(à suivre)

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