Iran: le compte à rebours a commencé

Depuis que les Etats-Unis et 'son' dictateur iranien, le châh Mohamed Reza Pahlavi, furent chassés d'Iran, Washington ne rêve que d'une chose : y retourner.

CUBA AVERTIT QUE LE 'COMPTE A REBOURS' A COMMENCE POUR L' L'IRAN

Vous souvenez-vous de la crise des ôtages qui fit plier la super-puissance? De nombreux Républicains et Démocrates s'en souviennent aussi. En moins de six mois de l'année 1979, la dernière année de l'administration Carter, trois révolutions eurent lieu dans des pays qui précédemment étaient sous domination américaine – d'abord l'Iran (Golfe Persique) en février, puis la Grenade (Caraïbes) en mars, et enfin le Nicaragua (Amérique centrale) en juillet. Pour contrer cette tendance vers l'indépendance qui aurait pu constituer une alternative pour d'autres pays, Ronald Reagan envahit la Grenade en 1983 pour inverser la marche vers le progrès politique et social de ce pays. Il dépensa également des centaines de millions, tant en soutien ouvertement déclaré qu'en sous-main, pour monter une guerre de guerilla contre les Sandinistes au Nicaragua, une tâche achevée par George Bush père, qui joua un rôle-clé dans la reprise en main d'un ancien allié servile. Le troisième acte de la pièce s'avérait l'Iran.

Dans un discours télévisé la semaine dernière, le président cubain Fidel Castro attira l'attention sur la menace réelle d'une attaque militaire contre cette nation de 68 millions d'habitants du Golfe Persique, sous le prétexte fallacieux que cette dernière entendrait se doter d' armes nucléaires. Il rappela que l'Iran représente l'un des principaux fournisseurs en pétrole pour la Chine ainsi que d'autres nations, tout en notant que Condoleezza Rice, Secrétaire d'Etat américaine, a déclaré que le délai

imparti à ce pays du Moyen-Orient touchait à sa fin. "La déclaration de l'alliance OTAN-USA sur l'utiilisation éventuelle d'armes nucléaires contre un état considéré comme 'terroriste' devrait nous préoccuper", a affirmé Castro, dont le pays fut à deux doigts d'être frappé par une attaque nucléaire américaine pendant la crise des missiles d'octobre 1962.

UNE SOURCE D'IRRITATION POUR WASHINGTON

La révolution iranienne a modifié la carte politique du Moyen-Orient, une région d'immense importance stratégique étant donné qu'elle renferme les deux tiers des réserves de pétrole avérées de la planète. Les USA avaient contrôlé le gouvernement iranien et des groupes américains et européens avait la mainmise sur son pétrole depuis le coup d'état fomenté par la CIA de 1953 qui avait propulsé au pouvoir le châh.

Pendant la guerre Irak-Iran de 1980-1988, dans laquelle on estime que plus d'un million de personnes trouvèrent la mort, l'administration Reagan vendait des armes aux deux parties, ce commerce extrêmement lucratif faisant l'objet de transactions indirectes. Au même moment que les ventes d'armes à l'Iran servaient à financier les contras nicaraguayens, Washington plaçait ses espérances sur une victoire de l'Irak de Saddam Hussein sur l'Iran.

Donald Rumsfeld, actuellement ministre américain de la Défense, rencontra Saddam Hussein les 19-20 décembre 1983 puis le 24 mars 1984 : le même jour, l'ONU publiait un rapport révélant que l'Iral avait utilisé du gaz moutarde et du gaz nerveux taboun contre les troupes iraniennes. Le correspondant du New York Times à Bagdad rapporta le le 29 mars 1984 que "les diplomates américains se déclarent satisfaits du gouvernement irakien et laissent entendre que des relations diplomatiques normales ont été établies officieusement."

Mais les choses ne se déroulèrent pas comme le voulait Washington. La guerre se termina en 1988 par un cessez-le-feu sous mandat des Nations Unies. Incapable de détruire l'Iran ou de le forcer à entrer dans son orbite, Washington se retourna contre l'Irak, dont les réserves pétrolières l'intéressaient, George Bush père trahissant l'ancien allié des Etats-Unis et bombardant l'Irak au cours de la première guerre du Golfe de 1991. Cependant, une fois de plus, le Pentagone échoua, s'avérant incapable d'infliger une défaite militaire totale à l'Irak, de renverser son président ou de s'emparer de son pétrole.

D'abord sous Bush senior, puis sous Clinton, les USA eurent recours à une nouvelle stratégie – les sanctions onusiennes qui, pendant plus d'une décennie, provoquèrent plus de morts irakiennes des suites de la faim, la maladie et autres calamités que la Guerre du Golfe elle-même. Comme cette nouvelle stratégie s'avérait toujours aussi infructueuse, Bush fils prit le relais, fabriquant des rapports sur de prétendues armes de destruction massive pour faire intervenir ses troupes.

Pratiquement trois ans plus tard, le Pentagone réussit enfin à chasser Hussein et à prendre possession des puits de pétrole tant convoités. Mais la situation sur le terrain reste extrêmement instable. Il n'y a pas d'issue à l'horizon pour les quelque 150.000 soldats des forces d'occupation en Irak, qui en font les frais à hauteur de 2230 morts et 16420 blessés (dont un nombre soigneusement caché sont décédés de leurs blessures ou mutilés à vie). Le nombre de victimes parmi les personnels 'sous contrat' ou de sécurité constitue également un secret d'état, sans parler des morts irakiens que l'on estime à plus de 100.000.

POLITIQUE INTERIEURE

Le prolongement des occupations irakienne et afghane, fort onéreuses pour le contribuable, ainsi que la corruption qui a caractérisé l'attribution de marchés aux grands groupes liés au gouvernement américain, ont considérablement augmenté le mécontentement de la population américaine, auquel le président doit faire face depuis sa réelection au poste de président qu'il doit occuper jusqu'au 20 janvier 2009.

Alors que les élections de milieu de mandat se tiendront en novembre 2006, l'histoire nous montre que le parti des 'canards boîteux' présidentiels perd habituellement quelques sièges lors de cette échéance. Le parti au pouvoir tente alors de se reprendre aux élections présidentielles deux ans plus tard. Mais le 'président de temps de guerre' auto-proclamé pourrait bien avoir un plan pour préserver la majorité absolue des Républicains. Il apparaît de plus en plus clairement que ses collaborateurs et lui voient un gain de capital tant politique, à court terme, qu' économique, à plus longue échéance, dans l'attaque d'un nouveau pays aux importantes réserves pétrolières et qui de plus refuse de se plier aux exigences de l'empire.

Comment cela se passerait-il ? La peur s'est toujours avérée l'arme la plus efficace en politique intérieure américaine. La peur de l'exemple cubain a conduit au blocus américain de l'île des Caraïbes, en place depuis près d'un demi-siècle. La peur de l'Irak a aveuglé à la fois les médias américains et la grande majorité des membres du Congrès qui se sont laissé berner puis entraïner dans la guerre. La crainte d'un ennemi inconnu a permis à l'administration Bush de faire voter le Patriot Act qui limite considérablement les libertés civiques.

Le gouvernement est actuellement en train de mettre sur pied une campagne fondée sur la peur de l'Iran 'islamiste' , un pays qui dénonce l'impérialisme américain, commerce avec la Chine et la Russie, et se permet même d' avoir des relations amcales avec les bêtes noires des Etats-Unis, Fidel Castro et Hugo Chavez. Il se peut donc que l'administration se prépare à rallier les masses autour du drapeau et de la présidence pour qu'elles soutiennent une nouvelle intervention militaire dans le style noir et blanc hollywoodien de la lutte du bien contre le mal.

L'IRAN A-T-ELLE LE DROIT ?

L'Iran a signé le Traité de Non-Prolifération Nucléaire, et ses dirigeants ont toujours affirmé qu'ils poursuivent des recherches nucléaires à des fins strictement pacifiques. Dans un récent entretien

accordé au journal Granma, Ahmad Edrisian, Ambassadeur d'Iran à Cuba, déclarait : "Ce serait un retour au Moyen-Age que de prétendre que l'Iran n'a pas de le droit d'entreprendre des recherches scientifiques en matière d'énergie nucléaire. Cela signifierait-il que les pays du Tiers Monde ne peuvent se développer en utilisant cette énergie dans des buts pacifiques ? En fait, l'Occident veut conserver son monopole de cette technologie pour ensuite la revendre au prix fort aux pays sous-développés" affirme Edrisian. Sur les 443 centrales nucléaires en activité 383, c'est-à-dire 86,45 % sont situées dans des pays développés en Amérique du Nord (122), en Europe (174) ,en Russie (31) et au Japon (56).

En fait il n'y a rien de nouveau dans la volonté iranienne de diversifier ses sources d'électricité

au moyen de centrales nucléaires. Tout a commencé en 1959 quand le châh acheta aux Etats-Unis un réacteur destiné à la recherche, comme le fait remarquer le 'Christian Science Monitor' dans un article du 24 janvier signé Peter Grier. "Le Châh prévoyait un réseau de 23 réacteurs civils, mais les USA ne considéraient pas ce projet comme dangereux, étant donné qu'il était leur allié" rappelle le 'Monitor'. Cependant le journal en vient à citer des responsables américains non identifiés ainsi que des experts extérieurs, qui avancent que l'Iran n'a aucun intérêt à développer l'énergie nucléaire, étant donné que 10 pour cent des réserves mondiales avérées de pétrole se trouvent sur son territoire. Mais cela est également discutable. En effet, les Etats-Unis, producteur pétrolier s'il en est, possèdent, selon la European Nuclear Society, 104 centrales nucléaires en activité, soit

23,47 % du total mondial. Pour faire plaisir à Washington, l'Iran devrait donc s'empresser d'épuiser ses ressources non-renouvelables, alors que pour sa part les Etats-Unis ont toujours considéré comme d'importance stratégique la protection de leurs propres réserves, tout ce qui ne va pas dans ce sens étant à leurs yeux irrationnel et forcément suspect?

L'ELABORATION D'UN CASUS BELLI

La semaine dernière, les Etats-Unis ont répété que ni eux ni l'Union Européenne ne voulaient retourner à la table de négociations avec l'Iran, toujours selon le 'Christian Science Monitor'. "La communauté internationale dans son ensemble se méfie de la technologie nucléaire iranienne, a affirmé le Secrétaire d'Etat Condoleeza Rice. Nous avons dit très clairement que le moment est venu de renvoyer l'Iran devant le Conseil de Sécurité de l'ONU". En effet un 'renvoi' officiel est requis pour que le Conseil impose des sanctions, en particulier économiques, lesquelles servirent à l'époque de prélude à l'agression contre l'Irak. "Il est difficile de ne pas se rendre à l'évidence que l'Iran cherche à obtenir des armes nucléaires" affirme un spécialiste des renseignements du Département américain de l'Energie cité par le 'Monitor'.

L'ambassadeur iranien à La Havane répliqua comme suit : "Nous voulons attirer l'attention sur le fait que le renvoi de l'Iran devant le Conseil de Sécurité conduira à une nouvelle crise, cette fois réelle, au lieu d'éviter celle créée de toutes pièces par l'Occident". Il note dans son entretien avec le quotidien 'Granma' que "le monde doit prendre acte que l'Europe et les Etats-Unis font un véritable procès d'intention à l'Iran, accusé de vouloir se doter de l'arme nucléaire. Ils tirent des conclusions basées sur des présomptions ne reposant sur aucun fait."

" N'oublions pas que les armes nucléaires dont dispose l'Occident pourraient détruire le monde entier plus de dix fois. Israel, par exemple, possède des douzaines d'ogives nucléaires qui constituent une menace à la paix régionale et mondiale. L'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) n'a jamais vérifié ou suivi ses activités, que l'on évite toujours d'évoquer."

L'Ambassadeur Edrisian va plus loin et demande "comment il est possible que ceux qui font la guerre, bombardent fabriquent des milliers d'armes nucléaires, torturent dans leurs propres prisons et pratiquent des écoutes téléphoniques, à savoir les plus grands violateurs des droits de l'homme de sur la planète, essaient cependant d'imposer leur modèle à tout le reste du monde?"

UN NOUVEAU SCENARIO IRAKIEN

Alors que l'administration Bush manoeuvre en faveur du renvoi de l'Iran devant le Conseil de Sécurité de l'ONU, de nombreux membre du Congrès américain souhaitent conserver l'option militaire pour contrecarrer les 'ambitions nucléaires' de Téhéran, annonce une dépêche de l'Associated Press du 25 janvier. Tout comme dans la période précédant l'invasion de l'Irak "tant des Républicains que des Démocrates affirment que les Etats-Unis devraient chercher à appliquer des sanctions économiques assez sévères pour faire souffrir l'Iran, tout en obtenant l'assurance des principaux partenaires commerciaux qu'ils se conformeront aux restrictions imposées par le Conseil de Sécurité" rapporte Liz Sidoti de AP. Cette importante agence de presse pratique déjà un discours identique à celui qui conduisit le 'New York Times' et le 'Washington Post' à admettre, longtemps après l'invasion de l'Irak, qu'induits en erreur par de fausses informations, ils avaient bourré leur couverture de la guerre en Irak de nouvelles plaidant pour la poursuite de cette dernière.

La Secrétaire d'Etat américaine Condoleeza Rice a répété plusieurs fois que les Etats-Unis s'engagent à faire face à l'impasse iranienne par la voie diplomatique, tout comme son prédécesseur Colin Powell l'avait affirmé pour l'Irak. Mais en fait les pressions vont bon train pour rallier les partisans en faveur d'un vote à l'AIEA sur un renvoi de l'Iran devant le Conseil de Sécurité.

Mercredi l'agence Reuters rapportait qu'un diplomate américain de haut niveau avait indiqué que Washington pourrait renoncer à un projet d'accord de coopération nucléaire avec l'Inde à moins que New Delhi vote contre l'Iran le mois prochain à l'AIEA. Si l'Inde ne s'exécute pas, "l'effet sur les membres du Congrès américain appelés à s'exprimer sur l'initiative nucléaire civile indienne pourraient être désastreux" a expliqué à l'agence de presse 'Press Trust of India' l'ambassadeur américain en Inde David Mulford.

DES BRUITS DE BOTTE AU CAPITOLE

A l'instar des mois précédant l'invasion de l'Irak, les sénateurs et représentants américains se préparent comme leur gouvernement à jouer sur la peur que l'Iran ne se dote d'armes de destruction massive, d'où la nécessité de tuer cette entreprise dans l'oeuf au plus vite. "Il est important de tenter la voie diplomatique, mais je ne pense pas que l'on doive oublier les autres options, y compris la force militaire" a affirmé à AP le sénateur républicain du Texas John Conyn, président de la Sous-Commission sénatoriale aux Menaces Emergentes pour les Forces Armées. "Si vous négligez toute menace d'une action militaire et toute hypothèse de son utilisation, alors il n'y plus de moyen de pression, ajouta le représentant démocrate pour l'état de New York Gary Ackerman, membre de la Commission aux Relations Internationales de la Chambre.

Certains parlementaires vont jusqu'à dire que, même lorsque l'on fait abstraction de la question nucléaire, l'Iran devra changer d'équipe dirigeante. C'était déjà la solution de repli préconisée par le président Bush quand sa tentative de démontrer l'existence d'armes irakiennes de destruction massive tomba à l'eau. Le sénateur républicain pour l'Arizona Jon Kyl a expliqué à AP que les Etats-Unis et leurs alliés doivent intensifier leurs pressions sur l'Iran pour mettre fin à son programme nucléaire. "Mais au bout du compte, ajouta-t-il, le pays devra changer de gouvernement." Le sénateur Corbyn a affirmé que l'Iran était devenu plus autoritaire et autocratique. "Nous devons faire encore mieux comprendre aux forces iraniennes favorables à la démocratie que nous soutenons leurs efforts en vue d'un changement de régime par des voies pacifiques."

L'ambassadeur iranien à La Havane a réagi à ces arguments comme suit: "Les Etats-Unis ne devraient pas parler de droits de l'homme ou de démocratie alors que leurs gouvernements ont soutenu des dictatures militaires en Amérique Latine ainsi que sur d'autres continents." Répondant aux accusations contre son pays, l'ambassadeur a aouté: "Notre président Mahmoud Ahmadinejad a répété maintes fois que l'Iran est disposé à s'associer à une collaboration internationale en vue d'un développement nucléaire pacifique. Nous n'avons rien à craindre. Nous sommes prêts à faire voir toutes nos centrales, toutes nos activités. Il n'y a rien à cacher, ni rien de confidentiel. L'Iran a tout fait pour créer et préserver un climat de confiance, a conclu le diplomate iranien. Nous espérons que les Européens et les Nord-Américains nous reconnaissent le droit de développer l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, un droit qui appartient à tous les pays signataires du Pacte de Non-Prolifération Nucléaire.

*Circles Robinson est un journaliste américain vivant à La Havane.

www.circlesonline.blogspot.com

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