Iran et G-20:@@Créer une crise pour masquer des divisions

 

Le sommet du G-20 à Pittsburgh rassemblait selon toute vraisemblance les ministres des Finances, les gros banquiers et les chefs politiques des principales économies mondiales pour discuter du plus grave effondrement économique du capitalisme en trois générations. Au lieu de quoi, ils s’en sont pris à l’Iran.




Sans proposer des mesures pour adoucir les souffrances de centaines de millions de  travailleurs qui ont perdu leur emploi, sans annoncer des programmes d’emploi ou de construction d’infrastructures, l’impérialisme américain, britannique et français s’est uni avec grandiloquence pour menacer l’Iran suite à des accusations forgées de toutes pièces. Il a exigé que le Conseil de Sécurité des Nations unies et les membres du G-20 collaborent dans une nouvelle fournée de sanctions contre l’Iran.

Aucune proposition économique d’urgence ne figurait à l’ordre du jour.

 

Au cours d’une conférence de presse théâtrale tenue le 25 septembre, le président Barack Obama – flanqué du président français Nicolas Sarkozy, du Premier ministre britannique Gordon Brown, mais en l’absence de la chancelière allemande Angela Merkel, retardée en cours de route – déclarait que l’Iran menaçait la stabilité et la sécurité de la région et de la planète. « Le refus de la vérité », ajoutait Obama, « doit aboutir à la confrontation. »

De leur côté, Sarkozy et Brown dénonçaient l’Iran et réclamaient explicitement des sanctions plus sévères. Ils menaçaient en outre l’Iran de frappes militaires, disant que « toutes les options sont sur la table, en ce qui concerne l’Iran ».

Tout ce scénario montre que ces banquiers, ministres des Finances et hommes politiques n’ont pas de solution pour la crise qui ruine le globe. Ils ont utilisé le sommet pour justifier le renflouage des banques et pour donner de vagues assurances d’une future reprise économique. Les milliers de milliards de dollars refilés aux banques constituent la plus grande distribution de trésors nationaux de l’histoire humaine.

Incapables d’atteindre un accord à propos de la régulation de la banque et du commerce international ou de tout autre aspect de ce capital financier international qui a semé le chaos dans le monde entier, les impérialistes ont donné l’apparence d’un but unifié en proférant de sombres menaces contre l’Iran. Tous les médias traditionnels ont loyalement abondé dans le même sens. Pas un journaliste n’a osé poser de question sur la ruine causée par le système économique capitaliste ni demander quelles solutions les impérialistes proposaient. Tous les médias se sont mis au garde-à-vous et, comme un seul homme, ont diabolisé l’Iran.

?L’Iran en conformité totale

?Face à un tel assaut de propagande de guerre, il est important de passer les faits en revue.

L’Iran est en conformité totale avec tous les accords internationaux, y compris le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et les directives et contrôles de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’AIEA est l’agence qui contrôle le nucléaire pour le compte de l’ONU.

Le TNP garantit à toutes les nations le droit de développer l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Selon les rapports de l’AIEA, l’Iran enrichit actuellement de l’uranium à moins de 5 pour cent. À ce niveau de pureté, l’uranium est utile pour produire de l’électricité nucléaire à usage pacifique, mais on est loin en dessous de l’U235 à 90 pour cent nécessaire pour la fabrication d’armes nucléaires. L’Iran ne possède aucun site capable de le faire (1).

Le 27 septembre dernier, l’ambassadeur iranien auprès de l’AIEA, Ali Asghar Soltaniyeh, a déclaré devant les caméras de Press TV que les conventions de sécurité de l’AIEA invitaient les nations à informer cette dernière de l’existence d’une nouvelle installation d’enrichissement au moins six mois ou 180 jours avant l’introduction des matériaux nucléaires dans l’installation. L’Iran en a prévenu l’AIEA le 21 septembre, soit 18 mois à l’avance.

Ce second site, plus petit, situé non loin de Qom, en Iran, est un bâtiment vide. Il ne s’y trouve pas de matériaux nucléaires en ce moment et aucun équipement d’enrichissement n’y a encore été installé non plus. Le site de taille réduite n’est pas censé accueillir plus de 3 000 centrifugeuses – soit bien moins que les 8 000 appareils de Natanz, l’autre installation d’enrichissement de l’Iran.

« C’est une installation très ordinaire, à ses premiers stades » et, à 18 mois de sa mise en service, le président Ahmadinejad a déclaré, lors d’une conférence de presse à New York : « Ce n’est pas un site secret. Si ça l’était, pourquoi avons-nous informé l’AIEA longtemps à l’avance ? Ce que nous avons fait était parfaitement légal, conforme à la loi. Nous avons informé l’agence. Celle-ci viendra vérifier sur place et elle publiera un rapport. Il n’y a rien de neuf. »

Les Iraniens eux aussi ont déclaré que le site n’avait rien de clandestin. Et il n’a rien d’une surprise, comme l’ont prétendu les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Ces mêmes pays déclarent qu’ils étaient au courant de la chose depuis trois ans. Les Américains et les Français ont présenté des photos aériennes de la construction et la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, a reconnu que les Etats-Unis étaient au courant de l’existence du site avant même que l’Iran n’en ait parlé.


L’Iran est-il réellement une menace ?  


Les États-Unis détiennent toujours des milliers d’armes nucléaires. C’est le seul pays à avoir jamais utilisé une arme nucléaire et le seul pays à avoir menacé de façon répétée de s’en servir. Les États-Unis ont refusé de se conformer au Traité d’interdiction des essais nucléaires, que le Congrès américain n’a d’ailleurs jamais ratifié.


Israël dispose manifestement d’installations d’enrichissement de l’uranium et on estime qu’il possède entre 60 et 400 armes thermonucléaires. Israël refuse de se conformer au moindre accord international ou à la moindre inspection. Pourtant, chaque administration américaine a été totalement silencieuse sur le programme israélien d’enrichissement de l’uranium et d’armement nucléaire.


Actuellement, treize pays enrichissent de l’uranium. L’Argentine, le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Australie ont également annoncé des plans en ce sens. Vingt-huit pays ont des centrales d’énergie nucléaire, et le plus grand nombre de centrales de ce type se situent aux États-Unis. Dix autres pays sans centrales nucléaires envisagent d’en construire. Pourtant, seuls l’Iran et la Corée du Nord ont été défiés ou menacés.


De façon cohérente, l’Iran a soutenu la création d’une zone dénucléarisée au Moyen-Orient et a proposé le concept d’une résolution commune à l’Assemblée générale des Nations unies.


L’AIEA et l’Iran


L’Iran a non seulement accepté des inspections de l’AIEA plus sévères que celles subies par d’autres nations, elle a également proposé de faire fonctionner le site d’enrichissement de l’uranium de Natanz en tant que centre multinational d’alimentation en énergie et ce, avec la participation de représentants étrangers. L’Iran a en outre renoncé à retraiter le plutonium et a accepté de transformer tout son uranium enrichi en barres de combustible pour réacteurs. Cette offre iranienne d’ouvrir son programme d’enrichissement de l’uranium à une participation étrangère privée et publique suit la suggestion d’une commission d’experts de l’AIEA.


Malgré  tous ces accords, Washington a insisté pour que l’Iran suspende complètement la totalité de son programme d’enrichissement.


L’AIEA a sorti sa propre déclaration le 17 septembre, disant : « Faisant référence à un récent rapport des médias, l’AIEA répète qu’elle n’a aucune preuve concrète qu’il y ait ou qu’il y ait eu un programme d’armement nucléaire en Iran. »


Le numéro de septembre-octobre du Bulletin of Atomic Scientists publie une interview du directeur général de l’AIEA, le Dr Mohamed ElBaradei. Durant cette interview, il a déclaré : « Nous n’avons pas vu de preuve concrète que Téhéran a un programme d’armement nucléaire en cours. (…) Mais, d’une façon ou d’une autre, de nombreuses personnes parlent de la façon dont le programme nucléaire iranien constitue la pire menace au monde. (…) À maints égards, je pense que cette menace a reçu trop de battage. » Ces déclarations péremptoires et ces propos extrêmement prudents ont été complètement ignorés par le cirque sauvage des médias impérialistes.


De par le monde, les pays impérialistes sont isolés sur cette question. Le 16 septembre 2006, à La Havane, Cuba, les 118 pays membres du Mouvement des pays non alignés ont déclaré lors de leur sommet leur soutien au programme nucléaire civil de l’Iran et la chose a été reprise dans la déclaration écrite clôturant le sommet. Le Mouvement des pays non alignés représente une majorité, parmi les 192 membres de l’ONU.


À nouveau, le 30 juillet 2008, le Mouvement des pays non alignés a favorablement accueilli la poursuite de la coopération de l’Iran avec l’AIEA et a réaffirmé le droit de l’Iran à utiliser les technologies nucléaires à des fins pacifiques. En outre, le Mouvement a prôné l’établissement d’une zone dénucléarisée au Moyen-Orient et a requis la création d’un instrument complètement performant, négocié multilatéralement, qui interdise les menaces ou les attaques contre des sites nucléaires destinés à l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire.


En février 2007, abordant le programme nucléaire de l’Iran lors d’une rencontre à Kuala Lumpur, Malaisie, des juristes de 56 pays membres de l’Organisation de la conférence islamique insistaient sur le « plein respect des droits égaux et inaliénables, pour toutes les nations, d’explorer les technologies modernes, y compris l’énergie nucléaire à des fins pacifiques ».


Les sanctions – Une arme contre le développement


?Les porte-parole iraniens ont fait entendre clairement que l’Iran allait développer ses propres installations pour enrichir de l’uranium destiné à la production d’énergie. Le pays a fait l’objet de toute une série de sanctions particulièrement sévères et de restrictions à l’exportation concernant les technologies du nucléaire pacifique et de toute autre forme de développement. Après des décennies d’accords, de contrats et de traités violés, l’Iran ne peut faire confiance aux États-Unis et à l’Europe pour lui fournir régulièrement du combustible nucléaire destiné à faire fonctionner ses centrales.


Les États-Unis ont fourni de l’aide aux débuts du développement du nucléaire en Iran, au cours des années de la dictature brutale du shah Mohammad Reza Pahlavi. À l’époque, Washington était plus que prêt à accorder la technologie nucléaire à l’Iran. Mais, après que la révolution iranienne de 1979 eut renversé cette dictature imposée par les États-Unis et qu’elle eut réaffirmé le contrôle national des ressources iraniennes en pétrole et en gaz, Washington mit un terme à toute coopération nucléaire. Depuis lors, les États-Unis ont pris toutes les mesures possibles pour contrecarrer, étrangler et renverser le gouvernement iranien.


La dernière discussion entre les États-Unis et l’Europe à propos d’un blocus de l’essence raffinée vers l’Iran n’est que l’exemple le plus récent des efforts en vue de saboter le développement de l’Iran.


Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a débattu sur les façons de nuire à l’Iran : « Toute une série d’options sont encore disponibles, y compris des sanctions bancaires et, tout particulièrement, des sanctions sur l’équipement et la technologie destinée à ‘leur’ industrie pétrolière et gazière. Je pense qu’il y a une liste assez fournie dans laquelle choisir. » (2)


À plusieurs reprises, Washington a exercé des pressions énormes pour imposer des sanctions économiques par le biais du Conseil de sécurité de l’ONU. Ces sanctions sont une forme d’étranglement, une arme intentionnellement brutale appliquée aux pays en voie de développement. Les sanctions exacerbent les tensions sociales et coupent le soutien au gouvernement visé en créant la ruine économique. Dans une spirale infernale, l’inflation incontrôlée, les pénuries, les queues interminables, le blocage des importations de marchandises de première nécessité et la fermeture des marchés d’exportation ont un impact très sévère sur les secteurs les plus vulnérables de toute société. Les devises perdent toute valeur. Les industries sont obligées de fermer.


Ces cinq dernières décennies, dans un effort d’arracher des concessions, les États-Unis ont appliqué diverses formes de sanctions contre les pays les plus pauvres de la planète. Elles ont touché neuf pays en Afrique, six en Asie, cinq au Moyen-Orient, trois en Amérique latine et trois en Europe.


Le 1er octobre, une rencontre appelée le « 5 + 1 » – réunissant les cinq membres du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi que l’Allemagne – est prévue avec l’Iran à propos de son programme nucléaire. Les menaces ressorties lors du sommet G-20 visent à forcer l’Iran à accepter des contrôles extrêmement intrusifs.


Il faut se rappeler qu’en août 1990, les pressions américaines ont contraint le Conseil de sécurité des Nations unies à imposer un blocus total contre l’Irak. Ce blocus s’est traduit par la mort de plus d’un million d’enfants de moins de cinq ans suite aux pénuries désespérées provoquées par ces mesures et à l’apparition de maladies pourtant faciles à prévenir dans des conditions normales. Dans le même temps, une chasse aux armements supposés secrets de destruction massive s’est éternisée pendant treize ans.


En 2003, l’administration Bush a prétendu que l’Irak avait un programme secret d’armes nucléaires en voie d’achèvement et qu’il constituait donc une menace nucléaire imminente. Tout un battage médiatique incontrôlé a prétendu que l’Irak était sur le point de produire des armes nucléaires. Cette crainte des armes de destruction massive, les ADM, est alors devenue la principale justification de l’invasion et de l’occupation américaines.


Tous les rapports de l’AIEA confirmant qu’il n’y avait aucune preuve de l’existence d’un tel programme ont été ignorés. On n’a jamais trouvé la moindre arme de ce genre. Mais, après six années d’occupation américaine, un quart de la population irakienne a perdu la vie, est handicapée ou dispersée en tant que réfugiés et personnes déplacées.


Il faut absolument dénoncer les mensonges de Washington. Il faut défendre et soutenir la souveraineté de l’Iran et son droit à un développement à part entière.

 

Source: 

 

Traduit par Jean-Marie Flémal et révisé par Sophie de Salée pour Investig’Action

 

Notes:


2- bloomberg.com, 27 septembre

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