Derrière les menaces de guerre israéliennes contre l’Iran : les États-Unis

Le danger d’une attaque américaine contre l’Iran, soit directement par le Pentagone, soit par Israël, s’est encore précisé davantage au cours de la première semaine de juin.

Publié le 11 juin 2008

Le Premier ministre israélien Ehud Olmert s’est rendu à Washington pour exiger que le programme nucléaire iranien soit mis à l’arrêt « par tous les moyens possibles ». Olmert et toute une flopée de politiciens américains se sont adressés à un parterre du Comité américano-israélien des Affaires publiques (American Israel Public Affairs Committee – AIPAC). Les concurrents à la présidence des deux partis impérialistes, ainsi que des sénateurs faisant partie des principales commissions du Congrès, ont ressassé la même rengaine à l’unisson. Démocrates et républicains avaient l’air unis en s’alignant pour exprimer leur soutien sans équivoque à Israël et pour menacer l’Iran, dont les développements en matière nucléaire constituent une menace pénible pour la « paix mondiale », ont-ils ajouté (alors que ces développements sont absolument légaux).

Cette menace savamment orchestrée s’est encore accrue après le retour d’Olmert en Israël, à l’issue de la convention. Il était à peine rentré que le vice-Premier ministre, Shaul Mofaz, qualifiait d’« inévitable » la guerre contre l’Iran. Mofaz, ancien chef militaire et ancien ministre de la Défense, a été le représentant israélien dans un dialogue stratégique sur l’Iran en compagnie de hauts fonctionnaires américains. Il a déclaré que, si l’Iran poursuivait son programme nucléaire, Israël passerait à l’attaque parce qu’il n’a pas le choix, « puisque les options disparaissent et que les sanctions se sont acérées inefficaces ».

Un tollé des médias internationaux s’est déclenché en raison des déclarations provocantes et menaçantes. Le prix du pétrole a grimpé à un pic record de 138 dollars le baril. Le Premier ministre Olmert a alors attisé les flammes et refusant de rabattre la possibilité d’une frappe militaire contre l’Iran. « Toutes les options, y compris l’option militaire, doivent rester sur la table », a-t-il dit, se faisant l’écho de Bush.

Ceci ne fit que confirmer qu’Israël est un instrument de la police américaine, tout particulièrement lorsque les administrations américaines ne sont pas en mesure de prendre l’initiative directement.

À de nombreuses reprises, Washington a accordé son plein soutien politique, économique et militaire aux crimes israéliens : lors des guerres répétées d’Israël pour repousser la marée montante du nationalisme arabe dans les années 60 et 70 ; lors du bombardement par Israël, en 1981, du réacteur nucléaire irakien ; à l’époque où Israël entraînait des escadrons de la mort en Amérique centrale dans les années 80 ; quand Israël a soutenu l’apartheid sud-africain ; quand il a bombardé le Liban en 2006 et lors de ses frappes récentes contre la Syrie.

L’AIPAC sert le pouvoir des grosses sociétés américaines

L’AIPAC s’est mué en un puissant lobby parce qu’il a toujours prôné une ligne politique propice aux intérêts financiers de la section la plus puissante des grosses entreprises américaines – les industries militaires et pétrolières. Il opère en tandem avec ces dernières. De façon itérative, les géants de l’industrie militaire américaine ont recouru aux services de l’AIPAC pour influencer la politique à l’intérieur même des États-Unis. Le groupe sioniste a été l’une des principales forces d’une constellation d’institutions qui ont poussé les États-Unis à envahir l’Irak et l’Afghanistan.

Israël est totalement lié au Pentagone, dont il dépend sur toute la ligne. Durant 60 années, des milliards de dollars d’aide américaine sont allés en Israël – généralement pour acheter des systèmes d’armement américains, des avions à réaction, des chars, etc. Cela, à son tour, alimente et justifie de nouvelles fournées d’achat d’armes par les régimes arabes dépendant des États-Unis.

Des sociétés comme Lockheed Martin, General Electric Co., Northrop Grumman et Boeing sont plus que d’accord pour refiler des millions de dollars aux lobbyistes militaires et à l’AIPAC. À leur tour, ces derniers allouent de généreuses donations aux hommes politiques, aussi bien démocrates que républicains, pour qu’ils garantissent des contrats portant sur des milliards de dollars en armement et qu’ils remuent les esprits en faveur de frappes militaires, d’un développement accru des bases américaines à l’étranger et de guerres interminables.

La division au sein de la classe dirigeante américaine

Vu la débâcle à laquelle est confrontée l’occupation américaine tant en Irak qu’en Afghanistan, on assiste à une profonde division au sein des cercles dirigeants américaines, voire parmi le gratin des traîneurs de sabres du Pentagone, quant au bien-fondé d’une attaque contre l’Iran et à la façon de s’y prendre. Cette opposition ne s’appuie pas le moins du monde sur des motivations humanitaires à l’égard du peuple iranien, de leurs propres troupes ou des travailleurs de leur propre pays. Non, plus prosaïquement, elle repose sur la crainte d’une explosion politique dans la région.

L’indécision et les rivalités croissantes sont à l’ordre du jour. Ces deux années écoulées ont été emplies de fuites, de révélations in extenso par Seymour Hersh dans le magazine New Yorker et de démissions de hauts fonctionnaires, tant civils que militaires. L’amiral William J. Fallon, chef du Commandement central américain pour le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et l’Asie centrale, a été forcé de présenter sa démission après que le magazine Esquire eut fait état de ses profondes réserves à propos d’une attaque contre l’Iran.

Un journal londonien annonçait, voici plus d’un an, que certains des hauts responsables militaires du Pentagone étaient prêts à démissionner si la Maison-Blanche ordonnait des frappes militaires contre l’Iran. ( Sunday Times, 25 février 2007)

Le rouleau compresseur contre l’Iran a été retiré de la circulation par la publication, en décembre dernier, d’une estimation des Services nationaux de renseignements américains prétendant que l’Iran ne disposait pas d’armes nucléaires et qu’il n’en avait d’ailleurs pas eu depuis plus de cinq ans au moins.

Le remaniement le plus récent dans les hautes instances se traduisit par les démissions forcées du secrétaire aux Forces aériennes Michael Wayne et du chef de l’état-major, le général Michael Mosley, prétendument pour une « série d’échecs » dans la manipulation par les Forces aériennes des armes nucléaires américaines. On a rapporté que quatre composantes cruciales d’armes nucléaires avaient été acheminées « par erreur » à Taiwan. En outre, un bombardier B-52 armé « par erreur » de six missiles de croisière à ogives nucléaires avait traversé les États-Unis. Les deux erreurs étaient connues depuis plus d’un an. Le remaniement présente-t-il quelque rapport avec l’éclaircie à propos de l’Iran ?

Des rapports disant que l’administration Bush prévoit de lancer une frappe aérienne contre l’Iran dans les deux prochains mois ont encore été présentés le 28 mai dernier sur Asia Times On-Line.

Selon l’article, deux poids lourds du Sénat américain ont parlé de l’attaque : Dianne Feinstein, démocrate de Californie, et Richard Lugar, républicain de l’Indiana, prévoient en effet de parler en public de leur opposition à ces plans. Mais leur éditorial censé paraître dans le New York Times se fait toujours attendre.

Pendant ce temps, l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer écrivait dans le quotidien israélien Haaretz du 1er juin que Bush et Olmert semblent avoir l’intention de mettre un terme au programme nucléaire iranien « par des moyens militaires plutôt que diplomatiques ». Fischer craint que le Moyen-Orient ne dérive vers un nouveau et dangereux conflit militaire.

Le droit de l’Iran à l’énergie nucléaire

L’envoyé de l’Iran aux Nations unies, Mohammad Khazaee, a introduit une protestation auprès du secrétaire général Ban Ki-moon et du Conseil de sécurité à propos des menaces israéliennes. Khazaee insistait sur le fait qu’une menace aussi dangereuse contre un État souverain et membre des Nations unies constituait une violation des lois internationales, qu’elle contrevenait aux principes les plus fondamentaux de la Charte des Nations unies et qu’elle requérait une réponse résolue et claire, particulièrement de la part du Conseil de sécurité.

L’Iran a le droit, conformément aux lois internationales, de développer un programme d’énergie nucléaire. Il est signataire du traité de non-prolifération des armes nucléaires. L’Agence internationale de l’énergie atomique a inspecté à de nombreuses reprises les installations nucléaires de l’Iran.

Israël, toutefois, n’a jamais signé le Traité de non-prolifération. Il a refusé les moindres contrôles de son programme bien connu d’armements nucléaires, qui comporte plus de 200 ogives nucléaires.

Le gouvernement américain a développé toute une nouvelle génération d’armes nucléaires tactiques qui violent également les accords et traités visant à limiter et à restreindre les armes nucléaires.

Aujourd’hui, la classe dirigeante américaine comprend dans une panique croissante qu’elle ne contrôle pas les événements. Ce sont les événements qui la contrôlent – depuis la crise économique qui va en s’aggravant et échappe à toute solution jusqu’à une guerre dans laquelle la victoire est impossible. Ceci tend à rendre ces prédateurs planétaires de plus en plus désespérés, en proie à des divisions et disposés à des aventures militaires encore plus désespérées.

La seule véritable opposition au danger croissant d’une nouvelle guerre viendra des simples citoyens et non du monde politique. De telles forces, considérées sur une base mondiale, doivent prendre très au sérieux cette poussée vers la guerre et elles doivent commencer à mobiliser.

http://www.workers.org/2008/world/iran_0619/

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