Ce que je vois quand je vois Maggie

Quand je vois Maggie, je ne vois pas une dame de fer.
Quand je vois Maggie, je ne vois pas une politicienne avec une vision.
Quand je vois Maggie, je ne vois certainement pas une femme forte.



 

Même en écoutant ses dizaines d’interviews, je n’entends rien de neuf venant de Maggie. Aucun argument, aucune réflexion surprenante, puissante. Bien au contraire, je vois surtout une petite dame qui a peur. Une dame qui a tellement  peur du monde et des émotions, qu’elle a fini par se blinder par tous les moyens. Une petite dame perdue dans un monde trop grand et trop étrange pour elle.

Pour se blinder, elle emploie tous les moyens: des colliers et des sacs (qui deviennent de plus en plus volumineux), un beau diplôme (qui prouve qu’elle est intelligente), et puis son équipe, et la loi (car ce n’est pas elle qui décide).

J’en ai connu, de ces citoyens du nord du pays: plus proches de la terre et de leur village que de leur pays – et plus éloignés encore du monde, ils sont un peu gênés de parler le dialecte à la maison. En tant que premiers de la famille à obtenir un gros diplôme, ils resteront toujours l’espoir et la fierté des parents, grand-parents, oncles et tantes, et parfois même du… village. Récemment enrichis, ils ne s’aventurent jamais à Bruxelles car c’est trop dangereux, mais ils se payent de temps à autre un city trip dans une ville à la mode. Le soir, ils mangent des l’ananas fourrés de crabe achetés chez le meilleur poissonnier de la ville voisine, arrosé d’un Sancerre ou deux. Bons vivants un peu maladroits, ils arborent des lunettes de soleil de marque derrière le volant de leur grosse voiture. Ils gagnent bien leur vie, ils ont le droit d’en être fiers. Ils ont bien travaillé pour, non?

Et voilà qu’une Secrétaire d’Etat représente l’idéal (politique) d’un bon nombre de citoyens belges: elle a gardé la simplicité d’une femme du peuple qui bosse. C’est bien, c’est du solide. En plus, elle applique la loi et rien que la loi – il ne faut donc même pas remettre ses actions en question. De toute façon, on n’a pas le temps de réfléchir à tout, ou de visiter tous les pays d’origine de tous les réfugiés, tout de même!

Et pourtant, je ne parviens pas à voir en Maggie une Dame de Fer. Je vois une personne intellectuellement fragile avec un gros bouclier. Posez-lui une question inattendue et elle trébuche. Observez son langage non verbal: elle a une peur bleue (haha!) de l’imprévu. D’ailleurs, elle parle surtout en mantras insufflés par son service de communication: “La loi, c’est la loi – je suis très bien dans ma peau – la politique c’est comme la médecine: il suffit de trouver la maladie et de donner le médicament”. Les trois fois où des journalistes ont osé présenter des questions moins prévisibles, elle a commis maladresses et gaffes, allant jusqu’au mensonge. J’attends le jour où elle me surprendrait avec une réflexion sincère et authentique.

Aujourd’hui, l’héroïne du peuple a fait la une suite à une interview à la RTBF, durant laquelle elle a traité de ‘chantage’ les actions pour les réfugiés de guerre afghans. Les manifestations d’Afghans et de Belges qui veulent une réponse politique digne  ont été qualifiées comme telles, ainsi que la grève de la faim, qui a d’ailleurs franchi l’étape critique des trois semaines pour deux des quatre grévistes. Et puis souvenez-vous: dans un passé récent, la même Maggie a qualifié de ‘chantage’ la présence d’enfants afghans, de même que l’occupation d’un bâtiment vide. Les souffleurs seraient-ils à court d’arguments en appellant toute expression de désaccord du chantage?

La dame de l’Asile et la Migration me semble surtout être l’instrument d’un système perverti qui joue sur les sentiments de peur de la part d’une partie de la population fatiguée, abusée et abrutie. Et après le peuple et les réfugiés déboutés, c’est elle qui est abusée à son tour. Mais où voit-on donc une ‘femme de poigne’?

Ce que je ressens pour cette dame, c’est surtout de la compassion. J’aimerais tant partager avec elle un moment ‘vrai’. Aller ensemble visiter avec elle l’Eglise du Béguinage. Y rencontrer le Père Daniel, qui offre son toit à une bonne centaine d’Afghans. Boire une tasse de thé avec eux et grignoter des Petits Beurres distribués par un vrai réfugié. Et je voudrais surtout l’inviter à tenir la main de la petite Fatima, de Maryam et d’autres petits réfugiés, afin qu’elle ressente quelque chose, le temps d’un instant. Ne fût-ce que le froid des petites mains qui ne demandent qu’à être chauffées. Ce serait vraiment sympa.

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