Bush piège les politiciens européens «au nom de la liberté»

«Mon but, c'est la liberté. Freedom!», a déclaré Bush dans le discours inaugural de son second mandat. «Nous ne cesserons de confronter chaque dirigeant et chaque nation au choix moral entre l'oppression, toujours mauvaise, et la liberté, toujours juste.» Après les armes de destruction massive et le terrorisme international, «la liberté» devient le nouveau prétexte aux interventions américaines dans le monde entier. Bush vient à Bruxelles le 22 février afin de demander du soutien à ses plans.

«Nous ne pouvons tolérer l'existence de la tyrannie permanente», a dit Bush dans son discours d'investiture. «Le but final est de bannir la tyrannie du monde.» Une autre image de l'ennemi, donc. Mais, cette fois aussi, Bush s'arroge le droit divin d'intervenir partout et n'importe quand…

Même si cela coûte plus de cent mille morts, comme en Irak. Après ce discours, le quotidien britannique The Guardian a titré: «Feu d'artifice à Washington, désespoir dans le monde entier».

Après le 11 septembre, la lutte contre le terrorisme a fourni le prétexte aux forces d'extrême droite des Etats-Unis pour entamer enfin l'application de desseins mijotés de longue date. Dick Cheney, déjà ministre de la Guerre sous Bush père, a fait rédiger un rapport en 1992: Defense Planning Guidance. Il y écrivait: «Notre premier objectif est d'empêcher l'émergence d'un nouveau rival. Cela exige de mettre tout en uvre pour empêcher qu'une puissance hostile domine une région d'où elle pourrait exercer une influence mondiale. Il s'agit de régions comme l'Europe occidentale, l'Est de l'Asie, le territoire de l'ancienne Union soviétique et l'Asie du Sud-ouest.» En septembre 2000, le groupe réuni autour de Cheney a entériné cette vision dans Reconstruire la défense de l'Amérique. Stratégie, forces armées et moyens pour un nouveau siècle: «La tâche de l'armée est d'empêcher l'apparition d'une nouvelle grande-puissance rivale et de protéger les régions clés de l'Europe, de l'Est de l'Asie et du Moyen-Orient.» Trois puissances peuvent menacer la toute-puissance des Etats-Unis: la Chine, la Russie et l'Inde. Le rapport indique que les Etats-Unis ne peuvent attendre que ces pays constituent une «réelle menace». Il préconise la guerre préventive en vue de faucher l'herbe sous le pied d'un éventuel rival.

De Bagdad à Pékin

Un des objectifs des guerres contre l'Irak, la Yougoslavie et l'Afghanistan était d'installer des bases américaines. Aujourd'hui aussi, l'enjeu stratégique reste de déployer l'armée américaine partout dans le monde. C'est ce que montrent le récent rapport de la CIA, Project 2020, et la dernière liste des «tyrannies». Project 2020 prévoit une grosse perte d'influence US d'ici 15 ans. Les nouvelles économies ­ Chine en tête ­ occuperont de plus en plus l'avant-plan. Les analystes s'attendent à une plus forte concurrence pour les ressources naturelles, sans oublier la possibilité d'importantes pénuries de pétrole.

La CIA conseille aux hommes politiques américains «de proposer aux Etats asiatiques une sécurité régionale et un ordre qui concurrencent, voire dépassent, les propositions de la Chine.» Sinon, «il y a de fortes chances que ces pays sautent dans la charrette de Pékin». Proposer la sécurité régionale et l'ordre signifie installer des bases militaires américaines.

Les Etats-Unis sont également très inquiets à propos de la vente d'armes modernes par la Russie à la Chine. Ils voient avec méfiance la Russie établir de bonnes relations en Asie, entre autres avec la Chine. Ils essaient aussi par tous les moyens d'empêcher que l'Europe lève son embargo contre la Chine sur le plan des armements et qu'elle collabore à des projets de haute technologie comme le système de navigation par satellite Galilée, concurrent du GPS américain. Les Etats-Unis ont déjà menacé de détruire le système européen Galilée s'il est utilisé par une puissance hostile comme la Chine.1

Crise et guerre mondiale

Le Moyen-Orient reste la priorité. Bush n'envisage pas de retirer ses troupes de l'Irak. Et l'Iran est la cible suivante. Mais ce ne sera pas si simple.

En Irak, les USA se heurtent à une véritable insurrection populaire. La coalition américaine s'effrite. Le journal Foreign Affairs écrit: «L'Irak est au-dessus de nos forces. Nous avons atteint nos limites.» En Afghanistan, pour l'instant, l'Otan contrôle bien quelques villes, mais le reste du pays reste sous contrôle de la résistance anti-américaine.

En 2003, Bush a menacé la République démocratique du Congo (RDC) et la république cubaine. Aujourd'hui, force lui est de constater qu'il lui est impossible de mettre ses menaces à exécution dans un proche avenir.

L'Amérique latine évolue aussi beaucoup moins bien que Washington ne l'avait souhaité. Le Plan Colombia contre la guérilla de ce pays rencontre une résistance généralisée. Au Venezuela, la CIA n'arrive pas à renverser le président Chavez. Plusieurs pays sud-américains ont élu des dirigeants démocratiques et nationalistes comme Lula au Brésil, Duarte au Paraguay et Kirschen en Argentine. Et tous ces pays resserrent leurs liens avec Cuba

Les Etats-Unis se rendent compte qu'ils sont stratégiquement faibles une fois qu'il s'agit d'envoyer beaucoup de soldats sur le front et qu'ils n'ont pas le soutien politique et militaire de l'Europe, dont ils ont besoin pour soumettre le monde à leur ordre. Voilà pourquoi Bush vient à Bruxelles.

Aussi le mouvement pour la paix mobilise-t-il à raison afin d'empêcher que Bush obtienne ce soutien. Il veut que l'Europe n'accorde aucun soutien à l'occupation de l'Irak. La résistance du peuple irakien est importante, pour les Irakiens eux-mêmes, mais aussi pour toute la région et même pour le reste du monde. Si les USA s'embourbent en Irak comme ils l'ont fait au Vietnam, leurs plans de guerre vont s'en trouver vilainement compromis.

L'Europe ne peut pas non plus soutenir la lutte du gouvernement américain contre les prétendues tyrannies. Ces pays ne reçoivent ce label qu'en raison de leur opposition aux plans de guerre américains.

Que ceux qui veulent interdire la détention d'armes nucléaires à des pays comme l'Iran et la Corée du Nord s'engagent d'abord à un démantèlement général de toutes les armes nucléaires du monde. Sous contrôle des Nations unies, en commençant par les pays qui en possèdent le plus. Les troupes US et celles de l'Otan doivent quitter les Balkans, l'Afghanistan et l'Irak. La participation à des missions de l'Otan au service des Etats-Unis doit cesser et les accords imposant cette participation doivent être annulés. Les bases américaines doivent quitter l'Europe et l'Europe ne peut tolérer aucune ingérence dans ses relations avec la Chine et d'autres pays menacés par les USA. Il convient aussi de rétablir intégralement les relations avec Cuba.

1 The Business, 24 octobre 2004.

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