Bulgarie : la voix du peuple

« O Bulgarie !
O ma mère, ô patrie chérie,
Pourquoi tu pleures  si tristement? »… C’est avec ces paroles que commence le poème « La pendaison de Vassil Levski » de Hristo Botev*, un des plus grands poètes bulgares dont les ouvrages ont marqué tout un peuple qui aujourd’hui subit les conséquences des erreurs commises par une poignée d’hommes politiques qui aimaient le pouvoir et l’argent plus que tout au monde. Un peuple qui a assez attendu dans l’obéissance et qui a envie qu’on entende sa voix… Un peuple qui rêve d’un changement, d’une révolution, d’une vie meilleure. Un peuple dont la mère pleure ! Mon peuple !

 

 

Stara Zagora, le 24 février 2013.

Traduction : « Prison ! Pour ceux qui ont vendu la Bulgarie »
« Pour une vie digne »

  

 

  

 

 

Je m’appelle Biyana Petrova et j’ai 31 ans, je suis bulgare mais je vis en Suisse après avoir terminé des études en communication, en France. Ce sont eux qui m’ont poussé à quitter mon pays au début des années 2000, à l’âge de 20 ans. Avoir un diplôme un France était mon seul et unique but à cette époque. Une époque difficile qui a poussé des millions de Bulgares à fuir un pays aussi magnifique que la Bulgarie. Oui, j’ai dit magnifique…, parce que loin de l’image « du pays de la corruption, de la prostitution et des tsiganes », la Bulgarie est l’un des pays les plus anciens d’Europe. Sa nature exceptionnelle et son patrimoine historique et culturel justifient la fierté nationale et patriotique dans les cœurs des bulgares à travers le monde.


J’ai décidé de quitter mon pays, jeune, non parce que j’étais malheureuse là bas mais parce qu’« il n’y avait pas d’avenir »…. c’est ce qu’il me répétait, sans cesse, mon père ! Déçu et complément détruit par le système politique et social du pays, il voulait, à tout prix, que je me « sauve » même si je devais vivre loin de ma famille. Mais quand je dis « détruit », je parle psychologiquement… Physiquement, mes deux parents avaient une excellente hygiène de vie grâce aux métiers qu’ils exerçaient. Leur amour pour le sport les a poussés à en faire leurs métiers dans l’éducation en tant que professeurs de sport. Mais malgré cet épanouissement professionnel, ils ne voulaient pas que nous, avec mon frère, suivions leurs pas. Le sport faisait toujours partie de notre vie mais n’était pas envisageable pour notre orientation professionnelle. Pourquoi ? Tout simplement parce que malgré les bons postes qu’ils avaient, mes parents arrivaient à peine à joindre les deux bouts…


Ne pouvant pas subvenir aux besoins de sa famille, mon père a quitté le milieu sportif dans les années 1990 et est parti vivre et travailler à l’étranger. Il nous envoyait la moitié de son salaire tous les mois et ceci pendant plusieurs années. Loin des siens, de son pays et de sa passion, le sport, mon père a tenu le coup pendant 9 ans. Au cours de ces années son état de santé s’est aggravé, sa silhouette sportive n’était plus qu’un souvenir et il a perdu beaucoup de poids. Malade du cœur, mon papa est décédé le 31 mars 2006, suite à une crise cardiaque… Que son âme repose ne paix !


Dans les années 1990, nombreux sont les pères de famille qui étaient poussés et qui le sont encore, à partir travailler à l’étranger afin de pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles. A l’époque, la classe moyenne n’existait pas en Bulgarie. Il y avait 2 catégories : ceux qui avaient une vie confortable et les pauvres. Le système sociopolitique a fait croire aux citoyens que cette absurdité de gouvernance était normale. Que c’était un passage obligatoire sur le chemin vers la « démocratie ». Cette société qui était bâtie sur les restes du communisme s’autodétruisait. Les différents gouvernements étaient beaucoup trop gourmands. Aujourd’hui, c’est tout le peuple bulgare qui subit les conséquences de cette soif de pouvoir et d’argent ! Et je ne parle pas seulement des 7 millions vivant en Bulgarie mais des 2 millions émigrés, poussés à quitter leur pays en espérant trouver une vie meilleure, quelque part vers l’Ouest… dont je fais partie.


A 19 ans j’ai dû arrêter mes études que je faisais à l’Université de Sofia « Kliment Ohridski », parce que mon argent de poche ne couvrait plus mes frais de transport et de nourriture et je suis devenue serveuse afin de commencer à gagner ma vie en vivant encore chez mes parents. Cette période de ma vie m’a faite beaucoup réfléchir sur mon avenir. Mes rêves de faire carrière dans le journalisme ou dans le droit ont commencé à se briser avec une vitesse incroyable. J’ai donc écouté mon père et je suis partie en France pour faire mes études en étant sure que cette aventure ne durera pas plus qu’un an et que j’allais revenir l’année d’après et reprendre ma vie d’avant. L’année d’après je suis bien revenue mais pour annoncer à ma famille et à mes proches que j’avais décidé de rester en France, le temps de terminer mes études.


Je ne me rappelle plus quelle est la chose qui m’a fait changer d’avis en espace d’un an passé à Montpellier… La qualité de vie était non seulement supérieure à celle en Bulgarie mais certains de ses aspects, qui pour les Français étaient tout à fait normaux et pris pour acquis, étaient considérés dans mon pays comme du luxe. Mais il y avait autre chose, beaucoup plus surprenant, qui m’a frappée… c’était le sentiment de sécurité, cette tranquillité, avec laquelle vivait une grande partie des Français… Je ne sais pas, en réalité mais dans mes souvenirs, ce qui m’a agréablement surprise était le sourire des gens dans la rue, cette insouciance avec laquelle vivaient les Montpelliérains. Quant à mon pays, la peur de l’avenir incertain qu’il m’offrait, m’a fait rester en France.

 

« Je veux étudier, travailler et vivre en Bulgarie »

 

Les années ont passé mais la situation économique en Bulgarie ne s’améliorait pas. L’entrée dans l’Union européenne (2007) a donné beaucoup d’espoir aux Bulgares quant à la qualité de vie qui était censée devenir meilleure. Six ans plus tard la situation est telle que la majorité des Bulgares partis pour faire leurs études à l’étranger, comme moi, sont restés vivre en Occident. En 2013 la Bulgarie est le pays le plus pauvre de l’UE. Aujourd'hui il se trouve en crise démographique grave, avec un des plus bas taux de natalité dans le monde et un des plus hauts taux de mortalité.


L’opinion publique est fatiguée de la corruption et du faible niveau de vie dans le pays, dont un million d’habitants ont émigré au cours des 17 dernières années. La majorité des Bulgares estiment que la lutte contre la corruption est inefficace, tandis que 80% qualifient d’ « extrêmement corrompus » les partis et le système judiciaire. Qu’il s’agisse de la santé, de l’éducation, des administrations, de la police ou encore de la justice, aucun secteur n’est à l’abri de ce phénomène. Mais la patience du peuple a atteint sa limite. Depuis plusieurs jours les citoyens bulgares protestent dans les rues de la capitale et des plus grandes villes du pays. Des manifestations qui ressemblent plusieurs milliers de partisans réunis au nom d’une seule cause : La libération de la Bulgarie de la corruption et de la pauvreté.


 

En partageant mon expérience je ne veux pas capter l’attention sur mon vécu mais plutôt l’attirer sur la raison qui m’a poussée, il y a plus de 10 ans, à quitter mon pays et à vivre loin des gens que j’aimais. Cette même raison qui continue à pousser de plus en plus de Bulgares à quitter leur foyer pour une vie meilleure… le désespoir ! Un sentiment que non seulement le peuple bulgare éprouve actuellement. La situation est similaire ou pire dans une grande partie des pays à travers le monde sans parler des pays en guerre.


Dans leur lutte intense contre le « terrorisme », les gouvernements des pays occidentaux oublient des problèmes beaucoup plus graves comme la faim dans le monde qui au 21e siècle est toujours la première cause de mortalité… On oublie les changements climatiques qui peuvent avoir des conséquences désastreuses sur le sort de notre planète. Aujourd’hui la dépression est reconnue comme une maladie. Le taux de suicides chez les jeunes ne cesse d’augmenter surtout dans les pays développés.

 

C’est comme s’il y avait une erreur dans le système, un gros beug… En même temps il fallait s'y attendre. La pauvreté, la corruption et l'injustice sont les conséquences du déséquilibre quant à la répartition des richesses mondiales… C'est mathématique!


0,5% de la population possède 38,5% des richesses mondiales, chiffre en pleine augmentation. Les populations des pays riches en matières premières vivent dans une pauvreté qui ne cesse d'augmenter. L'Afrique, par exemple, est le continent le plus riche sur la planète : le Nigéria, le 6e exportateur de pétrole au monde, l’Algérie, le 6e exportateur de gaz naturel, l’Afrique du Sud, le 4eproducteur d’or, la Namibie et le Niger, le 3e et le 4e exportateur d’uranium, etc. Pourquoi alors la plupart des pays africains sont-ils sous-développés et leurs populations vivent dans la misère? Tout simplement parce que les Africains n'ont pas le droit de profiter des richesses de leur propre terre car elle ne leur appartient plus. Toutes les ressources d'Afrique sont privatisées par des multinationales, des entreprises étrangères privées, dont les patrons s’enrichissent au prix des milliers de vies humaines. Le système capitaliste, la mondialisation et la « démocratie » ne sont que des outils qui aident les gouvernements des pays développés à légaliser le vol. Un vol dont les conséquences expliquent la situation économique actuelle. Un vol qui, aujourd’hui, est devenu un crime contre l’humanité.


La voix du peuple bulgare est la même que celle des autres peuples qui paient pour les actes criminels d’une minorité d’hommes cupides et qui subissent les conséquences de cette inégalité qui est la cause de la pauvreté et de la famine dans le monde. Une voix qui ne veut plus être dans le silence ! Une voix qui a besoin d’être entendue !



*Le poème de Hristo Botev est disponible sur : www.bulgaria-france.net


Source : investigaction.net


 

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