Bolivie : l'opposition fascisante sort ses griffes

Le 9 septembre dernier, dans la ville de Santa Cruz en Bolivie, des

attaques aux institutions et bâtiments de l'Etat ont marqué le début

d'une semaine particulièrement violente et fortement teintée de

racisme. La simultanéité de ces attaques ainsi que l'acuité avec

laquelle les cibles ont été choisies balaient d'un revers de la main

l'hypothèse (défendue par la presse traditionnelle) selon laquelle les

événements auraient eu lieu de manière spontanée. Rien n'est moins

vrai.

– 14 septembre 2008.

Les hordes de jeunes, munies de pierres, d'armes blanches et quelques

fois d'armes à feu, s'en sont pris aux installations stratégiques de

l'Etat. Elles ont envahi les bureaux des impôts (ministère des

finances), les locaux de la télévision publique et de plusieurs

chaînes de radio paysannes, la gare routière et les bureaux de l'INRA

(Institut National de la Réforme Agraire). Ce dernier établit le

cadastre des terres agricoles dans le pays et redistribue certaines

d'entre elles aux paysans. L'INRA constitue de ce fait l'institution

étatique « ennemie N°1 » des riches propriétaires terriens qui, par

ailleurs, sont ceux-là même qui détiennent le pouvoir politique ainsi

que les principaux médias.

Santa Cruz n'est pas la seule ville où des saccages ont été commis. 5

des 9 départements (équivalent de province en Belgique) ont été le

théâtre de prises de bâtiments publics : aéroports, installations

pétrolières, bureaux des Douanes, etc.

Dans la ville de Santa Cruz et dans le département de Pando (Amazonie

bolivienne), ces prises de bâtiments publics ne furent malheureusement

pas les seuls faits délictueux constatés.

L' UJC (Unión Juvenil Cruceñista), groupe paramilitaire lié au préfet

de Santa Cruz Rubén Costas a attaqué le quartier « Plan 3000 »,

bastion d'Evo Morales dans cette ville où le fait de soutenir

publiquement le Président est devenu dangereux. Plusieurs

affrontements ont eu lieu, on dénombre de nombreux blessés par balle

parmi les supporters de Morales. Les campagnes d'intimidation envers

les sympathisants du gouvernement ne cessent de croître et l'on ne

compte plus les gens qui se sont fait tabasser, les militants dont le

domicile a été saccagé, voire brûlé. L'UJC réalise une véritable

chasse aux sorcières.

Dans la localité de Porvenir dans le Pando, 15 paysans (30 selon

d'autres sources : www.bolpress.com) se sont fait assassinés par des

bandes armées à la solde du préfet Leopoldo Fernández alors qu'ils se

rendaient à un rassemblement de paysans en soutien au président Evo

Morales. La situation est devenue tellement problématique dans la

région que le gouvernement a déclaré l'Etat de siège dans le

département. L'armée a été envoyée, elle a récupéré le contrôle de

l'aéroport local et protège maintenant les institutions de l'Etat

ainsi que les habitants pro-Morales apeurés par les évènements et

craignant pour leur propre vie. Un mandat d'arrêt vient d'être délivré

à l'encontre du préfet meurtrier. Il serait en fuite au Brésil.

Mais qu'a donc provoqué cette flambée subite de violence ?

1) Les préfets des départements séparatistes et la classe puissante,

riche et raciste qui les soutient n'ont pas digéré la défaite

électorale cuisante qu'ils ont subi le 10 août dernier. Malgré la

propagande mensongère et dénigrante qu'ils distillent à longueur de

journée à travers leurs propres médias, ils n'ont pas réussi à faire

en sorte qu'Evo Morales perde le référendum qui remettait son mandat

présidentiel en jeu. Au contraire, le président bolivien a obtenu

67,41 % de votes en sa faveur, renforçant de telle sorte sa

légitimité.

L'élite politique de ces départements séparatistes se rend compte

qu'il est de plus en plus difficile (voire impossible) de renverser

Evo Morales par voie démocratique. L'insurrection et la

déstabilisation du pays de ces derniers jours prouvent qu'elle est

prête à tout pour faire « tomber » cet « indio de mierda ». En ces

jours où l'on commémore les 35 ans du coup d'Etat de Pinochet, on ne

peut que prendre peur face aux curieuses similitudes historiques

qu'ont la Bolivie de Morales d'aujourd'hui avec le Chili d'Allende de

1973.

2) La deuxième raison qui pousse l'oligarchie raciste à organiser

(sous la tutelle de Philip Goldberg, (ex)-ambassadeur US en Bolivie

[1] ) une déstabilisation sans précédents est la convocation à un

nouveau référendum le 7 décembre 2008. Par Décret Présidentiel, Evo

Morales a en effet invité ses concitoyens à se prononcer sur

l'adoption de la nouvelle Constitution rédigée en 2006 et 2007.

Celle-ci fut approuvée par la majorité des membres de l'Assemblée

Constituante en décembre 2007. Ce nouveau texte constitutionnel ne

satisfait évidemment pas les élites blanches des départements

séparatistes. Celles-ci savent pertinemment bien que ce nouveau

référendum sera vraisemblablement favorable au projet constitutionnel

soumis au vote. La déstabilisation du pays est une bonne manière de

faire capoter l'organisation de cette consultation populaire.

Face à cette situation inédite, Evo Morales se doit de réagir avec

force. Les bases paysannes et syndicales le lui réclament d'ailleurs

avidement. Celles-ci se disent prêtes à converger vers les villes en

conflit pour défendre elles-mêmes les bâtiments de l'Etat. Si la

justice, la police et l'armée n'interviennent pas avec la plus grande

fermeté en arrêtant les coupables des crimes et en rétablissant l'Etat

de droit dans les villes insurgées ; les paysans, les mineurs et les

membres des mouvements sociaux boliviens iront eux-mêmes défendre «

jusqu'à la mort » ce qu'ils n'ont jamais eu auparavant en 183 ans de

vie républicaine : un Etat, un Président et un gouvernement qui

travaillent d'arrache-pied à la construction d'une Bolivie plus juste.

note:

[1].Evo Morales a déclaré l'Ambassadeur américain Philip Goldberg

persona non grata. Le président bolivien accuse le représentant

américain de fomenter les troubles en Bolivie. Philip Goldberg a

auparavant lui-même orchestré la séparation du Kosovo et de la Serbie.

Sa mission en Bolivie est de réitérer le scénario.

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