Blackwater, armée fantôme et multinationale prospère
- 08 Juin 2007
Les mercenaires occidentaux constituent le plus gros contingent
après le contingent américain
6.000 dollars pour la protection rapprochée d'un entrepreneur,
8.000 dollars pour une personnalité
28 Mai 2007
Les États-Unis et l'Iran se retrouvent le 28 mai à Bagdad pour tenter
de convenir d'un mode opératoire visant à la stabilisation de l'Irak,
avec en toile de fond un agenda diplomatique soutenu par un
important déploiement naval américain dans le Golfe.
En prévision de ce calendrier diplomatique, marqué en outre par les
débats du Conseil de Sécurité de l'Onu en vue de l'adoption d'une
résolution contraignante sur la création d'un tribunal international
chargé de définir les responsabilités dans l'assassinat de l'ancien
premier ministre libanais Rafic Hariri (14 février 2005) et par la
réunion jeudi 1er juin à Madrid entre l'Iran et l'Agence atomique de
Vienne, les États-Unis ont dépêché cette semaine neuf bâtiments de
la flotte en appui aux deux porte-avions déjà présents aux larges
des côtes iraniennes.
Trois jours avant la réunion de Bagdad, les États-Unis ont envoyé,
en urgence, vendredi 25 mai, au Liban huit avions cargos chargés de
renforts militaires en soutien à l'armée libanaise en confrontation
contre les combattants du «Fatah Al-Islam», groupe radical se
réclamant d'AL-Qaïda dans le nord du Liban, et débloqué 80 millions
de dollars au président palestinien Mahmoud Abbas pour équiper sa
garde rapprochée et la renforcer face à ses rivaux du Hamas, dont
las combattants, à Gaza, sont pourchassés par les hélicoptères
israéliens. .
Les États-Unis paraissent avoir voulu mettre une pression maximale
pour tenter de sortir du guêpier irakien dans lequel ils se sont placés
au prétexte de «la guerre contre le terrorisme». Signe indiscutable
de la détermination américaine, la décision de la majorité démocrate
du Congrès américain de renoncer à conditionner le financement de
l'effort de guerre américain à la fixation d'une date de retrait des
troupes américaines d'Irak. Au total, les Etats-UInis comptent
120.000 soldats américains soutenus par la flotte du Golfe, deux
portes-avions, neuf bâtiments d'escorte, soit 16.000 marins et 140
avions de combats.
Toutefois, l'Iran, pour l'Irak, la Syrie, pour le Liban, sont
régulièrement pointés du doigt, mais cette accusation quand bien
même est fondée occulte toutefois la responsabilité des pays
occidentaux dans la déstabilisation régionale, notamment à travers
leurs mercenaires.
A intervalles réguliers, en effet, les médias occidentaux pointent du
doigt les infiltrations transfrontalières, en provenance tant de Syrie
que d'Iran, pour expliquer les difficultés militaires occidentales en
Irak, imputant la recrudescence des opérations anti-américaines,
tantôt à la jonction entre les partisans du mouvement «Al-Qaîda»
d'Oussama Ben Laden et les résistants irakiens, tantôt à la guerilla
chiite, occultant le phénomène majeur de la guerre d'Irak, le
mercenariat à vaste échelle de type occidental.
En 48 mois de guerre (quatre ans), l'Irak, le plus important champ de
tir de l'époque contemporaine, est devenu le plus important champ
de mercenariat du monde. Près de cent mille gardes privés
(100.000), le terme pudique employé pour désigner les mercenaires
des temps modernes, sont en mission dans ce pays, au point de
constituer le deuxième contingent par ordre d'importance opérant en
Irak, derrière les États-Unis, surpassant de loin l'ensemble des
autres forces de la coalition (britanniques, polonais, australiens etc.),
selon les estimations occidentales (1).
Le recours au mercenariat se justifie pour de multiples raisons:
-une commodité comptable d'abord, car en cas de décès, les
mercenaires ne figurent pas sur la liste des bilans officiels américains
ou anglais,
-une commodité opérationnelle ensuite car les mercenaires ne sont
pas soumis aux astreintes militaires et disposent d'une plus grande
marge de manoeuvre. En cas de scandale, comme c'est le cas avec
les tortures de la prison d'Abou Ghraïb, l'honneur d'un pays n'est pas
entaché dans la mesure où la responsabilité de la forfaiture en
incombe aux sous-traitants.
Le maître d'oeuvre de l'opération mercenariat en Irak est la firme
américaine Blackwater, une firme de "prestataires de service", créée
en 1997, par Erik Prince, héritier d'une riche famille de chrétiens
ultraconservateurs du Michigan et ancien membre des commandos
de marine, les «Navy Seal».
Blackwater, -étymologiquement l'eau noire qui signifie en langage
imagé les eaux d'égouts transportant les matières fécales des
toilettes non recyclables-, connaîtra un développement fulgurant
avec "la guerre contre le terrorisme" lancé par le président George
Bush en riposte aux attentats anti-américains du 11 septembre
2001.
En 2002, dans la foulée de l'invasion de l'Afghanistan, Erik Prince fait
des offres de service au Pentagone. Donald Rumsfeld, soucieux de
restructurer la machine de guerre américaine. développe la
sous-traitance de certaines opérations à des forces spéciales dotées
d' armes de haute technologie. Blackwater obtient, sans appel
d'offres, son premier contrat, en avril 2002, d'une valeur de cinq
millions de dollars pour la protection du siège de l'agence à Kaboul.
Un an plus tard, la société décroche le gros lot avec le contrat de
protection du proconsul américain en Irak, Paul Bremer, un contrat
emporté toujours sans mise en concurrence. A partir de ce moment,
Blackwater recrute sa propre armée privée sur le Tigre et l'Euphrate,
et les commandes pleuvent.
L'entreprise ouvre des bureaux à Bagdad, mais aussi à Amman,
Koweït City et McLean, en Virginie, à équidistance du Pentagone, de
la Maison Blanche et de la CIA. 450 experts répartis dans deux
succursales de la firme à Bagdad et à Kuwait City, sont affectés au
recrutement, à la centralisation des candidatures, les contrats de
mission et les lieux d'affectation, ainsi qu'au ravitaillement.
Blackwater connaîtra la notoriété à Falloujah (Irak) où elle s'est
tristement illustrée avec la capture de quatre de ses membres,
révélant aux États-Unis et au reste du monde ses méthodes
expéditives. La capture de ses "prestataires de service", le 31 Mars
2004, -quatre jeunes gens d'une trentaine d'années, en tenue civile,
sans grade ni uniformes-, ainsi que le démembrement de leur
dépouille à coups d'armes contondantes après leur décès dans les
combats, puis leur exposition sur le pont de l'Euphrate, va
déclencher l'un des combats les plus meurtriers de la guerre d'Irak,
la bataille de Falloujah qui réduira cette ville sunnite en cité fantôme.
En ce mois d'avril 2004, qui passe pour avoir été l'un des points les
plus chauds de la confrontation américano-irakienne, 80 mercenaires
seront tués dans les batailles de Falloujah, de Bagdad et de Nadjaf,
dont 14 dans la première quinzaine d'avril. C'est d'ailleurs la capture
et la mutilation de quatre mercenaires à proximité de Falloujah, dans
le secteur sunnite de l'Irak, qui a déclenché les batailles d'avril.
Récidiviste, Blackwater s'illustrera trois mois plus tard dans la
deuxième grande bataille d'Irak, la bataille de Najaf, dans le sud de
l'Irak, lieu saint chiite et fief du chef radical Moqtada Sadr.
La firme avait assuré la protection du quartier général de la coalition
provisoire irakienne à Najaf. Le Washington Post avait affirmé à
l'époque que la défense du bâtiment avait été assurée par des
hommes de Blackwater et qu'au plus fort de la bataille, les
mercenaires s'étaient fait ravitailler en munitions par trois de leurs
propres hélicoptères, s'attirant les félicitations publiques du général
en charge des opérations de sécurité en Irak, alors que les
mercenaires ne font traditionnellement pas partie de la chaîne de
commandement de l'armée américaine.
Depuis lors Blackwater est devenu le supplétif indispensable de
l'armée américaine, Armée fantôme, Blackwater est une
multinationale prospère, fonctionnant en toute opacité.
En quelques années, la firme passe d'une poignée d'employés à 2
300 personnes déployées dans neuf pays, et développe une base
de donnée de 21 000 candidats: anciens militaires américains et
soldats étrangers, tous alléchés par l'idée d'empocher quatre à dix
fois leur solde, avec moins de contraintes. Les revenus bondissent
de quelques millions de dollars à plus d'un milliard – uniquement
grâce à des contrats avec le gouvernement des États-Unis.
En tête du hit parade des « PMC » (private military contractors),
Blackwater ne rend en effet aucun compte au public. Ses contrats
sont classés secret défense et ses opérations sur le terrain se
déroulent dans une discrétion absolue.
Les hommes de terrain sont fournis par diverses agences privées
notamment DSL (Defence Systems Limited). Fondée par Allistair
Morisson, un ancien de la SAS (special air services), les troupes
d'élite de l'armée de l'air britannique, DSL dispose d'une armée
privée de vingt mille hommes et se présente comme l'une des plus
grandes compagnies militaires privées.
Rachetée en 1997 par Armor Holdings Inc, DSL assure la fourniture
de la gamme de services allant de la répression des émeutes (gaz
lacrymogènes, matraques, véhicules blindés, gilets pare-balles) à la
protection à distance des personnalités (système d'alerte,
limousines blindées). En France, Armor-DSL est propriétaire de la
société Labbé, spécialiste de la construction des fourgons blindés
utilisés par le convoyeur de fond «Brinks».
Armor-DSL s'est rendue célèbre dans ses interventions en Angola
aux côtés du chef sécessionniste Jonas Savimbi, président de
l'UNITA, ainsi qu'en Colombie contre les narco-trafiquants. Elle
dispose de dix centres régionaux d'opération à Londres,
Washington, Bogota, Johannesbourg, Moscou, Hong Kong ainsi qu'à
Harare (Zimbabwe) et au Bahreïn.
Le recrutement se fait aussi par Internet, au su et au vu de tout le
monde. Le tarif est variable selon l'importance de la cible potentielle:
Six mille dollars par mois pour un garde du corps chargé de la
protection rapprochée des hommes d'affaires, entrepreneurs, en
quête de richesse et de gloire (BG/CP body guard close protection),
huit mille dollars pour la protection d'une personnalité importante.
Les recrues proviennent des pays réputés pour la rudesse de leur
formation militaire: Afrique du sud, Ukraine, Russie, Anglais,
Américains, les ressortissants d'Amérique latine, notamment des
Chiliens ainsi que des Népalais qui ont une longue tradition de
mercenariat, qu'on se rappelle les fameux gurkhas de l'Empire
britannique – et pour leur teint davantage en harmonie avec les
caractéristiques du type arabe, ainsi que naturellement, les
ressortissants du Moyen-Orient et de l'ensemble arabe pour des
taches d'interprétariat et de décryptage d'informations.
Une répartition des tâches semble s'être opérée entre les firmes
américaines et britanniques. Si les Anglais sont présents dans leur
ancienne zone d'influence, notamment les émirats pétroliers du
Golfe, l'Amérique a la haute main sur l'Arabie Saoudite et le reste du
Moyen-Orient.
Outre Defense Systeme Ltd, la Grande-Bretagne dispose d’une
deuxième compagnie privée de mercenariat, «Watchguard», dont le
siège est à Guernesey, îles britanniques. Fondée en 1967 par David
Sterling, un ancien des commandos de l'air britanniques (Special Air
Services), Watchguard passe pour être un instrument d’influence
de la diplomatie britannique.
A son palmarès figurent la protection de Cheikh Zayed Ben Sultan
Al-Nahyane, Cheikh d'Abou Dhabi et président de la Fédération des
Émirats du Golfe, ainsi que l'encadrement des troupes omanaises
dans la répression de la guérilla marxiste du Dhofar, dans les
années 1965-1970.
Outre Blackwater, les États-Unis comptent, eux, deux grandes
sociétés privées militaires: Vinnell Corp, dont le siège est à Fairfax,
en Virginie, et BDM international. Toutes deux filiales de la
multinationale Carlyle, elles apparaissent comme les bras armés
privilégiés de la politique américaine en Arabie et dans le Golfe.
Vinnel corp, dont la mission saoudienne a fait l'objet d'un attentat à
Khobbar en 1995, a la haute main sur la formation de la Garde
nationale saoudienne, tandis que BDM gère la formation du
personnel de l'armée de l'air, de la marine et des forces terrestres
saoudiennes.
L'establishment militaire américain ne se cache d'ailleurs pas des
liens qu'il entretient avec le mercenariat privé: ainsi le groupe Carlyle
est dirigé par Franck Carlucci, ancien directeur adjoint de la CIA et
ancien assistant de Caspar Weinberger, secrétaire à la Défense
dans l'administration Reagan, alors que John Deutsch, ancien
directeur de la CIA, est membre du conseil d'administration de CMS
Energy Corporation, firme chargée de la protection des installations
énergétiques (pétrole, nucléaire, électricité).
Le lien le plus manifeste de la collaboration entre le mercenariat
privé et le Pentagone est l'existence de MPRI (Military Professionnal
Resources Incorporated), le plus grand groupe d'expertise militaire
dans le monde. Son fichier dispose de deux mille noms d’officiers
du Pentagone, utiles tant pour le lobbying que pour l'expertise.
La France a adopté un profil bas depuis la disparition de Bob Denard,
le célèbre baroudeur africain et ses déboires français tant en Irak
que sur le continent noir. En l'absence d'un chef charismatique
capable de fédérer des soldats aussi récalcitrants à la discipline, elle
a opéré une modeste percée en Irak à l'aide d'une petite structure
«EARTHWIND HOLDING CORPORATION». Première et unique société
militaire privée francophone opérationnelle dans le monde,
EARTHWIND Holding dispose de 30 à 40 anciens militaires et policiers
français en Irak pour la sous-traitance des missions auparavant
imparties aux officiers anglophones.
La France dispose en outre d'une structure paritaire, la DCI (Defense
Compagnie internationale), dont l'État français possède 50 pour cent
du capital et le reste est réparti entre les industries françaises de
l'armement (Thales, Dassault etc..) avec une structure pour chaque
discipline. La Cofras (Compagnie française d'assistance spécialisée),
pour l'armée de terre, Navco, pour la marine, Airco pour l'armée de
l'air. Au capital de 21,3 millions d'euros et 1200 employés, Defense
compagnie internationale (DCI) a eu en charge la formation des
servants saoudiens du contrat Sawari, de fourniture du matériel
militaire français à l'Arabie Saoudite.
Le panorama du mercenariat international serait incomplet si l'on
omettait de faire figurer l'Afrique du sud et Israël, les anciens
partenaires de la période coloniale: Les anciens officiers et militaires
de race blanche du temps de l'apartheid, déçus par la tournure
politique prise par leur pays gouverné désormais par la majorité
noire, se sont lancés dans un rôle de super-gendarmes privés du
continent noir, faisant de la firme sud-afriaine «EXECUTIVE
OUTCOMES» la forme la plus achevée du mercenariat moderne.
Fort d'un vivier permanent de 2.000 hommes solidement formés et
encadrés, «Executive outcomes» passe contrat «guerre clefs en
main» prenant en charge la formation et l'équipement des forces
locales, leur ravitaillement, ainsi que la riposte militaire en cas de
revers militaire de manière à assurer la victoire au cocontractant. Ses
titres de gloire sont respectivement le Sierra Leone ou en
coopération avec les forces britanniques elle a évincé le président
Charles Taylor, ainsi qu'en Angola, où elle a contribué à la
consolidation du régime Dos Santos, s'incrustant au passage dans le
trafic des pierres précieuses.
Israël, enfin, dispose de LEV-DAN, filiale de Kardan Investment, firme
spécialisée dans le commerce du diamant en Angola et au Zaïre, qui
lui sert d'ailleurs de couverture dans ces deux pays, véritable plaque
tournante de la contrebande internationale des pierres précieuses.
Lev-Dav a aidé l'ancien président congolais Pascal Lissouba dans sa
bataille pour le contrôle de Brazzaville contre son rival Sassou
Nguesso à la fin des années 1990. Fondée par le général Zeev
Zakron, Lev DAN a mis sur pied la milice de l'officier libanais dissident
Saad Haddad, à qui elle a confié le contrôle de la zone de sécurité
durant la guerre civile libanaise (1975-1990).
Lev-Dan agit de concert avec le Shin Beth, les services de
renseignements israéliens, et, s'agissant du Moyen-Orient, en
coordination avec le bureau des «minorités périphériques», le
vocable par lequel les services israéliens désignent les
ressortissants des pays arabes qu'ils croient susceptibles de
collaborer avec eux, comme ce fut le cas lors de la guerre du Liban
avec les Forces Libanaises (1975-2000), et comme c'est le cas dans
la nouvelle guerre d' Irak avec les supplétifs kurdes de l'armée
américaine et d'anciens des « Forces Libanaises» (miliciens chrétiens
libanais, jadis dirigés par l'un des chefs de la coalition pro-américaine
libanaise Samir Geagea) recyclés dans des sociétés militaires privées
tant américaines qu'israéliennes
.
En Irak, selon des informations de la chaîne britannique BBC 2, des
instructeurs israéliens formeraient des soldats kurdes. Le magazine
Newsnight du 19 septembre 2006 avait présenté des images
exclusives de vastes installations et de ces entraînements. Interop
et Colosseum, deux sociétés israéliennes de mercenariat serviraient
de couverture à cette activité de l'armée israélienne. Les officiers
transiteraient par Djibouti pour masquer leur origine.
Les Israéliens auraient pris la succession de sociétés américains de
mercenariat, déjà présentes au Kurdistan irakien depuis la création
de la zone de non-survol, à l'issue de l'opération Tempête du désert,
en 1991. La présence d'instructeurs israéliens en Irak avait été
révélée, il y a plus d'un an, par la presse israélienne elle-même, mais
les détails de cette opération n'étaient pas connus.
Les néo-conservateurs entendent créer un Kurdistan indépendant
en faisant exploser l'Irak et en amputant à la fois la Turquie et la
Syrie.
Ce projet nécessite la création d'une armée kurde. Constituée par
d'anciens peshmergas, les maquisards kurdes, l'armée du Kurdistan
a dejà été sollicitée pour des opérations de maintien de l'ordre à
Bagdad au cours du premier semestre de 2007 dans le cadre du plan
de sécurisation de la capitale irakienne, suscitant en représailles de
sanglants attentats dans le nord kurdophone de l'Irak.
La privatisation de la violence et sa marchandisation via des sociétés
militaires privées est un secteur en plein essor industrie en plein
essor générant un bénéfice annuel de plus de cent milliards de
dollars (2).
A lui seul le gouvernement américain aurait dépensé en moins d'une
décennie (la période 1994-2002) quelque 300 milliards de dollars
auprès de telles sociétés présentes dans une trentaine de pays,
principalement dans le monde arabe et l'Afrique. Recrutés souvent
dans les cercles xénophobes de l'extrême-droite fascisante, ces
«chiens de guerre» dont l'honorabilité est recyclée dans le
professionnalisme des sociétés militaires privées et dans la défense
des «valeurs de l'Occident» apparaissent à bien des égards comme
les gardiens de l'ordre économique, l'expression moderne de
l'impérialisme, l'instrument le plus efficace de la perpétuation du joug
colonial.
Fin 2007, l'Irak aura coûté aux États-Unis 500 milliards de dollars
(378 mds d'euros) et le montant total pourrait atteindre voire
dépasser les 1.000 milliards (600 mds d'euros). Ni la Corée ni le
Vietnam n'avaient coûté autant, alors que la guerre du Vietnam
(1960-1975) avait duré quinze ans et que le corps expéditionnaire
américain s'élevait à cinq cent mille soldats (3). Si la guerre d'Irak
devait se prolonger, ce qui est probable, elle aura coûté davantage
que la Seconde Guerre mondiale (1940-1945), la plus chère à ce jour
(2.000 mds dollars en dollars constants/1.500 mds d'euros).
L'enrôlement massif de mercenaires, l'appât du gain, l'ivresse de
l'aventure militaire hors norme, les sanctions économiques infligées à
la Syrie pour la contraindre à freiner les infiltrations des djihadistes ,
les pressions sur l'Iran, suffiront-ils pour assurer la victoire d'une
armée perçue comme occupante même par l'un des meilleurs alliés
des États-Unis dans le monde arabe, le Roi Abdallah d'Arabie? Et
celle d'un pays à la dérive de ses principes moraux?
Notes
1)-Blackwater de Thomas d'EVRY, journal Libération 8 mai 2007
rubriques «grands angles»
2) « La privatisation de la violence: mercenaires et sociétés militaires
privées au service du marché» par Xavier Renou en collaboration
avec Philippe Chapleau, Wayne Madsen et François-Xavier
Verschave. Eddditions Agone (collection Dossiers noirs, 4ème
trimestre 2005
3) "The Price of Liberty: Paying for America Wars" ("Le Prix de la
liberté : le coût des guerres de 'Amérique") par Robert Hormats, haut
responsable de la banque 'affaires Goldman Sachs.
René Naba est notamment l'auteur des ouvrages suivants:
-"Aux origines de la tragédie arabe"- (Editions Bachari-Juin 2006)
-Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français
(L'Harmattan-2002)
-Rafic Hariri, un homme d'affaires, premier ministre
(L'Harmattan-2000)-«Guerre des Ondes – Guerre des Religions… La
bataille hertzienne dans le ciel méditerranéen» (L'Harmattan ‘Juin
1998), qui se présente comme le premier ouvrage de langue
française en matière de géostratégie de la communication dans la
sphère méditerranéenne.