Annulation : le jugement contre Bahar Kimyongür était illégal

Ce jeudi 19 avril 2007, la Cour de Cassation a donc décidé de jeter un bâton

dans les roues de la Justice expéditive, trafiquée et manipulée.

En déclarant illégale la nomination du juge Freddy Troch (spécialement désigné

à la tête du tribunal correctionnel de Bruges pour être sûr d'obtenir un

verdict à la sévérité exemplaire…), la Cour de Cassation s'est expressément

basée sur l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Cet article exige, en effet, pour tout prévenu l'impartialité du tribunal chargé

de le juger. Or il suffit qu'un seul élément de suspicion existe, selon le

Président Forier de la Cour de Cassation, pour que soit contestable la

légimité du tribunal, ce qui est le cas.

En dénonçant comme illégale, la composition du tribunal de premier degré, la

Cour de Cassation prononce du même coup l'illégalité du verdict rendu,

l'illégalité des arrestations immédiates qu'il a entrainées dès le 28 février

2006. Qui plus est, l'illégalité ainsi prononcée contre le tribunal

correctionnel, indûment présidé par le juge Freddy Troch, a comme conséquence

la nullité de l'Arrêt prononcé le 7 novembre 2006 par la Cour d'Appel de Gand

(du coup, un autre procès en Appel devrait avoir lieu à Anvers cette fois)…

Conséquence de ce constat sans fioriture? Selon les avocats de la défense,

Sükriye Akar, Musa Asoglu ainsi que Kaya Saz (tous trois détenus dès le 28

février 2006 à la prison de Bruges) ainsi que Bahar Kimyongür (emprisonné

depuis novembre, d'abord à Bruges puis à Nivelles) devraient être libérés

dans les prochaines heures…

Par la décision de la Cour Cassation en tous cas, c'est la combinaison d'un

travail juridique sérieux (menée par des avocats tenaces) et d'une

mobilisation citoyenne décidée, croissante et déterminée… qui aura été

plébiscitée. Ce verdict ne peut qu'inciter le Comité pour la Liberté

d'Expression et d'Association à accentuer son action citoyenne pour obtenir

l'annulation du «procès DHKP-C», un procès-test pour notre démocratie, un

procès créant une jurisprudence d'exception -menaçant, tout à la fois, la

liberté d'expression, la liberté d'association et le droit à la contestation.

En première instance à Bruges, puis en appel à Gand, des militants opposés au

régime d'Ankara ont été condamnés non pour des délits qu'ils auraient commis,

non pour des actes de violence qu'ils auraient perpétrés mais pour leurs

convictions politiques, pour leur engagement.

Evidemment , il nous reste un long combat à mener. Ainsi, lors des deux

premières audiences de Cassation, l'une des détenues (Sukriye Akar) qui avait

demandé de pouvoir y participer, a une nouvelle fois subi des traitements

inhumains et dégradants «made in Guantanamo» (fouille complète à nu, quatre

fois; port d'un bandeau sur les yeux durant tout le trajet jusqu'au Palais et

au retour, jusqu'à la prison; obligation de porter toute la journnée une

lourde ceinture de contention, à laquelle étaient constamment fixées les

menottes, etc.). Là encore, la Belgique copie les pratiques turques et

américaines, alors qu'on nous répète à l'envi que l'Europe possède ses

valeurs propres -empruntes des droits de l'Homme.

Car le procès intenté contre des membres présumés du DHKP-C constitue la

preuve manifeste que, dans notre pays, le gouvernement, une partie du monde

judiciaire et l'appareil policier utilisent la peur suscitée par les

attentats du 11 septembre pour criminaliser les oppositions sociales.

Nos dirigeants prétendent protéger la démocratie, et assurer plus de sécurité

publique? Pourtant, ce procès démontre tout le contraire: sous couvert

de «guerre contre le terrorisme», ce sont les conquêtes démocratiques qui

sont remises en question.

Quoi qu'il en soit, le CLEA continuera son combat pour qu'éclate au grand jour

le scandale dans lequel sont impliqués les plus hauts responsables de ce

pays -que ce soit dans l'ordre politique, policier ou judiciaire.

Le 28 avril 2006 en effet, Bahar Kimyongür était arrêté aux Pays-Bas en vue

d'être extradé vers la Turquie. Un rapport a été remis par les comités P et

R, à la demande de parlementaires, pour connaître le rôle de l'Etat belge

dans cette affaire. Ce rapport est maintenu caché dans les coffres du

Parlement. Pourquoi ? Que révèle ce rapport ? Que Laurette Onkelinx a menti,

à trois reprises au moins, aux parlementaires ; que des représentants du

premier Ministre, des Ministres de la Justice et de l'Intérieur, de la Sûreté

de l'Etat et de la magistrature se sont réunis secrètement pour accomplir un

acte à la fois illégal (la Belgique ne peut extrader ses ressortissants) et

immoral (est-ce conforme aux droits de l'Homme de remettre Kimyongür entre

les mains des bourreaux dont il dénonce les crimes depuis des années?) ; que

la police belge, la Sûreté de l'Etat (en collaboration avec la police turque)

ont dénoncé notre compatriote à leurs homologues hollandais alors qu'on parle

justement de renforcer encore les pouvoirs des services de sécurité…

Il est évident que si la Belgique est définie comme une démocratie, les

parlementaires doivent avoir accès au rapport des comités P et R pour pouvoir

l'analyser et en diffuser le contenu. La lumière doit être faite dans cette

affaire. Pour cela, il faut que ce rapport soit rendu public. Avant les

élections du 10 juin !

C'est la raison pour laquelle le CLEA interpellera le 26 avril, lors de la

dernière séance du Parlement, les sénateurs et députés sur cette affaire et

organisera «un après-midi événement», le samedi 28 avril, pour le premier

anniversaire de l'arrestation de Bahar Kimyongür aux Pays-Bas. Cet après-midi

se composera d'un rassemblement à 16 heures sur les marches de la Bourse, de

prises de paroles de personnalités dès 17 heures au Beursschouwburg et d'un

concert de Rey Cabrera (Buena Vista Social Club) à 18 heures.

Ce procès d'exception, ces traitements dégradants, le kidnapping de Kimyongür

ont été rendu possibles par l'utilisation de la loi antiterroriste belge de

2003, qui est un copié-collé des législations adoptées par l'administration

Bush après le 11 septembre 2001. Il existe déjà dans l'arsenal législatif

belge tout ce qu'il faut pour condamner des individus commettant des actes

violents ou qui y participent. La loi « antiterroriste » rencontre un autre

objectif : criminaliser les contestataires, évacuer la dimension politique

d'un combat social en le présentant comme du banditisme. Cette loi s'inscrit

dans un climat antidémocratique où des opposants au régime d'Ankara sont

qualifiés de terroristes, où des altermondialistes liégeois sont mis sur

écoute en étant assimilés à des criminels, où Greenpeace est catalogué comme

une «association de malfaiteurs»…

Ces lois liberticides doivent être remises en question, doivent être abrogées.

Le CLEA sera présent dans la campagne électorale pour exiger que le prochain

gouvernement remette en question ces lois, en particulier la loi «

antiterroriste » de 2003.

La CLEA continuera à accroître sa pression, tout en invitant les démocrates et

les progressistes de ce pays à se mobiliser contre les évolutions

ultrasécuritaires et antidémocratiques, inspirées à nos dirigeants, par

l'administration américaine.

Seront présents à la conférence de presse ce vendredi:

– Josy Dubié, sénateur Ecolo,

– Stephan Galon, secrétaire syndical, centrale générale FGTB Bruxelles Brabant

flamand,

– Daniel Flinker, porte-parole du Clea,

– Bahar Kimyongür, militant politique,

– Benoît Vandermeerschen, président de la Ligue des droits de l'Homme.

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Le Comité pour la Liberté d'Expresion et d'Association

http://leclea.be

où vous pourrez trouver plus d'informations et des photos des audiences

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