4 ans de pouvoir de Modi en Inde : “vikas” (développement), un slogan creux

Il est impossible de passer à côté de cette brutalité. Chaque jour, une vidéo paraît, montrant  une atrocité contre des Dalits (Intouchables)  ou des Musulmans ou quelqu’un d’autre de dépossédé dans l’Inde d’aujourd’hui.

 

La vidéo la plus récente a été diffusée par Jignesh Mevani, nouveau membre de l’Assemblée législative du Gujarat. Mevani a tweeté une vidéo qui ne manquera pas de perturber tout le monde, sauf les plus insensibles. Elle  montre deux hommes en train de  fouetter Mukesh Vaniya à Rajkot, Gujarat. Vaniya et sa femme travaillent comme chiffonniers. Ils ont utilisé un aimant pour passer à travers les ordures à la recherche d’objets de valeur. Un propriétaire d’usine les a accusés de vol. C’est pourquoi Vaniya a été battu. Sa femme s’est échappée pour chercher de l’aide. À son retour, Vaniya était à terre, mort.

Ce qui rend l’incident si horrible, c’est qu’il peut être regardé sur un film. Vous pouvez entendre Vaniya supplier pour sa vie. Ceux qui le battent se soucient peu de sa douleur. Ce qu’ils voient c’est un Dalit, une personne sans valeur. Le tweet de Mevani portait le hashtag  # GujaratIsNotSafe4Dalits (le Gujarat n’est pas sûr pour les Dalits).

Il a comparé cela à l’incident d’Una en 2016, quand quatre Dalits ont été battus sans pitié par des gardiens de vaches. Una est à quatre cents kilomètres au sud de Rajkot. Ceci est une ceinture à travers le Gujarat. L’incident d’Una a créé du tumulte au Gujarat. Mevani, alors avocat et militant du Jan Sangharsh Manch (Front de lutte du peuple), a dirigé ces manifestations sous l’égide de la Dalit Asmita Yatra (Marche de la conscience dalit).

Ce qui est frappant dans les incidents du Gujarat, c’est que les Dalits sont peu nombreux dans l’État (7% de la population) et qu’ils sont relativement mieux lotis que dans d’ autres États. Néanmoins, au cours de la dernière décennie, le taux de crimes contre les Dalits a été plus élevé au Gujarat que dans les États où les populations dalits sont beaucoup plus nombreuses. La méchanceté du sentiment anti-Dalit au Gujarat définit la politique de l’État. Ce qui est remarquable, et Mevani l’a noté à maintes reprises, c’est que Narendra Modi, le Premier ministre de l’Inde et l’ancien Premier ministre du Gujarat, a si peu parlé de cette brutalité. Il est resté silencieux.

Le silence de Modi ne devrait pas être interprété comme un silence. Il signifie qu’il ne s’exprimera pas pour condamner cette  brutalité. Celle-ci n’est pas accidentelle. Elle fait partie intégrante de la politique de Modi – une politique marinée dans la haine des communautés minoritaires qui refusent de se plier socialement aux demandes des partisans de l’ Hindutva (hindouïté ou indianité).

 

L’étouffoir

 

La mort de Vaniya n’est pas un incident isolé. Cela fait partie intégrante de la tentative des forces de l’ Hindutva d’étouffer la société indienne.

Le parti de Modi, avec 31% des voix, est actuellement au pouvoir à New Delhi. Le BJP (Bharatiya Janata Party) devrait se comporter comme un gouvernement minoritaire, puisqu’il n’a qu’une représentation minoritaire. Pourtant, Modi se comporte comme s’il avait le mandat de faire ce qu’il veut: remodeler les institutions de l’État pour qu’elles se conforment à l’agenda de la RSS [Rashtriya Swayamsevak Sangh, Organisation volontaire ou  patriotique nationale] et de la Sangh Parivar [« la famille », autrement dit la néuleuse d’organisations hindouistes de droite, NdT].

L’intervention dans tous les aspects de l’État – y compris maintenant la structure d’examen de l’UPSC [Commission indienne du service public, chargée du recrutement et de la gestion des fonctionnaires, NdT] – a été bien documentée. Le placement de personnes médiocres, mais avec la bonne idéologie, à la tête des institutions culturelles et éducatives du gouvernement central s’accompagne de l’utilisation des agences répressives du gouvernement central pour s’attaquer aux critiques du gouvernement.

Le BJP et l’Etat RSS ont donné à leurs acolytes entière latitude pour se comporter de manière barbare contre des personnes qu’ils considèrent comme des ennemis. Leur politique est imprégnée de  haine, elle engendre l’inégalité et ne maintient pas  son assise  par la satisfaction des besoins fondamentaux mais en désignant des cibles d’animosité. Toutes sortes de susceptibilités à propos de pertes de pouvoir à la suite de réserves et de protections constitutionnelles sont cimentées autour de l’idée d’Hindutva.

Cette idée – fondamentale pour le BJP et la RSS – ne signifie pas l’hindouïté en tant que telle. Cela signifie plutôt que les Savarnas [membres des 4 castes –varnas- supérieures : lettrés, guerriers, marchands, artisans, NdT] devraient dominer la société et utiliser tous les moyens pour assurer leur domination.

Le passage à tabac de Vaniya est un incident. Le meurtre d’innombrables femmes qui refusent d’accepter les diktats sévères de la caste ou de la loyauté religieuse est un autre exemple de cette perversité.

 

Modi Inc.

 

Modi a fait campagne en 2014 avec la promesse de promouvoir le vikas, le développement. La violence contre les musulmans, les dalits, les adivasis [aborigènes, peuples originels, NdT] et les chrétiens – qui avait marqué son mandat de Premier ministre du Gujarat – ne définissait pas sa campagne. Ce n’était pas non plus, comme le répétaient les libéraux, un élément central de son gouvernement. Mais elle est en effet centrale pour le parti de Modi et pour sa forme d’exercice du pouvoir. La violence n’est pas extérieure au cadre politique de Modi. Elle lui est essentielle.

Pour le BJP, le vikas –le  développement – ne signifie pas que chaque personne devrait avoir un abri et de la nourriture, de la dignité et de la culture. Ce que le vikas signifie pour le BJP, c’est que ses alliés patronaux – les Adani* et consorts – devraient être libres de gagner autant d’argent que possible.

La base du BJP, avec ses conditions de vie détériorées, ne bénéficie pas de tels avantages. Elle doit faire avec la haine. C’est la pièce qu’elle reçoit: elle a le droit de fouetter des Dalits et des Musulmans, de se comporter de la manière la plus barbare possible. Le symbole de l’allégeance de Modi aux grands patrons a été son bradage du Fort Rouge de Delhi au Groupe Dalmia. Il y a quelque chose de vulgaire dans la location de ce symbole de la liberté indienne à une entreprise pour le profit privé.

 

Le Kerala, antidote au BJP

 

Alors que le gouvernement de Modi reste obsédé par la location du Fort Rouge et s’assure que ses acolytes n’ont  pas d’ennuis pour leurs actes de violence, environ 44 Indiens meurent chaque année en nettoyant des égouts dans le pays. Il est illégal de permettre à des êtres humains d’entrer dans les égouts et de les nettoyer manuellement. Mais rien n’a été fait par le gouvernement central pour s’attaquer à ce problème facile à régler. Au Kerala, le gouvernement a été saisi de ce problème.

Il y a un an, le Premier ministre du Kerala, Pinarayi Vijayan,  du Parti communiste indien (marxiste), a vu une photo d’un homme dans un égout. Il a immédiatement contacté le chef de l’Autorité de l’eau du Kerala (Shainamol) et le ministre des Ressources hydriques (Mathew T. Thomas) pour trouver une alternative au curage manuel.

 

 

Le gouvernement, en collaboration avec une équipe de jeunes scientifiques, a développé Bandicoot, un robot capable de nettoyer les égouts. Les anciens éboueurs sont formés pour utiliser ce robot. Ce n’est pas l’Inde de Modi. C’est l’Inde du futur. L’Inde de Modi ne peut imaginer un futur. Elle est enracinée dans une version hideuse du passé, qui produit un présent dangereux pour des centaines de millions d’Indiens.

 

Note de Tlaxcala : * Adani Group est un conglomérat multinational indien dont le siège est à Ahmedabad, Gujarat, en Inde. Elle a été fondée par Gautam Shantilal Adani en 1988 en tant que négoce de matières premières, avec la société phare Adani Enterprises Limited, auparavant connue sous le nom d’Adani Exports Limited. Gautam Adani est le président en exercice de la société. Les diverses activités du groupe comprennent l’énergie, les ressources, la logistique, l’agro-industrie, l’immobilier, les services financiers, la défense et l’aéronautique, entre autres. Le chiffre d’affaires du groupe est estimé à plus de 11 milliards de dollars avec des opérations dans 70 sites, dans 50 pays à travers le monde. Le groupe est le plus grand développeur et exploitant de ports avec 10 ports et terminaux en Inde, dont celui de Mundra, le plus grand port commercial de l’Inde sous son pavillon. Grâce à un accord avec Wilmar International à Singapour, le groupe est le copropriétaire de la plus grande marque indienne d’huile comestible, Fortune. Gautam Adani compte parmi les 10 personnes les plus riches en Inde. 

 

Traduit de l’anglais pas Fausto Giudice pour Tlaxcala, le réseau international des traducteurs pour la diversité linguistique

 

Source : https://www.nationalheraldindia.com/opinion/4-years-of-modi-this-vikas-has-no-vision-for-future

 

 

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