1919 – 2019 : Cent ans de présence polonaise en France

La communauté franco-polonaise de l’Hexagone s’apprête à célébrer le centenaire de l’arrivée massive des Polonais en France. Si la section de polonais de l’université Lille III a lancé le bal des réjouissances, d’autres manifestations devraient suivre… Retour sur une histoire mouvementée.

 

C’est le 3 septembre 1919 qu’est signée à Varsovie entre les États français et polonais une convention. Elle fixe le cadre de l’ arrivée massive de travailleurs polonais dans l’Hexagone. Dans la foulée de la Première Guerre mondiale, il leur est assigné la tâche de relever un pays dévasté. La plupart sont embauchés dans les mines  de charbon ou de fer du Nord et de l’Est ou encore dans l’agriculture.

En 1931, on compte 500 000 Polonais sur le sol français. L’heure est au repli sur soi au sein de « petites Polognes » aux allures de ghetto. Pour soustraire sa main-d’œuvre, à l’influence jugée « pernicieuse » du syndicalisme marxisant et du bolchevisme, les Houillères favorisent l’implantation d’enseignants, de commerçants et surtout de prêtres au service de la très réactionnaire Mission catholique polonaise. Des prêtres nationalistes soucieux de maintenir leurs ouailles dans le culte de la « mère-patrie », dans la perspective d’un retour en Pologne.

Un retour bien hypothétique alors d’autant que ce pays agricole, économiquement arriérée et aux mains des grands propriétaires fonciers issus de la noblesse, sombre dans l’autoritarisme sur le plan politique…

 

Les « années noires »

 

La récession qui frappe de plein fouet l’économie capitaliste à la charnière des années 1920-1930, plonge les immigrés polonais dans l’incertitude. C’est l’époque des retours forcés au pays imposés par l’État français qui cède aux sirènes xénophobes d’une partie de sa population. De 1931 à 1936, des milliers de Polonais quittent la France contre leur gré.

Dans le Pas-de-Calais, le département le plus « polonisé » de l’Hexagone, leur nombre passe de 129 000 à 101 000. La chasse aux syndicalistes et militants communistes s’accentue alors. Responsable de la Main-d’œuvre immigrée au sein de la CGT Unitaire, propagandiste infatigable, le mineur Thomas Olszanski, originaire de Galicie, est déchu de sa nationalité française en 1932 puis expulsé deux ans plus tard.

En août 1934, pour avoir débrayé au fond d’un puits de mine à Leforest (Pas-de-Calais), 77 houilleurs font l’objet d’un décret d’expulsion. Parmi eux Edward Gierek qui présidera dans les années 1970 aux destinées de la Pologne populaire…

Le Front populaire offre une accalmie de courte durée. Puis la guerre éclate. La Pologne est de nouveau rayée de la carte. Si en France, certains entrent dans la résistance à l’occupant allemand et ses alliés vichystes, d’autres choisissent la voie de la collaboration en intégrant le mouvement des Volksdeutschen fondée en 1942 à Douai (Nord)…

 

L’ère des retours volontaires

 

A la Libération, la Pologne prétend tourner le dos à son passé semi-féodal. Avec l’aval de l’URSS, le gouvernement où les communistes occupent des postes clés, engage un pays en ruine sur la voie du renouveau. La grande industrie est collectivisée, comme les banques. La terre est redistribuée aux paysans, l’Église omnipuissante dans l’entre-deux-guerres, dépossédée de ses privilèges. L’essor de la « culture pour tous » est encouragé…

Les travailleurs, enfin respectés, multiplient les conquêtes. Le gouvernement imagine alors que « plus aucun ressortissant polonais ne sera obligé de gagner son pain à l’étranger ». Mieux, il appelle ses ressortissants disséminés en Europe occidentale, en France et en Belgique notamment, à rentrer au pays. C’est l’ère du « grand retour à la maison ».

De 1946 à 1948, 62 000 Polonais de France, dont 6 000 mineurs du Nord-Pas-de-Calais (soit un sur six) regagnent la terre des ancêtres. Ils s’attellent à la reconstruction d’un pays exsangue et participent à la (re)polonisation des terres de l’ouest et du nord (Basse-Silésie et Poméranie notamment) arrachées à l’Allemagne vaincue. Ces rapatriés, volontaires cette fois, seront les bâtisseurs de la Pologne populaire…

 

Le choix de l’installation en France

 

A l’époque cependant, encouragés par l’Église polonaise dont l’anticommunisme tourne à l’obsession et les milieux du gouvernement polonais en exil à Londres, quatre Polonais sur cinq font le choix de l’installation définitive sur le sol français.

Si certains tournent alors définitivement le dos à la Pologne, optant pour l’assimilation dans la société française, d’autres continuent de cultiver leurs racines…

Leurs descendants sont aujourd’hui fiers d’afficher leur biculturalité vécue comme une richesse. Ils continuent à porter haut l’étendard de la polonité ou de l’amitié franco-polonaise à travers d’ostentatoires manifestations à caractère culturel, religieux ou politique…

 

Le centenaire : un foisonnement d’initiatives…

 

A l’aune du centième anniversaire d’une émigration massive pourtant vécue comme une humiliation par les autorités polonaises de l’époque, une kyrielle d’associations et d’acteurs locaux s’apprêtent à célébrer, dans la division toutefois, l’événement.

Les projets fourmillent (représentations théâtrales, conférences, spectacles folkloriques, productions littéraires, etc.) avec l’ambition parfois de prolonger le plaisir sur plusieurs années…                                                                                        

 

Auteur de l’ouvrage Pologne, j’écris ton nom Liberté paru en 2018, Jacques Kmieciak est journaliste et animateur de l’association Les Amis d’Edward Gierek

 

Source : Investig’Action

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