Assemblée Constituante, opportunité pour la paix et la révolution

Les temps sont agités au Venezuela. L’opposition jette ses dernières forces dans l’espoir d’un coup d’État en douce, leur dernière carte étant de semer la violence et la mort dans les rues. Le chavisme, malgré la crise des dernières années, pour que la révolution soit défendue. Le 1er mai dernier, l’appel de Maduro à une Assemblée constituante a pris tout le monde par surprise. Afin de comprendre ce processus, les risques et les opportunités qu’il implique, nous nous sommes entretenus avec Misión Verdad, l’une des sources les plus fiables au Venezuela.

 

Dans quel contexte cet appel pour une Assemblée constituante par le gouvernement bolivarien a-t-il lieu ?

Cet appel intervient après plusieurs semaines de manifestations de l’opposition, qui prennent la forme d’un coup d’État coloré (et non d’une révolution colorée), après une polémique sur les pouvoirs de l’État. C’est une décision qui vient du pouvoir judiciaire, lequel a été forcé d’assumer certaines tâches et fonctions de l’appareil législatif à cause de la paralysie politique du pays. Suite à cela, les factions anti-politiques de la supposée « opposition » ont vu dans cet appel le déclencheur des actions qu’il mène à ce jour.

Ensuite, le 1er mai, Fête du travail, le président Nicolas Maduro a décidé de convoquer le « Pouvoir constituant originaire » en vertu de la pleine autorité constitutionnelle du pouvoir exécutif (article 348. Cela a permis d’ouvrir et d’élargir un scénario profondément politique. Cette décision arrive dans un climat de confrontation ouverte, dans lequel une résolution politique du conflit est clairement écartée. À travers des mécanismes de guerre hybride, l’opposition cherche à atteindre de nouveaux stades dans la violence afin d’obtenir soit un changement de régime, soit une guerre civile.

 

Comment l’opposition a-t-elle réagi à cet appel ?

De manière désorientée, dans un premier temps. Ce processus a complètement rebattu les cartes, il impose de nouvelles réalités politiques en forçant tout le monde à choisir son camp. Mais il révèle également toute l’hypocrisie des éléments les plus radicaux de l’opposition, puisque cela fait des années qu’ils réclament une Assemblée constituante.

Désormais, ils se refusent même à assister aux réunions organisées par le gouvernement. Il y a deux principaux aspects qui se dégagent. Le premier, c’est que toute activité politique formelle de l’opposition n’est rien d’autre que des instruments futiles et opportunistes pour atteindre des « objectifs plus grands ». Le deuxième, c’est que l’opposition n’a jamais eu intérêt à ce qu’une solution soit trouvée, leur unique fin est de soumettre le pays aux pouvoirs du courtage financier globalisé, c’est à dire de l’empire.

Cela nous amène, et on en revient à la première question également, à considérer la situation dans un cadre plus global. Depuis que le président Nicolas Maduro a gagné les élections en 2013, il a constamment appelé au dialogue politique afin d’éviter la confrontation et d’envisager des moyens pour solutionner les problèmes existants, et de négocier ce qui pouvait être négocié. Il a même proposé des concessions quand cela était nécessaire.

Si l’on garde cela à l’esprit, la décision d’invoquer le Pouvoir constituant originaire (qui est un processus continu, comme aimait à le dire Chávez) est une conséquence directe de la volonté des dirigeants de l’opposition de paralyser, de provoquer la confrontation et de faire fi des processus politiques.

Après avoir passé quatre ans à réclamer le dialogue, parfois même avec l’aide du Vatican, ces dirigeants se sont eux-même disqualifiés en tant qu’acteurs politiques valables. Cela a obligé le gouvernement à maintenir le dialogue, mais cette fois avec des interlocuteurs plus légitimes, plus valables et plus efficaces pour résoudre la situation dans laquelle se trouve le pays. La main à l’opposition est toujours tendue si elle souhaite intégrer ce processus de rénovation.

 

Au cas où l’opposition maintiendrait ses velléités de violence, pensez-vous que la stratégie du gouvernement fonctionnerait quand même ?

C’est difficile à dire. Nous sommes face à un affrontement entre des éléments du pouvoir local (le gouvernement bolivarien et la base chaviste) et des structures globales, liquides, qui ont leur propre agenda, et dans lesquels les acteurs du pays ne sont que de vulgaires intermédiaires qui soumettent même leur logique d’import/export à la politique.

C’est en ça que résident, en partie, le courage ainsi que le danger de cette décision. Si l‘on comprend cela en des termes gramsciens « l’optimisme de la volonté et le pessimisme de la raison », nous entrons dans un scénario sans précédent, inconnu et puissant. Et d’un autre côté, nous avons un éventail de scénarios possible dont nous avons été témoins ces dernières années dans des pays comme la Syrie, l’Ukraine et la Libye. Après tout, ce sont les mêmes méthodes qui sont utilisées depuis la fin de l’année 2012.

 

Dans ce contexte, le nouveau processus constituant pourrait-il être synonyme d’un approfondissement des réussites sociales de la révolution ?

Oui, et à tous les points de vue. En termes légaux et formels, ainsi que du point de vue des structures politiques du pays. L’Assemblée nationale constituante de 1999 et la Constitution adoptée à l’époque étaient limitées par les bases structurelles de la Constitution de 1961. En effet, celles-ci ne prenaient en compte ni les instruments constitutionnels ni les lois organiques qui ont été mis en place avec la Constitution de la Cinquième république en presque 20 ans.

En partant de là, il reste encore beaucoup à faire pour consolider nombre de domaines qui méritent déjà d’avoir une base constitutionnelle, comme les missions sociales ou la nécessité que le budget national soit essentiellement destiné au social (ce qui est le cas aujourd’hui, à hauteur de 71%). Cela permettrait aussi de jeter les bases d’une interprétation de la politique économique en accord avec cette vision et dont les acteurs du dialogue pourront être les protagonistes.

 

Traduit par Rémi Gromelle pour Investig’Action

Source: Investig’Action

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