Stockage d’énergie: le Cobalt africain à l’honneur à Shenzhen

Est-il acceptable qu’on se trouve ici à parler du futur du cobalt camerounais et congolais sans que ces derniers sachent même de quoi on parle ? Sans que ces derniers soient le moins du monde au courant du fait qu’on parle de leurs richesses ?

 

J’étais arrivé dans ce qui est considéré comme la capitale mondiale de l’électronique : Shenzhen, avec une question : Comment produire à moindre coût  l’Électricité dans les villages africains ? Mais pourquoi à Shenzhen ?

C’est l’une des villes les plus modernes du monde. C’est la seule ville chinoise qui n’a pas de population autochtone, parce qu’elle a été créée de zéro par la volonté d’un président chinois,  Deng Xiaoping.

En 1978, pour faire de la Chine un pays développé, le président Deng fait le choix de miser sur 4 secteurs qu’il juge stratégiques : l’agriculture, l’armement, l’industrie et la science et la technologie. Chacun de ces 4 secteurs doit avoir son quartier général, sa propre capitale où les efforts du pays seront concentrés et les résultats facilement vérifiables. Il pense que le secteur de la science et la technologie est d’une importance trop stratégique pour être confié à des villes existantes comme Pékin ou Shanghai. En 1980, il va ainsi créer de toutes pièces, une ville qui n’existait pas avant : Shenzhen, répartie sur 7 districts officiels (2 viendront s’ajouter par les autorités locales) et chaque district est spécialisé dans un secteur donné de la science et de la technologie.

Ici, lorsqu’on parle de District, il faut entendre ce qu’ailleurs on appelle ville ou agglomération. J’ai failli rater mon vol une fois, parce que j’ai confondu Shenzhen avec les autres villes du monde et j’ai sous-estimé sa dimension. En réalité, elle est un ensemble de 7 villes, spécialisées chacune dans un domaine bien précis de l’électronique, et ce, sur un total de 3000 km2 avec 80 km de long et la moitié de largeur. Shenzhen, qui compte près de 15 millions d’habitants est, en superficie plus grand que l’Ile Maurice, le Luxembourg, Les Comores, etc.

Shenzhen est peut-être la ville au monde avec le plus grand nombre de jeunes actifs dans les nouvelles technologies. Toutes les grandes universités chinoises ont ici leur relais pour éviter d’être en retard surtout en électronique. Il n’y a pas, comme partout ailleurs en Chine, de monuments historiques et donc pas de centre historique. Tout est nouveau. Et par conséquent, rien de surprenant que ce soit la ville chinoise avec le plus grand nombre de Gratte-ciels.

C’est aussi l’endroit idéal pour parler de l’électrification des villages africains avec les énergies renouvelables. En effet, ici, non seulement tous les câbles sont enterrés, mais aussi, les poteaux électriques pour éclairer les rues de la ville sont fournis d’une double alimentation électrique : en solaire et en éolienne.

La foire pour laquelle je suis là a pour thème : « Comment Stocker l’énergie produite ? ». C’est l’occasion de voir les principales nouveautés mondiales en matière de stockage d’énergie produite. Et paradoxalement, ici il n’y a pas de turbine pour produire l’électricité. Il n’y a pas de panneaux solaires, mais des accessoires pour fabriquer vous-mêmes tout le nécessaire pour construire votre centrale hydroélectrique, il y a tout le nécessaire pour monter votre affaire d’énergie éolienne. C’est cela la philosophie globale chinoise. Ici, contrairement à l’occident, à ce genre de foire pour les professionnels, il y a peu d’espace pour les agents de commerce, pour les commerçants, mais place aux fabricants.

Qu’’est-ce donc la turbine électrique ? C’est un amas de fil de cuivre qui, tournant autour d’un axe central fait d’aimant, produit l’électricité. De quoi est fait l’aimant ? De Cobalt.

Je suis ébahi par cette profusion de la jeunesse chinoise présente ici, tant parmi les exposants avec leurs propres créations électroniques que parmi les visiteurs, clients probables ou espions potentiels à la recherche du dernier secret des concurrents.

Mais alors, où sont les ingénieurs africains ? Ils sont certainement en train de faire l’énième fête à Paris, Frankfurt ou Londres pour célébrer, très loin de chez eux, leur place de ramasseurs de balles dans le championnat des autres.  C’est en tout cas ce que va me confirmer le représentant d’une grande firme allemande qui, après avoir su que j’étais camerounais, a cru me faire plaisir en déclarant : « A la Siemens, nous avons de très bons ingénieurs camerounais qui travaillent pour faire rayonner notre boîte ». Je lui ai répondu en ajoutant un sarcasme : « et faire rayonner l’Allemagne ». Pour preuve, toutes ces entreprises pour lesquelles travaillent ces ingénieurs camerounais étaient sous la bannière fièrement affichée de : « Made in Germany »  et certainement pas du « Made in Cameroon ». Et pourtant, ici on parle bien du Cameroun et de la République Démocratique du Congo. Le Cameroun  a dans son sous-sol à l’Est du pays, la moitié des réserves mondiales de Cobalt et, avec la RDC, ces 2 pays africains ont à eux seuls les 80% des réserves mondialement connues de Cobalt grâce auquel on fabrique les accumulateurs ici exposés. Si la recharge en batterie de votre prochain smartphone pourra tenir plusieurs semaines, ce sera parce que les recherches en cours sur ce cobalt l’auront permis. Encore le cobalt ! D’abord pour l’aimant, pour produire l’électricité, et maintenant pour l’accumulateur pour conserver et stocker la même électricité. Et peut-être alors, nous aurons compris où seront localisées les prochaines guerres civiles dans ces 2 pays sur fond de conflit ethnique.

J’ai en tout cas trouvé ce que je cherchais. Avant de stocker l’énergie, il faut d’abord la produire. C’est ça mon problème, aussi élémentaire qu’il puisse sembler.

Et la solution que j’ai trouvée ici de construire nous-mêmes nos turbines pour l’hydro-électricité va certainement faire chuter nos coûts d’une bonne moitié. En situation de complet autofinancement, cela va certainement augmenter le nombre de villages camerounais à profiter de nos installations pour avoir la lumière.

Surtout lorsqu’on sait que nous ne demandons ni l’aide financière de l’État camerounais, encore moins d’une quelconque hypothétique organisation internationale pour réaliser nos différents projets. Je suis convaincu qu’on ne peut pas en même temps critiquer un système et en cachette lui tendre la main pour espérer sortir de la marginalisation dans laquelle ce système nous a durablement installés. Il faut être naïf pour espérer que, dans les règles de vie dans la forêt africaine, le lion puisse aider l’antilope à se protéger et se débarrasser de lui.

A la jeunesse africaine, je dis : apprenez à rêver grand. Ne vous contentez pas de rester de simples consommateurs. Soyez des fabricants de tout ce que vous voulez. Ou au moins apprenez à imaginer ce dont le monde a besoin pour avancer. Ce sont les idées de ces nombreux jeunes présents à cette foire qui font que les plus grandes firmes électroniques du monde sortent leurs produits des usines de Shenzhen. Dans le seul district de Longhua, une entreprise comme la Foxconn a 450.000 salariés qui produisent pour les plus prestigieuses marques comme : Lenovo, Huawei, Microsoft, Nokia, Apple, Sony, Motorola, Dell, Samsung, BlackBerry , LG, Nintendo, Asus, Hewlett-Packard, HTC, Acer etc.

Dans le même district de Longhua, d’autres marques sortent les produits des différentes usines que nous retrouverons partout dans le monde, notamment : Texas Instruments, Toshiba, Cisco, Google, Intel, Amazon etc. Tous ces produits ont besoin de stocker de l’énergie pendant longtemps. Tous sont venus ici nous parler de l’exploit du cobalt (production et stockage).

Est-il acceptable qu’on se trouve ici à parler du futur du cobalt camerounais et congolais sans que ces derniers sachent même de quoi on parle ? Sans que ces derniers soient le moins du monde au courant du fait qu’on parle de leurs richesses ? Et nous dans tout ça ?  Toujours fiers de jouer aux ramasseurs de balles chez les autres ?

Source : Géostra.Com

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