Les sociétés minières, pompes à profit broyeuses de vie humaines

Les mineurs meurent toujours aux quatre coins du monde, par centaines en même temps, agonisent dans des conditions à peine imaginables à des km de profondeur, piégés par leur gagne-pain… les « gueules noires » n’ont pas changé de siècle, sont plus que jamais sacrifiées sur l’autel des profits et de la spéculation financière.


Dans le secteur, l’argent coule à flot, les rendements sont de plus en plus élevés, les profits  faramineux, les conditions fiscales paradisiaques, les protections juridiques plutôt blindées… L’industrie minière est ainsi avant tout un champ de bataille spéculative. En première ligne, il y a les compagnies qui explorent (juniors), repèrent, découvrent, estiment les réserves de charbon de cuivre, de coltan, de cobalt, de fer, d’or, d’uranium, de diamants… et qui entrent ensuite sur les marchés pour proposer leurs concessions au plus offrant. Elles cèdent alors leurs droits ou se font tout simplement acheter par des sociétés d’exploitation (majors), celles qui vont investir pour extraire les réserves disponibles et investir encore pour explorer à nouveau les ressources estimées. « Les premières provoquent beaucoup de désordre social, environnemental, politique en faisant miroiter aux Etats et aux marchés des exploitations juteuses », explique Alain Deneault, enseignant en sciences politiques, à l’Université de Montréal (1). Les secondes se mettent à l’œuvre en tirant abondement profit aux moindres coûts de main-d’œuvre, de protection de droits sociaux, de préservation de l’environnement et de sécurité du travail. 

 

 

Des pratiques mafieuses

 

 

Les sièges de plus de 75% de ces sociétés mondiales d’exploration ou d’exploitation minière sont domiciliés au Canada. Et pour cause, elles y trouvent les conditions idéales pour se livrer à une spéculation sans retenue. Le Canada est « un pays offshore, un havre, une sorte de «Suisse des mines», coupable de beaucoup de passivité et de complaisance vis-à-vis de ce secteur, qu’il attire en lui aménageant une législation dégagée de toute contrainte. On vient, mettons, de Belgique, créer une société à Toronto qui exploitera une mine de cuivre au Katanga, en république démocratique du Congo (RDC) », décrit Alain Deneault. Cerise sur le gâteau : outre les avantages fiscaux qui attirent l’investissement de fonds de retraites, de banques, de compagnie d’assurance, les autorités canadiennes font ouvertement du lobbying pour préparer le terrain aux sociétés minières, incitent les Etats et les autorités locales à piétiner les droits des populations, à faire évacuer des territoires. 

 

L’industrie minière est au boute du compte « hors de portée, hors de tout contrôle ». Des sociétés comme Brick Gold, Banjo, Kinross, American Mineral Fields (AMFI), Imaged… ont les coudées franches, usant sans surprise de pratiques mafieuses pour parvenir à leurs fins sans trop être inquiétées. « Les sociétés canadiennes sont impliquées dans des cas de corruption, de pollutions massives, d’atteinte à la santé publique, dans des trafics d’armes, des collusions avec des seigneurs de guerre ou des partenariats avec des dictatures, dans des affaires d’évasion fiscale, de tensions avec les populations et des meurtres… », dénonce Alain Deneault. Selon lui, « le Canada feint de contrôler son industrie alors qu’il la couvre. L’OCDE a publié un rapport indiquant que le Canada n’avait anormalement poursuivi qu’une seule entreprise en plus de dix ans ».

 

Des milliers de disparus

 

Derrière cette face cachée de l’industrie minière, il y a les drames à répétition dans un secteur par ailleurs infesté d’exploitations clandestines aux risques incalculables. La Chine figure en tête dans cette hécatombe. Quatorze des 21 accidents qui se sont produits depuis 1990, provoquant plus de cent morts, ont eu lieu dans ce pays. Durant ces 14 années, des centaines de mineurs ont également disparus sous terre au Congo, au Pakistan, en Ukraine, en Nouvelle-Zélande, en Sierra Leonne, en Tanzanie, au Soudan, aux Philippines, au Mexique, en Colombie, en Bosnie, aux Etats-Unis… La dernière catastrophe en date a fait près de 300 morts en Turquie. Trimer au fond d’une mine, et où que ce soit, n’a finalement jamais cessé d’être un jeu de cache-cache avec la mort en contrepartie d’un salaire de misère.


(1) Spécialiste des paradis fiscaux, auteur avec William Sacher de Paradis sous terre. Comment le Canada est devenu une plaque tournante pour l’industrie minière mondiale (Rue de l’échiquier, 2012)

 

Source: L'Humanité Dimanche, numéro 413, 22-27 mai 2014

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