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Diagne Fodé Roland : « Dès 2012, Macky Sall annonçait vouloir “réduire l’opposition à sa plus simple expression” »

Les élections présidentielles approchent au Sénégal! Elles doivent se dérouler le 25 février. Mais comme le déclare Human Rights Watch dans un rapport ce lundi, "les autorités sénégalaises répriment l’opposition, les médias et la société civile". Nous faisons le point avec Roland Diagne, membre du comité éditorial de Ferñent journal communiste, ouvrier, populaire, panafricain.

Où en est Ousmane Sonko? Il y a eu plusieurs retournements de situation ces dernières semaines, laissant croire qu’il pourrait se présenter.

Dès 2012, l’actuel président Macky Sall libéral néocolonial annonçait qu’il allait « réduire l’opposition à sa plus simple expression » en utilisant la soumission du pouvoir judiciaire au pouvoir présidentialiste pour éliminer ses deux présumés chefs de l’opposition d’alors que sont Karim Wade du PDS libéral et l’ex-socialiste libéral Khalifa Sall. Avant 2019, le pouvoir de Macky/APR/BBY (le président actuel, son parti et sa coalition) sous estimait donc Sonko devenu en 2017 député « au plus fort reste » et son parti Pastef/Les Patriotes. Mais au sortir de l’élection présidentielle de 2019, Sonko arrivé en troisième position avec un pourcentage de près de 16 % du vote sénégalais devenait la nouvelle cible à abattre. 

Voilà pourquoi et comment ont commencé ces multiples complots judiciaires contre Sonko. L’objectif : empêcher d’être candidat en 2024. 

Toutes les procédures judiciaires contre Sonko ont échoué à le condamner définitivement. Mieux, deux décisions de justice, le tribunal de Ziguinchor puis celui de Dakar vont donner raison à Sonko en disant le droit. 

Les victoires judiciaires favorables à Sonko de Ziguinchor puis de Dakar ne sont pas exécutées par le ministère de l’intérieur (DGE) qui refuse de remettre la fiche de parrainage et cela, malgré l’injonction de la CENA lui demandant de respecter la justice, puis c’est la Caisse de Dépôt et de Consignation qui remet la caution sans l’attestation d’encaissement des 30 millions pour la candidature de Sonko. 

Malgré l’éligibilité de Sonko, son nom ne figure pas dans la liste définitive des candidats retenus à l’élection présidentielle de 2024 publiée par le Conseil Constitutionnel qui reconnaît pourtant que la non obtention de « la fiche de parrainage et de l’attestation de dépôt de la caution ne sont pas imputables au candidat Sonko » comme en font foi les constats d’huissier remis. 

Quels sont les grands enjeux de la campagne ?

Manifestement la tactique de « la candidature à la candidature de Sonko » et du focus sur « Sonko, cinquième président » a permis que trois candidats du camp patriotique soient retenus parmi les 20 définitivement appelés à concourir dont un seul devrait le faire pour assurer la victoire. Le choix de celui des trois qui sera appelé à concourir au nom du camp patriotique est donc attendu par le peuple avec la mise en place d’un staff électoral associant tous les candidats et toutes les coalitions initialement engagées pour la candidature de Ousmane Sonko. 

Les enjeux peuvent être résumés ainsi :

– débarrasser le pays de l’autocratie libérale néocoloniale Macky/APR/BBY ;

– libérer tous les prisonniers politiques (plus de 1000), rétablir les conquêtes démocratiques bafouées, l’état de droit, réparer les injustices ;

– mettre fin à la « mal gouvernance », c’est-à-dire à la corruption endémique et systémique ; 

– faire gagner le camp patriotique par l’élection le 25 février du candidat unique qui sera annoncé par Ousmane Sonko, leader incontestable dans lequel le peuple, surtout la jeunesse, a mis son espérance d’une vie meilleure ;

– élargir en rejoignant ainsi l’alliance souverainiste des Etats du Sahel (Mali, Burkina, Niger). 

Comment réagit la population, notamment de Casamance, face à la liste des candidats dans laquelle Ousmane Sonko est absent?

Face aux multiples complots pour liquider la candidature de Sonko, le peuple, et en particulier la jeunesse sénégalaise, fatiguée de mourir pour fuir la misère, le chômage en prenant la route périlleuse de l’émigration à travers le désert ou les mers suivant en cela le chemin pris par le pillage des richesses du pays, s’est révoltée pour défendre les droits du leader politique patriote, Ousmane Sonko, qui porte leur espérance en un avenir meilleur. 

Ces résistances populaires ont été réprimées par la police et la gendarmerie accompagnées de nervis armés par le pouvoir. Plusieurs dizaines de tués, des centaines de blessés, de torturés auxquels s’ajoutent plus d’un millier de prisonniers politiques. C’est donc sous la pression que Macky Sall a renoncé à sa troisième candidature anticonstitutionnelle tout en se fixant le but de se venger en empêchant la candidature de Sonko. 

Toutes les procédures judiciaires contre Sonko ont échoué à le condamner définitivement. Mieux, deux décisions de justice, le tribunal de Ziguincho puis celui de Dakar ont donné raison à Sonko en disant le droit. Confronté à ce début de lâchage de la justice, le pouvoir élabore une nouvelle stratégie politique en lançant le « dialogue national » d’abord pour diviser l’opposition et isoler Sonko. Ensuite, il fait voter à l’Assemblée nationale l’inclusion de Karim wade du (PDS) et Khalifa SAll (Taxaw) tout en maintenant le blocus arbitraire du domicile de Sonko avant de l’emprisonner, de prendre la décision de la dissolution administrative de PASTEF/Les Patriotes. 

La réponse du peuple et de la jeunesse a été la « sonkorisation » de l’espace public qui exige « SONKO, day Bok » et «  Macky, dou book » (Sonko sera candidat – Macky ne sera pas candidat), la fin des arrestations massives, des interdictions de manifester, le respect des droits de Sonko, la libération de tous les prisonniers politiques, le rétablissement des droits individuels et collectifs et de l’état de droit. 

Le pouvoir aux abois multiplie les tueries, y compris par des balles réelles. Ils ont fermé l’université en expulsant les étudiants. Il y a eu également l’arrestation du Secrétaire Général de Pastef/Les Patriotes, Diomaye Faye après celle de Sonko avant de s’atteler à tout faire pour que le Conseil Constitutionnel ne valide pas la candidature de Sonko.

A signaler le rôle d’avant-garde joué par les militants, les jeunes, les populations de Casamance dans les luttes pour faire respecter le droit à la candidature de ce « fils de la Casamance » par son père. La bataille pour tenter de l’arrêter à Ziguinchor a été gagnée par le peuple rassemblé devant son domicile. C’est à Dakar que Sonko a été finalement arrêté et mis en prison. 

Le caractère anti-national des pouvoirs successifs dans notre pays, le Sénégal, démontre non seulement la servilité volontaire de la bourgeoisie bureaucratique d’État à l’oppression impérialiste françafricain, eurafricain et usafricain, mais se manifeste en plus par les discriminations devenues flagrantes avec l’autocratie de Macky/APR/BBY contre la Casamance et ce « fils » d’un papa Casamançais.

D’un côté ces pouvoirs néocoloniaux prônent « l’intangibilité de l’unité territoriale nationale » contre la rébellion indépendantiste du MFDC (Mouvement des forces démocratiques de Casamance) et de l’autre y font la guerre, le blocus de ce territoire, discriminent ses habitants et liquident le droit à un ressortissant, ne serait-ce que par sa filiation paternelle, à participer comme candidat à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Cette question importante est une équation posée et à résoudre par les courants panafricanistes souverainistes du Sénégal. L’élimination de la candidature de Sonko exige la prise en compte de cette dimension du problème national sénégalais dans une perspective panafricaine démocratique comme le pose depuis 1982 le courant marxiste-léniniste communiste Ferñent/L’Etincelle du Sénégal.

Quelle est la stratégie du Pastef, actuellement interdit par le gouvernement, à un mois des élections?

Aucun des quatre candidats du camp patriotique, dont Ousmane Sonko lui-même, ne l’est au nom de Pastef/Les Patriotes. Ils le sont tous au nom de coalitions de partis et de mouvements alliés depuis que Pastef/Les Patriotes a été administrativement et arbitrairement interdit. 

Ce sont donc l’alliance des coalitions qui ont permis d’introduire d’abord dix candidats à la candidature (cinq de l’ex-Pastef et cinq de la la coalition Yewwi) dont finalement quatre ont été retenus pour le dépôt sur la table du Conseil Constitutionnel qui en a retenu trois en rejetant celle de Sonko tout en reconnaissant pourtant que la non obtention de « la fiche de parrainage et de l’attestation de dépôt de la caution ne sont pas imputables au candidat Sonko » comme en font foi les constats d’huissier remis.

Si Diomaye Faye, secrétaire général, donc numéro deux après Sonko de l’ex-parti Pastef/Les patriotes est le candidat choisi, la question posée est : l’État hors la loi autocratique va-t-il le libérer? Dans tous les cas, libéré ou maintenu en prison, la campagne va se mener du sommet à la base par l’extraordinaire ingéniosité de la jeunesse patriotique de la « sonkorisation » des quartiers, villages, de l’espace public, des marchés, matchs de foot, des baptêmes, des mariages, des cortèges du gouvernement et du reste de l’opposition. 

La « sonkorisation » est apparue comme une adaptation des mobilisations populaires consécutive aux répressions sauvages mortifères abattues par le régime néocolonial libéral de Macky/APR/BBY avec l’aide des nervis-tontons-macoutes qui ont fait des dizaines de morts (les chiffres vont de 60 à 100), des centaines de blessés, de torturés, plus de 1000 prisonniers politiques pour délit d’expression, d’opinion, y compris des journalistes, etc.

Il faut aussi sécuriser le vote des Sénégalais en étant présents dans tous les bureaux de vote, au niveau des commissions départementales, puis régionales et nationale, avoir la carte des bureaux de vote ainsi que le vrai fichier électoral. La maîtrise informatique du fichier, de la carte des bureaux de vote et de la transcription informatique des votes est en plus à assurer. 

Pour ce faire, bâtir un front de tous les candidats dits de l’opposition retenus et non retenus qui ont intérêt à une élection transparente et démocratique. 

Le rejet du pouvoir de Macky/ARP/BBY a atteint un niveau exponentiel aggravé par la vie chère devenue insupportable. Ce rejet est proportionnel à la courbe ascendante de l’adhésion populaire à Sonko et à son frère jumeau Bassirou Diomaye Faye comme l’a montré la campagne de parrainage intitulé « Diomaye = Sonko ».

Seul un coup d’Etat électoral provoqué ou provoquant le « chaos » recherché jusqu’ici en vain par l’autocratie Macky/APR/BBY soutenu en arrière par l’impérialisme françafricain peut empêcher la victoire dans les urnes du camp patriotique rassemblant les représentants des classes sociales nationales (fraction nationaliste de la bourgeoisie, petite bourgeoisie, classes laborieuses). Tel est ce que la « sonkorisation » a évité jusqu’ici.


Source: Investig’Action

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