Bruno Drweski à Algérie 54: « Il y a une dynamique dialectique à initier entre socialisme scientifique et théologie de la libération »

Bruno Drweski est professeur d’histoire à l’Inalco ( Institut national des langues et civilisations orientales – Paris ), mais il est surtout un militant de longue date de toutes les causes justes. Contrairement à de nombreux militants marxistes, notre interviewé ne verse ni dans le marxisme dogmatique et orthodoxe ni dans l’eurocentrisme, responsable en partie de la déchéance de la gauche internationale, et du déclin moral éthique et politique de celle-ci.

Ayant grandi dans un milieu plutôt catholique, il a cependant cotôyé des communautés « sémitiques » qui lui ont ouvert d’autres horizons de réflexion, et les yeux sur les limites de la civilisation occidentale moderne. Sa perception et son analyse du monde, une fois libérées du prisme réducteur du chauvinisme et de la certitude, ouvrent des perspectives salutaires à l’humanité tout en embrassant une vision plus humble de l’Histoire entière de l’humanité dont l’essentiel reste encore à découvrir. 

Nous profitons de cette occasion pour faire un appel aux éditeurs, ministères concernés ou tout autre acteur, à propos de l’auteur turc Ihsan Eliaçik, qui gagnerait à être traduit en arabe et français, édité et diffusé le plus largement possible si les autorités compétentes se sentent concernées par le renouveau « civilisationnel » appelé des vœux de ceux qui refusent une autre guerre mondiale, refusent la décadence de l’espèce humaine, et espèrent un sursaut révolutionnaire qui nous débarrassera de la décrépitude de l’injustice et de toutes les formes de misère. C’est après tout un des rôles totalement assumé de notre pays.
Lénine n’a-t-il pas écrit : « l’Afrique du Nord est la terre bénie de la révolution » ?

Entretien réalisé par Nedjma Baya Merabet 

Algérie 54 : Comment vous situez-vous dans la crise profonde que traverse la France et plus généralement l’Occident ? Et selon vous, qu’est-ce que cela dénote en termes de reconfiguration générale des rapports de force mondiaux, voire de bouleversements radicaux ?

Bruno Drweski : Ce qu’on appelle la civilisation occidentale et qui n’est en fait aujourd’hui que le capitalisme centré sur les pays impérialistes du « centre unipolaire » est arrivée en bout de course. Ce système désormais « mondialisé » est dans un état de crise fondamentale. Ce n’est plus seulement une crise sociale ou systémique, c’est une crise civilisationnelle qui touche désormais tous les domaines de la vie, économiques, sociaux et politiques bien sûr mais plus largement les domaines culturels, moraux, idéologiques, spirituels. C’est une phase de relativisme absolu et d’irresponsabilité sociale de la part des élites possédantes qui mènent désormais sans honte une politique de cynisme généralisé, destructeur et à terme auto-destructeur. La France dans ce contexte est sans doute plus malade encore que les autres pays du bloc occidental car son impérialisme a été affaibli depuis sa défaite de 1940 et son incapacité à sortir du colonialisme autrement que par de longues guerres qui ont duré de 1945 à 1962 et qui ont fait des élites françaises des collaborateurs des puissances plus fortes, le 3e Reich d’abord puis les Etats-Unis ensuite, dans le seul but de préserver coute que coute leur pré-carré (néo-)colonial. Alors même que la société française, sa classe ouvrière et ses intellectuels, avaient des traditions révolutionnaires de luttes glorieuses qui ont été progressivement rabotées par l’affaiblissement planifié de la part de ces « élites » du gaullisme à droite et du parti communiste à gauche, les deux piliers d’une France plus ou moins autonome, politiquement et culturellement, par rapport à l’impérialisme US. Aujourd’hui, c’est ce modèle « anglo-saxon » centré sur les pays des « Five Eyes » (Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle Zélande) qui est en crise parce qu’il s’est laissé dominé par son noyau économique, le complexe militaro-industriel, et qu’il a donc perdu une grande partie de ses capacités productives et créatives. C’est dans ce contexte que, malgré le démantèlement du camp socialiste qui fut une tragédie historique, sont apparues des puissances contre-hégémoniques qui ont utilisé les potentiels que recelait encore leurs bourgeoisies nationales pour contrer le monde unipolaire essoufflé, et surtout délégitimé aux yeux des peuples.

Algérie 54 : Quelles sont vos appréciations des émeutes qui ont secoué la France ? Certains y voient des convulsions profondes qui secouent la société française d’autres un simple complot; selon vous, à quels développements pouvons-nous nous attendre ? 

Bruno Drweski : La France, par pans entiers, « décroche ». Depuis au moins la fin de la présidence Chirac il est devenu impossible de cacher sa crise économique et sociale, et le manque de perspectives que son système « offre » à ses jeunes. Cela a commencé il y a plus de vingt ans dans les banlieues avec l’émergence d’une génération « d’issus de l’immigration » mais aussi parfois de « Français de souche » marginalisés, ensuite nous avons assisté au réveil des campagnes et des petites villes appauvries avec le mouvement des Gilets jaunes, puis la crise du covid qui a démontré l’effritement des structures de l’État, ensuite encore la longue mobilisation des travailleurs, ouvriers et étudiants depuis janvier 2023 contre la casse du système de retraite et enfin la « jacquerie » des tous jeunes adolescents des banlieues au début de cet été. Chacun de ces éléments pris séparément présente ses spécificités et aucun de ces mouvements n’a été en état de produire un mouvement constructif de refonte sociale et nationale. Mais chacun de ces mouvements participe d’une seule et même crise sociale profonde, locale, nationale, européenne et mondiale. La France étant sans doute un des point nodal des « plaques tectoniques » qui se rencontrent sur le plan social à l’échelle mondiale. Alors que les guerres, dont celle en Ukraine, constituent le point de rencontre des « plaques tectoniques » se heurtant sur le plan international. Si tous les mécontentements convergeaient, il serait possible de construire une ébauche d’alternative face au capitalisme stérile et prédateur qui domine le pays et le monde. Mais la « génie maléfique » de ceux qui dirigent le système dans lequel nous devons encore vivre est leur capacité à fragmenter les mécontentements et à opposer ceux qui ont intérêt à s’unir, en manipulant des slogans « sociétaux » mettant de l’avant des minorités opposées à d’autres minorités, pour éviter qu’une majorité se constitue en faveur d’un véritable changement de régime. Ce qui reste l’objectif souhaité aujourd’hui par une immense majorité.

Algérie 54 : Etant donné la guerre en Ukraine, les montées des fascismes en Europe et plus généralement en Occident, dans quelles dimensions et quelle mesure vous les liez au contexte international ? 

Bruno Drweski : Comme dans toute société arrivée en bout de course, les élites possédantes n’ont plus d’autres moyens que de diviser verticalement les sociétés pour éviter qu’elles prennent conscience des différences horizontales fondamentales. Et c’est toujours dans ces moments qu’apparaissent des courants de type fasciste, néo-fasciste, rétro-fasciste, post-fasciste, etc qui mènent les démocraties vidées de contenus vers des régimes de plus en plus violents et répressifs à mesure qu’ils deviennent de plus en plus stériles. C’est ce que nous voyons aujourd’hui quand l’ « l’Occident » impérialiste rapatrie à nouveau vers son centre les méthodes musclées qu’il a toujours soutenues dans ses colonies et néo-colonies. La mondialisation du capitalisme, l’impérialisme en fait, se rétracte en ce moment car il perd le contrôle sur des pays qu’il pensait avoir définitivement conquis, comme la Russie après 1991, ou qu’il pensait pouvoir subvertir comme la Chine, l’Iran, l’Algérie et d’autres. Si nous regardons bien le monde depuis 1991, les USA et leurs supplétifs de l’OTAN ont multiplié les guerres mais n’ont pu les gagner, ce que nous constatons en Irak, en Syrie, en Afghanistan et aujourd’hui en Ukraine. Pays après pays ciblé, ils doivent tous les quitter après les avoir détruits sans avoir pu s’y installer durablement. Et les sanctions et blocus qui visent des territoires et des pays comme Cuba, l’Iran, la Syrie, la Corée (nord), Gaza, l’Erythrée, le Venezuela, la Biélorussie et aujourd’hui la Russie ont certes provoqué maladies, morts et désolationschez les plus faibles mais ils ne sont pas parvenus à casser les pays solides proclamant encore et toujours leur souveraineté, leur non alignement, leur droit à l’indépendance et au développement.

Algérie 54 : Pensez-vous qu’il y ait un lien avec ce qui se passe au Niger, mais également au Soudan et partout en Afrique ( Ethiopie, RDC, Libye, Mali etc ..), sachant que cette crise africaine est intrinsèquement liée à la question terroriste dans l’utilisation de ce phénomène comme outil  militaire et stratégique dont le principal rôle et le plus apparent est de déstabiliser les états ciblés afin d’en garder un contrôle total ? 

Bruno Drweski : L’incapacité avérée aujourd’hui des puissances de l’OTAN à gagner les guerres de Syrie, d’Afghanistan puis d’Ukraine explique sans doute pourquoi la tension mondiale se déplace vers d’autres « théâtres » comme l’Afrique sahélienne aujourd’hui, sans parler du Congo Kinshasa dont on tait le drame car il est du au pillage éhonté des richesses de ce pays par les grandes compagnies transnationales de la téléphonie et de l’informatique. D’une part la mondialisation a donc abouti aux délocalisations d’entreprises occidentales vers les pays du Sud alors que l’industrie militaire restait concentrée aux USA et dans les autres pays occidentaux, ce qui renforce le poids du « parti de la guerre » dans ces pays, et d’autre part, la rétractation des capacités productives du capitalisme parvenu au stade d’impérialisme à laquelle nous assistons aujourd’hui a montré aux peuples du monde qu’il existe des puissances alternatives en état de relancer des perspectives de développement. Si la Chine, le Vietnam, l’Iran, la Turquie, le Brésil ou la Russie ont pu reprendre souffle, c’est la preuve que tout le monde peut le faire et que, dans ce but, il faut prendre du recul par rapport à « l’empire du dollar » et inventer d’autres réseaux de coopérations internationales. Les Etats-Unis avec leurs supplétifs européens et japonais n’ont plus d’autre moyen pour préserver leur hégémonie économique et sauver leurs monnaies virtuelles que de s’imposer par le biais de conflits militaires justifiés par la présence de réseaux terroristes qu’on a laissé proliférer et s’enrichir auparavant.

Algérie 54 : Pensez-vous qu’on assiste à l’effondrement de ce système qui a produit le monstre dit djihadiste ?

Bruno Drweski : Tout musulman éduqué sait bien que le djihad, c’est l’effort que chaque croyant doit faire pour surmonter ses penchants égocentriques, ce que, en conséquence, chaque société doit aussi savoir faire collectivement pour surmonter ses penchants réactionnaires. Le seul djihad armé autorisé dans ce contexte est défensif, et le but de l’islam est d’être la meilleure des communautés pour la promotion d’un monde de justice, de paix, sans usure et sans exploitation. Donc, ce que les impérialistes et leurs suppôts dans le monde musulman aiment appeler à tort le « djihadisme » n’est qu’un produit frelaté ayant comme but de pervertir et de fragmenter les pays musulmans pour les empêcher de se développer librement. Et de proposer au monde des perspectives sociales en accord avec les principes fondateurs de l’islam qui fut, de fait, une des plus grande révolution de l’histoire humaine. A mon avis, le « djihadisme » constitue le prétexte nécessaire et permanent pour que les puissances impérialistes s’installent définitivement dans un pays cible. Et vous remarquerez que les pays qui ont été attaqués par les « djihadistes » sont presque toujours des pays menant des politiques souveraines de développement ou des pays recelant des richesses ou bien encore occupant une position stratégique pour l’impérialisme mondialisé. Difficile de croire qu’il pourrait s’agir à chaque fois d’un hasard si répétitif !

Ce qui ne veut pas dire que la crise de la créativité idéologique islamique qui avait commencé déjà avant la destruction de Bagdad par les Mongols a été réellement surmontée et que le monde musulman n’ai pas constitué depuis un terreau favorable à ces dérives de par sa propre faiblesse intérieure. Si comme l’avait formulé Malek Bennabi, le monde musulman était « colonisable » il y a deux siècles il reste « djihadisable » aujourd’hui, ce qui est la dernière mouture de la colonisabilité, car le « djihadisme » présente toutes les caractéristiques d’une importation dans l’islam des tares qui ont d’abord produit le fascisme et le sionisme en Europe.

Algérie 54 : Nous avons eu des discussions à propos de la vision européo-centrée, de la laïcité dévoyée à la base par les dessins bourgeois et impérialistes, pensez-vous que le temps est venu pour aborder la question de la « dette civilisationnelle » dans ses aspects inversés et occultés ? 

Bruno Drweski: Toutes les civilisations se sont développées à la fois à partir de et en réaction à la civilisation voisine précédente. Dans le cercle civilisationnel circumméditerranéen, ce phénomène se reproduit systématiquement depuis la plus haute Antiquité. Ce qui explique l’accumulation de conquêtes culturelles développées en Egypte, en Nubie, en Mésopotamie, en Perse, en Phénicie, dans l’Israël biblique, en Grèce, à Rome, à Constantinople, en Arabie, en Italie, etc, jusqu’au dernier « pic civilisationnel » représenté par le monde anglo-américain. Et toute civilisation a une « dette » par rapport à ses prédécesseurs. Chaque centre civilisationnel s’est développé en se nourrissant de ses prédécesseurs et même à leur dépens. Sinon le monde musulman ou la Grèce ne seraient pas dans l’état lamentable dans lequel nous les connaissons aujourd’hui par rapport au centre occidental …qui montre aujourd’hui beaucoup de signes comparables à la décadence de la Rome antique, ce qui témoigne d’un nouveau basculement du monde qui est en train de s’opérer. Visible avec la montée en puissance et en créativité des pays asiatiques ou de l’immense créativité populaire en gestation en Afrique et que l’on aurait tort d’ignorer. On redécouvre à cette occasion les immenses réserves de créativité méconnues qu’ont développé les cultures asiatiques, arabo-islamiques, africaines et autres. Dans le monde globalisé d’aujourd’hui toutefois, tout cela se déroule au même moment et dans une interpénétration impossible autrefois, ce qui impose à l’humanité d’inventer des méthodes inédites de coopération et de mutualisation des cultures.

Algérie 54 : Il y a un courant de pensée ostracisé auquel vous vous intéressez de près, qui relie Islam et socialisme, qui tente une approche critique globale de l’Histoire de l’Humanité et de ses traditions. Vous avez d’ailleurs écrit des textes très profonds à ce sujet. Parlez-nous de l’auteur Ihsan Eliaçik, de son long commentaire du Coran à la lumière de l’Histoire contemporaine. 

Bruno Drweski : Tout chercheur consistant sait que les « grands moments » de ce qu’on appelle la civilisation occidentale, la Renaissance, la Réforme, les Lumières, le socialisme scientifique auraient été inimaginables sans l’impulsion gigantesque qu’avait créé ce que je n’hésite pas à appeler la révolution musulmane qui a propulsé dans le monde une forme de créativité extraordinaire de la part de populations jusque là archaïquement tribales et retardataires. Que l’on soit croyant ou plutôt sceptique, tout esprit honnête ne peut que reconnaître le fait que nous avons eu affaire à cette occasion à quelque chose d’une ampleur que l’on a de la difficulté à nommer autrement que par le terme de « miracle », qu’on le considère comme immanent ou transcendant …ou dans une dialectique des deux. Ce potentiel islamique a d’ailleurs été remarqué par Karl Marx dans une lettre à sa fille lors de son séjour en Algérie. Il était donc normal que les mouvements de libération nationale des pays musulmans n’aient pas souhaité renoncer à leur « capital islamique » au profit d’une conception certes révolutionnaire mais venue d’Europe et qui leur apparaissait d’emblée comme une forme réductrice d’iconoclasme. Qui avait mené à l’athéisme radical qui fut sans doute nécessaire dans une Europe devant abattre la rigidité d’Eglises que les musulmans n’avaient pas connues. On peut donc penser qu’on trouve dans l’islam des éléments nécessaires pour nous aider à sortir de la crise de civilisation que je mentionnais plus haut, d’où mon intérêt pour des penseurs qui prolongent la lecture du Coran. Ils la prolongent car les lectures dominantes des textes fondateurs de l’islam aujourd’hui étaient sans doute historiquement adaptées aux siècles où la prophétie s’est répandue mais ils ne suffisent plus à l’ère où il faut déconstruire les bases mêmes du capitalisme, ce que les pensées socialistes ont très bien fait dans le domaine de l’analyse des dominations de classes ou des rapports internationaux, mais cela doit désormais être complété si nous devons vraiment bâtir une civilisation alternative nécessitant aussi une discipline morale et un souffle spirituel comme peut en apporter l’islam qui sait proposer rationnellement à l’humain ce qui relie sa vie à sa collectivité, aux générations précédentes, aux générations qui vont nous succéder et plus largement à l’univers entier et au cosmos. Le Coran, de l’avis même des linguistes de toutes convictions, ouvre en effet un champ de pensées à la fois structurées et infinies qui constitue un trésor pour l’humanité. Et cela doit toucher aussi bien ceux qui croient dans l’existence d’un principe créateur que dans ceux qui en doutent. C’est aussi un des moyens de dépasser l’eurocentrisme qui domine le monde depuis deux siècles. Parmi les penseurs d’une analyse du Coran sous l’angle longtemps inexploré de la lutte pour la justice sociale, on doit mentionner le commentateur turc de l’Islam anticapitaliste Ihsan Eliaçik qui a publié (malheureusement en turc) beaucoup de livres analysant les versets du Coran et un Tafsir de plus de 1500 pages qu’on aurait intérêt à traduire en arabe et dans les langues européennes pour donner aux militants d’un Islam des lumières l’outil qu’il leur faut pour comprendre la réalité du système d’exploitation à la lumière de la spiritualité islamique.

Algérie 54 : Avez-vous un appel à faire aux peuples, aux organisations de gauche aux États qui résistent et souhaitent un nouvel ordre mondial ? 

Bruno Drweski: Je ne suis pas un prophète et pas même un philosophe ou un idéologue mais si j’ai des idées qui me tiennent à coeur, c’est qu’il faut apprendre à sortir de son ego, qu’il soit individuel ou social. Il faut travailler à comprendre les mouvements du monde, sa richesse et sa créativité sans fin depuis la nuit des temps. La vie est révolutionnaire en soi, mais les vraies révolutions ne renversent pas seulement les classes possédantes devenues stériles et arrogantes, la lutte des classes, pour reprendre un vocabulaire marxiste, c’est aussi, dit autrement, ce fameux djihad à mener contre l’injustice des autres mais avant tout contre le potentiel d’injustice qui est en nous, au niveau individuel comme au niveau d’une classe sociale ou d’un Etat impérialiste et de ses supplétifs. Et c’est là où je pense que les vrais révolutionnaires doivent apprendre à se rejoindre, en prenant conscience ne serait-ce que de la relativité de son propre vocabulaire. J’ai mentionné ici le marxisme, qui ne fait souvent que reprendre sous un autre mot, ce qu’on appelle différemment mais avec le même sens dans un autre cercle culturel. Un « Occidental » doit donc apprendre la richesse inégalée du souffle poétique coranique où, s’il est honnête avec lui-même, il retrouvera ce qu’il a commencé à trouver en tâtonnant quand il cherchait à sortir de la face sombre du XIXe siècle européen qui fut d’un côté le siècle d’une immense créativité scientifique mais qui fut d’un autre côté le siècle d’une mise en exploitation éhontée des êtres humains réduits à l’état de bêtes de somme. Mais cette science dont nous avons hérité et provenant du XIXe siècle doit nous aider aussi à sortir de la vision magique, cyclique et fataliste qui s’est incrustée dans les religions dominées depuis des siècles par des « serviteurs des sultans » du moment. Il y a donc une dynamique dialectique à initier entre socialisme scientifique et « théologies de la libération ».

Entretien réalisé par Nedjma Baya Merabet

 

Source : Algerie54

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