Venezuela : La guerre caribéenne n’aura pas lieu

La République Bolivarienne du Venezuela est menacée par la guerre, le pouvoir d’achat a été enlevé aux Vénézuéliens et la souveraineté du pays semble menacée. En Amérique deux clans s’opposent, une droite néolibérale représentée par les « touts puissants » Etats-Unis et leurs alliés tous regroupés dans le groupe de Lima (Argentine, Canada, Chili, Pérou, le Paraguay et la Colombie) et une gauche socialiste dont les derniers représentants sont la Bolivie, le Nicaragua, l’Uruguay, Cuba, et le Venezuela. Autrefois le Brésil, l’Equateur et l’Argentine appartenaient au clan progressiste mais à la suite de parades juridico-politiques suspectes et en contradiction totale avec les recommandations de l’ONU ces pays représentés par le putchiste Michel Temer au Brésil, le président destitué de son parti (Alianza País) Lenin Moreno et Mauricio Macri qui, malgré l’histoire peu concluante entre le FMI et ses plans d’ajustement structurels, et l’Argentine tente une nouvelle fois de plonger le pays dans une position de faiblesse et d’esclave du marché.

 

 

Premier cheval de Troie : La spéculation

 

 

Malgré les mesures prises par le gouvernement de Maduro, la multiplication des salaires par 34 et la prise en charge des salaires des petites et moyennes entreprises, l’inflation continue de progresser. La désertion et l’augmentation drastique des produits de consommations de base sont de plus en plus courantes et exacerbent la vie quotidienne des Vénézuéliens, elles augmentent la violence et les vols…

Alors que le Venezuela vient de négocier 28 accords avec la Chine, l’appui constant des membres de l’ALBA, de l’Inde et de la Russie l’économie vénézuélienne peine à sortir de sa stagflation. Pourquoi ? Parce que le Venezuela a subit depuis les années 80, son premier cheval de Troie : la spéculation des produits de base. Si le slogan du gouvernement est la « Lucha sigue » (la lutte continue) depuis vingt ans, la lutte ne continuera qu’avec l’approbation et la volonté de tous les Vénézuéliens pour la durée de l’État socialiste. Cependant la classe bourgeoise vénézuélienne n’est pas de cet avis. Pourquoi vendre des médicaments aujourd’hui à 150 Bolivars alors que demain ils atteindront les 200 Bolivars et la semaine d’après les 1.000 Bolivars ?

Les hauts entrepreneurs Vénézuéliens reçoivent des devises étrangères de l’État pour acheter et acheminer les biens mais en bloquant l’acheminement des produits au lieu de vente pour telles ou telles raisons ils enclenchent une pénurie. Et une pénurie qui rapporte gros puisque les prix et la consommation ne cessent de monter. Un cas de figure vécu en Irlande lors de « la crise de la pomme de terre » en Irlande entre 1845 et 1852, ou plus l’augmentation du prix de la patate augmentait plus les Irlandais en achetaient provoquant ainsi une famine généralisée.

 

Photo : Jonas Boussifet

 

 

Deuxième cheval de Troie : La Colombie, le voisin

 

 

Sur le chemin de Caracas jusque San Antonio, dernière ville Vénézuélienne à la frontière colombienne, la route est longue et ardue. Alors que le Venezuela est le premier pays regorgeant de ressources pétrolières, une fois entré dans Tachira, le dernier État séparant le Venezuela de la Colombie, l’essence se fait rare. Si la vue d’une station-service à chaque coin de rue est courante, le carburant l’est beaucoup moins et quand il est disponible, les habitants font la file durant des heures, voire des journées. Une pénurie généralisée dans tout un État.

Comment faire un plein d’essence dans un État aussi grand que la Belgique ? Tel fut ma question à la police nationale, leur réponse : passer par les contrebandiers, il est possible d’en trouver à chaque coin de rue, le dernier policier à qui j’ai posé la question m’a même passer le numéro de son facilitateur, mais à une condition : le payé en Dollar U.S. ou en Peso Colombien. Une réponse plus qu’incroyable de la part des forces de l’ordre, dont l’objectif est de faire respecter la loi sur le territoire du pays, ce qui m’amène à dénoncer que la souveraineté économique n’est ni respectée par les Tachiriens, ni par les fonctionnaires publiques. Une fois mon bidon d’essence (pinpina) de vingt litres acheté au contact de ce gredin, je continue ma route jusque la dernière ville me séparant de la Colombie et loin d’être un euphémisme la raison de cette pénurie généralisée.

Sur le pont reliant les deux pays, j’assiste à des scènes irréelles. Des vélos dont les roues ont été remplacées par des pneus de motos et des structures latérales soudées sur les côtés pour transporter une dizaine de bidons d’essence (remplis bien sûr). Mais aussi une jeune vénézuélienne  transportant ses valises, plusieurs valises jusqu’aux douaniers. Ces derniers la contrôlant s’aperçoivent que la jeune fille transportant des kilos des nouveaux Bolivars Souverains et en profitent pour lui demander une « collaborations » et payer « leur rafraichissement de la journée ». Avec assurance, elle leurs laisse une poignée des nouveaux billets de 50 Bolivars, l’équivalent de plusieurs salaires mensuels, et passe la frontière où elle pourra revendre les billets à l’équivalent de quatre fois leur valeur.

Impensable, mais vrai. Certains profitent de changer les Bolivars au bureau de change colombien pour vivre. Les Bolivars seront ensuite « nettoyés » car en Colombie, il est plus avantageux d’acheter les nouveaux billets, les nettoyer et les falsifier en Peso Colombien. Une réalité à peine pensable, mais qui s’étend aussi aux Carnets de la Patrie qui pour leur quantité de plastique ou pour la falsification de l’identité seront utilisé pour acheter l’or noir Vénézuéliens à prix avantageux.

 

 

3ème cheval de Troie : les médias, les expatriés pro-interventionnistes,
et les déclarations unilatérales

 

Au cours de la 73ème Assemblée de l’ONU, les médias ont reliés la contestation des Vénézuéliens à New York, aux côtés des banderoles de protestations écrites en anglais, un nouveau visage méconnu de la rue, l’Ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU Nikki Haley, armé de son mégaphone et de ses gardes du corps et s’adressant à la foule avec des slogans tels que :

 «« Nous allons nous battre pour le Venezuela et continuer jusqu’à ce que Maduro parte » mais aussi,  « ce que nous avons vu, personne ne devrait le vivre… Pendant que Maduro mange dans de bon restaurant ».

Depuis quand les êtres humains sont-ils aussi dupes ? Se battre, oui mais pourquoi ? Il y a toujours une raison pour lutter, que ce soit diplomatiquement ou par la force. Cette raison loin d’être expliqué mais évoquant les nombreuses guerres de Washington, et les plus sombres souvenirs des peuples ayant subi ces guerres (Afghanistan, Irak, Libye, Vietnam, Nicaragua,… j’en passe et des pires), toutes ces guerres ont salit les mots « Liberté » et « Démocratie » pour le profit États-unien.

Pourquoi tenté une invasion militaire au Venezuela comme l’a proposé Trump en août dernier, lors du centenaire de Nelson Mandela- prix Nobel de la paix malgré sa présence sur la liste Nord-Américaine des terroristes jusque 2008-  à la table de l’ONU, cette salle où les mots « paix », « multilatéralisme » et « coopération » devraient être prônés a été souillée par l’évocation du Président Trump a s’allier avec les forces armées vénézuéliennes pour renverser Maduro.

Mais revenons aux attaques de l’ambassadrice Haley, qui a évoqué une image ayant fait tour du monde, celle de Nicolas Maduro dans un restaurant à Istanbul dégustant un steak qui selon les médias aurait dû couté entre « 70 et 250 Dollars » une fourchette d’argent qui loin d’être évocatrice et douteuse a alimenté les blogs des contestataires vénézuéliens et la critique internationale dissimulant au passage les raisons de son voyage, les 28 accords signés entre la Chine et le Venezuela et son retour au pays en passant par la Turquie qui soutient ouvertement le gouvernement Maduriste.

Cette image du président accoudé à une table dégustant son steak saignant, citée et utilisée par l’ambassadrice a fait un « buzz » sur les réseaux sociaux entrainant une vague de colère non pas uniquement suscitée par les Vegans, autres végétariens ou défenseurs des animaux mais les « défenseurs de la paix ». D’où ma question : « Pourquoi un être humain n’a-t-il pas le droit de s’alimenter ? Parce que son pays subit un blocus États-unien et ne peux plus importer des aliments faute de devises étrangères ?

 

Photo : Jonas Boussifet

 

Par mauvaise fois, je l’accorde, j’ai été visité les comptes Instagram et Twitter de Miss Haley à la recherche d’une photo accoudée elle aussi, à une table de restaurant. Car oui, si les États-Unis ne le montre pas sur la scène internationale du taux de la population ne pouvant s’acheter une viande de qualité et doit passer par les fast-foods et autres chaînes de « restaurant » dont mêmes les chiens sont dégoutés par le contenu alimentaire. Une recherche infructueuse quant à mon objectif mais incroyable quant à la situation des armes à feux aux « States ». Alors que le nombre croissant de fusillades et de morts s’allongent aux États-Unis, l’ambassadrice nous offre une photo d’elle brandissant et utilisant une arme automatique et offrant ainsi une pub directe pour tous les lobbies et indirectes à l’utilisation des armes à feux.

 

4ème cheval de Troie, la MUD ou l’opposition vénézuélienne
et les contre-révolutionnaires étrangers

 

Alors que le Président Maduro démocratiquement élu était à l’étranger à la recherche de soutien, un autre représentant était reçu par la cheffe de la diplomatie européenne : Fédérica Mogherini. En effet le ministre des affaires étrangères colombien était lui aussi à la recherche de soutien pour « endiguer l’immigration vénézuélienne » en durcissant les sanctions du blocus de l’Union Européenne à Bruxelles et à Madrid. Le nouveau partenaire de l’OTAN ou le « gouvernement de l’Israël latino » comme appelé au Venezuela cherche à approfondir l’isolation de Caracas via la « communauté internationale » (Communauté internationale ou les pays de l’alliance atlantique).

Revenons sur l’immigration, la plus grande immigration contemporaine latino-américaine selon Bogotá. Loin d’être pratiquant de la religion catholique, je suis ouvert aux enseignements du Nouveau Testament et je vais utiliser le verset suivant : « […] il est plus facile de voir la paille qu’il y a dans l’œil de son voisin plutôt que de remarquer la poutre qu’il y a son propre œil ». Un enseignement qui n’a malheureusement pas raisonné aux oreilles du diplomate ayant sorti cette information.

Le gouvernement aurait-il oublié les 5 millions de réfugiés colombiens que le Venezuela, le Pérou, l’Équateur et le Panama ont accueillis durant la guerre civile entre les FARCs, l’ELN et Bogotá ? Aurait-il oublié les 50 ans de cette guerre ? Aurait-il oublié la persécution, qui malgré les accords de paix récompensé par un prix Nobel au Président Santos, des agriculteurs vivant sur les terres dirigées par les paramilitaires ou la mort des leaders révolutionnaires estimé à un assassinat tous les deux jours ? Si le gouvernement colombien à la mémoire courte, il est aussi belliqueux et peu reconnaissant de l’aide fournie à ces habitants durant ces moments troubles.

Parlons récompense et reconnaissance et de facto financement de groupes radicaux, en septembre 2017 un an après l’élection de la Constituante, dont la naissance est écrite dans la constitution bolivarienne du Venezuela a reçu le prix Sakharov et 50 000 euros de la part de l’Union Européenne. Le prix de la démocratie offert à la MUD et ses partisans ultra-droitistes n’est rien de plus qu’un oxymore et une insulte à la démocratie. Comment peut-on récompenser un parti prônant la radicalité, la violence et l’antidémocratisme ? L’Aube Dorée grecque ou le Kuklux Klan était-il eux aussi sélectionné par l’attribution du prix ? L’Union Européenne aurait-elle perdu ses valeurs et son respect ?

 

 

5ème cheval de Troie : le cauchemar de du Libertador Simon Bolivar
ou la (N)ATOmisation de l’Amérique Latine

 

 

Inspiré par la révolution haïtienne, Simon Bolivar voulait libérer l’Amérique Latine de la présence et du pouvoir des métropoles étrangères. Vénézuélien d’origine, son souhait était de créer la Grande Colombie regroupant Venezuela, la Guyana actuelle, la Colombie, Le Pérou, l’Équateur, le Panama et la Bolivie. Un rêve bolivarien aujourd’hui bafoué par la cupidité des gouvernements.

Peu d’écrits rapportent l’idée de Mouhammad Kadhafi sur la création des États-Unis d’Afrique, une idée qui malgré son rapporteur aurait pu aider le continent sur la scène internationale tant au niveau économique, politique et souverain. Le souhait du Libertador était du même acabit. Or on déplore actuellement la faille de ce rêve déchu. Si les gouvernements de ces pays ne se supportent pas, ils se querellent au niveau diplomatique. Représenté par le groupe de Lima, le Pérou et la Colombie ont appelé la Cour Internationale Pénale à enquêter sur les « crimes de l’humanité » du gouvernement bolivarien du Venezuela. Une requête dont l’idéologie reste d’isoler et de condamner le pays.

En outre, la Colombie a été élue comme membre observateur de l’OTAN et sera amené à participer dans les futures conquêtes de l’Alliance Atlantique. Une facilité pour le dirigeant actuel des Etats-Unis dans son souhait d’envahir le Venezuela. Si les Etats-Unis ont sept bases militaires à la frontière vénézuélienne, il pourra aussi compter sur la Guyane Française sur les rives atlantiques, mais aussi utiliser l’île hollandaise de Curaçao comme port d’attachement au nord, et les Maldouines anglaises au Sud pour approvisionner et baser les troupes de l’alliance. Une atomisation ou Natomisation qui commencera par le Venezuela.

 

 

6ème cheval de Troie, faute de charisme ou faute de chavisme ?

 

 

Il y a douze ans, le Président vénézuélien Hugo Chavez Frías condamnait encore les États-Unis dans leur conquête de l’Irak. 24 heures après le discours de Bush recherchant toujours les armes de destructions massives irakiennes, Hugo Chavez faisait une comparaison entre le diable et le Président États-uniens : « Pourquoi cette table a-t-elle toujours l’odeur du souffre ? » disait-il sous l’applaudissement de l’assemblée onusienne.

 

Photo : Jonas Boussifet

 

Douze ans après la balle n’a pas changé de camp dans la mentalité Nord-Américaine, mais la mentalité du Président Vénézuélien s’est approché du camp adverse proposant ainsi de s’asseoir à la table de négociations avec Donald Trump. Un pas brutal pour les partisans de la Révolution. Hugo Chavez se serait-il assis à la table du Diable pour traiter de l’avenir du pays ? Nul ne le sait et les conditions actuelles sont pires que durant la présidence de Chavez. Cette rencontre sera en tout cas suivie et critiquer par de nombreux Vénézuéliens qu’ils soient partisans ou de l’opposition.

Si j’ai voulu utiliser quelques élément du livre pacifiste « la Guerre de Troie n’aura pas lieu » de Jean Giraudoux, c’est parce qu’aujourd’hui le Venezuela présente le même contexte politique que lorsque Troie possédait la belle Hélène. Toutes les raisons sont bonnes pour s’affronter malgré la diplomatie. Comme le disait monsieur Giraudoux dans sa pièce de théâtre au travers des protagonistes du livre : « Aux approches de la guerre, tous les êtres secrètent une nouvelle sueur, tous les éléments revêtent un nouveau vernis, qui est le mensonge. Tous mentent. »

Il ne suffit que d’un seul souffle, une seule phrase, un seul évènement pour arracher la vie de milliers d’innocents, car il n’existe pas de guerre juste ni de guerre justifiée. Il n’existe que l’opportunité, la destruction et le profit. Et si cette guerre aura lieu comme à la fin du livre, cette guerre ne sera ni une guerre de libération ni une guerre pour la paix ou la démocratie, ce sera une guerre. Et tous auront une responsabilité dans cette crise : « même le plus petit flocon se sent innocent lors de l’avalanche » tant les opportunistes que les guerriers.

 

« Le poète troyen est mort… La parole est au poète grec ».

 

Source : Journal de Notre Amérique

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