Colombie / Venezuela : La doctrine Damas, une doctrine de la guerre impérialiste en Amérique Latine  

« Ceci est l’armée du futur, la véritable armée du peuple. » C’est par ces mots qui évoquent clairement le nom des FARC-EP, que l’Armée Nationale de Colombie lance sa nouvelle doctrine militaire pour ce qu’ils ont décidé d’appeler « le post-accord ». Une nouvelle période de l’histoire colombienne dans laquelle ils montrent clairement que, pour l’armée colombienne, l’accord de paix n’est pas le résultat de négociations politiques entre le gouvernement, les FARC-EP et encore moins le peuple mais le résultat de sa victoire militaire sur l’insurrection. Dans ce cadre, son après-guerre anticipée, la nouvelle doctrine militaire annoncée publiquement par le président Juan Manuel Santos en août 2016 porte un nom très suggestif : Doctrine Damas.


 

Il y a quelques mois, le camarade Luis Britto García, dans son article dominical, lançait un avertissement concernant l’usage que pourrait avoir un demi-million de soldats colombiens après l’accord de paix avec les FARC. « Après la signature des Accords de Paix, cette milice sur-dimensionnée n’a plus de fonction, à moins qu’elle n’assume celle de livrer leur propre territoire aux bases étrangères qui l’occupent », ce qui, évidemment, n’arrivera pas.

On sait bien que, malheureusement, la démobilisation des FARC n’est pas la fin de la guerre en Colombie. Premièrement parce que les raisons du conflit persistent et que sans justice, il n’y a pas de paix. Deuxièmement parce que les dialogues avec la deuxième force de la guérilla, l’ELN, débutent à peine. Troisièmement parce qu’il y a encore des groupes paramilitaires actifs qu’on appelle par euphémisme Bacrim (Bandes Criminelles) et quatrièmement parce que l’Etat colombien continue à criminaliser toute forme de protestation. Par conséquent, les corps de sécurité colombiens continuent à attaquer le peuple pour contenir ses luttes.

Cependant, la question que nous pose le révolutionnaire vénézuélien a un sens car il faut supposer que cette démobilisation fera baisser l’affrontement militaire quotidien et, par conséquent, on peut se demander à quoi l’armée pense occuper ses hommes, ses ressources technologiques et sa longue expérience du combat, une fois qu’elle aura perdu ce qu’elle considère comme son principal ennemi. La réponse à cette question constitue une menace réelle pour la paix en Colombie et dans la région : Damas.

« Ceci est l’armée du futur, la véritable armée du peuple. » C’est par ces mots qui évoquent clairement le nom des FARC-EP, que l’Armée Nationale de Colombie lance sa nouvelle doctrine militaire pour ce qu’ils ont décidé d’appeler « le post-accord ». Une nouvelle période de l’histoire colombienne dans laquelle ils montrent clairement que, pour l’armée colombienne, l’accord de paix n’est pas le résultat de négociations politiques entre le gouvernement, les FARC-EP et encore moins le peuple mais le résultat de sa victoire militaire sur l’insurrection. Dans ce cadre, son après-guerre anticipée, la nouvelle doctrine militaire annoncée publiquement par le président Juan Manuel Santos en août 2016 porte un nom très suggestif : Doctrine Damas.

Ils arguent que ce nom vient du passage de la Bible où Dieu ouvre les yeux de Saint Paul pour qu’il cesse de persécuter les chrétiens mais cette doctrine conjointe réunit l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et les armées des Etats-Unis, du Chili et de la Colombie, en 2011, juste au moment où débute l’intervention étrangère dans le conflit syrien. Les hasards et les miracles conjugués sont toujours inquiétants.

Il est aussi très inquiétant pour celui qui se souvient de l’histoire que, dans ce projet, se retrouvent ensemble l’armée du Chili et celle de la Colombie, sans aucun doute hautement pro-impérialistes toutes deux et qui répriment leur propre peuple, et l’ OTAN, sous l’oeil du Grand Frère : les Etats-Unis d’Amérique du Nord. Qu’est-ce que cela pourra apporter à l’humanité en général, à la région en particulier et même à la paix en Colombie ?

 

SAP: Système de Menace Permanente

 

Pour ne pas perdre ses habitudes de répression, l’armée colombienne parle maintenant du SAP comme de l’ennemi qui met en danger la stabilité de la période qu’ils ont appelée le « post-accord. » Une menace persistante qu’ils définissent comme « un monstre appelé SAP », à savoir les dissidents des FARC et de l’ELN qui ne se joignent pas au processus, et, sans doute, les mouvements sociaux.

 

Le Venezuela dans la ligne de mire ?

 

En pratique, les quelques mois qui se sont écoulés depuis la signature des accords de La Havane ont été caractérisés par une augmentation de la criminalisation des protestations en Colombie, une persécution légale et illégale des dirigeants populaires, des défenseurs des droits de l’homme, des dirigeants syndicaux entre autres, qui, souvent, ont fini par être assassinés. « Dans le post-accord, nous n’allons pas nous arrêter, nous n’allons pas dormir. »

L’armée colombienne montre clairement dans tous ses documents concernant cette doctrine qu’elle ne croit pas à ce qu’on appelle les accords de paix. Elle ne les voit pas comme le produit d’une négociation politique dans laquelle on a reconnu l’existence d’une organisation de guérilla de plus de 60 ans et de certains mouvements sociaux qui en ont fait partie. Pour l’armée colombienne, la signature des accords n’est rien d’autre que le résultat de sa victoire militaire sur les FARC-EP bien que cela contredise les arguments qui ont valu le Prix Nobel de la Paix dévalué à l’actuel président de la Colombie, Juan Manuel Santos.

 

Evoluer pour s’aligner sur l’OTAN

 

Après une évaluation de sa doctrine antérieure, l’armée colombienne, selon ses représentants, a conclu que l’un de ses problèmes était de ne pas avoir évolué comme les armées alignées sur la doctrine de l’OTAN. « C’est pourquoi on envisage de se mettre en accord avec ces standards internationaux à partir de 2012 et tirer parti “d’une grande expérience de plus de 60 ans de guerre irrégulière” pour obtenir un fonctionnement multinational. »

Cette actualisation implique d’unir avec l’OTAN ses termes et ses symboles et d’augmenter la capacité d’opération avec des équipes qui soient au niveau de celles des pays voisins. Selon les vidéos publicitaires, cette nouvelle doctrine envisage quatre sortes d’opérations : offensives, défensives, de stabilité et de soutien à l’autorité civile pour intégrer « ses actions dans celles des associés de l’action unifiée, conjointe, inter-agencée et multinationale » pour apprendre aux militaires colombiens à utiliser des termes et des symboles qui permettent des inter-opérations « dont le but est que l’armée conduise des opérations militaires unifiées (OTU) à l’intérieur du pays et au niveau régional et mondial ».

La référence faite par les généraux colombiens dans ces documents à une éventuelle action de Daesh en Amérique Latine inquiète aussi. La question piège est de savoir s’il s’agit d’une crainte, d’une annonce, d’une menace ou d’une confession anticipée.

 

Une armée au service de qui ?

 

Avec le discours habituel de ceux qui proposent ce nouveau plan, ils cherchent à décourager toute analyse critique en invoquant la neutralité et l’objectivité et de la science pourtant si manipulée. « Cette doctrine n’est pas politique. Ce n’est pas le Nord contre le Sud, l’Orient contre l’Occident ou le Communisme contre le Capitalisme. Elle est seulement militaire. »

Déjà, depuis 1982, l’armée colombienne est présente sur la péninsule du Sinaï en tant que membre d’une armée « de paix. » Cette même notion de « paix » qui a donné le Prix Nobel à Obama et à Santos conçoit « l’armée du futur. » Le plus grand expert latino-américain en guerre asymétrique se prépare à des missions hors de la Colombie, sur le continent latino-américain, américain ou sous d’autres latitudes, à des actions inter-agencées et multinationales. La Doctrine Damas, avec ses aspirations internationales, fait que l’armée de Colombie risque de se transformer en armée mercenaire.

La nouvelle doctrine militaire de l’Armée Nationale de Colombie s’est donné un délai de 4 ans pour former toutes ses troupes. Ces 4 ans s’achèveront en 2020, c’est à dire dans plus de 2 ans. Cela nous ramène à la question initiale de Britto García, mais maintenant avec de nouveaux arguments : que se passera-t-il quand, ce délai achevé, le Gouvernement colombien considérera que toutes ses forces se sont mises en accord avec sa nouvelle doctrine et sont prêtes à agir ? Le Venezuela est-il dans la ligne de mire ?

 

Traduit de l’espagnol par Françoise Lopez pour Bolivar Infos, relu par Investig’Action.

 

Source : Mision Verdad , juillet 2017

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