Un livre pour mieux comprendre Cuba

Au fil des conversations qui forment une unité, le livre de Salim Lamrani suscite le débat sur l’histoire, l’actualité et l’avenir de l’île. En dix entretiens, l’universitaire et journaliste évoque dans « parole à la défense ! » les grands débats qui traversent la société cubaine.

Docteur en études ibériques et latino-américaines de l’Université Paris-Sorbonne et maître de conférence à celle de La Réunion, Salim Lamrani s’est spécialisé sur Cuba et notamment les relations de l’île avec les Etats-Unis. Dans ses divers ouvrages, l’auteur assume une pensée à contre-courant des regards ou des discours sur Cuba. Salim Lamrani ne déroge pas à la règle dans « Cuba : parole à la défense ! » publié aux éditions Estrella et préfacé par le député communiste André Chassaigne, président du groupe d’amitié France-Cuba à l’Assemblée nationale.

Choix a été fait de donner la parole, à travers dix entretiens à des personnalités qui font, vivent, connaissent, approchent Cuba. L’aiment. Des journalistes, hommes et femmes politiques, intellectuels, diplomates… prêts à répondre à des questions que beaucoup se posent.

« Malgré son indéniable statut de victime assiégée par la grande puissance étasunienne aux prétentions hégémoniques qui refuse d’accepter la réalité d’une Cuba souveraine et libre de choisir sa propre destinée, cette nation se retrouve régulièrement sur le banc des accusés » déplore Salim Lamrani. « La rhétorique ressassée à son encontre par les grandes puissances occidentales et leurs relais médiatiques opposés au processus révolutionnaire est connue ».

Société socialiste dans un monde globalisé, système à parti unique, droits de l’homme… Cuba est régulièrement attaquée sur plusieurs de ses particularités sociales, politiques et sociétales. En revanche, « Cuba est systématiquement privée de son droit de répondre aux attaques, de répondre aux arguments et d’exprimer sa vérité » soulève l’auteur.

Dès qu’il s’agit d’aborder la question cubaine, en effet, plateau télé et colonnes sont occupés par des « opposants » de l’extérieur au discours souvent connu d’avance et parfois si épris de certitudes qu’ils en viennent à minimiser voire nier des faits pourtant indiscutables, tels la politique agressive des Etats-Unis, illustrée par le blocus ou les succès dans les domaines de la santé, l’éducation, l’accès à la culture, etc.

L’ouvrage ne souhaite pas monter Cuba comme un paradis, là où d’autres le dépeignent tel un enfer. Il interroge et laisse la place aux réponses. Sans interprétation. Il débute par un entretien avec Mariella Castro, certes « fille de » Raul Castro, mais surtout investie dans la cause pour l’égalité des droits entre les sexes. La conversation n’élude pas les heures sombres de la place des minorités sexuelles dans la société du début de la Révolution. « Il est curieux que le processus émancipateur de la Révolution cubaine qui revendiquait dans son programme la lutte contre les inégalités, les différentes formes de discrimination contre les femmes, le racisme, et qui tentait d’éliminer les injustices (…) ne se soit pas intéressé au sort des homosexuels et ne les ait pas considérés comme étant victimes de discriminations » répond-t-elle tout en soulignant aujourd’hui les avancées. « Il existe un consensus au sein de la société cubaine pour considérer l’homophobie et la transphobie comme étant des formes de discriminations qui ne sont pas cohérentes avec le projet émancipateur de la Révolution ».

Cette conversation, argumentée, allant au-delà du prêt-à-penser, est à l’image de l’ensemble du livre où l’on retrouve tour à tour l’ancien ministre Ricardo Alarcon sur la question du pouvoir, des institutions cubaines, de l’opposition ; Max Lesnik, ancien compagnon de lutte de Fidel Castro ayant quitté l’île pour Miami quand la Révolution a adopté son caractère socialiste ; l’intellectuel Miguel Barnet qui évoque les liens entre culture et socialisme…

On y trouve également des témoignages d’étrangers ayant eu ou ayant toujours un lien avec l’île. Wayne Smith, un temps dernier diplomate américain ayant oeuvré sur l’île (avant le retour d’une Ambassade en 2015) explique les liens entre les deux pays. Jean-Pierre Bel, ancien président (PS) du Sénat et conseiller du président François Hollande sur les questions latino-américaines souligne, lui, les liens historiques, culturels et économiques entre l’Hexagone et la perle des Caraïbes. Quant à Alvaro Colom, ancien président du Guatemala (2008-2012), il traite de la place de Cuba dans l’espace latino-américain et des relations tissées avec l’ensemble des nations du continent. Une manière de rompre avec le discours ambiant et de souligner une différence de perception vis-à-vis de Cuba selon qu’elle provienne de pays du Nord ou du Sud. Bien loin de l’image d’une île fermée sur elle-même. Sébastien Madau

Cuba, parole à la défense ! Paris, Editions Estrella, 2015 20€ Ouvrage disponible en librairie. Pour les copies dédicacées et commandes, contacter Salim Lamrani : lamranisalim@yahoo.fr

 

Source: Investig’Action

 

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