Trump est le symptôme, pas la maladie

Les Etats-Unis traverseraient une crise sans précédent depuis l’élection de Donald Trump. En réalité, la crise dure depuis plus de quarante ans et Trump n’en est qu’un symptôme. Comme l’explique Chris Hedges, les forces racistes, violentes et despotiques ont toujours fait partie du paysage américain et ont souvent été tolérées et renforcées par l’État pour persécuter les noirs pauvres et les dissidents. Mumia Abu-Jamal en sait quelque chose et apporte son témoignage éclairant sur le cirque en cours.


Oubliez le limogeage de James Comey. Oubliez la paralysie du Congrès. Oubliez l’idiotie d’une presse qui relate notre chute dans la tyrannie comme s’il s’agissait d’un concours sportif entre les Républicains et les Démocrates, tous deux liés au monde des affaires, ou un reality-show mettant en vedette notre président délirant et les crétins qui l’entourent. Oubliez le bruit. Les politiciens qui dirigent notre gouvernement dysfonctionnel n’incarnent en rien la crise que nous traversons. Elle est le résultat d’un coup d’État institutionnel qui s’est produit au ralenti pendant quatre décennies, qui a rendu le citoyen impuissant, qui nous a laissés sans aucune institution démocratique authentique et qui a donné un pouvoir total aux entreprises et aux militaires. Cette crise a engendré un système électoral où la corruption est légale, et elle a donné le pouvoir aux personnalités en vue qui maîtrisent les arts du divertissement et de l’artifice. Si nous ne renversons pas les forces néolibérales du monde des affaires qui ont détruit notre démocratie, nous continuerons à régurgiter toujours plus de monstruosités aussi dangereuses que Donald Trump. Trump est le symptôme, pas la maladie.

Notre chute dans le despotisme a commencé avec le pardon de Richard Nixon, dont les crimes, susceptibles de mener à la destitution, sont maintenant légaux, ainsi qu’avec les attaques extra-judiciaires, comme les assassinats ciblés et l’emprisonnement, menées contre des dissidents et des extrémistes, particulièrement les extrémistes noirs. Cela a commencé avec les fondations et les organisations financées par les grandes entreprises qui ont pris le contrôle de la presse, de la justice, des universités, de la recherche scientifique et des deux principaux partis. Cela a commencé avec le pouvoir donné à une police militarisée de tuer des citoyens désarmés, et l’inflation de notre horrible système d’incarcération de masse et de peine de mort. Cela a commencé avec le détricotage de nos droits constitutionnels les plus basiques – l’intimité, les procédures judiciaires légales, l’habeas corpus, des élections sans fraude et une opposition respectée. Cela a commencé quand d’importantes ressources financières ont été employées par des acteurs politiques tel que Roger Stone, un proche conseiller de Donald Trump, pour créer des publicités politiques non constructives et des histoires fausses destinées à tromper le public, métamorphosant les débats politiques en une parodie. Nous avons perdu sur tous ces fronts. Nous sommes pris au piège comme des rats dans une cage. Un imbécile narcissique peut envoyer ou couper des décharges électriques, mais le problème réside dans le lien de l’État avec les grandes entreprises, et tant que nous ne l’aurons pas démantelé, nous serons condamnés.

Le plus célèbre prisonnier politique en Amérique, Mumia Abu-Jamal m’a dit la semaine dernière par téléphone de la prison de Frackville en Pennsylvannie où il est incarcéré : « Ce dont a absolument besoin l’État, c’est l’illusion de la normalité, de la légalité […]. À Rome, les empereurs avaient besoin de pain et de jeux. En Amérique, nous avons besoin des « Housewives of Atlanta ». Nous avons besoin du sport. D’histoires vertueuses de bons flics et de vilains criminels. Parce que une fois que vous avez cela… il n’y a aucune pensée critique en Amérique de nos jours. Nous avons [uniquement] de l’émotionnel. Lorsque je vois quelqu’un qui est diabolisé, je peux tout lui faire [à lui ou à elle]. Je peux tout lui faire. C’est comme ça que l’État fonctionne, en diabolisant des personnes et en les confinant dans des endroits où ils sont pratiquement invisibles. »

Il a continué en disant : « Telle est la réalité. L’Amérique n’a jamais pu faire face à ce que nombre d’universitaires et de penseurs nomment le péché originel. C’est parce que ce dernier est toujours présent. Ce pays se vante d’avoir été fondé sur le principe de la liberté. Il a été fondé sur l’esclavage. Il a été fondé sur un holocauste. Il a été fondé sur un génocide. Après l’abolition de l’esclavage, après que la constitution a été réécrite et amendée, nous avons eu les amendements de reconstruction, les treizième, quatorzième et quinzième amendements. Mais qu’a fait le Sud ? Ils les a ignorés pendant un siècle. »

« Il a fallu attendre les années 60 pour voir cette éclosion profonde, féconde de personnes luttant pour des droits qui avaient été entérinés dans la Constitution un siècle auparavant [entre 1865 et 1870] », m’a-t-il dit. « C’est parce que chaque état du Sud et beaucoup de ceux du Nord avaient la possibilité de faire des exceptions à la Constitution lorsqu’il s’agissait des noirs. Nous avons appris que ce n’était pas seulement une réalité sudiste. Vous ne pouvez pas parler de l’AEDPA, la loi anti-terroriste et de peine de mort effective de 1996 [Antiterrorism and Effective Death Penalty Act of 1996] à moins que vous n’ayez le même état d’esprit qui a fait de la Constitution un document exceptionnel. »

Les forces racistes, violentes et despotiques ont toujours fait partie du paysage américain et ont souvent été tolérées et renforcées par l’État pour persécuter les noirs pauvres et les dissidents. Le pouvoir absolu est refusé à ces forces tant qu’une majorité de citoyens a la parole au sujet de leur propre gouvernance. Les élites du monde des affaires, cependant, effrayées par ce que le politologue Samuel Huttington a appelé un « excès de démocratie », concept dont l’origine remonte aux années 60, ont méthodiquement détruit l’édifice démocratique. Elles ont empêché les citoyens de participer au gouvernement. Et ainsi, elles se sont assurées que le pouvoir basculerait entre les mains des ennemis de la société ouverte. Quand les institutions démocratiques cessent de fonctionner, quand le consentement des gouvernés devient une farce, les despotes, les manipulateurs, les excentriques, les théoriciens de la conspiration, les escrocs, les généraux, les milliardaires et les proto-facistes occupent le vide politique. Ils laissent libre cours à la frustration et à la colère populaires tout en donnant à l’État les armes pour faire à la majorité ce qu’il a longtemps fait à la minorité. Cette histoire est aussi vieille que la civilisation. Elle s’est déroulée dans la Grèce et la Rome antiques, l’Union soviétique, l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste et l’ex-Yougoslavie.

Trump, grave embarras pour l’État corporatiste et les organes de sécurité intérieure, peut être destitué de la présidence, mais une telle révolution de palais ne ferait que consolider encore davantage le pouvoir de l’État profond, et intensifierait les mesures internes de répression. Des millions de personnes, les sans-papiers, les condamnés pour crime, les prisonniers dans des cages, les personnes de couleur qui vivent dans la pauvreté, ont déjà été dépouillés de leurs droits et certains ont même été assassinés systématiquement par la police. La réalité d’une terreur quotidienne de l’État à l’encontre de ces minorités, à moins que ce processus de pillage institutionnel ne s’interrompe, s’étendra et deviendra normal avec ou sans Trump.

Le livre de Abu-Jamal « En direct du couloir de la mort (Live From Death Row) », raconte sa protestation lors d’un rassemblement tenu en 1968 à Philadelphie par le ségrégationniste George Wallace pendant l’une des campagnes du gouverneur de l’Alabama pour l’investiture démocrate à l’élection présidentielle. C’est un rappel de ce que le racisme de Trump et l’appétit de violence font depuis longtemps partie du caractère américain.

Abu-Jamal évoque ce rassemblement auquel il a assisté avec trois autres adolescents noirs :

« Nous devions être fous. Nous nous sommes promenés dans le stade, quatre haricots noirs dégingandés dans un pot de fayots blancs surchauffés. La fanfare a joué « Dixie ». Nous avons crié, « Black Power, Ungowa, le pouvoir aux Noirs ! » Ils ont crié, « Wallace Président ! Le Pouvoir aux Blancs ! » Et « Renvoyez ces nègres en Afrique ! » Nous avons crié, « Black power, Ungowa! » (Ne me demandez pas ce que signifie « Ungowa ». Nous ne savions pas. Tout ce que nous savions, c’est que ça provoquait une sacrée réaction) « Le Pouvoir aux Noirs ! » Ils ont sifflé et hué. Nous nous sommes levés de nos sièges et nous avons fièrement fait le salut du Black Power. En réponse, nous avons reçu le cadeau douteux des crachats des gens des sièges au-dessus. Des patriotes ont arraché de leur mât les drapeaux américains et nous ont balancé les mâts. Wallace, entouré de rugissements approbatifs, a redoublé d’éloquence. « Quand je serai président, ces radicaux sales et mal torchés devront passer en Union Sovi-èè-tique ! Vous savez, tout au long de cette campagne, ces extrémistes ont manifesté contre George Corley Wallace. Eh bien, j’espère qu’ils auront l’estomac de se coucher devant ma voiture. Je leur passerai direct dessus ! » La foule est devenue survoltée. »

« Des policiers et d’autres membres de la sécurité sont arrivés, m’a raconté Abu-Jamal à propos de l’épisode. Ils nous ont escortés. Nous pensions hey, nous nous sommes bien amusés. Nos voix ont été entendues. Nous sommes allés à l’arrêt de bus. Et deux ou trois d’entre nous étaient montés dans le bus. Un jeune homme nommé Alvin et un jeune homme nommé Eddie. J’étais généralement le plus lent, alors j’étais derrière eux. Un mec s’est approché et m’a frappé avec une matraque. Il m’a jeté à terre. Il a sorti Eddie et Alvin du bus. On a reçu des coups de pied au cul. Il ne nous est pas venu à l’esprit que c’étaient des flics. Ils ne peuvent pas juste s’amener et nous tabasser [que je pensais]. »

« Je me souviens d’avoir vu passer la jambe d’un policier », m’a-t-il dit. « J’ai crié au secours ! Au secours, police ! » Le gars m’a regardé. M’a regardé d’en haut. Il s’est approché et m’a donné un coup de pied en plein dans la figure. Alors, j’ai soudain compris que tous ces gars étaient des flics. C’était un petit aperçu de [ce qui se passerait plus tard à] Philadelphie. Un prélude aux traumatismes. Nous le voyons aujourd’hui. Je peux entendre Trump dire : « Flanquez leur une bonne raclée ! » C’est comme dans le temps. Ce n’étaient pas des jours heureux. C’étaient des jours moches. Et le jour moche, c’est aujourd’hui aussi. »

« Depuis lors, j’ai été reconnaissant à ce flic sans visage », écrit Abu-Jamal au sujet de cette agression, « car il m’a envoyé directement chez les Black Panthers ».

L’expérience de Abu-Jamal incarne le racisme endémique et l’effondrement du système de justice américain qui conduit directement de jeunes hommes et femmes noirs en prison et dans le couloir de la mort. Le Bureau Fédéral d’Investigation l’a placé sous surveillance quand il avait 15 ans. Son dossier au FBI est épais, 700 pages. Son crime était d’être un dissident. Il a été suivi, embarqué au hasard pour être interrogé, menacé.

« Un jour où je je me rendais au travail, écrit-il, je suis passé près d’une voiture de flics roulant au ralenti. J’ai jeté un coup d’œil au conducteur – blanc, avec des cheveux bruns, et portant des lunettes noires. Il a « souri », a sorti une main par la fenêtre, et a pointé un doigt vers moi, le pouce recourbé comme sur le chien d’un revolver : bang-bang-bang- son doigt a sauté comme sous l’effet du recul, et le flic a soufflé à la façon d’un cow-boy sur l’arme imaginaire avant de la remettre dans un étui tout aussi imaginaire. Lui et son collègue ont rigolé. Et la voiture a accéléré. »

Pendant les années 1960 et 1970, il y a eu une guerre contre les extrémistes noirs, avec l’assassinat par le FBI de dirigeants tels que Fred Hampton. Cette guerre contre les extrémistes, la prétendue bataille pour « la Loi et l’Ordre » du président Nixon, a placé la police, le FBI et les autres organes de sécurité intérieure en dehors du périmètre de la loi. Leur pouvoir n’a fait que se développer depuis. Nous sommes tous sous la surveillance de l’État. Et nous pouvons tous devenir des victimes si l’État nous considère comme une menace. La perte du contrôle citoyen, ainsi que le manque de transparence, sont inquiétants.

Abu-Jamal a été reconnu coupable en 1981 du meurtre de Daniel Faulkner, un policier blanc de Philadelphie. Son procès a été un simulacre. Il y a eu des fausses preuves, des témoins de la défense refoulés, des témoins à charge qui contredisaient leur témoignage antérieur, un avocat commis d’office, comme souvent dans ce système, à qui on avait attribué peu de fonds et qui avait peu envie de défendre son client, une série de décisions juridiques inconstitutionnelles prises par un juge pour condamner le prévenu. Terri Maurer-Carter, sténographe au procès, a depuis signé un affidavit affirmant que pendant le procès, elle a entendu le juge Albert F. Sabo dire d’Abu-Jamal : « Ouais, je vais les aider à frire le nègre ». Sabo, pendant la durée de sa magistrature, a envoyé 31 personnes dans le couloir de la mort, plus que tout autre juge de Pennsylvanie. Abu-Jamal, qui a grandi dans les cités du nord de Philadelphie, est en prison pour nos péchés.

En 1977, Abu-Jamal, ébranlé par les querelles internes qui déchiraient les Black Panthers, avait développé une relation étroite avec les membres de l’organisation MOVE de Philadelphie. Les membres de MOVE vivaient en communauté, prêchaient le radicalisme tiers-mondiste, mangeaient des aliments naturels et dénonçaient les leaders noirs établis comme des marionnettes des blancs, des élites capitalistes dominantes.

La police de Philadelphie, qui a constamment harcelé le groupe, a assiégé l’immeuble de MOVE à partir de la fin de 1977. Le 7 août 1978, une bataille armée a éclaté entre les personnes de l’immeuble et la police à l’extérieur. Un policier a été tué. Delbert Africa, membre de MOVE, a été sauvagement battu devant les caméras de télévision. Neuf membres de MOVE allaient être accusés de meurtre. Le procès, comme celui d’Abu-Jamal quatre ans plus tard, était une farce. Il était clair, comme l’a écrit Abu-Jamal à propos du lynchage légal des membres de MOVE, que « la loi n’avait pas d’importance ». Deux des neuf personnes inculpées, Merle et Phil Africa, sont morts en prison. Les sept autres membres de MOVE restent, comme Abu-Jamal, enfermés et leur libération est refusée par les commissions de libération conditionnelle. Abu-Jamal a été laissé en vie sans libération conditionnelle après avoir été sorti du couloir de la mort par les tribunaux.

La police de Philadelphie et le FBI étaient déterminés à extirper de la ville ce qui restait de MOVE et à le faire avec assez de brutalité pour décourager tous autres extrémistes noirs de s’organiser.

« Le 12 mai [date à laquelle ont commencé les deux jours d’assaut ], un dimanche, le jour de la Fête des Mères de 1985, notre maison a été entourée par des centaines et des centaines de policiers qui sont venus pour tuer non pas en raison de plaintes de voisins mais à cause de notre lutte sans relâche pour nos frères et sœurs du MOVE, connue sous le nom de MOVE 9 », m’a raconté Ramona Africa que j’ai interviewée la semaine dernière. (Les autorités, en guise de justification pour agir contre le MOVE, ont cité entre autres des plaintes du voisinage concernant les activités et les conditions de vie dans l’immeuble) « Nous avons été attaqués et arrêtés en 1978. Trente-neuf ans plus tard, en ce mois d’août, ils sont encore en prison. Ils sont devenus éligibles à la libération conditionnelle en 2008. La commission des libérations conditionnelles refuse juste de les libérer ». [L’interview de Chris Hedges avec Ramona Africa commence à 11 minutes dans la vidéo.]

« Ce que les gens ont vraiment besoin de comprendre, c’est qu’ils sont allés là-bas [en 1985] pour tuer, et non pour arrêter », a-t-elle déclaré. « Ils auraient pu procéder à des arrestations à tout moment. Ils ne sont pas du tout venus à cause d’une plainte des voisins. Ceux qui dirigent ce pays, tout ce système mondial, ne se sont jamais préoccupés de Noirs se plaignant de leurs voisins. Cela n’a jamais été un problème. Manifestement, c’était pour autre chose. C’était pour notre lutte sans relâche pour les membres de notre famille qui sont encore en prison. Ils ont tiré plus de 10 000 balles sur nous en 90 minutes. Ils ont lâché une bombe. »

La bombe a déclenché un incendie qui a détruit un immeuble de 61 appartements.

« Les pompiers, qui étaient là-bas dès le début, ont immédiatement compris qu’il y avait un incendie sur notre toit », a-t-elle déclaré. « La décision consciente a été prise de ne pas combattre le feu. De laisser brûler. Lorsque nous avons réalisé que notre maison était en feu, nous avons immédiatement essayé de sortir nos enfants, nos animaux et nous-mêmes de cet enfer de flammes. À l’instant où les flics nous ont vus, nous nous sommes heurtés à un tir de barrage de la police qui nous empêchait d’échapper au feu. Après plusieurs tentatives pour sortir, je suis sortie en premier. J’ai pu attraper un de nos enfants, un petit garçon nommé Birdie. Nous avons immédiatement été placés en garde à vue. Je cherche le reste de ma famille. Essayant de voir si je pouvais voir quelqu’un d’autre. C’est un peu après qu’ils nous ont mis en garde à vue que j’ai découvert que personne d’autre [dans le groupe MOVE] n’avait survécu ».

Onze membres de MOVE, y compris le fondateur du groupe, John Africa et cinq enfants, ont été tués dans l’assaut de la police.

« Les gens qui ont tué ma famille n’ont jamais été accusés, jamais poursuivis, jamais emprisonnés pour quoi que ce soit », a-t-elle déclaré. « Pendant ce temps, du début à la fin, mes neuf sœurs et frères du MOVE [condamnés pour la fusillade de 1978], Mumia Abu-Jamal, Leonard Peltier [un activiste amérindien emprisonné pour meurtre dans le Dakota du Sud], sont restés en prison sous accusation de meurtre. »

Abu-Jamal écrit: « Le 13 mai 1985 est plus qu’un jour d’infamie, le jour où une ville a mené une guerre contre ceux qu’elle prétendait être ses citoyens, mais aussi où elle a commis un massacre et l’a fait dans la plus parfaite impunité ; où des bébés ont été abattus et brûlés vifs avec leurs mères et leurs pères ; où les tueurs ont été récompensés par des honneurs et des pensions, pendant que les politiciens parlaient et les médias médiatisaient le meurtre de masse. Ce jour-là, la ville, armée et soutenue par le gouvernement des États-Unis, a lâché une bombe sur une maison et a appelé cela « la Loi ». Les pompiers ont regardé les bâtiments s’embraser comme des allumettes dans le désert et ont coupé l’eau. Nos tribunaux ont détourné le regard, ont scellé leurs orbites avec de la boue, et ont poursuivi Ramona Africa pour avoir eu le courage de survivre à un holocauste urbain, l’emprisonnant pour le crime de n’avoir pas brûlé à mort. Onze hommes, femmes et enfants sont morts, et aucun des tueurs n’a été accusé du moindre délit. »

Ramona Africa, accusée d’émeutes, a passé sept ans en prison.

[Pour une vidéo de 69 secondes montrant l’explosion de la bombe sur le toit de l’immeuble de Philadelphie en 1985, cliquez ici. Pour un documentaire de 56 minutes sur l’assaut de l’immeuble et ses circonstances, cliquez ici.]

Notre incapacité à défendre ceux qui sont diabolisés et persécutés nous laisse tous diabolisés et persécutés. Notre incapacité à exiger justice pour tout le monde nous laisse tous sans justice. Notre incapacité à stopper l’écrasement des mouvements populaires qui se mettent explicitement du côté des opprimés nous laisse tous opprimés. Notre incapacité à protéger notre démocratie nous laisse sans démocratie. La persécution de Mumia Abu-Jamal, des membres de MOVE et tous les extrémistes durant quatre décennies ne sont pas une histoire ancienne. C’est la genèse du présent. Elle a engendré le coup d’État et le mécanisme de la terreur d’État. Nous allons payer pour notre complaisance.

 

Source: Les Crises

Illustration: Mr. Fish

 

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