Réflexions après l’élection présidentielle du 19 novembre 2017 au Chili

Le premier tour de l’élection présidentielle au Chili a montré un déplacement à gauche de la société chilienne, démentant au passage l’opinion des analystes qui déclaraient comme étant inéluctable la restauration conservatrice de la région.

 

De l’élection présidentielle du 19 novembre qui a vu s’opposer deux méthodes de campagne, on peut tirer un enseignement. Le candidat de droite S. Piñera a basé toute sa campagne sur les moyens matériels. Effectivement, en plus de la presse écrite dans son ensemble et de bien d’autres moyens de communication, media et sondages notamment, sa candidature a profité de plus de 55 % des ressources financières engagées dans cette élection, ce qui lui a permis d’investir dans une propagande «industrielle» et massive.

En revanche le candidat indépendant A. Guillier, devant le refus de crédit de la part des banques (qui ont été, par contre, très généreuses envers les candidats Piñera et Sanchez), a pris la décision de faire une campagne à l’ancienne. Plusieurs week-ends d’affilée, des dizaines de milliers de bénévoles soutenant sa candidature ont sillonné rues, quartiers et marchés pour développer un contact proche et personnel. Procédé déjà employé avec succès au moment de l’inscription de la candidature indépendante de A. Guillier. En effet, il fallait réunir au minimum 33.000 signatures de non adhérents à un parti politique, et l’action militante quotidienne, populaire et de proximité a contribué à recueillir presque le double du nombre requis.

Et cette élection soulève plusieurs interrogations.

Tous les observateurs s’entendent pour déclarer que tous les instituts de sondage ont failli. Bien que les résultats relatifs aux trois premières places aient été bien prévus, la moitié des pourcentages qu’ils ont donnés s’est avérée erronée, et de manière significative. Ça a été notamment le cas pour les candidatures de Piñera, Sanchez, Kast et Goic.

Le candidat de droite, Piñera, a vu ses résultats à la baisse de près de dix points. Le même écart, mais en sens inverse, s’est produit avec la candidate du Frente Amplio (FA), B. Sanchez. Aussi bien Kast que Goic ont réalisé des scores plus importants que prévu par les enquêtes d’opinion.

L’ensemble des commentateurs, observateurs, spécialistes, envoyés spéciaux français au Chili compris, ont vu leurs prévisions complétement démenties par les résultats. Ce « phénomène » révèle que les politologues, en reproduisant sans réserve ni nuance les résultats des sondages, ont dévoilé leur carence d’analyse de fond. Sans parler des intentions partisanes inavouables de certains de ces analystes.

Aujourd’hui on assiste à des mea culpa publics de la part de certains pronostiqueurs qui, sans le moindre scrupule ont appuyé leurs « analyses » sur les résultats de sondages en vérité peu fiables. Malgré ces aveux la cote de prestige de certains de ces « spécialistes » n’est pas près d’être revue à la hausse. D’après le Collège des Journalistes on est en présence d’une collusion « perverse entre les enquêtes d’opinion et les moyens de communication » ayant pour objectif de déformer la réalité pour influencer le choix des électeurs.

A l’issue du premier tour, les résultats ont fait souffler un vent de doute et d’angoisse dans le camp de Piñera et ont injecté une forte dose d’espoir dans le camp adverse. En effet, si des candidats proches de Guillier – M. Enrique-Ominami, Goic -, ont déjà annoncé leur appui, le Frente Amplio a prévu de consulter ses adhérents par référendum le 29 novembre quant à l’attitude à adopter. Des négociations programmatiques sont possibles, néanmoins seulement après le référendum. Mais même si ses résultats sont défavorables à un appui à Guillier, beaucoup d’électeurs opteront pour le candidat réformateur.

Si l’on procède à l’addition des pourcentages obtenus par les candidats, on peut s’attendre à un résultat assez serré le 17 décembre. Cependant, même si la participation est souvent moindre au deuxième tour, on peut présager, avant même que les fameux sondages ne commencent à opérer, que le candidat de centre-gauche l’emportera facilement.

 

 

Les électeurs du Frente Amplio, indépendamment de l’opinion de certains dirigeants de ce conglomérat, devraient avoir assez de lucidité pour barrer la route à la droite – les déclarations de quelques-uns des responsables le laissent espérer -, d’autant plus que des représentants du Front ont fait une entrée massive à la chambre des députés. Déjà, le maire de Valparaiso l’a dit : « Beaucoup de gens qui ont voté pour le Frente Amplio vont voter contre Piñera et non pas pour Guillier ».

La tâche législative et l’efficacité des élus du Frente Amplio ne seront pas les mêmes si le prochain chef de l’Etat a pour mission d’accentuer les transformations amorcées par l’actuel gouvernement, que si le nouvel occupant de la Casa de la Moneda (palais présidentiel de Santiago) s’attache à faire marche arrière sur toutes ces mesures.

L’élection de dimanche a montré un déplacement à gauche de la société chilienne, démentant au passage l’opinion des analystes qui déclaraient inéluctable la restauration conservatrice de la région. Tous les Chiliens ayant choisi l’une des six candidatures de progrès ont maintenant la responsabilité de bloquer l’arrivée au gouvernement de la droite pour faciliter la poursuite du processus de démocratisation initié dans le pays.
 

Source : Le Journal de Notre Amérique

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