Pourquoi est-il important d’avoir conquis Miranda ?

Miranda, un état stratégique aux mains de l’opposition pendant très longtemps, a maintenant pour gouverneur Héctor Rodríguez du Parti Socialiste Uni Vénézuélien (PSUV).

 

Henrique Capriles Radonsky, dirigeant de Primero Justicia (PJ), a été gouverneur de l’état de Miranda pendant 2 périodes consécutives (2008-2012, 2012-2017). Pendant cette période, les autorités régionales ont fait preuve de négligence et les foyers de violence ont augmenté et se sont étendus durant les élections et les moments de tension politique.  

Cet Etat est stratégique pour la stabilité générale de la région centre-nord du Venezuela car c’est le point par lequel circulent quotidiennement les marchandises et les personnes qui vont de l’est à l’ouest et vice-versa. Des millions de personnes y vivent et y cohabitent et il représente un axe fondamental dans le domaine politique et juridique à cause de la proximité du district de la Capitale où sont réunis les sièges des pouvoirs publics vénézuéliens.

En termes de sécurité nationale, de stabilité économique et de rentabilité politique, la signification de la récupération de Miranda par le chavisme est extrêmement importante. Nous allons voir pourquoi.

 

La vie géoéconomique et la superficie

 

Miranda est traditionnellement un pôle économique très important surtout dans le domaine de l’agriculture, de l’industrie et du tourisme. Au nord, entre les montagnes (comme El Hatillo) et les côtes des Caraïbes comme celles de Barlovento, les visiteurs venus d’autres Etats ou de l’étranger affluent assez régulièrement. Là et vers l’ouest et le sud de l’Etat, les fermes, les grands potagers et les grands vergers fournissent les villes et les villages de l’état ainsi que Caracas et d’autres Etats voisins en cacao, fruits, fleurs,légumes divers et céréales par tonnes.

Les secteurs industriels de la manufacture sont concentrés dans les municipalités où la population est la plus pauvre ou dans celles où vit la classe moyenne basse, caractérisées par des quartiers populaires comme les « barrios » et des résidences qui n’ont rien d’opulent : par exemple, les municipalités de Sucre (Petare), Plaza (Guarenas), Guaicaipuro (Los Teques), Cristóbal Rojas (Charallave), Lander (Ocumare del Tuy). Précisément, c’est dans cette partie de Miranda que le chavisme a augmenté et que la majorité a élu Rodríguez gouverneur le 15 octobre dernier.

Le dernier recensement (2011) de l’Institut National des Statistiques (INE) enregistre un nombre d’habitants de plus de 2 600 000 et on estime qu’il y en aurait 3 millions en 2017. Miranda est l’état le plus peuplé du Venezuela, après Zulia.

Sur les 21 municipalités qui le composent, 4 appartiennent au District Métropolitain de Caracas: Baruta, Chacao, El Hatillo et Sucre. On appelle habituellement cet ensemble « l’Est de Caracas. » A Baruta, Chacao et El Hatillo résident les gens les plus riches non seulement de l’Etat mais aussi du pays et c’est ce bloc de la population qui, traditionnellement, d’un point de vue de classe, affronte les chavistes dont la majorité est pauvre ou appartient à la classe moyenne basse.

396 ans après sa fondation, la paroisse de Petare est la plus importante d’ Amérique Latine étant donnée la concentration de population du quartier du même nom. Comme tout « cordon de misère », comme on appelait les quartiers pendant les années où les paysans se déplaçaient vers les grandes villes (1960-1970), l’urbanisation de Petare a été caractérisée par l’installation, entre l’autoroute Francisco Fajardo et l’avenue Boyacá également appelée Côte Mille, de zones opulentes comme les Terrasses d’ Ávila, les centres résidentiels de Palo Verde et du fleuve Guaire, ce qui représente environ 70% du territoire de la municipalité de Sucre.

Petare elle-même est composée de 50 secteurs avec de hauts indices de violence criminelle, de gros problèmes dans les services publics et une population qui, selon l’INE, frôle les 400 000 habitants, c’est à dire environ 46% de la population de la municipalité de Sucre. D’autres estimations non officielles donnent à Petare une population de plus de 500 000 habitants, comprenant les gens non recensés parmi lesquels les étrangers, surtout des Colombiens, des Péruviens et des Chinois.

Beaucoup de reportages, la plupart prenant parti pour l’opposition, ont dépeint Petare comme un endroit malsain, ultra-violent et en font retomber la responsabilité essentiellement sur le Gouvernement national. Cependant, pendant que Carlos Ocariz était maire de la municipalité de Sucre (2008-2017) et Henrique Capriles gouverneur de Miranda, tous 2 dirigeants de PJ, les indices de délits ont grimpé de façon scandaleuse, une donnée que les médias anti-chavistes ne mentionnent pas.

L’importance de ce quartier ne réside pas seulement dans le nombre de ses habitants et dans la para-économie qui se développe en son sein ou dans la violence criminelle et même les illégalités organisées mais aussi dans sa domination stratégique sur le territoire puisqu’il représente le point le plus à l’est de Caracas et la principale issue vers Guarenas, Santa Lucía et l’est du pays.

 

Les relations de l’est et de l’ouest avec le nord du Venezuela

 

Comme Petare constitue un lien direct vers l’est du pays, la capitale de l’Etat de Miranda (Los Teques) en constitue un vers l’ouest. Des milliers de personnes circulent tous les jours sur les routes importantes de la région, entre les montagnes et sur les sentiers pour aller d’un côté à l’autre du Venezuela ou pour travailler dans les différents centres (commerciaux, industriels, agro-alimentaires, touristiques) qui constituent la vie économique de ce territoire.

L’Etat de Miranda est situé au centre-nord du pays, dans ce qu’on appelle la Région de la Capitale, limitée au nord par l’Etat de Vargas, le District de la Capitale et la Mer des Caraïbes (qui débouche sur l’Océan atlantique), à l’est par l’Etat d’Anzoátegui (maintenant aux mains du parti d’opposition AD), au sud par l’Etat de Guárico et au sud-ouest par l’Etat d’Aragua. Sa superficie est de 7 950 km². Il est très peuplé et traversé quotidiennement par les habitants de l’est.

Pour l’instant, il possède comme moyens de transport le Système Ferroviaire Central Ezequiel Zamora (Ligne Caracas-Cúa), le Metro de Los Teques (5 stations), des routes et les autoroutes Francisco Fajardo, Prados del Este et l’Avenue Boyacá (Côte Mille).

Les voies de communication ont été pensées pour le transport des marchandises et des personnes des villes et des villages de l’Etat de Miranda vers le centre urbain de Caracas où travaillent et font du commerce la plupart des habitants de Miranda.

Ces routes servent aussi de communication directe et relativement rapide entre les Etats voisins de Miranda et de Caracas. Cet élément est important pour comprendre la violence prouvée des bandes criminelles de paramilitaires démobilisées par l’Etat vénézuélien.

 

Les corridors paramilitaires et leurs relations avec des dirigeants de l’opposition à Miranda

 

La capture et le démantèlement de groupes, d’individus et de campements impliqués dans des activités criminelles par les corps de sécurité et du renseignement de l’État vénézuélien ont été la preuve la plus évidente de l’apparition de cette violence.

Même si les groupes criminels ont commencé à agir à cause d’une ingérence étrangère en 2002 dans l’Etat de Miranda, il a été facile aux bandes criminelles de s’installer et de s’étendre à cause du laisser-faire (et souvent de l’implication) complice de l’ex-gouverneur de PJ et d’autres membres de la direction de l’opposition.

Depuis 2005, le Ministère de l’Intérieur, de la Justice et de la Paix a dénoncé :

Gustavo González López, alors ministre, a dénoncé en mai 2015 que ceux qui ont financé la bande criminelle paramilitaire “Gamma” qui opérait à Dolorita, municipalité de Sucre, ont été identifiés. Le 8 mai, la bande a été démantelée. « Le para-militarisme a voulu apparaître comme une pègre ordinaire mais il n’en est rien » a déclaré le ministre. Il a ajouté que « le para-militarisme est, à la base, une organisation de l’élite économique, de l’élite financière, de l’élite politique, qui cherche à soutenir le pouvoir par n’importe quel moyen ou de n’importe quelle façon. »

L’assassin de Liana Hergueta, José Pérez Venta, qui fut aussi un militant de Volonté Populaire (VP), a admis en août 2015 avoir reçu un entraînement paramilitaire à Cúcuta (Colombia) sur les instructions d’Antonio Rivero. Henrique Capriles, alors gouverneur de Miranda, a été impliqué par ce même Pérez Venta dans des délits en territoire vénézuélien.

En octobre de cette année, González López a informé que 10 paramilitaires qui, d’après lui, faisaient partie d’une bande de trafiquants de drogues de la Colombie vers les îles des Caraïbes et l’Afrique, avaient été capturés dans une grange à los Valles del Tuy : « Les liens sont confirmés par les trafiquants de drogues arrêtés. »

González López a informé sur son compte Twitter en avril 2016 que les corps de sécurité de l’Etat ont débusqué et affronté des groupes qui conservaient des « campements de structure paramilitaire improvisés » dans les municipalités de Páez et d’Andrés Bello, à Barlovento.

En juillet 2016, González López a assuré que l’Etasunien Joshua Holt et sa compagne vénézuélienne dont l’appartement constituait une véritable planque d’armes militaires à fins privées, étaient en relations avec des acteurs qui ont impliqué le gouvernement de Miranda, alors aux mains de PJ. Mission Vérité a dit à ce moment-là : « (…) le rôle que joue l’opposition vénézuélienne dans cette infiltration d’agents des forces spéciales (comme Holt) a été révélé par le ministre González López suite à la perquisition des services de renseignement et des services de sécurité : « Selon les investigations, les 2 individus ont établi « une relation par internet étrange et suspecte. » Quelques mois plus tard, ils se sont rencontrés en personne en République Dominicaine et, 5 jours après l’arrivée du Nord-américain au Venezuela, ils se sont mariés à la paroisse Leoncio Martínez qui dépend de la Mairie de la municipalité de Sucre de l’état de Miranda gouverné par Carlos Ocariz du parti Primero Justicia. » Autre chose à souligner : Henrique Capriles Radonsky « gouverne » dans l’état de Miranda.

Et elle continue :

« L’enquête a montré que les règles administratives du mariage civil ont été violées. Les autorités de la municipalité de Sucre ont conclu l’union sans respecter ce qu’établissent le Code Civil vénézuélien et d’autres lois, » a révélé González López. La protection de la mairie de Sucre prouve la relation entre l’infiltration décrite dans la phase 3 du Manuel de la Guerre Non conventionnelle de l’Armée des Etats-Unis et les institutions dirigées par des membres de la MUD. Cette irrégularité a été décrite par le Ministre de l’Intérieur, de la Justice et de la Paix. »

Dans une conférence de presse, à propos de l’affaire Holt, González López avait décrit le para-militarisme au Venezuela comme suit : « Cette façon d’agir correspond à des activités propres à des bandes criminelles de paramilitaires qui s’installeraient en territoire vénézuélien avec la protection de secteurs de l’opposition dont la stratégie est d’amalgamer ces bandes à des organisations criminelles pour couvrir leurs actions terroristes. »

Sur base des informations obtenues, on peut dire qu’il y a eu des corridors dans les environs de Petare (La Dolorita, municipalité de Sucre) qui débouchent sur Barlovento, c’est-à-dire qui partent de l’est de Caracas pour arriver à l’est de l’Etat de Miranda et un autre qui avait comme point central los Valles del Tuy et débouchait au sud de Miranda. Tout cela entre les montagnes, les bras de fleuves et les installations agricoles : ce qu’on appelle les « chemins verts », loin de la présence de l’Etat mais proches des yeux des policiers municipaux et des policiers du gouvernement de l’Etat dirigé à l’époque par l’opposition la plus extrémiste, PJ et VP.

Il faut souligner aussi que, dans le corridor qui part du nord, de la municipalité de Sucre vers los Valles del Tuy débouche au sud et au sud-ouest ainsi que dans d’autres corridors qui ont déjà été démantelés par l’Etat vénézuélien, opéraient les bandes “d’El Juvenal” et “d’El Picure”, des individus qui se prennent pour des copies de Pablo Escobar à Guárico et à Aragua.

 

« L’Est de Caracas »: capitale de la révolution de couleur au Venezuela

 

En termes d’anti-politique, les manifestations violentes de l’anti-chavisme entre avril et juillet de cette année ont été l’apogée « naturelle » des expressions de l’opposition dans les zones les plus riches de l’Etat de Miranda. Dans les municipalités de Chacao, Baruta et Sucre, en plus des Hauts de Miranda (là où sont concentrées les classes hautes et moyennes) se sont déroulées les violences les plus extrêmes organisées par la table de l’Unité Démocratique (MUD). En laissant de côté les Etats frontaliers avec la Colombie.

Les marches, les protestations, les troubles, les attaques d’administrations de l’Etat, les sit-in, les barrages de rues, les sabotages de services publics, les tactiques parmi les plus violentes ont été utilisées pendant les trois mois en question par les révolutions de couleur pour conduire à une insurrection armée dans diverses municipalités de Miranda dont les habitants ont souvent été les otages.

Les classes les plus hautes de la société sont toujours les plus actives dans ce genre de manifestations, où que ce soit. Au Venezuela, ce sont les plus réactives, autant à ce que représente le chavisme en tant que culture radicale et politique qu’à ce que le gouvernement Bolivarien fait en dirigeant l’Etat.

Précisément, l’ex-gouverneur de Miranda, Henrique Capriles, représente ces classes qui ont manifesté violemment pendant ces mois du fait de son appartenance. L’opposition n’aurait pas connu les mêmes réussites s’il n’avait pas été gouverneur de l’Etat. De même qu’en 2014, au moment de la mise en place du plan « La Sortie » de Leopoldo López et de María Corina Machado.

Une preuve en est qu’avec le consentement des corps de police de ces municipalités, de connivence avec la Police de Miranda (Polimiranda), la violence dans les rues est partie du groupe d’opposition au gouvernement de l’Etat.

Auparavant, en mai 2016, la Police de Chacao (Polichacao) fut contrôlée par le Ministère de l’Intérieur, de la Justice et de la Paix à cause d’un réseau de tueurs à gages inséré dans ce corps et impliqué dans divers délits déjà jugés, y compris l’assassinat politique du journaliste chaviste Ricardo Durán. Des membres de la police identifiés comme ayant des liens avec l’opposition ont cependant soutenu les actes des mercenaires et des manifestants violents.

En juin de cette année, dans le cadre de cette révolution de couleur manquée qui a essayé d’organiser un coup d’Etat contre le Gouvernement du Président Nicolás Maduro et a même encouragé une intervention étrangère des Etats-Unis, le ministre Néstor Reverol a officialisé le contrôle de Polimiranda à cause de l’existence « d’éléments suffisamment convaincants qui impliquent la participation de fonctionnaires (de ce corps de police) à des violations des droits de l’homme et à des réseaux de délinquants. »

A son tour, la négligence du gouvernement de l’Etat concernant la stabilité et la sécurité des citoyens s’est exprimée dans l’inéligibilité de Capriles à des charges publiques pendant 15 ans pour irrégularités administratives.

Il faudrait relever les actions des gouverneurs et des maires de PJ, le travail que le fondateur de ce réseau, Julio Borges, a réalisé pour promouvoir les sanctions états-uniennes contre le Venezuela officialisant le blocus financier et menaçant gravement le cœur économique de notre pays. Avec l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), la stabilité politique a été retrouvée, mettant à mal le plan d’insurrection de l’anti-chavisme vénézuélien et international. Cela a eu pour conséquence l’organisation des élections régionales qui ont acté la défaite du candidat d’opposition Carlos Ocariz et la victoire du chaviste Héctor Rodríguez.

Avoir récupéré l’Etat de Miranda a été d’une importance capitale puisque celui-ci représente la sécurité et la stabilité en tant que projet historique dont la région a besoin pour le développement général du Venezuela. Dans le cas contraire, le chaos, le soi-disant effondrement de l’Etat et le putschisme ouvert seraient toujours en place dans le pays.

 

Traduit par Françoise López pour Bolivar Infos / Relecture par Investig’Action

Source : Misión Verdad

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