Pour une politique alternative, panafricaine et internationaliste

Progressivement, une ligne de fracture s’opère au sein même des bourgeoisies nationales des pays africains entre la nécessité de résister à la stratégie du chaos organisé par l’impérialisme et la soumission qui cultive l’illusion d’y échapper. Ce processus est en cours en Afrique qui va peu à peu différencier les Etats qui résistent et les Etats soumis.

Au Sénégal, on s’achemine vers la fusion de nos partis en décembre 2016 : MOOM SA REW – PASTEF – RND – TAXAW TEM – YOONU ASKAN WI. Ce processus de fusion commencé par Cellede Ferñent dans Yoonu Askan Wi est une inversion de la tragédie historique scissionniste qui a divisé la Gauche depuis le Manifeste du PAI en 1957 et a réduit successivement chacune de ses composantes en force d’appoint des libéraux et sociaux libéraux durant 3 décennies.

Il s’agit là d’une rupture fondamentale de paradigme qui s’opère dans un contexte de crise du système capitaliste remondialisé, de crise du système néocolonial mis en place par l’impérialisme pour réaménager le système colonial, de développement des contradictions internes qui révèlent la faillite de la mondialisation capitaliste et néocoloniale et de recherche des voies par le mouvement ouvrier et les peuples de sortie progressive du capitalisme et de l’oppression impérialiste.

De telles périodes historiques ont toujours été marquées par des questionnements, des tâtonnements dans la recherche, des expérimentations. Ce sont des moments pour à la fois revisiter le passé afin d’appréhender scientifiquement le présent et pour agir collectivement dans la perspective d’orienter les luttes de classes et des peuples vers un futur émancipateur.

La singularité actuelle est que les forces politiques qui sont confrontées à la tâche historique de combattre victorieusement le néocolonialisme émanent à la fois de la démarcation et de la rupture en cours au sein même des partis de la Gauche historique entre révolutionnaires et réformistes opportunistes et de la jeunesse radicale arrivée en politique en réaction aux effets des politiques libérales dictées par l’impérialisme aux classes et aux élites qui dirigent le système néocolonial.

Lier le passé au présent pour préparer l’avenir

La tentation est grande de “redécouvrir le feu” alors qu’il s’agit d’associer, de rassembler et de fusionner ceux et celles qui ont déjà “découvert le feu” et ceux et celles qui ont entamé le processus indépendant de “redécouverte du feu” au moment où les dirigeants de la Gauche historique ont jeté bas le flambeau de la lutte des classes pour s’engluer dans les ornières des travaux pratiques de la collaboration de classes et de la félonie antipatriotique.

Cette tentation est d’autant plus grande que l’impérialisme et les bourgeoisies néocoloniales ont accompagné la défaite du Mouvement Communiste International (MCI), du camp socialiste, de l’URSS minés par des décennies de révisionnisme et d’abandon de la lutte des classes par une offensive idéologique colossale. Pendant que l’impérialisme lui appliquait et applique toujours la lutte des classes contre le monde du travail et les peuples, il ne cesse de tendre le piège attrape-nigauds de la “fin des idéologies” et de la promotion de l’idéologie “économiste managériale”. La critique fort juste de la “mal gouvernance” n’est qu’un début et non la fin, la solution de la problématique des voies et moyens politiques de l’indépendance nationale et de la sortie du sous-développement.

Cette tentation piège trouve aussi ses sources dans:

  1. a) le repli national, voire nationaliste induit par la propagande impérialiste bourgeoise qui ne comporte qu’une demi-vérité sur “l’échec” des expériences révolutionnaires du XXème siècle;
  2. b) les menaces grandissantes de recolonisation, voire de désintégration des Etats-Nations nés des luttes pour l’indépendance du XIXème et XXème siècle;
  3. c) de ce fait le recul apparent des frontières de classes induit par la remontée en puissance de la question nationale alors que les bourgeoisies africaines font faillite dans leur projet indépendantiste;
  4. d) les grilles de lecture culturalistes et non de classe qui promeuvent “le choc, la guerre des races ou de civilisation” et induisent le refus de toute idéologie qualifiée étrangement “d’étrangère” quand il s’agit de l’idéologie de la classe ouvrière que l’on oppose à une soi-disant “idéologie africaine” qui ignore l’existence des classes sociales précoloniales et postcoloniales. La science est ici perçue comme la propriété des “Blancs”, des colons, des Occidentaux. Ce que n’ont fait ni les Chinois, ni les Vietnamiens, ni les Coréens, ni les Cubains, ni les expériences révolutionnaires en cours avec leurs difficultés à l’instar des pays de l’Alba. Bizarrement les tenants de cette supercherie idéologique n’appliquent jamais leur préceptes racialistes “d’idéologie africaine” à l’économie ou à la religion;
  5. e) la rupture, à partir des années 80, introduite par l’idéologie du libéralisme entre l’intelligentsia révolutionnaire, chargée d’apporter l’idéologie de classe, avec les classes sociales (ouvrières, paysannes);
  6. f) le rapport évolutif des forces conjoncturellement favorable à l’impérialisme et ses alliés de classe des bourgeoisies compradores (étatiques et privées) et des féodaux propriétaires terriens et marchands;
  7. g) l’abandon du travail idéologique, de l’étude scientifique de nos sociétés, des luttes de classes au plan national, africain et international sur la base du socialisme scientifique comme guide pour l’action de transformation révolutionnaire et de conquête du pouvoir par les classes exploitées et les peuples opprimés.

Il nous faut renouer avec l’étude critique scientifique sérieuse des expériences révolutionnaires internationales passées pour éclairer le présent, ce travail nécessaire doit aussi consister à revisiter l’œuvre de nos prédécesseurs africains (A. Cabral, K. Nkrumah, Cheikh A. Diop, T. Sankara, UPC, PAI, ANC, PCSA, etc.). Il nous faut cesser d’en faire éternellement le deuil.

Il ne s’agit pas non plus de ne faire que cela. Mais surtout d’apprendre à utiliser le scalpel du matérialisme dialectique et historique comme l’avaient entamé les anciens pour, à partir d’une critique scientifique du passé et d’une étude collective scientifique du présent, chercher et trouver les réponses aux questions fondamentales posées dans le cadre de l’association et l’unité des anciens et des nouveaux acteurs politiques radicaux dans le processus de lutte pour l’émergence de la nouvelle force politique alternative à la gouvernance bourgeoise et féodale libérale et social-libérale, base sociale et politique de la domination impérialiste.

Se démarquer et rompre avec les influences bourgeoises et impérialistes

La nouvelle situation née de la défaite de l’URSS et du camp socialiste qui structure l’évolution des luttes de classes et celles des peuples peut se résumer ainsi :

  1. a) L’Occident impérialiste remondialise le capitalisme depuis les années 89/90;
  2. b) La crise générale de l’impérialisme ne cesse de s’approfondir sur fond de baisse tendancielle du taux de profit;
  3. c) L’aggravation de la crise systémique de surproduction du mode de production capitaliste à son stade suprême. L’impérialisme accélère la contradiction entre capacité de production et capacité de consommation en raison de l’augmentation exponentielle de la paupérisation;
  4. d) Pour maintenir sa domination séculaire sur les peuples, l’impérialisme US et UE s’est lancé dans les aventures guerrières pour contrôler les sources de matières premières, notamment stratégiques en s’alliant d’une part avec les pétromonarchies et d’autre part en proclamant hypocritement la guerre contre le fondamentalisme islamique et tout cela sous le label du “choc des religions ou de civilisation”;
  5. e) L’Afrique et le Moyen-Orient sont devenus les terrains de prédilection du chaos qu’induit cette stratégie des “guerres de civilisations” comme substitut à la “guerre des classes sociales”;
  6. f) Les classes et élites dirigeantes des néo-colonies et pays dépendants sont invitées à choisir soit la capitulation soit la résistance;
  7. g) La loi du développement inégal absolu fait émerger de nouvelles puissances (les BRICS, etc);
  8. h) Cette loi met en exergue non seulement les BRICS, mais en particulier (même si cela n’est pas encore d’une grande visibilité) les rescapés du camp socialiste vaincu (Chine, Vietnam, Corée, Cuba);
  9. i) Le changement progressif du rapport des forces en faveur de l’impérialisme US et UE (G7) des années 89/90 par les “pays émergents” (BRICS, rescapés du camp socialiste, pays de l’ALBA, G20) commence à se faire sentir, ce qui accroît l’agressivité impérialiste;
  10. j) Contre l’offensive du capitalisme mondialisé, l’impérialisme, armé de son programme unique libéral et de sa politique de guerres prédatrices, les travailleurs dans les pays impérialistes luttent pour préserver leurs acquis sociaux et démocratiques et les peuples luttent contre la recolonisation et le sous-développement imposé;
  11. k) Les pouvoirs bourgeois semi-coloniaux libéraux et sociaux libéraux ont largement montré leur inféodation aux “intégrations” africaines pilotées et organisées par les colonialistes avec l’AOF et l’AEF puis par le néocolonialisme à travers l’UEMOA (zone CFA) et la CEDEAO et maintenant avec la signature des Accords de partenariat économique (APE) sans oublier l’envoi de soldats à la mort lors de la guerre du golfe en 91, puis aujourd’hui au Yémen et la trahison éhontée de l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade à Benghazi, prélude à l’assassinat de Kadhafi, etc. A quoi il faut ajouter leur incapacité à forger une alliance panafricaine pour sauver le nord Mali.

Les deux alternances libérales ont édifié le peuple au Sénégal sur le fait que changer les hommes au pouvoir ne change pas la vie du pays et des populations. Il nous faut maintenant enclencher le processus pour présenter au peuple une véritable alternative unie et organisée populaire, antilibérale, démocratique, patriotique et anti-impérialiste panafricaine.

Telles sont les principales caractéristiques à prendre en compte pour s’acquitter de nos devoirs de solidarité panafricaniste et internationaliste.

Les enjeux des situations mondiales

Si la première phase des luttes de libération africaines s’est estompée avec la fin de l’apartheid (à l’exception du Sahara et de la Palestine) dans les années 90 correspondant à la défaite de l’URSS, la période immédiate qui a suivi a été marquée par une adaptation servile des bourgeoisies et des élites au nouveau rapport des forces au profit de l’impérialisme “tout puissant” US et UE.

Les “conférences nationales” pour orienter les luttes populaires des peuples africains vers les réformes démocratiques multipartites sans s’attaquer aux racines socio-économiques, l’adoption du libéralisme (moins d’Etat) comme unique programme politique quel que soit le parti au pouvoir, les plans libéraux d’ajustement structurel, les dévaluations des monnaies, notamment du CFA puis les privatisations ont été généralisés en Afrique sous la houlette des institutions de Brettons Wood (FMI, BM, OMC).

Mais dès que les pays dits “émergents”, notamment les BRICS ont commencé vers les années 2000 à investir en Afrique, particulièrement dans les infrastructures et à y vendre leurs produits industrialisés provoquant le recul de la mainmise économique des impérialistes, de nouvelles menaces découlant de la nouvelle stratégie militarisée des USA et de l’UE sont apparues.

L’impérialisme s’est évertué à militariser sa présence en instrumentalisant son alliance avec les pétromonarchies pour contrecarrer ses “concurrents” des pays dits “émergents”. Les causes systémiques des nouvelles agressions impérialistes contre les peuples peuvent être résumées ainsi :

Dès sa naissance le capitalisme en tant que mode de production a été marqué par ce que d’aucuns appellent aujourd’hui « mondialisation ou globalisation ». En effet la classe sociale porteuse de ce système économique et social, la bourgeoisie ou le patronat, a été boostée dans sa conquête de la puissance économique et politique par la découverte des matières premières minérales comme le charbon, le fer métal, l’or et les matières premières agricoles comme la laine, le coton, le café dont l’exploitation exigeait une main d’œuvre ayant comme seule possession la force de travail manuelle et/ou intellectuelle : la classe ouvrière, le prolétariat.

C’est ainsi qu’est né, parallèlement à la contradiction capital – prolétariat, le système colonial par la conquête militaire brutale du continent américain, le génocide des amérindiens qui est le premier grand crime contre l’humanité de l’ère moderne, l’émigration massive des populations européennes pour peupler le continent américain complétée par la traite et l’esclavage des Noirs d‘Afrique.

Du 15éme au 18éme siècle le sous-continent européen sera à la fois la puissance technologique, industrielle, financière, militaire, stratégique et géopolitique. C’est en Europe qu’arrivaient les matières premières pillées en Amérique pour être transformées en produits industriels. Au 19éme et 20éme siècle la seconde phase de la « mondialisation » capitaliste s’opéra par la conquête des empires coloniaux. L’Europe, notamment sa partie ouest, bientôt suivie des USA étaient « l’atelier du monde » transformant les matières premières agricoles et minières en produits industriels de consommation pour les revendre à des prix élevés.

Toutes les guerres coloniales du capitalisme naissant, puis du capitalisme en développement et enfin du capitalisme arrivé à maturité qui s’est partagé le monde par la conquête de vastes empires coloniaux sans omettre les guerres inter-impérialistes comme la guerre de 1914-1918 pour un nouveau partage ont ceci de caractéristique : elles ont été faites pour s’emparer des sources de matières premières pour les transformer en marchandises industrielles et de la main d’œuvre transformée en esclaves ou en prolétaires asservis.

Or ce qui caractérise l’évolution actuelle, c’est que les luttes de libération nationale, au 18éme et début du 19éme siècle sur le continent américain dans le sillage des indépendances des USA et de Haïti, puis celles du 20éme siècle impulsées et soutenues par la Révolution Bolchevique, l’URSS et le camp socialiste victorieux du Nazisme ont produit les dits pays « émergents » comme la Chine, l’Inde, le Brésil, le Vietnam et les nouvelles expériences révolutionnaires, progressistes, antilibérales comme le Venezuela, la Bolivie, l’Equateur, le Nicaragua, le Salvador, le Pérou, etc., qui s’appuient sur l’héroïque résistance économique, culturelle, politique et idéologique de Cuba.

Ces pays deviennent les nouveaux « pays ateliers » qui produisent tout ce que la planète consomme, en particulier tout ce que consomment l’UE et les USA, lesquels se « désindustrialisent » progressivement pour se transformer en parasites vivant de la spéculation financière, de l’usure de rentiers.

Cette évolution objective de la division internationale du travail au cours de cette troisième phase de la « mondialisation ou globalisation », c’est-à-dire de l’internationalisation du capital et de la recherche du profit maximum, confère un caractère particulier au nouveau cycle des guerres d’agressions coloniales de l’impérialisme US et UE contre les peuples.

En effet le nouveau cycle des guerres impérialistes est engendré par la nécessité pour l’impérialisme de contrôler les sources de matières premières stratégiques indispensables au développement des pays dits “émergents”. Il s’agit de générer des profits colossaux en contrôlant et rendant les pays “émergents” dépendants d’eux pour leur accès aux matières premières dont ils ont besoin pour continuer à se développer.

Par leur mainmise sur les richesses stratégiques des pays producteurs, les USA et l’UE s’érigent en usuriers rentiers fixant les conditions d’accès aux matières premières à ces pays “émergents”. Les transnationales peuvent ainsi spéculer sur les prix, fixer les taxes, poser leurs conditions, organiser le sabotage des économies ou les affaiblir, mener la guerre commerciale et donc continuer à exploiter et dominer l’économie mondiale.

Voilà pourquoi l’impérialisme fait les actuelles guerres de « faibles ou moyennes intensités » contre les pays faibles ou petits encore sous-développés pour les asservir. C’est le cas des deux guerres contre l’Irak, de la guerre contre l’ex-Yougoslavie (la Serbie), de celles contre l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire et contre la Libye. Il s’agit d’en finir avec des pouvoirs qui refusent de se soumettre au diktat des impérialistes, pays qui, malgré la nature bourgeoise ou féodale de leur régime, rejettent la domination impérialiste et même parfois cherchent à développer leur pays pour en faire des pays “émergents” et indépendants.

L’Irak du martyre Saddam Hussein, la Libye de Khaddafi sont justement ce type de pays où l’argent du pétrole, par le biais des nationalisations de la production, du raffinage et même de l’industrie pétrochimique, a doté ces pays d’un Indice du développement humain (IDH) qu’on ne trouve nulle part dans les pays soumis et serviles à l’impérialisme de l’UE et des USA. Mieux ces pays ont investi dans des réalisations économiques, éducatives, sanitaires et sociales qui les mettent sur les rails du développement.

C’est justement cela qui est détruit par les agresseurs impérialistes qui, à coups de bombes et de missiles, s’évertuent à ramener ces pays à « l’âge de pierre » pour ensuite utiliser le système inique de la dette et du profit pour leurs entreprises privées pour soi-disant « reconstruire ». En plus comme en Irak et en Libye, à cette destruction massive des infrastructures, des réalisations économiques et sociales, à ce pillage des œuvres historiques et à cette prédation gloutonne, il faut ajouter les assassinats ciblés des ingénieurs, des savants, des chercheurs, des professeurs des pays agressés par les impérialistes afin de les rendre dépendants pour une ou plusieurs générations. C’est aussi en cela que l’impérialisme, c’est la barbarie.

En Amérique du Sud les USA poursuivent leurs politiques d’ingérence dans les affaires intérieures des Etats comme au Brésil, au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, y organisent des coups d’Etat comme au Honduras en 2009 ou au Brésil contre Dilma Roussef…

Même l’Europe n’échappe pas à ces politiques d’extension des guerres comme on l’a vu en ex-Yougoslavie et maintenant en Ukraine sur fond de réveil des fascistes alliés des plans impérialistes US et de l’UE. La tension s’étend aussi à l’Asie, notamment à la péninsule coréenne où les USA utilisent la Corée du Sud pour déstabiliser la Corée du Nord et s’ingèrent dans les conflits territoriaux existants entre la Chine et ses voisins, notamment en mer de Chine.

Deux camps s’affrontent de plus en plus : le camp de la guerre représenté par les USA suivi de l’UE et des alliés vassaux des pétromonarchies et le camp défensif de la paix représenté par les BRICS et les pays qui défendent leur indépendance nationale, victimes des conflits de “faibles ou moyennes intensités” dans le monde.

Et africaines

Après avoir renvoyé l’Afghanistan, puis l’Irak “à l’âge de pierre” selon l’expression de G. Bush, l’occupation militaire de ces pays avait précédé l’installation de pouvoirs fantoches. Puis l’agression coloniale de l’OTAN/Françafric et l’assassinat de Kadhafi ont livré la Libye aux hordes surarmées d’Al-Qaïda et/ou Daesh qui se sont ensuite répandues sur les pays africains. Boko Haram, Mujao, Ansardine, des mouvements armés “djihadistes”, et bien avant, Shebab, LRA de Kony, sévissent ainsi du Sahel-Sahara à l’Afrique de l’est. Ces mouvements terroristes de fanatiques religieux armés sont les nouveaux prétextes du redéploiement des réseaux de la Françafric, l’Eurafric, l’Usafric, l’opération Barkhane et AFRICOM pour la recolonisation économico-militaire de l’Afrique.

Cette déstabilisation militarisée des pays africains s’est développée à partir de la destruction consciente de la Libye comme le révèle Hama Ag Mahmoud, un des ténors du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) qui l’a quitté avec fracas en décembre 2012, peu avant le déclenchement de l’opération Serval au Mali : ” – La France aurait donc poussé le MNLA à occuper les villes du Nord du Mali ? – Oui tout à fait. La France a demandé au MNLA de l’aider à faire déserter tous les combattants de l’Azawad qui étaient dans l’armée libyenne, pendant la guerre de Libye. Ensuite de bloquer le recrutement des libyens dans l’Azawad et dans l’Aïr au Niger. Et en contrepartie, elle nous avait donné son feu vert pour l’indépendance de l’Azawad. C’est l’accord qui a été conclu avant la guerre entre le MNLA et la France. Et immédiatement la guerre gagnée par le MNLA, la France a changé complètement de politique. Elle a mis tout son dispositif diplomatique contre le MNLA. Alors conclusion, l’objectif de la France était tout simplement d’affaiblir le gouvernement malien et je peux vous assurer que ce n’était pas pour donner raison au MNLA” (Interview, Le Courrier du Sahara, en date du 17 janvier 2015 cité par Gri Gri international du 28/02/15).

La Libye a été donc ainsi livrée aux chefs de guerre financés par les théocraties des pétrodollars et armés par les marchands d’armes US et de l’UE dans le but de créer un foyer à partir duquel propager partout en Afrique le cancer “djihadistes”. La Libye est devenue pour l’Afrique ce qu’a été et continue d’être l’Afghanistan pour toute l’Asie. Ce foyer de subversion a été produit et métastasé pour devenir Daesh, Front Al Nosra, Al Qaïda en Syrie puis en Irak, Boko Haram au Nigéria et Ansardine-Mujao-MNLA au Mali.

Ces mercenaires “djihadistes” séparatistes se taillent des territoires dénommés “califat” comme on l’a vu dans le nord du Mali, puis comme on le voit en Syrie et en Irak et se livrent à toute sorte de trafics de pétrole, drogue, etc. Dès qu’ils se sentent suffisamment forts, ils développent parfois leur propre agenda différent de celui de leurs maîtres financeurs et entrent ainsi en opposition à ceux-ci.

A chaque déstabilisation d’un pays africain, les impérialistes US, de l’UE et français se pointent pour “porter secours dans leur grande et désintéressée” magnanimité aux “incapables africains” comme on l’a vu au Mali avec l’opération Serval puis en Centrafrique avec Sangaris avant que ce stratagème ne mute en “Barkhane” (dunes qui se déplacent dans le désert au gré des vents), nom que s’est donné la mouvante occupation militaire française du Sahel-Sahara du Mali en Centrafrique.

Force est donc de constater que les bourgeoisies au pouvoir au Nigéria, au Cameroun, au Niger et au Tchad ont évité, pour l’instant, de faire appel aux “sauveurs” US/UE en forgeant peu à peu une alliance militaire panafricaine contre la menace de chaos et de “califat” que constitue Boko Haram.

Progressivement une ligne de fracture s’opère au sein même des bourgeoisies nationales des pays africains entre la nécessité de résister à la stratégie du chaos organisé par l’impérialisme et la soumission qui cultive l’illusion d’y échapper. Ce processus est en cours en Afrique qui va peu à peu différencier les Etats qui résistent comme la Guinée Equatoriale, le Zimbabwe ou les Etats soumis comme le Sénégal qui envoient des soldats non au Mali mais contre le Yémen à la demande de la monarchie saoudienne.

Nos tâches

On peut résumer notre travail politique dans un tel contexte africain et mondial comme suit :

– Accélérer la fusion des partis radicaux antilibéraux, patriotiques, anti-impérialistes, panafricains et internationalistes pour la fin de l’année 2016;

– Soutenir activement toutes les luttes sociales et démocratiques dans notre pays, en Afrique et dans le monde, en particulier le peuple Sahraoui et la Palestine; ce soutien doit aussi aller aux initiatives indépendantes de certains Etats Africains comme l’alliance panafricaine contre Boko Haram entre le Cameroun, le Nigéria, le Tchad et le Niger;

– Défendre même de façon critique les pays, Etats, peuples qui ont lancé des expériences révolutionnaires alternatives au libéralisme, à la servilité néocoloniale comme les pays de l’ALBA et les rescapés du camp socialiste (Cuba, Chine, Vietnam, Corée du Nord);

– Mettre place avec toutes les organisations citoyennes un large front contre l’autocratie gouvernementale des libéraux au pouvoir;

– Sur la base de la fusion, initier un front électoral alternatif aux libéraux et sociaux libéraux pour les législatives à venir et veiller à ce que ces législatives soient maintenues;

– Travailler à rassembler sous des formes appropriées les forces politiques des pays africains dans l’optique d’une alliance panafricaine des partis antilibéraux, patriotiques, anti-impérialistes et internationalistes;

– Mener une vaste campagne commune contre la signature des APE, la sortie du CFA, l’abrogation des accords dits de “coopération” avec les impérialistes et le retrait des bases militaires étrangères d’Afrique ainsi qu’AFRICOM;

– Propager nos positions de défense de la paix et du camp défensif de la paix contre les menées guerrières des impérialistes et sur le plan tactique soutenir toute velléité des bourgeoisies africaines quand elles refusent les plans de recolonisation économico-militaires de l’Afrique (APE, Serval/Sangaris/Barkhane, AFRICOM);

– Eviter de tomber dans les pièges idéologiques réduisant hypocritement toutes les problématiques politiques en Afrique à des simples questions “institutionnelles”, “constitutionnelles” sans les relier aux enjeux sociaux économiques;

– Développer des relations d’échanges et de débats avec les mouvements sécessionnistes qui existent comme en Casamance dans une option d’unité panafricaine;

– Jeter un pont d’échanges et de débats avec les forces politiques, sociales, citoyennes et démocratiques des pays impérialistes dans une optique internationaliste.

Ce texte est dédié à notre cher et regretté Jean Dieye qui vient de nous quitter.

Source : Le Journal de l’Afrique 23, Investig’Action

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