Panafricanisme : après l’engagement, sa parodie

Pour boucler les fins de mois de plus en plus difficiles par ces temps de crise généralisée, ils se disent panafricanistes et appellent panafricanisme ce qu’ils font. Transformant cette idéologie jadis porteuse d’espoirs en simple fonds de commerce, nos panafricanistes d’un genre nouveau vont de média en média pour se forger une popularité qu’ils utilisent par la suite pour gagner de l’argent, y compris chez les pires ennemis de l’Afrique.


Patrick Sapack et David Eboutou menottés et encadrés par une escouade de policiers arborant des gilets pare-balles. L’image, prise le 17 juin dernier à Yaoundé au Cameroun a fait le tour du monde. Créant un trouble certain dans la tête de plusieurs personnes intéressées par l’Afrique et le panafricanisme. Et pour cause, les deux menottés, au fil des éditions du Débat panafricain (une émission interactive diffusée par Afrique Média TV) s’étaient forgé une image de panafricanistes au point où les téléspectateurs les comparaient déjà à Thomas Sankara. Mais la comparaison semble tenir sur un fil. Car si Sankara et les autres figures de la révolution africaine mettaient efforts et argent au service du panafricanisme et brillaient par leur probité morale, les autres se servent du panafricanisme et n’hésitent pas à dîner avec les dirigeants qui n’ont aucun acte panafricaniste à leur actif.

Pour l’instant, difficile de dire qui du plaignant à savoir Jean-Pierre Amougou Belinga, PDG du groupe L’Anecdote et des accusés David Eboutou et Patrick Sapack, anciens collaborateurs du premier cité, a raison.

D’après le reportage-réquisitoire de Peguy Meyong, diffusé le 17 juin dernier au JT de 20h, Patrick Sapack et David Eboutou se sont rendus coupables des faits de « Faux et usage de faux, fausse facture et outrage à chef d’Etat étranger ». Le reporter de Vision4 ajoute « il ne s’agit pas d’un délit de presse car les deux compères ne sont ni journalistes, ni communicateurs, encore moins patrons de presse ». Et de conclure : « Les panafricanistes du dimanche peuvent désormais entrevoir l’avenir dans un pénitencier ».

Après une rupture de « contrat » d’avec Justin Tagouh, PDG de Afrique Média TV, Patrick Sapack et David Eboutou ont, à titre de consultants, intégré le groupe L’ Anecdote qui compte dans son portefeuille la chaîne de télévision Vision4. S’inspirant du Débat panafricain, une émission diffusée par Afrique Média, Vision4 crée Panafritude. Dans l’une comme dans l’autre, un journaliste ou quelqu’un présenté comme tel s’entoure d’un bataillon de « panafricanistes » pour dénoncer le pillage du continent, les ingérences multiformes… Chacun y va de ses diatribes.

Le dénominateur commun entre le Débat panafricain et Panafritude est qu’il s’agit de véritables tribunes pour appâter les dirigeants en mal de légitimité dans leur pays mais en quête de popularité dans l’opinion publique interne et continentale. Il faut préciser que  les deux chaînes citées sont sur satellite et donc regardées partout.

Pour redorer son blason à l’international, le président congolais Denis Sassou N’Guesso qui n’a aucun passé panafricaniste s’attache les services de Vision4 pour une bagatelle de 700 000 millions de francs CFA. Une première partie (500 millions) est versée sans tambour ni trompette. Selon Peguy Meyong, le duo Sapack-Eboutou tentera de récupérer les 200 millions restants en adressant « une fausse facture au  partenaire de Vision4 » qui n’est autre que Sassou N’Guesso. L’affaire tourne au vinaigre. Elle est aujourd’hui sur la place publique.

La principale victime dans cette affaire c’est le panafricanisme. Car, lorsque des organes de presse et leur bataillon de consultants qui revendiquent une ligne éditoriale panafricaniste se retrouvent autour de la table des dirigeants qui n’ont jamais posé un acte panafricaniste au sens de Patrice Lumumba ou de Thomas Sankara, le peuple est déboussolé. Si n’importe qui peut se dire panafricaniste et appeler panafricanisme ce qu’il fait, les pères fondateurs de cette idéologie de libération et d’autonomisation des peuples africains du continent et de la diaspora ont de quoi se retourner dans leur tombe en voyant le panafricanisme devenir un simple fonds de commerce.

Quel que soit l’issue de la procédure judiciaire enclenchée contre David Eboutou et Patrick Sapack, le public changera sa perception des panafricanistes voire du panafricanisme.

Source: Investig’Action

Retrouvez cet article dans notre dernier numéro du Journal de l’Afrique


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