Netanyahu est conduit à la victoire alors que les Israéliens votent pour imposer une occupation militaire sans fin aux Palestiniens

Entre les solutions à un ou deux Etats, les Israéliens préfèrent le statu quo. C’est ce qu’il ressort de de la réélection de Benyamin Netanyahu. En effet, pourquoi faudrait-il faire des concessions ? Israël est loin d’être isolé, Trump lui fait des cadeaux, Madonna viendra chanter à l’Eurovision et les colons peuvent louer leur maison sur Airbnb sans se soucier du droit international. Et les Palestiniens dans tout ça ? Ils n’ont évidemment pas voix au chapitre. (IGA)


En maintenant Benyamin Netanyahu Premier ministre, les électeurs israéliens ont exprimé leur adhésion écrasante au statu quo. Netanyahu a promis de tout bonnement ignorer la pression internationale, déjà déclinante, visant à mettre un terme au régime militaire israélien sur une population captive de millions de Palestiniens. Des Palestiniens vivant sans droits civiques dans des territoires saisis illégalement par Israël en 1967.

Avec plus de 97% des suffrages exprimés à l’heure d’écrire ces lignes, Netanyahu était bien placé pour réunir une coalition de partis nationalistes et ethnicistes à la Knesset, le parlement israélien. Cette coalition comprend des extrémistes ouvertement racistes qui souhaitent dépouiller les non-juifs de leur citoyenneté et expulser les Palestiniens des territoires occupés.

Dès que les sondages à la sortie des urnes ont suggéré que le parti Likoud du Premier ministre était sur le point d’être l’un des deux plus grands partis de la Knesset, permettant à Netanyahu de rester au pouvoir, ce dernier dirigea une foule de partisans brandissant des affiches du Likoud et de Donald Trump pour railler les “médias orientés.”

Les images de ses propres fans, parmi les partisans de son allié Netanyahu, n’ont pas échappé à Trump.


 

À la veille des élections, Netanyahu avait lancé un appel aux électeurs ultranationalistes en leur promettant d’annexer de grandes parties de la Cisjordanie occupée. Plus de 400 000 Israéliens y vivent dans des colonies exclusivement juives. Ces colonies sont illégales au regard du droit international et maintiennent le contrôle militaire d’Israël sur les centres de population palestiniens et leur gouvernement autonome limité.


 

La promesse du Premier ministre a semblé formaliser ce qui était déjà clair au cours des dix dernières années de son règne : Israël n’a aucune intention de respecter ses engagements pris dans les Accords de paix d’Oslo visant à faciliter la création d’un État palestinien, mais envisage plutôt de continuer à gouverner un seul État dans lequel près de la moitié de la population se voit refuser la citoyenneté ou le droit de voter en raison de son appartenance ethnique.

L’ampleur de la victoire de Netanyahu peut être appréciée par la nature du principal parti qui menaçait son leadership. Le parti Bleu et Blanc est dirigé par d’anciens généraux qui se sont vantés d’avoir bombardé Gaza et qui ne proposent aucun plan pour mettre fin à l’occupation.

Comme l’a expliqué le journaliste israélien Noam Sheizaf la semaine dernière dans le podcast du magazine +972, le parti Likoud de Netanyahu et son principal rival, le parti Bleu et Blanc de Benny Gantz, ancien chef d’état-major de l’armée, ont proposé aux Israéliens juifs de voter pour le statu quo : ils pourraient continuer à bénéficier des avantages sécuritaires prodiguées par une armée puissante sans devoir consentir le moindre sacrifice pour mettre fin à l’occupation et faire la paix.

Si vous regardez l’occupation et le type de solutions proposées aux Israéliens, la solution la plus évidente est la solution à deux États et la moins populaire est la solution à un État“, a déclaré Sheizaf. “Habituellement, nous les traitons comme un choix binaire : si vous ne choisissez pas la solution à deux États, vous obtiendrez la solution à un État.

Depuis que la population des Arabes et des Juifs est presque égale sur tout le territoire contrôlé par Israël, instaurer la paix à travers un Etat binational dans lequel Arabes et Juifs jouiraient des mêmes droits garantirait la démocratie. Mais cela mettrait fin au projet sioniste de créer un Etat juif qui serait, comme Netanyahu l’a récemment rappelé, un Etat pour les citoyens juifs et personne d’autre.

Mais je pense que là où les décisions sont prises, tant par les électeurs que les dirigeants politiques, il y a une troisième option visant à maintenir les choses telles qu’elles sont“, explique Sheizaf. “Appelons ça le statu quo.

Quand les Israéliens ont envisagé la solution à deux Etats telle qu’elle était préconisée dans les années 90, poursuit Sheizaf, cela impliquait de se retirer de la Cisjordanie et de Gaza. Cela impliquait le démantèlement de toutes colonies maintenues en Cisjordanie, autrement dit, une énorme bataille en interne, des coûts financiers importants mais aussi, il faut l’admettre, un grand risque militaire car personne ne peut prédire ce qui arrivera dans les 5, 10 ou 15 années qui suivront le jour où la paix sera conclue ou le jour où Israël quittera la Cisjordanie.

Mais du point de vue israélien, la solution à un Etat est encore pire. Car on parle ici de l’annexion de la Cisjordanie et de Gaza. Mais cela implique en théorie le droit de vote intégral pour toute la population située entre la mer et le Jourdain“, ajoute Sheizaf. “Dans le meilleur des cas, cet Etat reposerait sur deux systèmes politiques différents qui conduiraient à une sorte de match nul. Dans le pire des cas du point du vue israélien, cet Etat serait dominé par les Palestiniens.

Netanyahu et la droite ont dit aux Israéliens non seulement que le statu quo est nettement meilleur que la solution à un ou deux Etats. Mais aussi que certaines choses, qui ne pourraient soi-disant être atteintes qu’avec un accord de paix, pourraient en réalité être obtenues avec le statu quo.

Parmi les avantages qu’Israël a ainsi réussi à accumuler simplement en jouant la politique de la force, il y a les relations étroites et de moins en moins secrètes avec l’Egypte ou encore les opérations militaires conjointes avec l’Égypte dans la péninsule du Sinaï.

Malgré quelques succès notables et l’hystérie suscitée par le gouvernement israélien, l’effort mené par les Palestiniens pour isoler Israël à travers la campagne BDS n’a pas réussi à en faire un Etat paria comme c’était le cas pour l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. D’ailleurs, à la veille des élections israéliennes, les organisateurs du concours de l’Eurovision, qui doit se tenir à Tel-Aviv en mai, ont annoncé que leur tête d’affiche serait Madonna.

Donc, vous prenez tout cela ensemble“, a conclu Sheizaf, “N’importe quel Israélien dirait :” Il existe une option dans laquelle je ne paye rien et je profite de certains avantages liés processus de paix.” Et si vous comprenez cela, vous réalisez pourquoi le statu quo, du point de vue israélien, est de loin supérieur aux deux autres options.

En réponse à la victoire de Netanyahu et à la menace d’annexion, Saeb Erekat, ancien négociateur de paix palestinien, a déclaré qu’il était clair que les Israéliens avaient choisi un moyen de s’éloigner de la solution à deux États.


 

Les droits des non-juifs placés sous la juridiction d’Israël sont de plus en plus méprisés de manière flagrante. Ainsi, le parti Likoud de Netanyahu aurait envoyé des volontaires pour placer en toute clandestinité des caméras cachées dans 1200 bureaux de vote utilisés majoritairement par des citoyens arabes.

Le lendemain matin des élections, une désagréable surprise attendait les Palestiniens du village d’Ein Yabroud, en Cisjordanie. Ils sont privés du droit de vote, contrairement à leurs voisins de la colonie israélienne d’Ofra. Et le mercredi, ils se sont réveillés en découvrant des graffitis triomphalistes d’Israéliens sur leurs propriétés. Des pneus de voiture avaient été crevés, des portes et des murs étaient couverts de symboles représentant l’étoile de David et le mot “vengeance” en hébreu.


 

Il y a encore une autre illustration de la différence de droits entre les Palestiniens vivant sous occupation militaire à Ein Yabroud et leurs voisins juifs d’Ofra. Les maisons de cette colonie, construites sur des terres palestiniennes volées en violation du droit international, sont actuellement en location sur Airbnb.

Ceci montre à quel point l’occupation coûte actuellement très peu aux Israéliens. La société Airbnb a en effet annoncé mardi qu’elle annulait sa décision prise en novembre et visant à supprimer 200 inscriptions dans les colonies de Cisjordanie sous la pression des activistes de BDS. “Airbnb n’ira pas de l’avant avec la suppression des inscriptions en Cisjordanie de la plateforme“, écrit la société. “Les bénéfices générés pour Airbnb par toute activité d’accueil Airbnb dans l’ensemble de la Cisjordanie seront reversés à des organisations à but non lucratif dédiées à l’aide humanitaire pour le service des populations de différentes régions du monde.

Le reversement d’Airbnb, qui a été qualifié de “répréhensible et lâche” par Amnesty International, est intervenu à la suite d’un règlement judiciaire conclu avec des citoyens ayant la double nationalité américano-israélienne. Leurs inscriptions devaient être retirées et ils avaient introduit une plainte auprès d’un tribunal US.

Le Center for Constitutional Rights a récemment déposé une demande en appel devant un tribunal fédéral, accusant les colons de violer la loi sur le logement équitable. L’un des plaignants américano-palestiniens, Ziad Alwan, est né à Ein Yabroud après l’occupation et vit maintenant à Chicago.

Comme le rapportait Mairav ​​Zonszein dans The Nation le mois dernier, Alwan “ne peut pas louer de propriété à Ofra car il est palestinien ; il ne peut pas y mettre les pieds, même si sa famille est le propriétaire légitime des terres agricoles dont profitent les colons et Airbnb. Il détient le titre de propriété de sa terre, qui est répertorié sous le nom de son père et enregistré par le registre foncier israélien.

Hagai El-Ad, directeur exécutif de B’Tselem, groupe israélien de défense des droits humains, a observé cette semaine dans une interview du New York Times que les journées électorales en Cisjordanie offrent la meilleure illustration du régime non démocratique d’Israël. Alors que les Israéliens “élisent un parlement qui gouverne à la fois les citoyens israéliens et des millions de sujets palestiniens, ces derniers se voient nier le droit de voter.

Les colons israéliens en Cisjordanie n’ont même pas besoin de se rendre en voiture dans un bureau de vote en Israël pour décider du sort de leurs voisins palestiniens“, souligne El-Ad. “Même les colons au cœur d’Hébron peuvent voter sur place, avec 285 électeurs inscrits sur une population totale d’environ 1 000 colons. Et ils le font entourés de quelque 200 000 Palestiniens qui ne peuvent pas voter. C’est ce qu’Israël appelle la « démocratie ».

 

Source originale: The Intercept

Traduit de l’anglais par Investig’Action

Source: Investig’Action

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