Ne pas invoquer l’antisémitisme en vain

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le journaliste et activiste belge Michel Collon a fait condamner un internaute suisse qui l’avait traité d’antisémite alors que ses critiques visaient le seul Etat d’Israël.

Le qualificatif d’antisémite est bien diffamatoire et ne peut pas être utilisé à la légère à l’encontre de ceux qui critiquent la politique de l’Etat d’Israël. Le Ministère public vaudois a rendu le 21 septembre dernier une ordonnance pénale suite à une plainte déposée par le journaliste et activiste belge Michel Collon.

Ce dernier, auteur d’un ouvrage Israël, parlons-en, devait tenir en avril 2015 une conférence à Lausanne. Dans l’aula du Palais de Rumine qui accueillait alors un jour par semaine le Grand Conseil vaudois, en attendant que son nouveau bâtiment soit achevé. Les positions de M. Collon à l’égard de l’Etat d’Israël sont très engagées. Cet évènement dans la même salle accueillant, ne fusse qu’à titre temporaire, le Parlement cantonal a engendré une polémique. Et la conférence a fini par être déplacée.

 

Post indigné

Dans le cadre de ce différend, un internaute s’en est pris à la tenue de cet événement en publiant sur sa page Facebook le post suivant: «Le roi des complotistes est dans la place! Il y aura du beau monde! Profondément choqué! Antisémite et ouvertement pro-Assad pour une conférence dans un lieu public! C’est un scandale! Comment peut-on accepter cela en un pareil endroit! Juste envie de vomir!»

Depuis de nombreuses années, M. Collon est souvent stigmatisé de la sorte. «Il a décidé que cela suffisait et nous a demandé d’agir», explique Raffaele Morgantini, correspondant en Suisse d’Investigaction, le collectif journalistique et d’information alternative qu’anime M. Collon. «Dans mon livre et dans plusieurs articles, j’ai toujours explicitement condamné le racisme anti-juifs, fréquemment appelé «antisémitisme»», relève M. Collon sur son site internet. Une plainte pénale en bonne et due forme pour diffamation a donc été déposée. Et, dans le cadre d’une ordonnance pénale, la justice vaudoise a donné raison à M. Collon.

 

Plainte acceptée

L’auteur du post écrivait sous pseudonyme1. Selon l’ordonnance, il a admis les faits qui lui étaient reprochés en les justifiant par le contexte de la polémique en cours. Reste que, le délit étant constitué – traiter quelqu’un d’antisémite c’est l’accuser d’un délit puni par la loi – il n’a pas pu apporter la preuve de ses dires. Si M. Collon se livre bien à une critique sévère à l’égard de la politique israélienne, il ne véhicule pas les poncifs habituels de l’antisémitisme.

Le prévenu a donc été jugé coupable de diffamation et condamné à dix jours-amende à 100 francs par jour avec sursis pendant deux ans, à verser 1350 francs d’indemnité au titre des frais de défense à la partie plaignante et à supporter des frais de procédure à hauteur de 1500 francs. Aucun recours n’a été interjeté contre cette décision.

 

Contexte sensible

«L’ordonnance pénale est importante pour notre travail», résume M. Morgantini qui dénonce une tentation de criminaliser les mouvements de solidarité avec les Palestiniens.

De fait, en juin, les Chambres fédérales ont refusé une motion du député udéciste Christian Imarkt qui visait expressément les actions de la campagne BDS (boycott, désinvestissements, sanctions) et tendait à amalgamer les critiques des actions de l’Etat d’Israël à de l’antisémitisme. Relevons également qu’une procédure similaire – mais au civil – est allée jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Avec à l’arrivée, en juin 2016, une victoire du professeur William Ossipow qui avait été diffamé de la même manière.

Mais des textes similaires ont en revanche passé la rampe au niveau du Parlement européen avec l’adoption d’une résolution invitant les Etats membres à intégrer dans leur droit interne une définition élargie de l’antisémitisme. Celle de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) qui qualifie d’antisémite le fait de nier au peuple juif le droit à l’autodétermination. Ou d’estimer que l’Etat hébreu serait raciste. Ou encore, en appliquant des doubles standards, en exigeant d’Israël un comportement que l’on n’exigerait pas d’une autre nation démocratique. La Grande-Bretagne et l’Autriche ont déjà fait leur cette définition Et un débat est en cours en France.

Note : L’identification de la personne auteure du post a été relativement ardue. Facebook Suisse a en effet refusé de livrer son vrai nom. L’affaire est remontée jusqu’au Tribunal fédéral qui a admis, qu’effectivement, en la matière, c’est le siège en Irlande de Facebook qui devait être saisi, celui-ci étant le prestataire de service hors Etats-Unis et Canada. La police semble être parvenue à l’identifier par d’autres moyens.

Source : Le Courrier

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