L’organisation raciste pro-israélienne ADL essaie de récupérer Black Lives Matter

L’Anti-Defamation League (ADL) tente de se présenter comme une alliée de Black Lives Matter, alors qu’elle protège Israël des critiques en raison de ses violations des droits palestiniens.


Pour ceux qui désirent vivement que soit mis un terme au racisme systémique, l’époque est à l’exaltation, avec les activistes noirs et leurs organisations qui dirigent un soulèvement mondial contre les symboles et les structures de la suprématie blanche.

Mais, ces derniers jours, si vous êtes une organisation raciste désireuse de se faire passer pour une association des droits civils, vous courez le danger d’être démasquée.

C’est un exercice d’équilibriste qui, depuis des années, obsède l’Anti-Defamation League (ADL – Ligue antidiffamation), un important groupe israélien de lobbying opérant aux États-Unis. .

Son homologue au Royaume-Uni affronte le même défi.

La crise est particulièrement aiguë, à droite, maintenant que l’ADL essaie de se faire passer pour une alliée de Black Lives Matter, alors qu’elle protège également Israël des critiques envers ses plans d’annexion de terres palestiniennes en Cisjordanie occupée, ce qui enracinera encore plus le système de l’apartheid.

Une note plus ou moins confidentielle tombée la semaine dernière entre les mains de Josh Leifer, rédacteur de Jewish Currents, met en exergue le dilemme des dirigeants de l’ADL.

La note explique comment le groupe de pression peut, dixit Leifer,

« trouver le moyen de défendre Israël contre la critique sans s’aliéner d’autres organisations des droits civils, des élus de couleur et les activistes et partisans de Black Lives Matter ».

L’essentiel de la stratégie est de permettre l’une ou l’autre critique à l’égard d’Israël tout en repoussant des descriptions plus précises et exactes des violations par Israël des droits palestiniens, tels « l’apartheid » et « la séparation, mais dans l’égalité » – cette dernière expression étant utilisée depuis longtemps pour blanchir une ségrégation raciale et une soumission aux États-Unis imposées par la force et légalisées.

Les auteurs de la note craignent qu’un affrontement avec les forces progressistes à propos de l’annexion ne place l’ADL du « mauvais côté » du mouvement Black Lives Matter et « ne remette en question les relations entre l’ADL et bon nombre d’organisations et coalitions des droits civils ».

On remarquera avec ironie que l’ADL craint qu’Israël ne soit associé à l’apartheid.

Alors que le régime sud-africain de l’aparteid, armé par Israël, détruisait toujours des vies humaines noires dans ce pays au cours des années 1980 et 1990, l’ADL gérait un énorme réseau d’espionnage aux États-Unis.

Tout en infiltrant les groupes de solidarité avec la Palestine, les espions de l’ADL transmettaient des dossiers confidentiels sur les activistes anti-apartheid à la très brutale agence de renseignement sud-africaine.

La dernière fuite de l’ADL confirme les inquiétudes qui avaient été révélées dans un rapport secret obtenu par The Electronic Intifada en 2017.

Ce rapport – corédigé par l’ADL et le Reut Institute, un think tank israélien – se plaignait que les militants pour les droits palestiniens aient été

« à même d’inscrire la lutte palestinienne contre Israël dans le même cadre que la lutte d’autres minorités sans pouvoir, tels les Afro-Américains, les Latinos et la communauté LGBTQ ».

Le rapport recommandait que les grouypes sionistes tentent de contrecarrer cette dynamique en

« créant des partenariats avec d’autres communautés minoritaires s’appuyant sur des valeurs partagées et des intérêts communs, tels la réforme de la justice pénale, les droits de l’immigration ou le combat contre le racisme et les crimes haineux ».

Aujourd’hui, l’ADL perçoît Black Lives Matter comme une occasion de redorer son blason concernant les « droits civils » tout en faisant progresser son agenda anti-palestinien.

 

Un appel en faveur d’une censure plus sévère

L’ADL est l’un de groupes de pression qui, à l’instar du gouvernement israélien, a longtemps considéré Black Lives Matter comme une importante menace stratégique.

Ses efforts en vue de récupérer le mouvement Black Lives Matter – afin de gérer et de tempérer les critiques à l’égard du régime raciste violent d’Israël contre les Palestiniens – sont actuellement en plein déploiement.

Le groupe est un partenaire de la campagne Stop Hate for Profit (Non à la haine pour le profit) qui exerce des pressions sur d’importantes sociétés afin qu’elles retirent leur publicité de Facebook durant le mois de juillet, en vue de protester contre le prétendu échec du géant des médias sociaux dans ses tentatives de répression des discours haineux.

Des noms importants comme Unilever et Starbucks ont déjà donné leur accord de participation.

Il existe de véritables motifs d’inquiétude, à propos de cette campagne. En effet, elle exige que Facebook agisse en tant que censeur et arbitre de la vérité, un rôle que personne ne devrait imposer à une société privée dénuée de responsabilité juridique.

C’est particulièrement inquiétant du fait que Facebook a déjà désigné un ancien fonctionnaire du gouvernement israélien comme responsable de la censure dans son nouveau bureau de contrôle.

Alors que les gens sont peu nombreux à avoir des remords si l’on prive des suprémacistes blancs et des nazis de leurs propres plates-formes, la réalité, c’est que les Palestiniens ont figuré parmi les principales cibles de la censure en ligne, et particulièrement de la part de Fabebook.

Les groupes de pression israéliens, y compris l’ADL, ont promu une définition trompeuse et politiquement motivée de l’antisémitisme, qui confond la critique à l’égard de la politique israélienne et de son idéologie étatique raciste, le sionisme, d’une part, et le chauvinisme antijuif d’autre part.

Ils ont poussé des gouvernements, des institutions et des sociétés de médias sociaux à adopter leur définition bidon afin de museler les défenseurs des droits humains palestiniens.

La campagne Stop Hate for Profit exige explicitement que Facebook

« repère et éloigne les groupes publics et privés concentrés sur le suprémacisme blanc, les milices, l’antisémitisme, les conspirations violentes, la négation de l’Holocauste, la désinformation sur les vaccins et le négationnisme climatique ».

Même si l’on peut détester de tels points de vue, c’est une exigence assez radicale de censure et de contrôle de l’opinion qui est peu susceptible de s’arrêter là.

Pourtant, il est à remarquer qu’il n’y a pas de demande d’éloignement des groupes antimusulmans, malgré l’islamophobie rampante présente sur la plate-forme. Apparemment, ce genre de haine est donc correct !

La campagne Stop Hate for Profit fournit aussi une possibilité aux grandes sociétés de gagner une publicité positive tout en faisant très peu de chose pour aborder le racisme structurel. Il ne fait pas de doute que ce genre de sociétés seront très heureuses de refaire à nouveau de la publicité sur un Facebook débarrassé de tout point de vue divergent.

 

Le boycott en ma faveur, mais pas en ta faveur

Il convient également de mettre le doigt sur l’hypocrisie nauséabonde de l’ADL, qui appelle à boycotter Facebook, tout en attaquant et diffamant BDS – la campagne pacifique de boycott, désinvestissement et sanctions qui veut mettre un terme aux abus racistes et aux crimes d’Israël contre les Palestiniens.

L’ADL a même soutenu des législations anti-BDS, en sachant pertinemment bien que de telles lois sont anticonstitutionnelles, parce qu’elles violent la liberté d’expression.

Il ne fait pas de doute que l’ADL fait valoir son propre droit constitutionnel à appeler au boycott de Facebook, même s’il cherche à fouler aux pieds les droits à la liberté d’expression d’autrui, y compris ceux qui croient que les Palestiniens ne devraient pas se voir refuser leurs droits dans leur propre patrie, et ce, uniquement parce qu’ils ne sont pas juifs.

Mais, en soutenant la campagne Stop Hate for Profit, l’ADL unit ses forces à celles des organisations traditionnelles progressistes noires des droits civils, telles Colour of Change et la vénérable NAACP (Association nationale pour l’avancement des gens de couleur) et qu’elle utilise donc ces relations en vue de bénéficier d’une crédibilité imméritée en tant qu’alliée antiraciste.

Les activistes noirs au Royaume-Uni demandent des sanctions contre Israël

Le problème auquel sont confrontés l’ADL et, plus largement, les groupes de pression israéliens ont été mis en exergue le week-end dernier quand Black Lives Matter UK, une coalition antiraciste, a tweeté son soutien à la lutte palestinienne :

« Au moment où Israël va de l’avant dans l’annexion de la Cisjordanie, et que la politique traditionnelle britannique est privée du droit de critiquer le sionisme et la poursuite par Israël de sa politique d’implantation coloniale, nous crions à haute et intelligible voix notre soutien à nos camarades palestiniens »,

a tweeté le groupe.

Le tweet a obtenu des dizaines de milliers de « likes » et de re-tweets.

Black Lives Matter UK a enchaîné par une série de tweets infirmant les allégations du lobby israélien selon lesquelles critiquer Israël est antisémite.

Un tweet déclarait que, puisque l’annexion est imminente,

« nous sommes avec la société civile palestinienne pour demander des sanctions ciblées en ligne avec les lois internationales contre le régime colonial d’apartheid d’Israël ».

Les tweets étaient particulièrement significatifs du fait que la politique britannique reste sous l’emprise d’une chasse aux sorcières contre les gens qui critiquent Israël, particulièrement au sein de la principale opposition, le Parti travailliste.

Sans surprise, les tweets se sont attiré l’hostilité immédiate du Mouvement travailliste juif, un groupe de pression au sein du Parti travailliste qui a agi comme intermédiaire pour l’ambassade d’Israël

Mike Katz, secrétaire du Mouvement travailliste juif, a déclaré qu’il avait été « attristé » par les tweets de Black Lives Matter UK.

Il a également affirmé que les membres de son organisation « rejetaient l’annexion et les colonies ».

Cela peut être perçu comme un autre effort d’orienter les critiques à l’encontre d’Israël vers une forme « édulcorée », acceptable, concentrée surtout sur un nombre restreint d’actions israéliennes, tout en essayant de rejeter hors des limites les critiques à l’encontre du sionisme.

Il fallait s’y attendre : Le Board of Deputies (Comité de députés), une organisation juive britannique de la chambre des Communes en même temps qu’un groupe pro-israélien, a lui aussi accusé Black Lives Matter UK de s’engager dans un « discours antisémite ».

Mais le Board a insisté pour dire que cela « n’allait pas nous empêcher de nous dresser aux côtés des noirs dans leur quête de justice ».

Mais, en fait, soutenir Israël et le sionisme est totalement incompatible avec la moindre quête de justice. Tout le bourrage de crâne et toutes les campagnes de relations publiques ne pourront jamais escamoter cette simple vérité : On ne peut pas être un raciste antiraciste.

 

Traduit de l’anglais par Jean-Marie Flémal

Source: Charleroi Pour la Palestine

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.