Les “hotspots”, une négation de l’humanité aux portes de l’Europe

Depuis janvier, un hotspot défigure le petit port de pêche de la ville. Un hotspot c’est – en théorie- une « approche européenne améliorant le procédé servant à identifier, enregistrer et prendre les empreintes digitales des migrants arrivant en Europe. » Une sorte de centre de tri entre les bons et les mauvais réfugiés, ceux qui seront autorisés à pénétrer en Europe et ceux qui seront refoulés vers l’Afrique.


Photo: Le Hotspot de Pozallo

 

Le Hotspot, ce sont les règles absurdes et inhumaines de l’Union européenne qui s’invitent dans les pays du Sud de l’Europe. Concrètement à Pozallo, loin des bureaux aseptisés des eurocrates, le hotspot c’est un grand hangar à bateaux dans lequel sont détenues plusieurs centaines de personnes. Un seul dortoir, sans cloison, avec des lits à trois étages sur lesquels s’entassent ceux – et parfois celles – qui ont survécus à la traversée de la Méditerranée depuis la Libye.

 

Ces centaines de candidats réfugiés, en provenance d’Afrique, sont là en attente du tri. Hommes, femmes et enfants dans une seule pièce. Les femmes et les jeunes enfants sont transférés rapidement. Un mineur seul de 11 ans est quand même resté dix jours, détenu avec des adultes, avant d’être transféré. En mai 2016, 108 mineurs non accompagnés y étaient détenus avec les adultes. Ce qu’expriment ces adolescents est inimaginable:

 

– « Je suis ici depuis un mois et demi, avant j’ai déjà été détenu en Libye, j’ai quitté mon village, il y a deux ans, j’avais 14 ans. Je suis sur la route depuis deux ans. La Libye, c’était dur, c’est la jungle là, on peut te tuer pour rien. Moi je voudrais juste aller à l’école et apprendre un métier.  » Zubeyr 16 ans Burkina Faso.

 

– « On a pas de GSM ici, ni de cartes de téléphone, on ne peut pas appeler nos parents, on a pas vu d’avocat, on ne sait pas ce qu’on doit faire. » Mamadou 17 ans Sénégal

 

– « C’est la première fois que nous pouvons sortir. Parfois on reste dans le centre toute une semaine, à l’intérieur, sans même pouvoir aller dans la cour. C’est à cause des Egyptiens. »

« A cause des Egyptiens? »

Oui, ils refusent de donner leurs empreintes, alors tant qu’ils ne donnent pas les empreintes, personne ne peut sortir. » Boubacar 16 ans Sénégal

 

« Ici on souffre. Aidez-nous, svp, on a besoin d’aide. » Alpha, 16 ans Guinée

 

Quatre jeunes égyptiens entre 15 et 17 ans viennent aussi pour parler. Mais ils ne veulent pas donner leurs noms, ni prendre de photos. Ils espèrent rejoindre Londres. S’ils parviennent à quitter la Sicile, ils iront sans doute rejoindre la jungle de Calais.

 

Cette année, le festival Sabir (1) se déroulait à Pozallo. C’est un festival des cultures méditerranéennes, événement à la fois culturel et politique. La première édition avait eu lieu à Lampedusa en 2014, la seconde à Pozallo. Le Festival se présente comme une voix qui se lève contre le racisme, selon Filippo Miraglia, vice président de Arci. Ce n’est que suite à l’intervention de deux parlementaires européens – invités dans le cadre du Festival – et du maire de la ville que les détenus du Hotspot ont pu sortir pour la première fois. C’était étrange de les voir, un bracelet d’identification au bras, en training, errant un peu hagards, dans cette ville touristique.

 

Leur situation semble simplement désespérée. Combien d’entre eux recevront le sésame, la carte de réfugié? Très peu. Ils ne viennent pas de pays en conflit armé. Ce ne sont pas des militants politiques ou des journalistes d’opposition. Ils partent par désespoir. Ils partent parce que l’Afrique ne parvient plus à garder ses enfants, à leur laisser entrevoir un avenir, une raison de vivre.

 

Alors ils se jettent par centaines sur les routes de l’exil, sans savoir vers où ils vont, sans projet précis, sans être conscients du danger. Juste parce qu’ils rêvent de l’Europe. Et l’Europe n’est que mépris et droits bafoués. Un hotspot, c’est le lieu où meurent tous les textes à propos des droits de l’homme. Rien n’y est respecté.

 

Plusieurs personnes au Festival ont dénoncé l’illégalité de toutes ces pratiques. Plusieurs ont insisté « sur la nécessité de rappeler que ce sont des êtres humains. » Devoir rappeler que ces gens sont des humains signifie qu’à un moment cette vérité basique a été oubliée. Comment en sommes-nous arrivés là?

 

Note

(1) Le Festival Sabir est organisé par ARCI avec l’aide de nombreuses ONG et de la mairie de Pozallo

 

Source: Investig’Action

 

 

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