Le grand dégât de la fracturation hydraulique en Colombie

La Maison Blanche a un plan géostratégique qui utilise le pétrole comme arme de pression contre les pays du Sud, tandis qu’elle prétend abandonner la dépendance de l’importation de brut des États du Moyen Orient qui varie entre 40 et 45 %. Convertis en premier producteur, les États-Unis cherchent à stabiliser les prix et à réactiver leur économie, en crise depuis quelques années. Le projet inclut : la diminution de la dépendance des importations ; le renforcement des échanges commerciaux avec le Canada -illustré par le nouvel oléoduc Keystone XL- ; la pressurisation des pays tiers par différentes voies afin de généraliser l’implantation du “fracking” comme méthode d’exploitation. Ainsi le gouvernement du président Trump a trouvé en Colombie l’endroit idéal pour mener à bien son plan de déprédation et, en l’entreprise Ecopetrol -l’entreprise étatique colombienne d’hydrocarbures-, un allié inconditionnel. Tout cela sans se soucier des dégâts environnementaux provoqués par l’usage de cette technique.

 

 

Le désastre provoqué par l’entreprise Ecopetrol dans le territoire de « La Fortuna » à Barrancabermeja, Colombie, avec le déversement de 550 barils de pétrole, confirme une fois de plus le profond dégât social, économique et environnemental par l’extraction de ressources du sous-sol. Selon les investigations préliminaires, 25 Km du fleuve Sogamoso sont contaminés, plus 49 corps d’eau. Au moins 2 500 animaux ont péri et 9 personnes ont des problèmes de santé à cause du déversement. Ne parlons pas des centaines de pêcheurs qui n’ont plus de subsistances. Parallèlement très graves sont les dommages environnementaux qui, selon des spécialistes, ne pourront pas être rattrapés avant 20 ans, et uniquement partiellement, donc avec des séquelles permanentes [1]. Ce triste spectacle montre les conséquences catastrophiques de la surexploitation de minéraux et d’hydrocarbures. Derrière l’évidente responsabilité du gouvernement colombien sont les entreprises nord-américaines et canadiennes qui cherchent le profit au détriment de la nature et de l’hygiène de vie elle-même.

En plus de ce scénario désolant, le ministère de l’environnement a ouvert la voie en 2017 au “fracking” dans notre pays. Cette technique basée dans la production de pétrole et de gaz de gisements non-conventionnels symbolise le climax de dégradation dont l’Être Humain est capable. En effet, la fracturation hydraulique -la désignation formelle de cette méthode- correspond en peu de mots à l’installation de tuyauteries de plus de 2 km vers le bas et 3 km vers le côté, qui vont rompre les roches contenant du pétrole, en utilisant de l’eau à haute pression. Néanmoins, étant donné l’infrastructure et la profondeur, l’action de l’eau n’est pas suffisamment forte, devenant efficace seulement via l’utilisation de plus de 130 produits chimiques mélangés à du sable. Le principal problème de cette technique est la possibilité de contamination définitive des eaux souterraines par le biais d’infiltrations [2]. De même, le produit qui sort des fractures rocheuses est hautement contaminé et susceptible d’arriver en surface.

Cependant, la vice-ministre de l’énergie Rutty Paola Ortiz nous offre l’explication sournoise selon laquelle la Colombie pourrait augmenter les réserves de brut de trois milliards de barils. Comme si le monde allait être sauvé après une telle annonce [3]. Bien au contraire, la fracturation hydraulique est une pratique qui provoque des risques environnementaux imminents. En 2016 « au pays de l’oncle Sam », l’Agence de Protection Environnementale Nord-américaine a effectué une étude prouvant une dégradation importante des qualité et disponibilité d’eau potable. En effet, des estimations indiquent l’utilisation de 23 millions de litres d’eau -mélangée avec des produits chimiques- par mois en un seul puits de “fracking”. Le tout pour extraire une ressource de plus en plus dévaluée. C’est pour ces raisons que la procédure d’extraction est si dispendieuse en termes environnementaux et économiques, mais elle est aussi inutile car les gains en baisse ne se concentrent qu’entre les mains de quelques-uns.

Nous devrions cependant demander aux défenseurs du “fracking” : si cette technique produit des effets secondaires moindres, alors quelle est la raison qui conduit les pays comme la France, l’Allemagne, la Belgique et la Suisse à appliquer des grandes restrictions ou même la prohibition définitive ? La réponse est évidente : parce que c’est une méthode déprédatrice de la nature, dont les effets ne peuvent être contrôlés. C’est ainsi que des millions de dollars sont investis en avocats et scientifiques qui cherchent à dissimuler la vérité. Selon des estimations, la quantité d’eau qui sert à rompre les roches est équivalente à la consommation domestique de 2 à 7 millions de personnes par an [4]. Une absurdité totale. Autrement dit, les multinationales pétrolières, responsables des dommages environnementaux provoqués par les techniques d’extraction conventionnelles, veulent maintenant tuer en assoiffant des millions de familles dans le monde entier pour produire du brut empoisonné.

Le coupable de toute cette logique démente n’est autre que le gouvernement nord-américain qui a produit des lois sur mesure pour les multinationales, afin d’exploiter les ressources des pays pauvres qui, comme le nôtre, n’a pas une classe politique compétente capable de défendre la souveraineté -entendue ici comme protection et soin du territoire national. Il existe plus d’un million de puits non-conventionnels dans le monde, sources de secousses, de pénurie d’eau et de contaminations irréversibles. Dans les épisodes de ce triste feuilleton il y a toujours un acteur en commun : une quelconque entreprise des USA. En fait, le scénario géopolitique actuel est dominé par l’hégémonie d’un nouveau protagoniste dans la production d’hydrocarbures. Par le passé nous avons eu les gouvernements de l’Arabie saoudite et de l’Irak comme principaux exportateurs de brut. Aujourd’hui, avec 13 millions de barils par jour, le premier producteur de pétrole est les États-Unis [5]. Une partie de leur « succès » se doit à l’usage de la fracturation hydraulique comme méthode d’extraction. Responsable des dommages provoqués en surface et infligés à l’eau de son pays, le gouvernement nord-américain veut propager ce mal dans le monde à travers de puissants groupes, prêts à payer d’énormes pots-de-vin aux gouvernements corrompus.

 

Les États-Unis pressurent pour l’usage du “fracking”

 

 

La Maison Blanche a un plan géostratégique qui utilise le pétrole comme arme de pression contre les pays du Sud, tandis qu’elle prétend abandonner la dépendance de l’importation de brut des États du Moyen Orient qui varie entre 40 et 45 %.

Convertis en premier producteur, les États-Unis cherchent à stabiliser les prix et à réactiver leur économie, en crise depuis quelques années. Le projet inclut : la diminution de la dépendance des importations ; le renforcement des échanges commerciaux avec le Canada -illustré par le nouvel oléoduc Keystone XL- ; la pressurisation des pays tiers par différentes voies afin de généraliser l’implantation du “fracking” comme méthode d’exploitation. Ainsi le gouvernement du président Trump a trouvé en Colombie l’endroit idéal pour mener à bien son plan de déprédation et, en l’entreprise Ecopetrol -l’entreprise étatique colombienne d’hydrocarbures-, un allié inconditionnel. Tout cela sans se soucier des dégâts environnementaux provoqués par l’usage de cette technique.

En effet, les premiers impacts environnementaux commencent déjà à être ressentis dans le pays. Sur le hameau de Pita Limón, à San Martín, département de Cesar, ont été détectées des traces d’une substance huileuse dans des puits d’eau potable [7]. Il n’est donc pas surprenant d’y trouver à proximité une plateforme de l’entreprise Conoco Philips, qui utilise le “fracking” pour extraire des hydrocarbures dans le secteur. La multinationale texane a nié toute responsabilité dans la contamination de l’eau et a assuré que cela est la cause d’autres facteurs étrangers à leur activité de fracturation hydraulique. Toutefois, tous les faits indiquent que San Martín est la première commune colombienne affectée par l’exploitation non-conventionnelle de pétrole.

Si on ajoute au gaspillage d’eau la contamination chimique et les séismes induits, le “fracking” signifie en outre un problème de santé publique. Ont été recensés des nombreux cas planétaires de dommages sensoriels, respiratoires et neurologiques suite à la consommation d’eau contaminée avec des substances comme le plomb, le mercure, le radon, le formol, l’acide chlorhydrique entre autres produits chimiques [8]. Consécutivement à la composition du fluide qui entre dans le puits, les rejets/retours sont encore plus contaminés, car ils constituent un mélange de métaux lourds, d’hydrocarbures et même de matériaux radioactifs présents dans le sous-sol.

Les entreprises de “fracking” stockent cette eau hautement contaminée -et impossible à réutiliser- dans des « bassins latrines ». C’est comme cacher les ordures sous le tapis. Cette action est inutile et dangereuse car il est prouvé que « l’eau » contenue dans ces bassins s’infiltre, contaminant les aquifères potables : un vrai attentat contre la nature.

 

Le dégât environnemental du “fracking”

 

 

Pour revenir au sujet de santé, quelques recherches ont suggéré des résultats inquiétants. Elles ont établi qu’au moins 25 % des substances utilisées dans les forages de puits peuvent provoquer un cancer et des malformations génétiques, 37 % de ces empoisonnements affectent le système endocrinien, 40 % peuvent entraîner certaines allergies de la peau et 50 % frappent de façon irréversible le système nerveux [9]. Avec ces risques, le dégât du “fracking” est holistique = global. Cette façon indiscriminée de forer le sous-sol en injectant du poison qui menace de contaminer l’eau potable, qui stérilise des milliers d’hectares de sol et qui endommage la santé des personnes, a fourni des preuves plus que suffisantes pour qu’on en finisse une fois pour toutes avec cette méthode. Nous savons aussi que les perforations libèrent dans l’atmosphère du gaz méthane et contribuent ainsi à l’accélération du réchauffement climatique.

Malgré tous les arguments économiques et environnementaux qui contredisent la supposée vertu du “fracking”, il existe un groupe de multinationales cherchant à profiter d’un contexte politique « pro-fracking » en Colombie. Au-delà de Conoco Philips -à qui a été adjugé 33 714 hectares pour exploiter des hydrocarbures-, il y a l’entreprise canadienne Drummond -dont les permis sont presque prêts pour l’usage de “fracking” à Cesar et dans les abords de la « Sierra Nevada de Santa Marta », territoire des indigènes d’ethnie Wiwa, Wayúu et Yupka. D’autre part, l’entreprise Parex Resources, également du Canada, qui exploite des puits conventionnels à Arauca, vise à amplifier son spectre d’actions. Y sont aussi impliqués les intérêts de la plus grande entreprise pétrolière au monde, l’américain Exxon Mobil, coupable de plusieurs désastres environnementaux [10]. Ces deux derniers groupes sont associés avec l’entreprise colombienne Ecopetrol, responsable de l’affreux crime environnemental cité en début d’article. Or le directeur exécutif d’Ecopetrol, Juan Carlos Echeverry, a dit « si le “fracking” devient interdit en Colombie, alors nous partirons au Brésil ou au Venezuela ou là on où nous laisse faire ». Cette posture arrogante et insensée nous donne l’aperçu d’un scénario auquel des millions de personnes seront confrontés lors de l’exploitation d’hydrocarbures, et obéit à la volonté du gouvernement qui, en omettant des évidences scientifiques, a choisi comme d’habitude de se plier sans aucune réserve aux directives de Washington.

La pression est si élevée que Ecopetrol n’a même pas hésité à débuter les essais nécessaires pour pouvoir livrer aux multinationales de nombreux hectares voués à l’exploitation d’hydrocarbures. Que dire d’une attitude impériale des États-Unis, dédaignant les nombreux et graves inconvénients d’un modèle pour l’exporter et lui assurer un avenir certain ? [11].

Le plan stratégique des USA consiste à ouvrir une multitude de puits de “fracking” ailleurs dans le monde, afin d’équilibrer les dommages dans son propre territoire, faisant ainsi taire les critiques de groupes écologistes. En d’autres termes, nous sommes probablement en train d’assister à la première ère de « l’impérialisme du “fracking” », celle de « l’accumulation par dépossession » caractérisée par l’académicien David Harvey. Cela signifie la protection du système capitaliste par la privatisation et l’accaparement de la terre.

Il est par conséquent nécessaire d’appeler à la raison. Si l’extraction de brut avec la méthode conventionnelle est dévastatrice pour l’environnement, le “fracking” est une technique bien plus nocive. Il s’agit assurément d’un attentat, une forme claire de terrorisme. L’inquiétude est justifiée en constatant un pays tel la Colombie, riche d’une grande biodiversité, voir ses ressources naturelles totalement au service de multinationales. Il est impératif d’affirmer que les entreprises utilisant le “fracking” doivent abandonner le territoire colombien car la catastrophe peut devenir irrépressible. Si on tient compte de l’avis des experts, l’avenir de cette technique devrait être considéré négatif pour deux raisons : 1- Quand le prix du pétrole est en dessous des 80 dollars, les gains sont réduits par rapport aux énormes investissements, 2- Les profonds préjudices environnementaux provoqués.

 

Non au fracking en Colombie !

 

 

Notes :

[1]-http://www.vanguardia.com/santander/barrancabermeja/428554-nueve-personas-afectadas-y-2460-animales-muertos-deja-derrame-de-cr

[2]- https://www.youtube.com/watch?v=RPDtD0lP1l0

[3]-https://www.elespectador.com/noticias/medio-ambiente/ministerio-de-ambiente-permite-el-fracking-en-colombia-articulo-709782

[4]-http://www.nofrackingmexico.org/que-es-el-fracking/

[5]-https://elpais.com/economia/2015/07/10/actualidad/1436539995_579371.html

[6]-http://elsalmoncontracorriente.es/?El-fracking-como-arma-estrategica

[7]-http://sostenibilidad.semana.com/impacto/articulo/fracking-en-colombia-denuncian-contaminacion-de-agua-en-san-martin-cesar/39500

[8]-https://birongo.aporrea.org/actualidad/a183277.html

[9]- http://www.nofrackingmexico.org/que-es-el-fracking/

[10]-https://www.las2orillas.co/las-5-gigantes-petroleras-que-arrodillaron-al-gobierno-para-permitir-el-fracking/

[11]-https://magnet.xataka.com/en-diez-minutos/el-imperio-del-fracking-asi-ha-vuelto-estados-unidos-a-la-cabeza-de-la-produccion-del-petroleo

 

Source : La Otra Opinión

Dessins : El Matador / Ivan Lira

Traduit du castillan par Paulo Correia pour le Journal Notre Amérique

 

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