L’année 2018 marquera-t-elle l’avènement d’une nouvelle stratégie palestinienne ?

Les dirigeants palestiniens et leurs alliés arabes et internationaux vont maintenant entamer une nouvelle année avec la tâche ardue de mettre au point une toute nouvelle formule politique qui se passe des USA.

 

L’Autorité palestinienne avait abordé 2017 avec le léger espoir que les USA étaient en train de se distancier, même légèrement, de leur attitude radicalement pro-israélienne. Cet espoir était le résultat d’une décision prise par l’administration Obama en décembre 2016 de ne pas opposer son veto à la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui déclarait nul et non avenu le statut des colonies juives illégales dans les territoires occupés.

Mais la nouvelle administration de Donald Trump étouffa tout optimisme dès qu’elle prit possession de la Maison Blanche, avec la promesse de relocaliser l’ambassade US de Tel Aviv à Jérusalem, reconnaissant ainsi, au mépris du droit international, la ville sainte comme capitale d’Israël.

Des messages mitigés de la part du président Trump ont fait qu’il n’était pas clair s’il allait mener à bien sa campagne et ses promesses pré-électorales, ou s’il resterait attaché à la politique étrangère traditionnelle des USA. La nomination de politiciens d’extrême-droite, comme David Friedman comme ambassadeur US en Israël, était juxtaposée à des références constantes à un « accord final » qui impliquerait les Palestiniens, Israël et les pays arabes.

La « paix régionale » US-américaine, cependant, n’équivaut à rien et Trump finit par remplir sa promesse envers Israël et ses alliés en signant le Jerusalem Embassy Act de 1995.

Ce faisant, il a mis un terme au rôle de premier plan de son pays dans le « processus de paix » préconisé par les USA, qui prônait une « solution à deux États » fondée sur une formule « la terre contre la paix ».

Les pays européens avaient anticipé le retrait US-américain des efforts de paix dès janvier 2017, mais ils ont cependant poussé à l’organisation d’une conférence de paix à Paris le 15 janvier. La conférence rassembla près de 70 pays mais sans le soutien des USA et avec le rejet d’Israël. Elle ne fut qu’une plateforme pour répéter un langage éculé sur la paix, la coexistence et autres platitudes.

Maintenant que Trump a dégradé le rôle de son pays, les puissances européennes, en particulier la France, tenteront probablement de sauver les pourparlers de paix. Cependant, une telle possibilité risque de se révéler infructueuse puisque le gouvernement israélien d’extrême-droite de Benjamin Netanyahou a clairement indiqué que ni le gel des colonies illégales, ni une Jérusalem partagée, ni un État palestinien ne sont dans les projets d’Israël. Sans l’application du droit international, Israël ne changera pas de plein gré sa position.

En fait, 2017 a été une année d’expansion effrénée des colonies juives, avec des milliers de nouveaux logements construits – ou en cours de construction – tandis que de nouvelles colonies sont également prévues.

L’intransigeance d’Israël et la fin du gambit de paix US ont renouvelé l’intérêt pour la lutte palestinienne, qui a été mise de côté pendant des années en raison des conflits régionaux et de la guerre en Syrie. Cela a permis de renforcer le soutien au mouvement palestinien de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS). Inspiré du mouvement de boycott contre l’apartheid en Afrique du Sud, le BDS appelle à une action directe de la société civile mondiale pour mettre fin à l’occupation israélienne de la Palestine.

Cependant, la montée en force de la campagne BDS a également engendré une forte pression israélo-US pour mettre hors la loi le mouvement et punir ses partisans. Près de deux douzaines d’États US ont adopté des lois pour criminaliser le BDS, tandis que le Congrès est en train de peaufiner sa propre loi qui fera du boycott d’Israël un acte passible de lourdes amendes et peines d’emprisonnement.

Contestant à la fois l’occupation israélienne et l’Autorité de Ramallah, les Palestiniens des territoires occupés ont poursuivi leur Intifada, bien que celle-ci n’ait pas bénéficié de la mobilisation de masse des soulèvements antérieurs.

Des centaines de Palestiniens ont été tués et blessés, y compris de nombreux enfants, Israël faisant tout pour étouffer toute protestation contre son régime militaire.

Le siège de Gaza est également resté en place malgré les efforts du Hamas pour y mettre un terme par l’élaboration d’une nouvelle charte et les diverses ouvertures vers le Fatah de Mahmoud Abbas, qui domine le gouvernement palestinien à Ramallah.

Un accord d’unité entre le Hamas et le Fatah a été signé au Caire en octobre. Il fixe une date pour les élections et a permis à un grand nombre de responsables et employés de l’AP de retourner à Gaza pour s’occuper des passages frontaliers et reprendre une place dans divers ministères et bureaux du gouvernement.

Cependant, près de deux millions de Palestiniens dans la bande assiégée n’ont pas encore savouré les bénéfices de cette unité dans leur vie quotidienne.

Bien que l’accord de réconciliation ait été motivé par l’opportunité politique pour les deux factions, le besoin d’une réelle unité entre les Palestiniens est plus urgent que jamais, et pas uniquement à cause de la décision de Trump concernant Jérusalem.

La Knesset israélienne a adopté, ou est sur le point d’adopter, plusieurs projets de loi qui scellent le sort des Palestiniens, indépendamment de leur situation géographique ou de leur appartenance politique. L’un d’entre eux est le projet de loi sur la nation juive qui définit Israël comme « la patrie du peuple juif », faisant ainsi de millions d’Arabes palestiniens indigènes, des parias dans leur propre pays.

Le projet de loi sur le Grand Jérusalem, bien que temporairement mis de côté malgré le soutien de la majorité à la Knesset, appelle à l’expansion des frontières de Jérusalem pour inclure d’importantes colonies juives illégales en Cisjordanie, annexant ainsi illégalement une partie de la terre palestinienne et réduisant la population palestinienne de Jérusalem à une minorité encore plus restreinte.

La direction palestinienne doit comprendre que les défis à relever sont bien plus importants que son besoin égoïste de survie politique et de soutien financier. Il est urgent de revitaliser toutes les institutions de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). La nouvelle stratégie devrait placer les Palestiniens en premier et mobiliser les énergies du peuple palestinien chez lui ou dans la shatat [diaspora].

Cela ne peut pas être réalisé en se contentant de belles paroles sur l’unité palestinienne, mais en menant une campagne dynamique visant à réexaminer les échecs des 25 dernières années – depuis que le «processus de paix» s’est enclenché – et à faire rendre des comptes aux responsables de ces échecs.

Une nouvelle direction dynamique doit émerger qui considère la lutte palestinienne et la résistance populaire non pas à travers des prismes factionnels ou idéologiques, mais par une allégeance et un respect compatissants envers le peuple palestinien, non seulement en Palestine mais aussi ceux qui languissent dans les camps de réfugiés au Liban, en Syrie et en Jordanie. dans toute la région et le monde.

Grâce à ce nouveau leadership, un tout nouveau contrat social devrait être articulé, avec un nouveau vocabulaire et un véritable engagement envers des objectifs et des aspirations spécifiques. Diverses «directions» palestiniennes ont joué des airs différents pendant trop longtemps, chacune étant axée sur ses gains personnels, sans tenir compte du fait que la majorité des Palestiniens ont énormément souffert de cette désunion et de cette confusion.

Pour qu’une direction palestinienne soit prise au sérieux, elle doit vraiment représenter son peuple et parler en son nom avec le genre de détermination qui reflète l’acte quotidien de résistance qui alimente la lutte palestinienne.

2018 promet donc d’être une année décisive pour l’avenir de tous les Palestiniens et ce sera une année difficile. Non seulement les USA se sont retirés du «processus de paix», mais ils devraient faire tout leur possible pour mettre en péril toute initiative palestinienne visant à faire rendre des comptes à Israël pour son occupation militaire illégale de 50 ans.

Si la direction palestinienne ne réussit pas la transition vers un nouveau rôle, elle risque de se trouver en confrontation directe avec le peuple palestinien, qui est prêt à passer à un tout nouveau type de lutte, qui ne souscrit pas à la farce d’une «solution à deux États», qui de toute façon n’a jamais vraiment été à l’ordre du jour.

 

Ahed Tamimi, symbole de la nouvelle génération palestinienne, par Carlos Latuff 

 

Merci à Chronique de Palestine et Tlaxcala 

Source: http://www.palestinechronicle.com/will-2018-usher-in-a-new-palestinian-strategy/

 

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