L’action du Tribunal supérieur électoral brésilien exige une campagne de Lula encore plus vigoureuse

La sentence pondue la nuit du 1er septembre en séance extraordinaire du Tribunal supérieur électoral – TSE – contre le président Luiz Inácio Lula da Silva et qui l’empêche de se présenter à l’élection présidentielle est un scandale de plus, qui dévoile aux yeux incrédules du monde entier et à la grande honte nationale hélas, le caractère rétrograde des institutions qui règnent aujourd’hui au Brésil.

 

Le comportement dictatorial de ces institutions qui mènent une persécution politique ubuesque contre le plus grand leader populaire de l’Histoire brésilienne, fait partie du scénario d’un coup politique, parlementaire et médiatique, appelé à tort coup « doux » , à l’image de ce qui se passe dans toute la région d’Amérique latine et des Antilles – hormis certains cas particuliers.

Nous assistons aujourd’hui aux effets multiples d’une offensive réactionnaire, conservatrice, restauratrice du néolibéralisme, fruit d’intérêts convergents et d’efforts conjugués des élites mondiales du système impérialiste, du gouvernement des USA avec son noyau hégémonique et ses classes alliées dominantes, implantés dans la région.

L’emprisonnement de Lula et maintenant le barrage de sa candidature à la présidence de la République – contre l’avis du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies[NdT] – est une étape qui culmine avec une série de coups perpétrés par l’impérialisme et les oligarchies locales comme le coup contre Zelaya au Honduras – 2009 – ; le coup parlementaire contre Fernando Lugo au Paraguay – 2012 – ; la destitution de Dilma Rousseff au Brésil – 2016 – et les victoires fabriquées en Argentine, Chili, Paraguay et Colombie. La seule exception est le Mexique avec la victoire d’un courant patriotique de gauche et qui peut représenter un point d’inflexion dans la conjoncture politique latino-américaine.

Au Brésil, un Torquemada travesti de juge libéral, soi-disant intellectuel et réformateur organique de la droite, persécute Lula, le Parti des Travailleurs – PT – et l’ensemble de la gauche. Il considère avoir vocation à promouvoir la refondation de la République et il se positionne à l’avant-garde d’une opération de disqualification de la politique démocratique et progressiste, qui se confond, dans son langage maniéré et sa posture théâtrale, avec les pratiques abominables des politiciens corrodés des classes dominantes, dépassés et cibles de critiques qui découlent facilement de leurs pratiques et qui justifient prétendument sa stratégie de la « terre brulée » vis-à-vis de la vie politique.

En même temps les secteurs putschistes encouragent objectivement l’action du néofascisme brésilien, afin de forger une polarisation avec la droite prétendument républicaine et centriste représentée par le candidat du PSDB, Geraldo Alckmin. Ainsi un ex-président de la République, Fernando Henrique Cardoso – FHC –, défend une stratégie anti-PT, pour essayer de diriger l’opinion publique vers un deuxième tour entre Geraldo Alckmin et Jair Bolsonaro – extrême droite.

Cette manœuvre est une action parmi d’autres qui tend à favoriser les plans de la droite et ainsi radicaliser le discours anti-PT et anti-gauche. Selon les mots de FHC, le PT est actuellement plus « intransigeant »et « hégémonique » qu’avant. Cette critique exprime la réaction des classes dominantes référencées au PSDB de FHC et Alckmin et le tournant stratégique du PT vers la gauche depuis le coup qui a renversé la présidente Dilma Rousseff.

Le postulat de FHC est une astuce stratégique et tactique tournée à empêcher l’accréditation dans les urnes en 2018, d’une alternative anti-néolibérale, démocratique, progressiste et populaire, en faveur du Brésil, de son peuple, des autres peuples d’Amérique latine et des Antilles. Il préconise la polarisation Bolsonaro versus PSDB.

La gauche brésilienne ne peut pas tomber dans le défaitisme et la résignation. La polarisation est tout autre : Lula versus le candidat qui représente la droite.

Il est symptomatique qu’au moment où tout cela se déroule au Brésil, fonctionnent à plein régime les campagnes pour faire tomber le gouvernement sandiniste au Nicaragua, le bolivarien au Venezuela, s’intensifie le blocus à Cuba et apparaissent des signes qui annoncent le combat pour renverser le gouvernement populaire de Evo Morales en Bolivie.

La victoire des forces progressistes et de gauche au Brésil en 2018 est la condition sine qua non pour que l’Amérique latine puisse suivre la lutte debout et de maintenir à travers la CELAC – Communauté des États d’Amérique latine et des Antilles – la décision d’agir avec un sens unitaire et intégrateur.

Ceci implique le soutien de l’ensemble des forces de gauche brésiliennes : de la décision du Parti des Travailleurs de lutter « contre la suppression des droits politiques de Lula et d’être avec lui jusqu’au bout », au Parti Communiste du Brésil – PCdoB –, qui a condamné la décision du TSE de barrer la candidature de Lula comme un « affront à la démocratie » et a fait appel au peuple brésilien à fin de répondre dans les urnes à la « violence contre la démocratie » et à s’engager dans « une campagne électorale vigoureuse afin de faire élire la liste sous l’égide de Lula, avec ou sans lui ».

 

José Reinaldo Carvalho est journaliste post-gradué en Politique et relations internationales. Il est aussi directeur de Cebrapaz – Centre Brésilien de Solidarité aux Peuples et à la Lutte pour la Paix.

Traduit du portugais par Paulo Correia pour Le Journal Notre Amérique

Source : Brasil 247, 2 septembre 2018

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