La Gauche Unitaire Européenne veut en découdre avec l’OTAN

À la veille du sommet de l’OTAN prévu à Varsovie les 8 et 9 juillet, la gauche unitaire européenne (GUE/NGL) a décidé d’organiser une conférence intitulée « There is an alternative », pour évoquer l’épineuse question : doit-on en finir avec l’OTAN ? Compte-rendu.

 

« Le fait qu’un ancien commandeur des forces de l’OTAN estime qu’une guerre nucléaire soit ‘plausible’ contre la Russie en 2017 n’est pas acceptable », a déclaré en guise d’introduction Sabine Lösing, députée européenne. Plusieurs intervenants ont ainsi dénoncé la dérive militariste de l’OTAN, notamment dans ses manœuvres d’encerclement de l’ancienne Union soviétique.

La Russie a encore quelques problèmes en terme démocratiques et de liberté de la presse, mais l’Europe et les Etats-Unis sont-ils irréprochables au point de pouvoir juger et surveiller aussi férocement l’ex-URSS ? C’est en tout cas ce qu’a dénoncé Andrej Hunko, vice-président du parti de la gauche européenne. Il rappelle que la Russie a aboli la peine de mort en 2009, peine qu’elle n’exécutait déjà plus depuis plus de dix ans, contrairement à bon nombre d’Etats (31) du principal allié de l’Europe, les USA.

La gauche unitaire européenne se défend de tenir un discours prorusse, mais aspire plutôt remettre les choses à leur place. « Il n’est plus possible que 3,7 millions d’Européens [nombre d’actifs au sein de l’OTAN] servent les intérêts des Américains, qui œuvrent ouvertement à la déstabilisation des nations d’Eurasie pour maintenir leur hégémonie », a d’ailleurs ajouté Maria Socorro Gomes présidente du World Peace Council.

 

Le pacte rompu

Andrej Hunko a précisé que la détérioration des relations entre la Russie et l’OTAN était le résultat de la politique ambigüe de l’organisation transatlantique. « En 1990, jusqu’après la réunification de l’Allemagne, de nombreux dirigeants de l’OTAN ont fait savoir qu’ils souhaitaient une Europe unie, soudée et que pour éviter les tensions ils n’iraient pas s’établir à l’Est, près de la Russie ou dans les Balkans ». Malheureusement, rien de cela n’a été formellement établi, via un traité par exemple. « Les dirigeants de l’OTAN estimaient que le Pacte de Varsovie suffirait à décourager les futurs dirigeants de l’organisation à s’installer trop près des Russes », a ajouté le vice-président de la gauche européenne.

 

Pourtant, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque sont entrées dans l’OTAN en 1999, suivies cinq ans plus tard de l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Ce rapprochement, toujours plus près des frontières russes, a précédé la mise en place du programme de boucliers antimissiles de l’alliance transatlantique. Le projet, discuté au sommet de l’OTAN à Lisbonne en 2010, prévoyait une coopération avec la Russie dans la mise en place des boucliers. Le Kremlin, longtemps opposé au projet, avait annoncé à ce sommet qu’il accepterait de coopérer après s’être fait « une idée définitive de ce que sera le système antimissile européen »[1].

 

La crise ukrainienne survenue quatre ans plus tard, a mis un arrêt définitif dans les échanges OTAN-Russie. L’organisation transatlantique a néanmoins poursuivi la mise en place de son bouclier aux abords des frontières russes. Pour beaucoup d’observateurs, dont des membres de la gauche unitaire présents à la conférence, le manque de cohérence de la politique étatsunienne à l’égard de la Russie a perturbé le jeu d’influence. En effet, dès son arrivée au pouvoir, Obama souhaitait mettre en place le « reset » ; une relance positive des relations avec la Russie, notamment sur la réduction des armes nucléaires et sur une coopération visant à faire de l’Europe une zone de stabilité et de paix.[2]Le « reset » semble être aujourd’hui tombé à l’eau.

 

Des manœuvres géostratégiques ambigües

 

L’OTAN exprime vouloir réagir sur base des intimidations de la Russie après les événements survenus Crimée en 2014. Les récentes déclarations à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN ont d’ailleurs déploré « l’usage de la force par la Russie contre ses voisins et les tentatives d’intimidation des alliés » [3] de l’OTAN. Mais dans ces récentes tensions, l’OTAN a joué un rôle de « pompier pyromane » en justifiant son existence comme étant un rempart contre la menace russe. Des propos qui ont créé de vives réactions au Kremlin qui estime se sentir encerclé, notamment avec l’Ukraine que Vladimir Poutine qualifie de « Légion étrangère de l’OTAN ».
Les conférenciers ont tenu le même discours que Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, en rappelant que l’OTAN a un intérêt structurel et bureaucratique à intensifier la crise[4]. Il faudrait donc écarter l’organisation des relations avec la Russie.

 

D’autant que l’intensification des manœuvres de l’OTAN en territoires stratégiques « peut en effet être perçue du côté Est comme une tentative d’intimidation ou de préparation à une lutte pour les ressources de l’Arctique » a affirmé Tobias Pflüger, membre du Information Centre on Militarisation. En 2015, l’OTAN s’associait à la Finlande et la Suède (pays dits « neutres ») pour des exercices de manœuvres aériennes intitulés « Arctic Challenge Exercise »[5]. Plus récemment encore, la Suède a accepté un accord permettant à l’OTAN d’effectuer des opérations portuaires sur son territoire. À cela s’ajoute également l’occupation de la mer Egée par les troupes de l’organisation transatlantique, dont la raison officielle est le contrôle de l’afflux migratoire. Mais pour de nombreux observateurs, il s’agit surtout de surveiller le détroit du Bosphore, seul point d’accès aux autres mers chaudes depuis que la Russie a récupéré la Crimée.

 

Des solutions ?

 

Dans le climat de tensions actuelles, difficile de faire comprendre aux citoyens l’intérêt de réduire l’investissement dans les organisations militaires. Cependant certains proposent des alternatives comme le vice-président de la gauche européenne Andrej Hunko : « Nous devrions dissoudre l’OTAN et mettre en place une nouvelle structure de sécurité collective qui inclurait à la fois les pays de l’alliance transatlantique et la Russie ».
Mais face à la complexité diplomatique que cela représente actuellement, Tobias Pflüger suggère d’abord que l’Union européenne devrait « quitter la coopération avec l’OTAN pour redevenir avant tout un acteur civil ».
Cependant, avec le regain de tensions, ces opérations semblent impossibles et fournissent avant tout des idées pour améliorer les relations entre les deux blocs lorsque ceux-ci seront définitivement sortis de leur froid.

 

Source: Investig’Action

 

Notes:

[1]http://www.europe1.fr/international/bouclier-russie-pas-de-oui-inconditionnel-314352

 

[2]http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2015/02/11/31002-20150211ARTFIG00429-crise-ukrainienne-quel-role-joue-l-otan.php

 

[3]http://www.lecho.be/economie_politique/international_general/La_Russie_une_menace_reelle_et_serieuse_selon_l_Otan.9772007-3501.art

 

[4]http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1319414-crise-en-ukraine-poutine-tout-comme-l-otan-joue-les-pompiers-pyromanes.html

 

[5]http://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/2336750/2015/05/25/Debut-de-manoeuvres-aeriennes-de-l-Otan-dans-le-nord-de-l-Europe.dhtml

 

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