Italie : les travailleurs répondent au chantage des patrons par la grève !

Face à la grève de la classe ouvrière et à la pression des patrons, le gouvernement italien a fait volte-face sur l’arrêt de la production non essentielle pour lutter contre la pandémie de coronavirus. Les travailleurs de Lombardie préparent actuellement une grève générale, qui sera suivie dans d’autres régions du pays. Une nouvelle période orageuse se prépare.

L’épidémie de coronavirus provoque la crise économique et sociale la plus sévère que l’Italie ait connue depuis des décennies. Les coupes dans le service de santé publique et l’attitude légère du gouvernement Conte dans les premières semaines de l’épidémie ont conduit à la situation à laquelle nous assistons aujourd’hui. Le nombre croissant de décès (nous avons atteint hier 5.476) et de personnes infectées (hier, près de 60.000) provoque un sentiment de colère sans précédent et une remise en cause généralisée du système.

Les différents décrets du gouvernement ont introduit, pas-à-pas, un verrouillage des activités quotidiennes : les écoles, les universités, les bars, les restaurants et tout un tas de magasins sont fermés. Un nombre important de trains et de vols sont annulés. Personne ne peut sortir des quartiers où il vit, on ne peut pas se promener librement, même seul, trop loin de son appartement.

L’hashtag #Istayathome est partout. Il s’applique apparemment à tout le monde, sauf aux travailleurs. Les usines, les centres d’appels et les bureaux étaient encore ouverts jusqu’au week-end dernier. Aux heures de pointe, les bus et les métros sont bondés. Autant de situations qui créent les conditions idéales pour la propagation du virus, et où il est pratiquement impossible de maintenir une distance d’un mètre entre les personnes. Tout le monde peut voir que nous parlons de discrimination de classe, où les personnes les plus exposées au virus sont les travailleurs et leurs familles.

Pression des travailleurs, pression des patrons

La pression en faveur d’un arrêt complet de la production est venue non seulement des travailleurs, qui ont lancé une série de grèves sauvages à partir du 11 mars, mais également des gouverneurs des régions du nord de l’Italie et de plusieurs maires. Les institutions médicales locales étaient extrêmement inquiètes de l’effondrement de l’ensemble du système des services de santé.

Le climat d’un blocus total des usines se développe à la vitesse de la foudre. Le 14 mars, les patrons, les dirigeants syndicaux et le gouvernement ont conclu un accord pour maintenir les usines et les bureaux ouverts “en toute sécurité”, ce qui a provoqué un énorme mécontentement parmi les travailleurs ordinaires. Une petite indication a été le succès de notre appel, “Les travailleurs ne sont pas sacrifiables“, qui a trouvé près de 300 partisans (dont des délégués syndicaux, des militants, etc.) en l’espace de 48 heures.

Dans la nuit du samedi 21 mars, avec la nouvelle tragique d’un bilan record de plus de 700 morts, le gouvernement s’est retrouvé acculé au pied du mur en seulement 24 heures. Après une réunion avec les syndicats et les organisations patronales, M. Conte a déclaré que le gouvernement était sur le point de fermer toutes les activités de production, à l’exception de celles qui fournissent des biens et des services essentiels. Les travailleurs ont eu le sentiment d’obtenir une victoire partielle.

Mais le matin suivant, le dimanche 22 mars, le lobbying a commencé.

Dans une lettre, Vincenzo Boccia, le chef de l’organisation patronale Confindustria, a demandé au Premier ministre Conte de limiter sévèrement les fermetures d’entreprises pour diverses raisons, dont le risque explicite que les entreprises se retrouvent “à court de liquidités”. Boccia a également demandé au gouvernement d'”évaluer les mesures nécessaires pour éviter des impacts négatifs sur les stocks de nos entreprises”. Enfin et surtout, avec les fermetures, les patrons “perdraient tout espoir” pour les investissements !

Face à la plus grave urgence sanitaire depuis l’après-guerre, la classe dirigeante a fait passer le profit de quelques-uns avant la santé de la vaste majorité de la population. La réponse a été presque immédiate ! Le décret publié dans la nuit de dimanche a levé l’ordre de fermeture pour un certain nombre de secteurs.

Des industries de la défense à l’aérospatiale, du textile aux usines chimiques, des centres d’appel aux banques, le décret précise que non seulement les secteurs essentiels mais aussi ceux considérés comme ayant une importance “stratégique” pour l’intérêt national resteront ouverts !

Le dernier mot sur ce décret reviendra aux préfets de chaque province… après examen de l’auto-évaluation de l’entreprise !

Maurizio Landini, le secrétaire général de la CGIL (NdT : Confédération générale italienne du travail), a été perplexe et a déclaré : “ce n’est pas le texte sur lequel nous nous sommes mis d’accord”. Cela arrive souvent quand on ne fait confiance qu’aux négociations et non à la force de la classe que l’on représente !

Une fois de plus, les événements en Italie confirment la célèbre phrase du Manifeste de parti communiste : “Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de toute la classe bourgeoise”.

Pour une grève générale!

Aujourd’hui, toute une série de grèves ont éclaté dans plusieurs usines du nord du pays. M. Landini, interviewé à la radio nationale, a établi clairement que le syndicat “soutient chaque appel à la grève lancé par le syndicat local et les comités de délégués syndicaux” et que “nous sommes prêts pour une grève générale”. Une grève générale a d’ores et déjà été appelée en Lombardie pour mercredi prochain.

Boccia a répondu qu’il ne voyait “aucune utilité à une grève générale” et que nous ne devrions pas envoyer de “messages négatifs”, juste pour ajouter l’insulte à la blessure !

Le syndicat devrait appeler à une grève générale dès maintenant, pour arrêter toutes les usines qui ne sont pas essentielles pour faire face à l’urgence, et en même temps assurer le respect des mesures de sécurité pour tous ceux qui travaillent dans les secteurs essentiels.

A travers l’expérience de ces dernières semaines, il est clair que nous ne pouvons pas faire confiance aux patrons et au gouvernement pour garantir notre santé. Des comités de contrôle des travailleurs devraient être mis en place dans tout le pays. Ils devraient décider quelle production est essentielle pour faire face à l’urgence ou non.

L’épidémie de coronavirus modifie les croyances et les habitudes de millions de gens qui commencent à conclure que la contradiction la plus fondamentale de la société se situe entre les intérêts de la minorité des capitalistes et de la majorité du prolétariat. Ces intérêts sont irréconciliables.

Une fois l’urgence passée, la lutte des classes (qui n’en est encore qu’à ses débuts) frappera comme un coup de foudre dans un ciel clair. Les marxistes en Italie se préparent à ces événements orageux en intervenant pleinement dans l’urgence présente.

 

Source originale: In Defence of Marxism

Traduit de l’anglais par M-L Lefebvre pour Investig’Action

Source: Investig’Action

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