Haïti : le capitalisme des paramilitaires (1/3)

Tout au long de l’histoire du capitalisme mondial, les groupes dominants ont développé des moyens d’atteindre l’hégémonie pour maintenir et projeter leur domination de classe. À l’ère du capitalisme global, une grande variété de moyens recyclés, modifiés et nouveaux pour atteindre l’hégémonie a émergé, y compris dans le bassin des Caraïbes. La question qui se pose ici est celle des enjeux de cette nouvelle ère du capitalisme global du point de vue du paramilitarisme, en particulier dans le cas d’Haïti. Est-il vrai, comme je tâcherai de le montrer, que le paramilitarisme n’a pas disparu à l’ère de la globalisation, mais a été modifié et fait partie des stratégies changeantes des élites (et surtout des élites transnationales) ?

Première partie du dossier (Deuxième partie) (Troisième partie)

 

Cet article examine l’évolution et la flexibilisation des forces paramilitaires en Haïti, ainsi que les stratégies hégémoniques des élites transnationales. Dans ce contexte, la « flexibilisation » désigne la façon dont les opérations ou les composantes d’un processus sont modifiées pour répondre aux besoins d’une forme plus avancée de reproduction sociale et matérielle qui augmente ou diminue, et qui se redéploie et se réaffecte plus facilement. Je prête ici une attention particulière à la phase la plus récente du paramilitarisme en Haïti moderne, par rapport à la restructuration politique et économique d’Haïti à l’ère de la globalisation [1].

La globalisation capitaliste entraîne des changements structurels dans l’économie politique des Caraïbes (Watson, Eds., 2015). Par conséquent, il se produit des conflits et des réarrangements entre les nombreux groupes sociaux et classes sociales qui sont actifs dans la région. Comme l’ont montré les économistes politiques, les compagnies transnationales (CTN) se sont mises à opérer au-delà des frontières de manière fonctionnelle au cours des dernières décennies (Dicken, 2011). Des relations de classe transnationales se sont formées avec la montée des compagnies transnationales et de la globalisation capitaliste (Carroll, 2010 ; Harris, 2006, 2016  Liodakis, 2010 ; Robinson, 2004, 2014 ; Sklair, 2001) [2]. Les propriétaires et les principaux investisseurs dans les compagnies transnationales, en particulier, ont été décrits comme une classe capitaliste transnationale (CCT) (Sklair, 2000 ; Robinson, 2004 ; Harris, 2016), avec de nombreuses fractions différentes constituant cette nouvelle classe sociale.

 

Les classes sociales sont des relations générées et reproduites à travers les processus productifs et la vie économique d’un type de société. À l’ère du capitalisme global (les dernières décennies du 20e siècle et le début du 21e siècle), nous voyons la formation de nouvelles relations de classe changeantes, avec la CCT qui se positionne en classe dominante. Certaines études récentes ont commencé à examiner le rôle de la CCT dans les Caraïbes. Watson (Eds., 2015) suggère que les États-Unis et d’autres grandes puissances ont poursuivi des politiques favorables au capital transnational et à l’émergence de groupes locaux de CCT dans les Caraïbes. Sprague-Silgado examine le rôle que jouent les agents de la CCT dans les Caraïbes dans la facilitation de l’intégration de cette région dans de nouveaux circuits d’accumulation globalisés, notamment en ce qui concerne les flux miniers, migratoires et de transferts de fonds, la transformation des exportations et le tourisme (Sprague-Silgado, 2018 ; Sprague, 2015a, 2015b; Sprague-Silgado, 2017).

Cependant, pour assurer ses intérêts, la CCT a besoin d’un projet politique. Ce nouveau projet politique est constitué par ce que Robinson (2004 ; 2015) et d’autres (Harris, 2006; Liodakis, 2010) décrivent comme les appareils d’un État transnationalémergent. Grâce à un réseau d’institutions étatiques nationales et supranationales interpénétrées par des élites transnationales, de nombreux législateurs du monde entier défendent les intérêts du capital transnational. Ces élites vont des responsables qui opèrent à travers de puissantes institutions étatiques, aux décideurs des institutions financières internationales et d’organisations et organes supranationaux. Comment la montée de la globalisation capitaliste a-t-elle influencé les méthodes pour atteindre l’hégémonie (par exemple, le rôle de l’appareil paramilitaire) ?

 

Par le terme d’« hégémonie », nous nous référons ici à l’idée gramscienne classique selon laquelle, dans différentes époques et sociétés, un bloc historique s’est formé, une alliance de différentes forces de classe organisées politiquement autour d’un ensemble d’idées dominantes qui fournissent de la cohérence et une direction planifiée. De plus, ce « bloc historique » opère sous une classe sociale dominante qui a établi son leadership intellectuel et moral (Gramsci, 1971 : 215). Ce bloc historique établit sa domination sur la société, non seulement par la répression (à travers les tribunaux, la police et l’armée), mais aussi par le consentement (à travers la culture et l’idéologie) dans la superstructure sociale. La superstructure sociale englobe toute la société civile, la religion, la culture, la politique, l’éducation et l’art. Selon l’équilibre changeant des forces, la classe dominante (et son bloc historique) dépend fortement de la contrainte ; tandis qu’à d’autres moments historiques, elle repose également sur le consentement. Gramsci observa (il écrivit au début du 20e siècle) que les groupes dominants dans les états-nations capitalistes (en particulier dans « l’ouest », par opposition à « l’est », c’est-à-dire la Russie, où la société civile était beaucoup moins enracinée et articulée) reposaient de plus en plus sur un ensemble de moyens pour parvenir au consentement hégémonique, mais restent toujours « protégés par l’armure de la contrainte » (Gramsci, 1971 : 263).

Comme l’a noté Gramsci, la contrainte hégémonique obtenue par l’usage de la force est toujours présente, par le biais des mécanismes juridiques, de la police et des appareils militaires ou paramilitaires. L’utilisation de la force influe directement sur la situation matérielle objective, à travers différents types d’application physique et juridique, car elle réprime de façon corporelle ceux qui vont à l’encontre des normes idéologiques, économiques, culturelles et politiques établies, en particulier les groupes sociaux/subalternes non conformistes, ceux qui cherchent à transformer le système. Ici, l’État joue un rôle décisif par son monopole sur la violence légitime, tout comme le système de classe avec les ressources que les groupes dominants peuvent apporter. Nous en voyons de nombreux exemples non seulement dans les pays « métropolitains », mais aussi dans le « monde en voie de développement », où la force répressive est utilisée depuis des siècles pour intégrer les populations dans les marchés et les systèmes impériaux.

Afin de promouvoir son hégémonie sur un système global propice à la crise, la CCT a exigé une vaste nouvelle alliance des forces sociales, un bloc historique global. Ce nouveau bloc historique (la CCT étant sa classe hégémonique) est constitué des CTN et des institutions financières transnationales, des élites qui gèrent les agences supranationales de planification économique, des forces majeures des partis politiques dominants, des conglomérats des médias et des élites technocratiques et des gestionnaires d’état au Nord comme au Sud (Robinson et Sprague-Silgado, 2018). Au cours des dernières décennies, de nombreux groupes nationaux dominants et puissants ont évolué vers une orientation transnationale, en s’introduisant dans ce nouveau bloc historique global. De même, les moyens d’atteindre l’hégémonie (en tant que nouvelle hégémonie à orientation transnationale) se tournent vers les intérêts du nouveau bloc historique (et de sa classe hégémonique, la CCT) (Robinson, 2005).

Alors que le nouveau bloc historique global repose sur des nouveaux moyens (souvent) restructurés pour atteindre le consentement hégémonique, face à une crise structurelle ou à une menace importante, ses moyens pour exercer une domination répressive sont vitaux. Nous voyons maintenant, dans bien des cas, un réaménagement des appareils répressifs du passé. En Haïti, cela apparaît dans la façon dont les groupes paramilitaires et ex-militaires sont reproduits.

Les groupes paramilitaires sont des groupes armés qui opèrent à l’extérieur de la police ou des appareils militaires officiels, mais qui agissent parfois en coordination avec ces derniers. Ils ont été un instrument indispensable utilisé par les groupes dominants pour écraser les rivaux et les mouvements d’en bas qui défient la domination de classe et le monopole politique. Ces « travailleurs de la mort des élites » comblent une lacune lorsque les forces de sécurité officielles font défaut [3]. De nombreuses études ont démontré le rôle des paramilitaires de droite dans la défense des intérêts des blocs de pouvoir nationaux et de l’impérialisme américain pendant la guerre froide. Je soutiens ici que ce mécanisme répressif a été refaçonné à l’ère globale.

 

Restructurer la force paramilitaire comme force hégémonique à l’ère globale

 
Je m’intéresse ici au rôle changeant que jouent les paramilitaires en Haïti, à la fonction qu’ils occupent dans la répression de populations marginalisées et surexploitées sous le capitalisme global [4]. Trois facteurs majeurs ont soutenu la reproduction du paramilitarisme contemporain : 1) le soutien d’un ensemble spécifique d’élites politiques et économiques ; 2) les relations organiques qui se sont accrues au fil du temps entre les paramilitaires et l’armée et l’ancienne armée du pays ; et 3) les liens entre les patrons paramilitaires (et certaines élites) et le narcotrafic. Pour mettre cela en contexte historique, la fin de la guerre froide a coïncidé avec une ouverture démocratique en Haïti en raison de la chute de la dictature de Duvalier. Les mouvements citoyens et populaires d’Haïti sont passés au premier plan, ce qui posa un défi majeur à l’ancien ordre. À l’ère émergente de la globalisation, les paramilitaires et leurs commanditaires ont été contraints de chercher des méthodes alternatives pour exercer la violence de droite comme vecteur de domination de classe et du contrôle social.

L’argument central de ce article est que le paramilitarisme n’a pas disparu, mais qu’il a été modifié, et que cela s’est produit dans le cadre des stratégies changeantes des élites (et surtout des élites transnationales) à l’ère globale (Robinson, 1996). L’apparition de groupes paramilitaires temporaires plus petits, qui peuvent facilement passer d’un état de latence à l’autre et se réactiver, a trait à la nouvelle configuration de classe capitaliste qui s’est formée au cours des dernières décennies de globalisation et à ses stratégies de consolidation de la domination politique. Le rôle continu et changeant des forces paramilitaires fait partie intégrante de la restructuration de la région par le capitalisme global. Les élites cherchent dorénavant à minimiser et à s’éloigner des moyens bruts et ouvertement affichés pour atteindre l’hégémonie nationale et internationale du passé, elles cherchent des mécanismes plus souples et moins gênants pour maintenir le nouvel ordre dominant de la globalisation (Robinson, 1996). À présent, les forces paramilitaires ne sont utilisées que dans certaines « périodes d’urgence », dans un but de confinement, et visent ces larges populations dont la reproduction sociale n’est pas requise par le capital transnational. Cela a cependant été une situation difficile pour les élites transnationales, car elles n’ont souvent qu’un contrôle limité sur ces éléments impitoyables, corrompus et violents, dont elles ont parfois besoin.

Pour leur propre reproduction sociale, les paramilitaires auraient besoin de s’attacher plus étroitement aux chaînes de l’accumulation capitaliste, de devenir plus entreprenants, indépendants et adaptables : impliqués, par exemple, dans une formation à la sécurité privée et le narcotrafic, tout en maintenant leurs anciens réseaux de droite et en étant capables de se redéployer quand il le faut. Comme on peut le constater dans d’autres endroits de cette région, tel qu’au Salvador et en Colombie, il y a eu des tentatives de réformer et mettre à jour les organisations paramilitaires au cours des dernières décennies (Hristov, 2016 ; Mazzei, 2009). La fonction changeante des forces paramilitaires s’est développée à la fois à travers des conditions locales particulières et des caractéristiques structurelles évolutives du système global.

La nécessité pour les élites d’ajuster le paramilitarisme en tant que moyen de contrôle a été fortement influencée par les facteurs suivants : i) le succès croissant des mouvements démocratiques en Haïti et dans le monde et, donc, la nécessité pour les élites d’obtenir une légitimité démocratique et de ne pas apparaître comme étant ouvertement dépendantes d’une force brute visible ; ii) les pressions internationales et nationales en matière des droits de l’homme ; et iii) les objectifs changeants des décideurs transnationaux opérant à travers diverses institutions supranationales et nationales afin de créer des formes plus acceptables de gouvernance (par des formes consensuelles d’hégémonie), au fur et à mesure que les nations du monde entier s’intègrent à l’économie globale. En outre, en Haïti en particulier, le succès du nouveau gouvernement constitutionnel en matière de dissolution de l’armée haïtienne (en 1995) signifia que si la violence paramilitaire devait être utilisée comme moyen répressif, il faudrait la reconstituer de manière plus secrète et plus souple.

Afin de comprendre les changements que les forces paramilitaires ont subis en Haïti au cours des dernières décennies, il faut reconnaître les changements de l’État et de la structure des classes au cours de cette période. Je souhaite, ici, examiner le paramilitarisme dans le contexte des tensions politiques, des conflits sociaux et de la restructuration économique qu’Haïti a vécus au cours de son intégration à l’économie globale. Au cours des dernières décennies du 20e siècle et au début du 21e siècle, le capital a commencé à se transnationaliser à travers le monde, devenant de plus en plus fonctionnellement intégré au-delà des frontières (Robinson, 2004, 2014). Les capitalistes cherchent à se libérer de diverses contraintes nationales, telles que la réglementation étatique qui leur avait été imposée au cours de la première phase internationale du capitalisme global (Harvey, 1991, 2005).

La transition vers la phase de globalisation s’est produite au fur et à mesure que les économies nationales et internationales du passé se sont fragmentées et intégrées dans de nouveaux circuits transnationaux d’accumulation. S’efforçant de s’adapter aux conditions économiques et structurelles changeantes, de nouveaux arrangements politiques polyarchiques ont eu lieu dans de nombreuses régions du monde au cours des dernières décennies du 20e siècle et au début du 21e siècle. Robinson (1996) décrit la « polyarchie » comme le processus par lequel des segments de groupes dominants locaux et étrangers, de plus en plus interconnectés et orientés vers l’extérieur, ont fait pression en faveur de systèmes électoraux étroitement gérés où les citoyens sont limités à choisir entre des élites concurrentes. Elle a servi de méthode perfectionnée pour parvenir au consentement hégémonique. Cela s’est produit en même temps que le néolibéralisme, qu’Harvey (2007) décrit comme étant un mécanisme de reconcentration du pouvoir économique entre les mains des principaux secteurs de la bourgeoisie.

Dans différentes parties du monde, les élites étatiques à orientation transnationale ont donc fait pression en faveur de ce processus de restructuration, d’abord à travers des politiques néolibérales de privatisation et d’austérité et, plus généralement, en cherchant à s’intégrer plus profondément dans une économie globale basée sur la transnationalisation de la production (Dicken, 2011; Freeman, 2000) et de la finance (Watson, Eds., 1985 ; CARICOM, 2005). En Haïti, cela s’est produit grâce à la création de zones de libre-échange (utilisant souvent du travail féminisé), l’exportation de main-d’œuvre migrant et le flux inversé des transferts de fonds, le tourisme global, les ventes à l’importation et l’industrie bancaire. Cependant, cette restructuration économique a provoqué des crises de légitimité pour les législateurs du gouvernement, car ils se sont éloignés (ou ont été forcés de s’éloigner) de la planification indicative (du développement) du passé (afin d’encourager le développement économique national). Les élites et les technocrates à orientation transnationale pensent que, pour se développer, il leur faut insérer leurs États et institutions nationales dans des circuits globaux d’accumulation (Robinson, 2010 ; Dominguez, Eds., 1996). Ils ont besoin d’accès au capital et le capital est entre les mains des capitalistes transnationaux. En même temps, les élites du gouvernement doivent continuer de plaire à leur public d’origine. Cela crée beaucoup de difficultés et de contradictions pour elles.

Nous pouvons voir combien de sous-traitants dans le monde, y compris dans les zones sous-développées, cherchent à intégrer leurs activités commerciales dans le capital transnational (Dicken, 2011). De nombreux groupes dominants locaux dans les pays à faible revenu et sous-développés, comme Haïti, ont subi plusieurs importantes transformations à cause de la globalisation capitaliste, mais ils font aussi face à des conditions historiques radicalement différentes de celles de leurs homologues des régions qui sont économiquement plus développées. Dans les Caraïbes et d’autres parties du Sud, afin de garantir leur propre reproduction sociale, les groupes dominants locaux (certains se transforment en capitalistes transnationaux eux-mêmes) en viennent à promouvoir une intégration plus profonde de leurs pays dans l’économie globale tout en les soumettant aux exigences des institutions supranationales.

Les principaux décideurs politiques et investisseurs considèrent Haïti, en particulier, comme une situation d’urgence dont la solution est d’approfondir l’intégration du pays dans l’économie globale. À cause des particularités de la fracture sociale extrême d’Haïti et la mobilisation proactive de ses mouvements populaires, il est difficile d’avoir une transition en douceur vers un système polyarchique. L’« ancien ordre » d’Haïti a un lourd passé où il employait la violence pour réprimer les surnuméraires du pays, la population dont la reproduction sociale n’est pas exigée par le capital. Pourtant, les élites locales ont des difficultés à se fixer, autour d’un projet de nouveau bloc historique globaliste, dans lequel elles doivent changer plusieurs de leurs stratégies et priorités précédentes. C’est ainsi que, grâce à la facilitation ou à l’intervention des États-Unis et des organisations internationales, « l’ordre » a été installé et surveillé. En réalisant ces transitions politiques au cours des dernières décennies, les membres de la bourgeoisie transnationale ont utilisé les formes les plus sophistiquées de « pouvoir par cooptation » comme en témoignent les coups d’État au Honduras, au Paraguay et plus récemment au Brésil. Ils peuvent compter sur des « gardiens de la paix internationaux », des organisations telles que le NED (National Endowment for Democracy), les grands médias et des campagnes de sabotage financier et politique complexes et secrètes. En Haïti, ils préfèrent travailler avec des élites locales à orientation transnationale, des gens comme Edmond Paultre, Léopold Berlanger ou Laurent Lamothe. Une telle approche consiste à maîtriser, transformer et changer l’image des groupes armés locaux utilisés par les régimes autoritaires passés. Ainsi, la caractéristique la plus importante de l’évolution du paramilitarisme en Haïti a été le passage de ce qui était autrefois un mécanisme très visible, omniprésent et relié à l’État pour obtenir une coercition hégémonique sous le régime Duvalier, vers des formations répressives malléables et plus adaptables utilisées maintenant pendant certaines périodes de « crise » (puis contenues par la suite).

Nous pouvons identifier des groupes paramilitaires particuliers qui représentent le mieux des phases spécifiques de l’histoire récente d’Haïti. Ce sont : 1) les Tontons Macoutes (officiellement connus sous le nom de Volontaires de la Sécurité Nationale ou VSN), 1959-1986, 2) les Attachés, 1987-1991, 3) le FRAPH (Front Révolutionnaire pour l’Avancement et le Progrès Haïtien), 1993-1994, et 4) le FLRN (Front pour la Libération et la Reconstruction Nationale), 2000-2005. La taille de chaque organisation successive a diminué par rapport à son prédécesseur. Chacune a été créée et conçue pour répondre à des conditions particulières et a fonctionné souvent de manière de plus en plus flexible et dans des environnements plus contestés car les forces démocratiques se sont opposées à elles. Certains des hauts dirigeants paramilitaires en Haïti ont occupé des postes dans l’armée et la police dans le passé. Pourtant, depuis les processus judiciaires lancés au milieu des années 90 (Concannon, 2000-2001) et le démantèlement de l’armée, ces forces répressives de droite n’ont pu, pendant quelques temps, bénéficier des largesses de l’État haïtien. C’est dans ce contexte que les groupes armés de droite en Haïti sont devenus plus privatisés, plus sensibles aux conditions changeantes et avec des effectifs plus restreints. Nous allons brosser un tableau de ces phases.

 
1. Les Tontons Macoutes (1959-1986)

 

Les Tontons Macoutes (1959-1986) furent la première phase du paramilitarisme contemporain et ils sont un élément-clé du tournant historique des forces paramilitaires en Haïti. Cette organisation suivit la formation d’une force militaire moderne et le renforcement de la force auxiliaire rurale du pays, sous l’occupation américaine entre 1915 et 1934. Cette occupation ne se termina qu’après que ces forces furent capables de continuer l’occupation par procuration et, au milieu du 20esiècle, elles furent utilisées à différents moments pour réprimer les mouvements ouvriers et politiques.

Avec la montée de la dictature duvaliériste durant la guerre froide à la fin des années 1950, les Tontons Macoutes, une force paramilitaire nationale, furent formés par le régime pour solidifier son règne par la force et réprimer les potentiels dissidents. Entre 1961 et 1962, la mission de formation militaire de l’armée américaine offrit une formation et des armes aux VSN mais, en 1963, la mission finit par être expulsée par François Duvalier lorsque ses officiers commencèrent à désapprouver le défi que posaient les VSN à la suprématie de l’armée haïtienne. De plus, les agents des États-Unis se mirent à soutenir implicitement l’escadron de la mort qui déjoua plusieurs invasions et soulèvements révolutionnaires d’inspiration cubaine. La monopolisation brutale du pouvoir par le régime empêcha la progression des forces de gauches et démocratiques du pays, elle consolida également le népotisme et des réseaux de patronage qui allaient du haut de l’échelle sociale jusqu’en bas (Laguerre, 1982).

Il avait déjà existé des milices répressives dans le passé, mais ce qui distingue les Tontons Macoutes, c’est qu’ils devinrent une force beaucoup plus permanente et institutionnalisée qui créa des sections dans toutes les communautés urbaines et rurales du pays. Les sections dans les petites et grandes villes rassemblaient, à travers le pays, de quelques douzaines à quelques centaines de paramilitaires Macoutes. La reproduction du groupe dans la société était liée directement à son fonctionnement et à ses profits en tant qu’appareil répressif et mécanisme idéologique pour l’État duvaliériste. De même, les chefs de section et leurs adjoints, qui venaient principalement de petites familles de paysans propriétaires terriens, opéraient à travers le pays comme un bras du régime.

En tant que groupe social, le plus souvent issus de milieux pauvres, les Macoutes comprenaient également quelques individus issus de classe moyenne et classe supérieure qui s’élevèrent jusque dans les rangs supérieurs. Dans une étude ethnographique d’un quartier de Port-au-Prince (Bel Air), l’anthropologue Michel Laguerre constata qu’au départ les Macoutes avaient été assemblés à partir d’une société secrète, une association littéraire et un groupe de fonctionnaires. Au fil du temps, beaucoup de ses membres provinrent de communautés urbaines et rurales pauvres, de la classe ouvrière et la paysannerie. Laguerre remarqua que : « Les salaires des Tontons Macoutes varient en fonction de leurs positions dans la hiérarchie et de leur lien avec les fonctionnaires du gouvernement » (Laguerre, 1982 : 110-114). Certains Tontons Macoutes travaillaient pour des représentants de la ville ou étaient rémunérés plus s’ils travaillaient directement pour le Palais National. Les bénévoles des Macoutes, sans salaire, avaient la possibilité de porter une arme à feu. Un réseau secret d’informateurs et de policiers au sein des Macoutes était rémunéré par des chefs de régime à huis clos et devait surveiller l’organisation de l’intérieur. Alors que l’armée comptait environ 10 000 hommes et qu’il y avait environ 6 000 agents dans la police, un minimum de 36 000 personnes étaient censées appartenir à la force paramilitaire Macoute, certains d’entre eux étant les chefs des sections rurales et leurs adjoints (Sylvain, 2012).

Quelques paramilitaires Macoutes avaient également servi dans l’armée haïtienne à différents moments de leur carrière, ce qui forma une relation symbiotique avec les FAd’H (Forces Armées d’Haïti). Comme l’a expliqué le politologue Jean-Germain Gros, dans certains cas, « les fils des Tontons Macoutes de haut rang, qui n’étaient pas qualifiés pour entrer à l’académie militaire ou ne voulaient pas se soumettre à des exercices rigoureux, devinrent tout de même des officiers après avoir suivi des cours intensifs au camp d’application » (Gros, 2011 : 111). Les États-Unis jouèrent un rôle clé dans la création de ce groupe paramilitaire. Alors que les responsables politiques des États-Unis concevaient de nouvelles stratégies de contre-insurrection à travers l’hémisphère (après la Révolution Cubaine de 1959), la CIA cherchait à soutenir de telles forces en Haïti. Au début des années 1960, un contingent de militaires américains sous le commandement du lieutenant-colonel Robert Debs Heinl, Jr., entraînèrent des paramilitaires Tontons Macoutes aux côtés d’unités de l’armée haïtienne [5]. C’est aussi pendant les années 1970 et 1980 que les hauts échelons de l’armée haïtienne prirent le contrôle et bénéficièrent énormément des points de transbordement du pays pour le narcotrafic, effectuant la traversée à bord de petits avions Cessna et de vedettes rapides en provenance d’Amérique du Sud jusqu’aux Caraïbes et à destination de l’Amérique du Nord et parfois de l’Europe [6].

Il est important de noter que, suite à la mort de François Duvalier en 1971, l’investissement des entreprises et l’aide gouvernementale des États-Unis au régime de son fils, Jean-Claude Duvalier, augmentèrent considérablement durant les quinze années qui suivirent, faisant ainsi passer le centre de gravité du mode de production principal d’Haïti du semi-féodalisme avec quelques incursions capitalistes, basé sur les petits métayers paysans, à un capitalisme clientéliste, basé sur des usines d’assemblage. Ce changement rapide et profond des forces productives et de la structure économique d’Haïti finit par nécessiter un changement correspondant dans la superstructure politique, avec laquelle la violence arbitraire des Tontons Macoutes et le règne d’un dictateur à vie n’étaient pas compatibles. Par conséquent, les États-Unis ne firent rien pour arrêter la chute du pouvoir de Duvalier en 1986, tout en reconnaissant ses services en lui fournissant un C-130 afin de l’évacuer vers la France avec sa série de voitures de sport.

La chute de Duvalier en février 1986 fut suivie par un régime militaire néo-duvaliériste, qui dut accepter une nouvelle constitution en mars 1987, laquelle était extrêmement populaire. Alors qu’elle fut une victoire sur les anciennes forces répressives, la nouvelle constitution était également imparfaite, ayant été influencée en partie par les idéologues de la bourgeoisie haïtienne et l’oligarchie terrienne. Tout en étant obligés de céder à certaines exigences des classes populaires, les secteurs politiques et économiques dominants cherchaient maintenant à orienter une transition politique loin du despotisme et vers une nouvelle démocratie bourgeoise [7].

La force paramilitaire des Tontons Macoutes fut officiellement dissoute après la chute de Duvalier, et la nouvelle constitution fut promue sur la base d’une clause qui interdit aux Duvaliéristes « zélés » (c’est-à-dire les dirigeants des VSN) d’occuper un poste dans la fonction publique pendant une décennie. Ces progrès démocratiques résultèrent : (1) des manifestations de masse et des représailles populaires croissantes et de la défense contre les paramilitaires, ainsi que (2) du besoin perçu par les puissants partisans de l’État haïtien (comme les officiels américains) de créer un climat politique dans le pays plus acceptable et moins gênant.

Alors que les partisans les plus publics et les plus hauts placés de Duvalier furent forcés de se retirer des postes politiques, bon nombre des réseaux et des alliés de l’ancien ordre (bien que fonctionnant dans de nouvelles circonstances) restèrent enfouis dans l’État et les cercles du pouvoir. Même si la force Macoute fut dissoute officiellement, l’importance des forces paramilitaires continua sous une autre forme.

 

Jeb Sprague-Silgado enseigne au Département de sociologie de l’Université de Californie à Santa Barbara. Il est notamment l’auteur de Paramilitarism and the Assault on Democracy in Haiti  (Monthly Review Press, 2012) et de prochain livre The Caribbean and Global Capitalism. Son site Web académique est disponible ici: https://sites.google.com/site/jebsprague/

 

Notes
 
[1] Bien que mon livre sur ce sujet (Sprague, 2012a) fournisse une documentation détaillée et des recherches d’investigation historiques qui examinent les forces paramilitaires haïtiennes contemporaines, cet article examine ce phénomène à travers le cadre théorique de l’économie politique globale. Tout le travail intellectuel est collectif, car mon travail ici s’appuie sur le travail intellectuel de beaucoup d’autres, dont certains ont eu l’occasion d’en être informés. Je remercie en particulier le Dr Hilbourne Watson, le Dr Jasmin Hristov et le futur professeur Salvador Rangel qui, dans l’esprit du compañerismo, me fournit de nombreux commentaires sur une ébauche de ce article. Je dois également remercier Alice Endame pour son aide dans la traduction de cet article. Pour voir les photos qui accompagnent cette recherche, veuillez visiter : http://jebsprague.blogspot.com/2013/01/paramilitarism-in-haiti-photo-mon…. Pour lire ma plus récente analyse des conditions politiques et structurelles en Haïti, en République Dominicaine et en Jamaïque, voir : Sprague, 2013, 2014 ; Sprague-Silgado, 2016.

Mon livre offre une documentation détaillée et une enquête sur le paramilitarisme en Haïti avant et après le coup d’état de 2004 et la façon dont les groupes paramilitaires (et ceux qui les soutiennent) ont changé depuis l’ère duvaliériste jusqu’au début du 21e siècle. Le livre a reçu des commentaires positifs en général (Kaussen, 2015 ; Anglade, 2014 ; Podur, 2014 ; Smith, 2013 ; Pierre, 2013 ; Poinsette, 2013 ; Taylor, 2013 ; Barker, 2012 ; Fernandez, 2012 ; Wisskirchen, 2012, Tomes, 2012 ; Terral, 2012 ; Scherr, 2012). Cependant, le livre a également été critiqué pour d’autres raisons, parmi elles, (1) il n’a pas clairement théorisé le phénomène du paramilitarisme (Gutiérrez, 2015), (2) il met trop l’accent sur le rôle du pouvoir mais pas assez sur les conditions structurelles Gros, 2015), (3) il ne parvient pas à théoriser et à analyser la nature de l’état « raté » ou faible (Gros, 2015), (4) le livre présente parfois « un certain déterminisme pour expliquer les actions des classes populaires et des élites » (Smith, 2014), (5) il était trop peu critique de FL, car Gros (2015) avance que le projet politique FL a aggravé « la structure formelle, comme l’état, des règles et des normes informelles inhérentes à la culture » ou, d’un point de vue opposé, qu’il faisait trop l’apologie pour les politiques relativement modérées du gouvernement Aristide (Gutiérrez, 2015), le livre comprend (6) une mention aléatoire du conflit en Colombie (Gutiérrez , 2015), et (7) il ne reconnaît pas que le paramilitarisme est en fait enraciné dans une culture de banditisme et l’absence d’une culture locale de pardon, par exemple la non-existence du mot « désolé » dans le kreyol haïtien (Gros, 2015).

Sur les points 1 et 2, je suis tout à fait d’accord, et ce sont des domaines que j’ai essayé d’améliorer dans ce article et de traiter plus longuement dans mon prochain livre (Sprague-Silgado, 2018). Sur le point 3, je suis d’accord en partie : l’analyse du paramilitarisme a besoin d’une meilleure théorisation du rôle de l’état, cependant je ne suis pas d’accord avec l’argument de « l’état raté » dont Gros (2015) pense que j’ai besoin. L’approche de « l’état raté » des politologues a tendance à attribuer la plus grande part de responsabilité pour les « états ratés » au rôle des officiels locaux plutôt qu’à contextualiser historiquement les faiblesses de ces états à cause du sous-développement, le colonialisme, l’impérialisme et, par exemple, le rôle des puissants intérêts dans l’affaiblissement des gouvernements progressistes et gauchistes, ainsi que la façon dont les différents groupes sociaux et les forces sociales se solidifient et fonctionnent à travers les appareils d’état.

Sur le point 4, Smith a largement raison ; le livre a besoin d’une explication plus nuancée du conflit de classe et des relations de classe, en reconnaissant plus clairement les nombreuses contradictions, les divers groupes intermédiaires, les complexités de la reproduction sociale et des relations contingentes. Pour le point 5, oui, il est vrai que le livre pourrait examiner de manière plus critique les politiques de FL et ses responsables, mais comme ces critiques ont été répétées ad nauseam et souvent de manière à ignorer complètement la lutte et les réalisations positives du mouvement Lavalas, je me suis senti obligé de concentrer mon récit sur le rôle non signalé et largement non documenté des groupes puissants dans l’affaiblissement et le renversement du gouvernement réformiste et constitutionnellement légitime du pays et dans le ciblage violent d’un si grand nombre issu des classes populaires du pays. En outre, comme je l’ai expliqué dans mon livre, je suis d’accord avec certaines des critiques de FL que Hallward (2008), par exemple, a faites sur sa désorganisation et plusieurs de ses compromis et échecs. Sur le point 6, je suis tout à fait d’accord avec Gutiérrez (2015) pour dire que ma brève disjonction d’une phrase pour discuter de la Colombie dans la conclusion de mon livre aurait dû être enlevée, car ce n’est pas mon domaine d’expertise, et la phrase que j’ai incluse était basée sur les commentaires d’un ancien narcotrafiquant que j’ai interviewé. Cependant, il est étrange que Gutiérrez rejette tout le livre à cause de cette digression.

En ce qui concerne le point 7, à mon avis Gros accuse la culture haïtienne pour ce qui est bien évidemment de la violence parrainée par les élites étrangères et nationales au cours de ces années. Peut-il vraiment ne pas avoir vu que c’était les troupes américaines et les forces paramilitaires (et non ses soi-disant « bandits ») qui ont, en fait, effectué le coup d’état et la violence paramilitaire avant et après le coup d’état ? À un moment donné dans sa critique de mon livre, Gros (2015) décrit Emanuel Constant (le fondateur des escadrons de la mort de FRAPH) comme un personnage populaire. Sur quoi se base-t-il ? Aurait-il été aussi populaire que le fondateur du FLRN, Guy Philippe, qui, aux élections de 2006, a réussi à obtenir 2% des suffrages ? Cette culture défectueuse n’aurait-elle pas dû avoir un certain impact aux urnes ? Et Constant, le « populaire », était-il protégé en Haïti par sa culture défectueuse ou par les activités de l’ambassade des États-Unis, de la CIA et de leurs alliés locaux ? La critique de Gros se distingue en ce qu’on dirait qu’elle a été écrite par deux personnes : la première moitié par quelqu’un de prudent et raisonnable, la deuxième partie par quelqu’un qui a peut-être sauté une grande partie du livre. En ce qui concerne sa prétention selon laquelle le mot « désolé » n’existe pas dans le Kreyol haïtien, il doit savoir qu’il existe des expressions avec un sens similaire : « Mande Padon » pour demander pardon, ou, selon la situation, « dezole, ekskiz » pour dire désolé pour une simple erreur.

Avec un texte aussi détaillé et parfois fastidieux à lire (comme Kaussen [2015] le souligne à juste titre), beaucoup de lecteurs de mon livre de 2012 n’ont probablement pas lu toutes les 400 pages, ce qui semble être le cas de Gutiérrez (2015), qui ne mentionne jamais les points les plus importants du livre dans sa brève critique : comme montrer, pour la première fois : 1) que les responsables des États-Unis et des Nations Unies supervisèrent de près l’intégration des anciens paramilitaires dans la police haïtienne ; 2) sa documentation détaillée sur le rôle des responsables du gouvernement dominicain, d’élites haïtiennes particulières et des agents du renseignement étrangers pour favoriser la violence paramilitaire (avec beaucoup plus de détails et d’enquêtes que l’excellente étude de Hallward [2008]) ; et 3) une chronologie de la campagne paramilitaire complexe et difficile à reconstituer. J’ai rédigé la grande majorité de mon livre de 2012 alors que je me concentrais sur la recherche d’investigation et historique, et je n’avais pas encore intégré cela dans une approche plus nuancée sur l’économie politique. Dans ce article, j’ai tenté de donner brièvement les conclusions et les arguments du livre, ainsi qu’une approche plus structurée et théorisée de la compréhension du paramilitarisme dans le contexte des tensions politiques, des conflits sociaux et de la restructuration économique.

[2] Je voudrais clarifier la différence entre le national, l’international et le transnational. Alors que les processus nationaux se déroulent à l’intérieur des frontières de l’état national, les processus internationaux traversent les frontières. Les processus transnationaux, qui se produisent également au-delà des frontières, se font par intégration fonctionnelle. L’intégration fonctionnelle se réfère à la façon dont la composition de différentes éléments (ou différentes agents) est constituée leur fonctionnement en commun. Les processus qui se déroulent au-delà des frontières modifient les manières dont l’espace et la géographie sont impliqués dans la production matérielle et sociale.

[3] Alternativement, nous pourrions les décrire comme des « entrepreneurs indépendants engagés par les élites », tout comme un groupe de rara ou un maçon, qui pourrait ou pas choisir de travailler pour un employeur, en fonction de nombreux facteurs. Ainsi, l’étiquette « travailleur » peut être un peu trompeuse. En revanche, un soldat de l’armée avait plus le statut de travailleur : il ou elle devait respecter la discipline, les ordres, les heures, etc. Même les membres des anciens VSN avaient un statut plus « travailleur » par rapport à la nouvelle situation plus précaire des paramilitaires. Les nouvelles forces paramilitaires ressemblent davantage à des « agents libres ». Tout le monde est chef et personne n’est chef, ils ont des alliances, des rivalités, des querelles et des collaborations en dents de scie et certains sont souvent ivres. Cependant, ils peuvent se montrer professionnels et extrêmement dangereux. Cela dit, je crois que le terme flexibilisation aide à décrire comment ils sont passés d’une relation plus permanente dans le passé à une relation plus précaire qui ressemble à un contrat de sous-traitance ces dernières années.

[4] Comme je l’ai mentionné dans le premier chapitre de mon livre (Sprague, 2012a), il existait des formes antérieures de répression interne avant les Tontons Macoutes, mais jamais d’une telle manière institutionnalisée et à grande échelle.

[5] Heinl est le co-auteur du livre Written in Blood: The Story of the Haitian people (Heinl et Heinl, 2005). Pour en savoir plus sur cette période durant laquelle Heinl a dirigé le contingent militaire américain à Port-au-Prince qui a formé les Tontons Macoutes, consultez l’interview de la journaliste Leslie Cockburn avec l’industriel Butch Ashton sur la façon dont les armes et les entraîneurs américains ont été fournis à l’armée et aux paramilitaires haïtiens au cours des premières années du régime Duvalier. Disponible en ligne ici .

[6] Pour comprendre ce phénomène, j’ai énormément bénéficié d’interviews approfondies avec un individu élevé dans une famille bourgeoise en Haïti. Cette personne était disposée à me parler ouvertement sur cette expérience. Cet individu a parlé sous couvert d’anonymat (Sprague, 2011).

[7] Voir l’excellente discussion de Roberto Regalado (2007) sur la démocratie bourgeoise et le changement de moments historiques/moyens de production.

 

Source: Journal de Notre Amérique

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